Rapport n° 293 (2015-2016) de M. François ZOCCHETTO , fait au nom de la commission des lois, déposé le 13 janvier 2016

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N° 293

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 janvier 2016

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , relatif à l' information de l' administration par l' institution judiciaire et à la protection des mineurs ,

Par M. François ZOCCHETTO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

3261 , 3293 et T.A. 626

Sénat :

242 et 294 (2015-2016)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 13 janvier 2016, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , la commission des lois a examiné le rapport de M. François Zocchetto et établi son texte sur le projet de loi n° 242 (2015-2016), adopté en première lecture par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l' information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs .

Le rapporteur a relevé que le Sénat était saisi de cette question pour la troisième fois en sept mois, compte tenu de la censure, pour des raisons de procédure, de dispositions similaires par le Conseil constitutionnel le 13 août 2015 dans la loi DADUE et de l'adoption par le Sénat, le 20 octobre 2015, de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles. Il a ainsi déploré que le Gouvernement et l'Assemblée nationale n'aient pas décidé de s'appuyer sur cette initiative parlementaire pour faire évoluer la législation pénale.

Il a ensuite considéré qu'une telle évolution du cadre légal relatif aux modalités de transmission d'informations pénales en direction de l'administration, ou d'une autorité placée sous le contrôle de l'administration, était indispensable compte tenu des pratiques disparates des parquets en la matière et des actuelles incertitudes juridiques entourant cette problématique. Cette question se pose d'ailleurs dans des termes différents selon que la communication porte sur des condamnations ou sur des éléments d'une procédure en cours.

Puis, le rapporteur a indiqué qu'il s'était efforcé de parvenir au juste équilibre entre la nécessaire protection des mineurs et le respect des exigences constitutionnelles, au nombre desquelles le respect de la présomption d'innocence et la garantie des droits de la défense. Notant que le dispositif voté par le Sénat le 20 octobre 2015 était d'une portée plus restreinte, il a cependant proposé à la commission de faire évoluer sa position en acceptant le principe de l'instauration d'un régime général facultatif de transmission d'informations trouvant à s'appliquer avant condamnation, notamment au regard des éléments juridiques nouveaux apportés par le Gouvernement avec l'avis rendu par le Conseil d'État sur le projet de loi. Tout en acceptant également un régime obligatoire de transmission pour certaines infractions dans le but de protéger les mineurs, il a en revanche recommandé à la commission de confirmer son refus d'autoriser l'information de l'administration par les parquets sur les issues de garde à vue ou d'audition libre, compte tenu du stade trop précoce de cette information, de l'absence de garanties procédurales pour la personne mise en cause ainsi que des risques constitutionnels et conventionnels d'un tel mécanisme.

Dans cette perspective, la commission des lois a adopté 19 amendements , dont 18 présentés par son rapporteur, ayant pour objet de renforcer, dans le cadre du régime général d'information, les garanties pour la personne concernée (possibilité pour la personne de faire des observations pour toutes les décisions que le ministère public transmet à l'administration, transmission à l'administration de ces observations, possibilité de saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président en cas de non transmission par le ministère public d'une décision de relaxe ou d'acquittement) ( article 1 er ).

Concernant le régime de transmission obligatoire, les amendements de la commission suppriment la faculté pour le ministère public de transmettre l'information dès le stade de la garde à vue ou de l'audition libre et excluent certaines infractions de ce régime (exhibition sexuelle, violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail), qui demeurent néanmoins dans le champ du régime facultatif laissé à la libre appréciation des parquets ( article 1 er ).

Enfin, la commission a complété l' article 1 er pour reprendre une disposition de la proposition de loi du 20 octobre 2015 prévoyant que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention est tenu d'ordonner, sauf décision contraire spécialement motivée, le placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs de toute personne mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le cadre du régime de transmission obligatoire, sauf si cette personne est placée en détention provisoire.

Dans la même démarche, la commission a repris l'article 1 er de la proposition de loi qui prévoit que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur a un caractère automatique, la juridiction de jugement ne pouvant y déroger que par une décision spécialement motivée prise au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ( article 1 er A ).

La commission des lois a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Pour la troisième fois en sept mois, le Sénat est appelé à débattre et à statuer sur la question des communications d'informations entre l'autorité judiciaire et l'administration en cas de condamnation ou de procédure pénale en cours concernant une personne employée par l'administration ou dans une structure placée sous son contrôle. Ces initiatives législatives interviennent dans le prolongement de récentes affaires médiatisées de pédophilie survenues dans deux établissements scolaires au printemps 2015 1 ( * ) , à l'occasion desquelles il était apparu que deux personnes mises en cause pour des actes de pédophilie avaient pu continuer à exercer leurs fonctions professionnelles au contact de mineurs, alors même qu'elles avaient déjà été condamnées en 2006 et 2008 respectivement pour détention d'images pédopornographiques et pour recel de biens provenant de la diffusion d'images pédopornographiques.

Ces faits avaient conduit les ministres de la justice et de l'éducation nationale à diligenter une enquête administrative, confiée conjointement à l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche et à l'inspection générale des services judiciaires, afin d'identifier d'éventuelles défaillances organisationnelles et de faire des propositions pour y remédier.

À la suite de la remise d'un rapport d'étape par les inspections, le Gouvernement avait décidé d'introduire par amendement un article additionnel 2 ( * ) dans le projet de loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (DADUE), tendant à remédier aux lacunes de notre législation en matière de transmission d'informations aux autorités administratives de tutelle en cas de condamnation ou de procédure judiciaire en cours concernant un agent public ou un salarié exerçant une activité placée sous le contrôle direct ou indirect de l'autorité publique, de manière générale pour tout type d'infraction et de manière renforcée pour des infractions sexuelles commises contre mineur.

Votre commission, suivie par le Sénat, s'était alors opposée à cette démarche pour des raisons de principe touchant à la procédure - l'initiative, à l'instar de nombreux autres articles additionnels insérés par les députés, ne présentant pas de lien avec l'objet du texte en discussion - et de fond, au regard des atteintes excessives portées par ce dispositif au principe constitutionnel de présomption d'innocence.

Votre rapporteur ne contestait cependant pas le fait que la législation pénale relative aux infractions sexuelles commises contre les mineurs pouvait faire l'objet d'améliorations. Telle était d'ailleurs l'opinion défendue dans le rapport 3 ( * ) adopté par votre commission à l'occasion de la nouvelle lecture du projet de loi DADUE, dans lequel votre rapporteur indiquait que le Sénat pourrait utilement discuter, dans les meilleurs délais, de la proposition de loi n° 437 (2014-2015), déposée le 12 mai 2015 par notre collègue Catherine Troendlé et plusieurs de ses collègues, visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

Dans sa décision du 13 août 2015 4 ( * ) sur la loi définitivement adoptée par l'Assemblée nationale sur le fondement du dernier alinéa de l'article 45 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a fait droit à l'argumentation procédurale développée dans le recours des sénateurs et déclaré cet article additionnel 5 ( * ) contraire à la Constitution au motif qu'il ne présentait pas de lien, même indirect, avec l'objet du projet de loi. Le Conseil ne s'est en revanche pas prononcé sur le fond des arguments par ailleurs présentés dans le recours.

Avec la reprise de la session ordinaire 2015-2016, votre commission a ainsi été saisie de la proposition de loi n° 437. Dans le droit fil des travaux qu'il avait menés sur le projet de loi DADUE, votre rapporteur a également été chargé de l'examen de ce texte 6 ( * ) . À cette occasion, il s'est attaché à soumettre à votre commission, qui les a acceptées, plusieurs améliorations juridiques de la proposition déposée par notre collègue, dont les principales peuvent ainsi être présentées :

- garantir le caractère constitutionnel du dispositif prévoyant le caractère automatique de la peine complémentaire d'interdiction d'une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation pour infraction sexuelle contre mineur, en permettant au juge de moduler la durée de cette interdiction et de déroger à la peine complémentaire au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ;

- s'agissant de la communication des informations entre l'autorité judiciaire et l'administration, s'en tenir à un régime de communication ayant pour objet la protection des mineurs, limité à un certain nombre d'infractions et portant sur la transmission des décisions de condamnations ou de placement sous contrôle judiciaire assorti d'une interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs ;

- rendre obligatoire, sauf décision contraire spécialement motivée du magistrat, le placement sous contrôle judiciaire assorti de cette même interdiction pour toute personne mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ de ce régime de communication ;

- reprendre les dispositions des articles 31, 32 et 33 de la loi DADUE ayant pour objet de renforcer la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles, lesquels avaient été également déclarés contraires à la Constitution pour absence de lien avec ce texte ;

- modifier l'intitulé de la proposition de loi pour tenir compte de l'élargissement de son objet (proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles).

Examiné par votre commission des lois le 14 octobre 2015, ce texte a ensuite été discuté en séance publique le 20 octobre, discussion qui a donné lieu à l'adoption d'un seul amendement de précision déposé par notre collègue Catherine Troendlé. Votre Haute assemblée a ainsi voté le texte qui lui était présenté 7 ( * ) et formé des voeux pour que cette initiative puisse prospérer avec la navette parlementaire.

Le Gouvernement n'a cependant pas souhaité soutenir cette démarche, faisant valoir qu'il entendait présenter au Parlement un projet de loi, encore en cours d'élaboration en octobre, objet du présent rapport. Votre rapporteur ne peut que déplorer cette décision dans la mesure où la discussion aurait pu s'engager sur le fondement du texte adopté par le Sénat, ce qui aurait permis d'aboutir plus rapidement à la mise en place d'une nouvelle législation.

I. LES INSUFFISANCES DU CADRE LÉGAL JUSTIFIENT SON ÉVOLUTION

A. LES DYSFONCTIONNEMENTS EN MATIÈRE DE TRANSMISSION D'INFORMATIONS À L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE

Passée l'émotion suscitée par les affaires dites de Villefontaine et d'Orgères, constat a été dressé que l'organisation des relations entre l'autorité judiciaire et l'administration de l'éducation nationale ne garantissait pas que de tels dysfonctionnements ne puissent se reproduire à l'avenir. En outre, le cadre légal applicable est porteur d'incertitudes juridiques pour les parquets, chargés de la transmission des informations, dès lors qu'une procédure pénale est en cours.

De ce point de vue, votre rapporteur approuve la décision prise par les ministres de la justice et de l'éducation nationale d'avoir confié à leurs inspections générales le soin de conduire une analyse des causes de ces dysfonctionnements et de formuler des propositions pour y remédier 8 ( * ) . Ce document contient une analyse rigoureuse de l'état du droit en vigueur et des lacunes dans l'organisation des relations entre la justice et l'éducation nationale. À cet égard, la mission des inspections formule trois constatations principales :

- l'impossibilité d'une consultation fiable de l'application Cassiopée 9 ( * ) interdit d'affirmer que toutes les condamnations concernant des agents en fonction dans des établissements scolaires ont été transmises à l'administration de l'éducation nationale. Le rapport souligne ainsi qu'il « ne peut être exclu que des situations identiques à celles de l'Isère et de l'Ille-et-Vilaine se reproduisent » ;

- les incertitudes liées au cadre légal relatif aux transmissions d'informations à l'autorité administrative concernant des procédures pénales en cours rendent aléatoires de telles communications. Quand les jugements ont été prononcés, les obstacles sont en revanche « essentiellement liés à des problèmes organisationnels et à une inadaptation des moyens informatiques mis à disposition des parquets » ;

- les défauts de fluidité dans la transmission de l'information sont enfin imputables à l'organisation territoriale de l'administration de l'éducation nationale (les personnels du premier degré sont placés sous le contrôle des directions académiques des services de l'éducation nationale et ceux du second degré sous celui des rectorats), au manque d'interlocuteurs bien identifiés, avec des responsabilités claires, au sein des rectorats et à l'absence de dispositif d'alerte structuré de nature à occasionner des « pertes » d'information entre la justice et l'éducation nationale.

B. LES ÉCUEILS D'UNE INFORMATION PRÉCOCE DE L'AUTORITÉ ADMINISTRATIVE

La transmission des informations relatives à des condamnations pénales, même non définitives, concernant des agents placés sous la tutelle de l'administration ne pose pas de problème quant au respect du principe de présomption d'innocence. S'agissant de jugements publics, les problématiques afférant au respect du secret de l'enquête ou de l'instruction n'ont en effet plus lieu d'être. Votre rapporteur estime qu'il appartient au Gouvernement de tirer toutes les leçons des dysfonctionnements relevés dans le rapport de la mission, afin que les condamnations des agents de l'éducation nationale puissent être systématiquement portées à la connaissance de l'autorité administrative, chargée d'exercer, le cas échéant, le pouvoir disciplinaire ou d'appliquer les textes en matière d'interdiction d'exercice de certaines activités professionnelles à la suite d'une condamnation pénale 10 ( * ) .

Les ministres de l'éducation nationale et de la justice ont apporté une première réponse à ces défaillances en prévoyant, dans leur circulaire du 16 septembre 2015 adressée aux procureurs et aux recteurs 11 ( * ) , la désignation, dans chaque rectorat, d'un référent académique justice ayant vocation « à assurer l'interface entre l'éducation nationale et l'autorité judiciaire pour toutes les affaires qui concernent les élèves victimes ou mis en cause pour des faits commis dans le cadre scolaire et les agents, victimes à l'occasion de l'exercice de leur fonction, mis en cause ou condamnés ». Cette circulaire retient également le principe d'une désignation, au sein de chaque parquet, d'un magistrat chargé de « suivre les relations avec les services de l'éducation nationale et notamment avec le référent justice compétent désigné par le recteur » et ayant notamment pour rôle de s'assurer que les demandes formulées par le référent « sont prises en compte et traitées dans les meilleurs délais ».

Comme votre rapporteur avait eu l'occasion de le souligner lors de la nouvelle lecture du projet de loi DADUE et de l'examen de la proposition de loi n° 437, la question des transmissions d'information se pose dans des termes foncièrement différents au stade des poursuites, avant condamnation. En effet, la présomption d'innocence, remise au coeur de la procédure pénale française par la loi du 15 juin 2000 12 ( * ) , constitue un principe constitutionnel défini à l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dont le Conseil constitutionnel a fait application à plusieurs reprises 13 ( * ) .

Votre commission s'était ainsi opposée au dispositif proposé par le Gouvernement 14 ( * ) en ce qu'il donnait une faculté d'information sur les procédures pénales en cours, à l'initiative du parquet, à l'issue de la garde à vue d'une personne contre laquelle il aurait existé des raisons sérieuses de soupçonner qu'elle ait commis ou tenté de commettre une infraction à caractère sexuel contre un mineur.

Votre rapporteur n'est pas opposé par principe à des mesures tendant à renforcer la protection des mineurs contre les auteurs d'infractions sexuelles, à plus forte raison dans le milieu scolaire. Un juste équilibre doit néanmoins être défini par le législateur pour garantir cette protection de la manière la plus efficiente possible, dans le respect de notre ordre constitutionnel. En effet, si les deux affaires survenues au printemps 2015 sont le résultat de réels dysfonctionnements, il convient de rappeler qu'elles concernent des personnes ayant déjà fait l'objet de condamnations pénales devenues définitives. À l'inverse, la diffusion d'informations sur l'existence d'une procédure judiciaire en cours est susceptible de causer des dommages irréparables à des personnes qui auraient été injustement mises en cause.

Certes, comme le souligne le Conseil d'État dans son avis rendu sur le présent projet de loi, la jurisprudence constitutionnelle a autorisé l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire 15 ( * ) . Toutefois, le Conseil constitutionnel a jugé conforme aux exigences constitutionnelles un tel dispositif à la condition expresse qu'il ne porte pas une atteinte excessive aux doits ou intérêts légitimes des personnes concernées résultant des exigences constitutionnelles posées par les articles 2, 4, 9 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

En outre, la décision n° 2010-80 QPC du 17 décembre 2010 du Conseil constitutionnel est également de nature à éclairer les travaux du législateur, en particulier son considérant n° 5 en vertu duquel « le principe de présomption d'innocence, proclamé par l'article 9 de la Déclaration de 1789, ne fait pas obstacle à ce que l'autorité judiciaire soumette à des mesures restrictives ou privatives de liberté, avant toute déclaration de culpabilité, une personne à l'encontre de laquelle existent des indices suffisants quant à sa participation à la commission d'un délit ou d'un crime ; que, toutefois, c'est à la condition que ces mesures soient prononcées selon une procédure respectueuse des droits de la défense et apparaissent nécessaires à la manifestation de la vérité, au maintien de ladite personne à la disposition de la justice, à sa protection, à la protection des tiers ou à la sauvegarde de l'ordre public ».

En faisant l'hypothèse que le Conseil constitutionnel, le cas échéant saisi d'un recours, suivrait un raisonnement similaire pour la transmission à l'autorité administrative d'informations relatives à une procédure pénale en cours, il n'est pas douteux que le principe de protection des tiers, en l'occurrence des mineurs, pourrait être retenu mais à la condition explicite que cette transmission s'effectue dans le cadre d'une procédure respectueuse des droits de la défense . Or, votre rapporteur continue à douter que la communication d'informations à l'autorité administrative de tutelle alors qu'une enquête préliminaire est en cours permette à la personne mise en cause de bénéficier de ses droits de la défense, y compris quand une telle communication est assortie de l'obligation, comme le prévoyait l'article 30 de la loi DADUE ou comme le propose l'article 1 er du présent projet de loi, d'informer la personne de cette transmission d'informations après lui avoir permis de formuler des observations par procès-verbal.

II. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

Le projet de loi relatif à l' information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs a été délibéré en conseil des ministres le 25 novembre 2015 puis déposé, après engagement de la procédure accélérée, sur le bureau de l'Assemblée nationale.

A. LE TEXTE DU PROJET DE LOI INITIAL

Ce texte se compose de cinq articles.

L' article 1 er reprend l'économie générale de l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 16 ( * ) . Ses dispositions prévoient :

- d'instituer, en créant un article 11-2 dans le code de procédure pénale (CPP), un régime général de communication d'informations à l'administration 17 ( * ) concernant une personne qu'elle emploie, dont la mise en oeuvre est laissée à la libre appréciation du ministère public, si cette information est de nature à permettre à l'administration de prendre les mesures utiles au maintien de l'ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public. Trois catégories de décision pourraient être transmises (condamnation même non définitive, saisine d'une juridiction de jugement ou mise en examen), dès lors qu'elles concerneraient un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement. La personne serait informée de la communication de cette information. Les modalités de communication et d'utilisation de ces informations, qui ne pourraient être transmises qu'aux personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'activité de la personne, seraient définies par décret. Les personnes destinataires de l'information seraient tenues au secret professionnel, sous peine de sanctions pénales ;

- de compléter à l'article 138 du CPP les mesures pouvant être prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire afin de permettre l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise, y compris lorsque l'infraction n'a pas été commise dans l'exercice des fonctions ;

- de prévoir, par la création d'un article 706-47-4 dans le CPP, un régime d'information renforcé pour les infractions les plus graves, notamment contre mineur, commises par des personnes exerçant une activité au contact habituel des mineurs placée sous le contrôle direct ou indirect de l'administration, en vertu duquel le ministère public serait tenu d'adresser à l'administration les décisions de condamnation et de placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel de mineurs. Pour ces mêmes infractions, le ministère public aurait également, au-delà du régime facultatif de droit commun, la possibilité d'informer l'administration de la garde à vue ou de l'audition libre lorsqu'à son issue il existerait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que la personne a commis ou tenté de commettre l'infraction.

L' article 2 constitue la reprise des dispositions de l'article 31 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 18 ( * ) . Il modifie les modalités selon lesquelles, sous certaines conditions, une personne ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité sportive auprès de mineurs.

L' article 3 reprend le dispositif de l'article 33 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 1 . Il modifie, pour l'étendre, le régime d'incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles.

À l'instar de l'article 32 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 1 , l' article 4 élargit aux chefs d'établissement privé d'enseignement du premier degré le régime disciplinaire actuellement applicable aux seuls chefs des mêmes types d'établissements du second degré.

Enfin, l' article 5 rend applicable dans les îles de Wallis et Futuna, en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie l'article 1 er du projet de loi.

B. LES MODIFICATIONS DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

La commission des lois de l'Assemblée nationale a désigné notre collègue député Erwann Binet comme rapporteur du projet de loi. Elle a procédé à l'examen du texte lors de sa réunion du 2 décembre, au cours de laquelle elle l'a adopté, après modification, à l'unanimité. La discussion du projet a eu lieu en séance publique le 8 décembre 2015, les députés adoptant le texte de sa commission modifié par le vote d'un seul amendement présenté par le Gouvernement. La grande majorité des modifications retenues par les députés est d'ordre rédactionnel.

L'Assemblée nationale a en outre modifié les conditions dans lesquelles le ministère public, dans le cadre du régime général d'information (article 11-2 du CPP) peut transmettre une décision de condamnation pénale alors que la juridiction de jugement aurait expressément exclu, en application de l'article 775-1 du CPP, sa mention au bulletin n° 2 du casier judiciaire. En effet, le projet de loi initial autorisait le ministère public à transmettre les décisions de condamnation à l'administration y compris en cas d'exclusion de publication au bulletin n° 2, le ministère étant néanmoins tenu d'indiquer cette non-inscription au moment de la transmission. Jugeant qu'une telle disposition ne permettait pas de « respecter la souveraine appréciation des juges du fond » et pouvait s'avérer « contraire au principe de séparation des pouvoirs » 19 ( * ) , la commission des lois de l'Assemblée nationale a limité l'information de l'administration à l'initiative du ministère public, pour les condamnations dispensées de publication au bulletin n° 2, aux seuls cas où une première communication avait eu lieu dans la même affaire à un stade antérieur de la procédure, afin que le dossier disciplinaire puisse être actualisé en conséquence.

S'agissant de l'information de l'administration à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre, les députés ont approuvé le principe d'une transmission à ce stade de la procédure pénale, tout en reprenant la formulation du CPP en matière de mise en examen pour autoriser le ministère public à procéder à une telle information 20 ( * ) .

Enfin, s'agissant du champ des infractions entrant dans le régime d'information renforcé du nouvel article 706-47-4, l'amendement du Gouvernement voté par les députés en séance publique a eu pour effet d'élargir, compte tenu de leur gravité, le champ des crimes concernés (violences, atteintes volontaires à la vie, actes de torture et de barbarie) quel que soit l'âge de la victime, alors que le projet de loi initial les limitait aux crimes commis sur mineur de moins de quinze ans, tout en maintenant ce critère d'âge pour les délits de violence.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Comme lors de l'examen de la proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Troendlé, votre rapporteur s'est à nouveau efforcé, dans son analyse, de parvenir au juste équilibre entre protection des mineurs et respect des exigences constitutionnelles, au nombre desquelles le respect de la présomption d'innocence et la garantie des droits de la défense. Les amendements adoptés, à son initiative, par votre commission constituent ainsi le reflet de cette exigence d'équilibre.

Votre commission a tout d'abord inséré au sein du projet de loi, dans un article 1 er A (nouveau), le dispositif de l'article 1 er de la proposition de loi adoptée par le Sénat le 20 octobre 2015 afin que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur ait un caractère automatique, la juridiction de jugement ne pouvant y déroger que par une décision spécialement motivée prise au regard des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur.

S'agissant de l' article 1 er , votre commission a décidé d' accepter le principe , qu'elle n'avait pas retenu lors du vote de la proposition de loi n° 437, d'un régime général de communication portant non seulement sur les condamnations pénales mais aussi sur des procédures en cours (décisions de renvoi devant une juridiction de jugement et de mise en examen), dès lors que la mise en oeuvre d'un tel régime serait laissée à la libre appréciation du ministère public et qu'elle serait assortie de véritables garanties pour la personne mise en cause. Cet infléchissement de sa position trouve également sa justification dans les analyses développées par le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi qui a estimé possibles de telles transmissions avant condamnation dès lors qu'elles sont justifiées « par des impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur avec lesquels les droits ou intérêts légitimes de la personne concernée doivent se concilier ». Un tel dispositif apparaît, aux yeux du Conseil d'État, conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles dès lors que cette condition serait respectée et que la communication de ces informations par le ministère public est encadrée par diverses garanties.

Dans le prolongement de ce raisonnement, votre commission a par conséquent adopté plusieurs amendements modifiant les conditions d'application du régime général d'information de l'article 11-2 qui ont pour objet de :

- permettre à la personne mise en cause de présenter ses observations ;

- créer une voie de recours afin d'assurer la transmission effective par le ministère public de l'information concernant l'issue de la procédure ;

- renforcer la protection du caractère confidentiel de cette information.

Concernant le régime de transmission renforcé de l'article 706-47-4, votre commission, outre des amendements d'amélioration rédactionnelle et de simplification, a décidé de :

- supprimer la faculté pour le ministère public de transmettre l'information dès le stade de la garde à vue ou de l'audition libre, dispositif dont elle a jugé qu'il portait, au surplus hors de tout cadre procédural respectueux des droits de la défense, une atteinte excessive à la présomption d'innocence ;

- d'exclure certaines infractions de ce régime de transmission obligatoire (exhibition sexuelle, violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail), qui demeureraient néanmoins dans le champ du régime de transmission de l'article 11-2 laissé à la libre appréciation des parquets.

Si votre commission a accepté le principe d'un régime général de transmission d'informations sous certaines garanties, il demeure que l'efficacité de ce futur dispositif se heurte nécessairement à l'état de fonctionnement des parquets et au contexte de charges d'activité qui est le leur. Le rapport de M. Jean-Louis Nadal de novembre 2013 21 ( * ) rappelle la lourde charge de travail des magistrats des parquets et des greffes, « qui ne peuvent plus répondre à l'ensemble de leurs missions », ces missions n'ayant par ailleurs cessé d'augmenté en matière civile comme en matière pénale.

À cette inadaptation des effectifs à l'importance et à la multiplicité des missions du ministère public, s'ajoute l'inadaptation de leurs moyens informatiques, soulevée à de nombreuses reprises par votre commission. À ce jour, l'application de suivi de la chaîne pénale Cassiopée ne permet toujours pas une consultation fiable et les parquets ne disposent pas d'outils informatiques d'alerte leur permettant de remplir une telle mission qui exige un suivi tout au long d'une procédure. Comme le souligne la conférence nationale des procureurs de la République 22 ( * ) sollicitée par votre rapporteur, « les juridictions ne disposent à ce jour d'aucun outil informatisé d'alerte permettant de remplir les nouvelles missions imposées par le texte, notamment en cours de procédure ou bien lorsqu'on se trouve au stade de l'exécution des décisions correctionnelles. Et ce, moins encore s'il s'agit de mettre en oeuvre les nouvelles dispositions législatives alors que des milliers de procédures concernées sont actuellement en cours. Il convient de rappeler que les parquets du premier degré connaissent une crise de moyens particulièrement aiguë : absence de concours de greffe et outils informatiques largement déficients ».

Il est d'ailleurs frappant de constater l'incapacité du Gouvernement à évaluer dans l'étude d'impact de ce projet de loi les conséquences du dispositif du cadre général ou celles du régime renforcé, à l'exception des condamnations. Pourtant, les dispositifs proposés concernent principalement des informations présentencielles et non la seule transmission des condamnations pour infractions sexuelles ou violentes, qui s'élèvent toutefois à au moins 14 000 condamnations par an . Au-delà de la mise en oeuvre de ces dispositions pour les affaires nouvelles, se pose la question de la récupération des données pour les affaires déjà en cours.

Votre commission a ensuite complété l'article 1 er pour :

- prévoir que la nouvelle mesure de contrôle judiciaire (interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel de mineur) fasse l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées ;

- clarifier la rédaction de l'article 706-47 qui définit la liste des infractions à caractère sexuel ou infractions violentes faisant l'objet d'un régime procédural particulier (notamment inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, délais de prescription allongés, impossibilité de déroger à l'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire, etc.) ;

- reprendre une disposition votée par le Sénat dans la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé prévoyant que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention est tenu d'ordonner, sauf décision contraire spécialement motivée, le placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs pour toute personne mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le cadre du régime de transmission d'informations de l'article 706-47-4, sauf si cette personne est, bien évidemment, placée en détention provisoire.

À l' article 3 , votre commission a inséré une disposition, votée par le Sénat dans la proposition de loi n° 437, tendant à clarifier les conditions dans lesquelles est renouvelé l'agrément des assistants familiaux.

Enfin, votre commission a adopté les articles 2, 4 et 5 sans modification.

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er A (nouveau) (Art. 222-48-3 et 227-31-1 [nouveaux] du code pénal) Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs

L'insertion dans le texte du projet de loi de l'article 1 er A résulte de l'adoption par votre commission, sur proposition de son rapporteur, de l' amendement COM-3 . Il reprend à l'identique les dispositions de l'article 1 er de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agression sexuelle, adoptée par le Sénat le 20 octobre 2015, afin de rendre plus systématique la peine complémentaire d'interdiction d'une activité professionnelle ou bénévole en cas de condamnation d'une personne pour certaines infractions sexuelles commises contre les mineurs.

• Les peines complémentaires applicables aux personnes reconnues coupables de certaines infractions

L'article 222-45 du code pénal définit les différentes catégories de peines complémentaires qu'encourent les personnes physiques reconnues coupables des infractions prévues aux sections 1, 3 et 4 du chapitre II 23 ( * ) du titre II du livre II du code pénal, parmi lesquelles la privation des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou encore l'interdiction, établie à son 3°, « d'exercer, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

L'article 227-29 est quant à lui applicable aux personnes physiques reconnues coupables des infractions prévues au chapitre VII du titre II du livre II du code pénal consacré à la répression des atteintes aux mineurs et à la famille (délaissement de mineurs, abandon de famille, mise en péril des mineurs, etc.). Il prévoit également différents types de peines complémentaires comme l'interdiction des droits civiques, civils et de famille, l'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République ou encore l'interdiction, définie au 6°, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus, « d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs ».

• Régime juridique des peines complémentaires

Comme votre rapporteur l'avait indiqué dans son rapport sur la proposition de loi n° 437 24 ( * ) , dans sa jurisprudence, le Conseil constitutionnel applique aux peines complémentaires les principes juridiques qu'il a définis pour les peines principales. Il en résulte que la définition par le législateur des peines complémentaires doit respecter les prescriptions de l'article 8 de la Déclaration de 1789 - en vertu duquel « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires » -, et le principe d'individualisation des peines qui en découle. Par conséquent, toute peine doit être expressément prononcée par un juge, en tenant compte des circonstances propres à chaque espèce, et ce dernier doit pouvoir également en moduler la durée et l'importance.

Votre rapporteur avait alors souligné que le Conseil constitutionnel admet des peines complémentaires obligatoires dès lors que le juge n'est pas privé du pouvoir d'individualiser la peine .

Comme le souligne le commentaire de la décision n° 2011-211 QPC du 27 janvier 2012 du Conseil constitutionnel 25 ( * ) , « s'agissant des peines complémentaires obligatoires, la jurisprudence du Conseil constitutionnel se fonde sur un faisceau d'indices pour apprécier si la restriction apportée au pouvoir du juge de moduler la peine en fonction des circonstances méconnaît ou non les exigences de l'article 8 de la Déclaration de 1789. Outre le caractère plus ou moins rigide du pouvoir de modulation du juge, le Conseil constitutionnel prend en compte la gravité des faits, la sévérité de la sanction, l'existence ou non d'un lien entre la nature des faits réprimés et la nature de la sanction et, enfin, l'intérêt de la mesure au regard de l'objectif de bonne administration de la justice ».

Ainsi, le juge constitutionnel a procédé à une censure dans sa décision n° 2010-6/7 QPC du 11 juin 2010, mais aussi dans sa décision n° 2013-318 QPC du 7 juin 2013 par laquelle il a estimé qu'une peine complémentaire prévue par le code des transports était manifestement disproportionnée au regard de la gravité de l'infraction. En revanche, il a admis le principe d'une peine complémentaire obligatoire dans ses décisions n os 2010-40 et 2010-41 QPC du 29 septembre 2010, dans la mesure où le juge n'était pas « privé du pouvoir d'individualiser la peine ».

• Rendre effective la peine complémentaire d'interdiction d'exercice

Votre rapporteur rappelle également que c'est au regard du faible nombre de cas dans lesquels les juridictions usent de cette faculté que votre commission avait approuvé le principe d'une peine complémentaire obligatoire. D'après les dernières statistiques fournies alors par le ministère de la justice à votre rapporteur, en 2013 26 ( * ) , sur 2 978 condamnations pour des infractions prévues aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal (agressions sexuelles sur mineurs), 86 peines complémentaires d'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle ou bénévole auprès des mineurs ont été prononcées par les juridictions et sur 1 600 condamnations pour des infractions aux articles 227-22 à 227-28-3 du code pénal (mise en péril des mineurs), cette peine complémentaire a été décidée à 74 reprises.

Il avait été fait valoir à votre rapporteur que le caractère automatique de la peine complémentaire n'améliorerait pas la protection des mineurs puisque cette sanction ne présenterait un véritable intérêt que si la personne condamnée exerce une activité au contact habituel des mineurs, ce qui ne constitue pas la majorité des cas. Tout en prenant acte de cet argument, votre rapporteur avait cependant relevé que les affaires de Villefontaine et d'Orgères impliquent des personnes ayant déjà fait l'objet d'une condamnation pour infraction sexuelle, démontrant que les juridictions peuvent ne pas prononcer cette peine alors même que la personne condamnée travaille auprès de mineurs. Le rapport précité des deux inspections générales indique d'ailleurs qu'à la suite de ces affaires, le procureur général de Versailles a diffusé auprès des magistrats du parquet une note de politique pénale régionale sur les agressions sexuelles à l'encontre des mineurs demandant aux magistrats de requérir systématiquement le prononcé de l'interdiction professionnelle et d'interjeter appel des décisions ne suivant pas cette réquisition. Par ailleurs, si une personne condamnée n'exerce pas, au moment de la décision de justice, une activité impliquant un tel contact, rien n'interdit qu'une évolution professionnelle l'amène ultérieurement à fréquenter des mineurs. Enfin, la juridiction pourra toujours apprécier, au vu des circonstances et de la personnalité du condamné, si une dispense de peine complémentaire est opportune, à charge pour elle de la motiver.

• Un dispositif conforme aux exigences constitutionnelles

Le texte retenu par votre commission par l' amendement COM-3 est identique à celui voté par le Sénat le 20 octobre 2015.

Le 1° de l'article 1 er A complète la section 5 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal par un nouvel article 222-48-3 disposant qu'en cas de condamnation pour une infraction prévue à la section 3 du chapitre II et commise sur un mineur, la juridiction prononce la peine complémentaire prévue au 3° de l'article 222-45. Seraient ainsi concernées par la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité en lien habituel avec les mineurs les infractions qualifiées d'agressions sexuelles (viol, autres agressions sexuelles, inceste, etc.). Ce renvoi au 3° de l'article 222-45 permet à la juridiction de décider d'une interdiction définitive ou temporaire dans la limite de 10 ans, lui permettant ainsi d'individualiser la peine complémentaire. Pour assurer la constitutionnalité de ce dispositif, la juridiction pourrait, par une décision spécialement motivée, décider de ne pas prononcer cette peine en considération des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur 27 ( * ) .

Le 2° de l'article 1 er A procède à l'insertion d'un article 227-31-1 dans le code pénal afin que soit applicable la même peine complémentaire (temporaire dans la limite de dix ans ou définitive) à certaines des infractions de la section du code pénal consacrée à la mise en péril des mineurs (227-22 à 227-27, 227-27-2 et 227-28-3), parmi lesquelles la corruption de mineurs, les propositions sexuelles à un mineur, la diffusion et la consultation d'images ou de représentations pédopornographiques, etc. La juridiction pourrait y déroger dans les mêmes conditions que celles exposées ci-dessus.

Votre commission a adopté l'article 1 er A ainsi rédigé .

Article 1er
(Art. 11-2 [nouveau], 138, 230-19, 706-47 et art. 706-47-4 et 706-47-5 [nouveaux] du code de procédure pénale)
Information par le ministère public de l'administration
en cas de condamnation ou de procédure en cours et définition
d'un régime d'information renforcé pour certaines infractions

L'article 1 er du projet de loi reprend l'économie générale des dispositions de l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution pour absence de lien avec ce texte 28 ( * ) . Il s'articule ainsi autour de trois évolutions du code de procédure pénale tendant respectivement à :

- instituer un régime général de communication d'informations permettant aux parquets, sous certaines conditions et s'ils le jugent opportun , de transmettre à l'administration les décisions de condamnation, ainsi que, par dérogation au secret de l'enquête et de l'instruction, de mise en examen et de renvoi devant une juridiction de jugement pour tout crime ou tout délit puni d'une peine d'emprisonnement ;

- compléter les mesures pouvant être décidées dans le cadre d'un contrôle judiciaire afin de prévoir explicitement l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs, y compris dans le cas où l'infraction n'a pas été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de l'activité, dès lors qu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise ;

- prévoir un régime d'information renforcé, dans le but d'assurer une protection élevée des mineurs, obligeant les parquets à adresser une information à l'administration sur la condamnation ou le placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercice d'une activité au contact de mineurs pour certaines infractions limitativement énumérées, mais leur donnant également la faculté de procéder à une telle information à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre dès lors qu'il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation, ou la tentative de participation, de la personne, comme auteur ou comme complice, à la commission d'une ou plusieurs de ces infractions.

Votre Haute assemblée n'avait, dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agression sexuelle, retenu, outre le complément apporté aux dispositions relatives au contrôle judiciaire, qu'un dispositif de transmission d'informations d'une portée plus restreinte, qui ne concernait que les décisions de condamnation ou de mise en examen assortie de l'interdiction d'exercer une activité au contact de mineurs pour certaines infractions limitativement énumérées.

À l'issue de ses travaux sur le présent projet de loi, votre rapporteur a proposé à votre commission de faire évoluer sa position en acceptant le principe de l'instauration d'un régime général facultatif de transmission d'informations trouvant à s'appliquer avant condamnation, notamment au regard des éléments juridiques nouveaux apportés par le Gouvernement avec l'avis rendu par le Conseil d'État sur le projet de loi. Votre commission a accepté de suivre cette orientation à l'issue d'un débat approfondi au cours duquel plusieurs de ses membres ont néanmoins fait part de leurs fortes réticences, voire de leur opposition, au motif que l'information à un stade même avancé d'une procédure en cours portait une atteinte grave à la présomption d'innocence.

Comme il l'exposera ci-après, votre rapporteur ne saurait en revanche, et à plus forte raison, changer d'opinion sur la question de l'information de l'administration par les parquets sur les issues de garde à vue ou d' audition libre , compte tenu du stade trop précoce de cette information, de l'absence de garanties procédurales pour la personne mise en cause ainsi que des risques constitutionnels et conventionnels d'un tel mécanisme.

Avant de présenter le dispositif de l'article 1 er du projet de loi, votre rapporteur souhaite effectuer une brève présentation de l'état du droit en matière de communication d'informations pénales par l'autorité judiciaire à l'administration, directement reprise des développements qu'il avait présentés dans son rapport n° 54 précité.

• L'état du droit en matière de transmission d'informations pénales

La question de ces transmissions se pose dans des termes différents selon que l'information est effectuée au cours de l'enquête ou de l'instruction, phase pendant laquelle le secret de l'instruction et la présomption d'innocence doivent s'appliquer, ou qu'une condamnation a été prononcée par une juridiction de jugement.

1) L'information de l'autorité administrative avant condamnation

L'article 11 du code de procédure pénale détermine un principe fondamental de la procédure pénale en vertu duquel « sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ». Le non-respect de ce principe est sanctionné d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende par l'article 226-13 du code pénal.

Les dérogations légales au secret de l'enquête et de l'instruction sont en nombre limité pour :

- éviter la propagation d'informations parcellaires ou inexactes ou mettre fin à un trouble à l'ordre public (dernier alinéa de l'article 11 du code de procédure pénale) ;

- permettre de réaliser des recherches ou enquêtes scientifiques ou techniques, destinées notamment à prévenir la commission d'accidents, ou de faciliter l'indemnisation des victimes ou la prise en charge de la réparation de leur préjudice (article 11-1 du CPP) ;

- informer les plaignants et les victimes, ainsi que les agents publics ayant fait application de l'article 40 du CPP, des suites données à leur plainte ou signalement (article 40-2 du CPP) ;

- informer une victime du fait qu'une personne placée sous contrôle judiciaire a interdiction d'entrer en relation avec elle (article 138-1 du CPP) ;

- informer la personne chez qui une personne poursuivie pour un crime ou une infraction sexuelle sur mineur établit sa résidence principale ou informer l'autorité académique et le chef d'établissement si une personne poursuivie pour les mêmes motifs demeure scolarisée (article 138-2 du CPP) ;

- informer la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (article 706-6 du CPP).

Malgré un cadre légal, en apparence clair, le rapport précité des inspections générales rappelle que les pratiques des parquets en matière d'information des autorités administratives sur des procédures en cours sont disparates. Ces divergences trouvent leur fondement dans la multiplication, depuis 1813, de nombreuses circulaires 29 ( * ) (une vingtaine) ayant rappelé « la nécessité que l'administration soit informée par l'autorité judiciaire des poursuites et condamnations frappant ses agents » dans le but que l'administration puisse assurer un contrôle sur les fonctionnaires et, le cas échéant, prendre des mesures de suspension, voire engager des poursuites disciplinaires, conformément à l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 30 ( * ) .

En effet, en vertu de ces dispositions, « en cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun , l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline ». La durée de la suspension, mesure conservatoire qui ne présente pas un caractère disciplinaire, ne peut alors excéder quatre mois, l'intéressé devant à l'issue de ce délai être rétabli dans l'exercice de ses fonctions si aucune décision n'a été prise par l'autorité disciplinaire, sauf dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales. Pour la bonne application de cette disposition, il apparaît donc nécessaire que l'autorité administrative puisse être informée des procédures pénales en cours pour que l'autorité hiérarchique de l'agent puisse, si elle le juge opportun, mettre en oeuvre la suspension de l'intéressé et saisir l'autorité disciplinaire. Votre rapporteur relève au demeurant que l'économie générale de ces dispositions devrait connaître une évolution substantielle avec le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires qui, en son article 11, modifie l'article 30 de la loi Le Pors afin de privilégier, au-delà de ce délai de quatre mois, le maintien en activité de l'agent dans des conditions compatibles avec l'intérêt du service ou, le cas échéant, les obligations découlant du contrôle judiciaire 31 ( * ) .

Les différentes circulaires prévoyant ces transmissions d'information se sont par ailleurs appuyées sur une jurisprudence de la Cour de cassation 32 ( * ) selon laquelle « le secret de l'instruction ne lui étant pas opposable, le ministère public, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue , a qualité pour apprécier l'opportunité de communiquer au juge une procédure judiciaire de nature à l'éclairer ». Cette liberté d'appréciation du parquet a ensuite été reconnue par la jurisprudence pour une transmission d'informations à une administration chargée d'une procédure disciplinaire contre un fonctionnaire 33 ( * ) .

Comme le précise le rapport précité des inspections générales, certains magistrats du ministère public considèrent que la jurisprudence de la Cour de cassation, ou même le dernier alinéa de l'article 11 du CPP, constituent des bases juridiques suffisantes pour informer l'administration des poursuites pénales engagées à l'encontre de ses agents. Au contraire, d'autres magistrats du parquet estiment que le droit en vigueur interdit de telles transmissions. Enfin, la mission des inspections a constaté qu'une troisième catégorie de magistrats jugeait que le cadre juridique leur interdisait de transmettre des informations à leur initiative, mais les autorisait à répondre aux sollicitations de l'administration.

Jusqu'à présent, le ministère de la justice estimait que la jurisprudence de la Cour de cassation autorisait le parquet à prendre l'initiative d'une communication avec l'administration dès lors que les informations transmises sont en lien avec l'exercice des missions qui sont légalement dévolues au ministère public. Or, ce critère ne paraît pas totalement respecté s'agissant de la transmission d'informations à l'administration pour permettre à cette dernière d'exercer le contrôle des fonctionnaires dans la mesure où, comme le précise le rapport des inspections, « le ministère public, qui n'est pas investi du pouvoir disciplinaire, peut difficilement se réclamer de l'exercice d'une mission que la loi lui attribuerait ».

Les pratiques divergentes des parquets présentent donc d'indéniables fragilités, justifiant l'instauration d'une base légale claire à ces transmissions d'informations, qui doit cependant mettre en balance l'information de l'autorité administrative, afin de lui permettre d'exercer ses prérogatives hiérarchiques ou disciplinaires sur ses agents, avec le souci de respecter le principe constitutionnel de présomption d'innocence.

Compte tenu de ces incertitudes juridiques et alors même que l'établissement de ce cadre juridique est en cours d'élaboration, votre rapporteur tient à nouveau à faire part de son étonnement quant à la diffusion de la circulaire du 16 septembre 2015 qui donne aux procureurs et aux recteurs des instructions très précises en matière de transmissions d'information sur les procédures pénales en cours. Une telle initiative lui apparaît en effet prématurée et n'aurait dû, à son sens, intervenir qu'après l'entrée en vigueur d'un nouveau cadre légal clarifié .

Extrait de la circulaire du 16 septembre 2015

« S'agissant de l'information en cours de procédure, et conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le secret de l'enquête et de l'instruction n'est pas opposable au ministère public qui, dans l'exercice des missions que la loi lui attribue, peut apprécier l'opportunité de communiquer à un tiers des informations issues d'une procédure en cours, dans le respect de la présomption d'innocence.

Dès lors, il appartient au cas par cas au procureur de la République compétent d'apprécier si l'information de l'engagement de poursuites pour l'une des infractions précédemment mentionnées à l'encontre d'un agent qui, du fait de la nature de sa fonction, est en contact habituel avec des mineurs, est nécessaire à l'exercice par les autorités du ministère chargé de l'éducation nationale de leur mission de protection des mineurs accueillis dans le cadre du service public de l'éducation . »

Aux fins de mise en oeuvre de cette orientation, la circulaire comporte, en annexe, des modèles d'avis d'information, dont l'un concerne les procédures pénales en cours, devant mentionner la qualification des faits reprochés, la date et le lieu des faits, le contexte de la commission des faits et la nature des faits reprochés, la mention de l'engagement ou non de poursuites ainsi que les mesures de sûreté prises à l'encontre de la personne.

2) L'information de l'autorité administrative à l'issue d'une condamnation

La question des transmissions d'informations après condamnation pose moins de problèmes juridiques dans la mesure où le secret de l'enquête et de l'instruction posé par l'article 11 du code de procédure pénale ne trouve plus à s'appliquer. À cet égard, l'article R. 156 du même code dispose que les « arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires » peuvent être délivrés à des tiers sans autorisation du ministère public et que les autres pièces de procédure peuvent l'être avec l'autorisation du procureur de la République ou du procureur général. En cas de refus de transmission, le magistrat compétent doit notifier sa décision « en la forme administrative » et faire connaître les motifs du refus.

Le rapport des inspections souligne cependant que les dysfonctionnements relevés en matière de transmission d'informations ayant trait à des condamnations peuvent aussi être d'ordre juridique, certains parquets estimant que le cadre légal actuel ne les autorise pas à prendre l'initiative de la délivrance de copies de condamnations 34 ( * ) . Par ailleurs, il arrive également que « le jugement soit sommairement motivé, se bornant à constater que les faits, dont la qualification figure en tête de la décision, sont établis et qu'il y a lieu d'entrer en voie de condamnation ». Dans de telles hypothèses, l'administration de l'éducation nationale est amenée à solliciter des copies de pièces de procédure pour étayer les poursuites disciplinaires. Or, un refus du ministère public d'accéder à une telle demande a pu entraver le bon déroulement de procédures, voire les fragiliser en cas de contestation de la sanction prise sur leur fondement devant la juridiction administrative, « l'enseignant minorant de façon sensible les faits, soutenant que leur qualification juridique n'en rendait compte que très imparfaitement ».

Les difficultés mises à jour par la mission des inspections peuvent enfin être liées à des problèmes matériels : délais de dactylographie des décisions de justice ; mauvaises orientations, au sein des tribunaux, des demandes formulées par les services de l'éducation nationale ; délais de traitement de ces demandes.

• La clarification proposée par le projet de loi est-elle conforme aux exigences constitutionnelles et conventionnelles ?

S'agissant de l'évolution du cadre légal proposée par le présent projet de loi et de la création d'un régime général autorisant les parquets à procéder à l'information de l'administration, ou d'une autorité chargée de contrôler une activité, sur les procédures pénales en cours, il convient de souligner que le Conseil d'État, dans son avis rendu sur le texte, a estimé qu'une telle transmission était conforme, sous certaines conditions, aux exigences constitutionnelles et conventionnelles.

Dans son analyse, le Conseil d'État relève tout d'abord que la transmission d'informations nominatives sur des procédures en cours était de nature à affecter « des droits protégés par la Constitution et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ». En effet, les dispositions du présent texte sont susceptibles de porter atteinte, à titre principal, au principe de présomption d'innocence , garanti par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et l'article 6 § 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme (CESDH), mais aussi au droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne et au droit à l'exercice effectif des droits de la défense consacré par l'article 16 de la déclaration de 1789 et l'article 6 § 3 de la CESDH.

Le Conseil d'État rappelle que le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 mars 2003 35 ( * ) , a estimé qu'aucune norme constitutionnelle ne s'oppose par principe à l'utilisation à des fins administratives de données nominatives recueillies dans le cadre d'activités de police judiciaire, sauf si, par son caractère excessif, elle porte atteinte aux droits ou seulement aux intérêts légitimes des personnes concernées.

Le Conseil d'État considère qu'il est possible de porter atteinte au principe constitutionnel de présomption d'innocence ainsi qu'aux « droits ou intérêts légitimes » de la personne concernée pour répondre à des « impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur » et dès lors que la transmission d'informations est encadrée par diverses garanties.

Il souligne que cette transmission est soumise à l'appréciation de l'autorité judiciaire , en l'espèce le ministère public, des risques encourus au regard du maintien de l'ordre, de la sécurité des personnes ou des biens ou le bon fonctionnement du service public, et que cette modalité constitue une garantie importante . En outre, il juge nécessaire d'autres garanties telle qu'une limitation du champ des infractions pouvant donner lieu à une transmission d'informations, l'utilisation d'un support écrit et la confidentialité de la communication.

C'est au regard de cette analyse que votre rapporteur propose ainsi d'accepter ce régime général, tout en conditionnant son acceptation au renforcement des garanties proposées par ses amendements .

Néanmoins, votre rapporteur continue de s'interroger sur la conventionalité du dispositif au regard du principe de présomption d'innocence, de respect de la vie privée et familiale et en particulier, au regard du statut du ministère public dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

À diverses reprises, la CEDH a considéré que le principe de présomption d'innocence était violé au regard des implications matérielles sur la réputation de l'individu et notamment si « une déclaration officielle concernant un individu reflète le sentiment qu'il est coupable, alors que sa culpabilité n'a pas été préalablement établie 36 ( * ) » ou si « sans établissement légal de la culpabilité d'un prévenu et notamment sans que ce dernier ait eu l'occasion d'exercer les droits de la défense, une décision judiciaire le concernant reflète le sentiment qu'il est coupable 37 ( * ) ».

Enfin, il convient de s'interroger sur le titulaire du pouvoir d'informer l'administration . Si le ministère public est une autorité judiciaire au sens de l'article 66 de la Constitution, il n'est pas une autorité juridictionnelle. Selon la jurisprudence de la CEDH depuis la décision du 10 juillet 2008, Medvedyev c. France, les membres du parquet ne sont pas un magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires au sens de l'article 5 § 3 de la CESDH. Or dans l'affaire Leander c. Suède, à propos d'une transmission d'informations des administrations par les autorités de police et sur le fondement du droit au respect de la vie privée et familiale, la CEDH a vérifié que la décision d'informer l'employeur avait été prise par des organes pouvant décider de la nécessité de cette information et du bien-fondé de l'ingérence de l'autorité publique et présentant des garanties d'indépendance du gouvernement et de la police elle-même.

Le projet de loi soumis à votre commission fait dépendre la faculté d'informer l'administration du ministère public, qui est également en charge de l'accusation lors des poursuites . En outre, les décisions de saisine d'une juridiction par le procureur de la République sont prises à la suite d'une phase secrète et non contradictoire. De plus, aucun contrôle juridictionnel indépendant n'est prévu sur la décision du ministère public d'informer l'administration . Selon Mme Cristina Mauro, professeur agrégé des facultés de droit de l'Université de Poitiers, sollicitée par votre rapporteur, « eu égard à l'absence de tout contrôle juridictionnel indépendant sur la nécessité et le bien-fondé de l'ingérence de l'autorité publique constituée par l'information de l'administration , [cette disposition] soulève cependant des doutes quant à sa compatibilité par rapport aux exigences de la jurisprudence de la CEDH à propos de l'article 8 § 2 de la convention européenne 38 ( * ) ».

Cette analyse souligne à nouveau l'urgence et la nécessité de réviser la Constitution afin de mettre le statut du parquet français en conformité avec les exigences de la Cour européenne, comme le rappelait récemment votre commission lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats 39 ( * ) .

• Le nouvel article 11-2 du code de procédure pénale : un cadre général à la portée très large qui nécessite un meilleur encadrement de l'atteinte portée à la présomption d'innocence

Le 1° de l'article 1 du projet de loi vise à définir un cadre général de transmission d'informations entre l'autorité judiciaire et les administrations concernant la mise en cause dans des procédures pénales des personnes exerçant une activité soumise à une autorité administrative ou au contrôle d'une personne publique, d'une personne morale de droit privé chargées d'une mission de service public ou d'un ordre professionnel.

Ce cadre juridique prévoit une faculté d'information par le ministère public à destination de l'employeur des personnes, lorsque ces dernières font l'objet des décisions suivantes, pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement :

- une condamnation, même non définitive ;

- une saisine d'une juridiction de jugement par le procureur de la République ou par le juge d'instruction ;

- la mise en examen.

Une articulation entre le ministère public et les juges d'instruction
qui reste à renforcer

Le projet de loi confie au ministère public la mission de transmettre les informations relatives à une condamnation, à une saisine d'une juridiction de jugement ou à une mise en examen.

Dans le droit en vigueur, seul le juge d'instruction, en application des articles 138-1 et 138-2 du code de procédure pénale, a l'obligation ou la possibilité de transmettre à des tiers des informations concernant la mise en examen et les obligations de contrôle judiciaire. En effet, la mise en examen est prononcée par le juge d'instruction.

Or mettre à la charge du ministère public, et non du juge d'instruction, l'appréciation de l'opportunité de transmettre une information présentencielle suppose que le ministère public soit informé de l'existence de ces procédures.

Cette circulation de l'information relève de la pratique mais elle ne constitue pas une exigence légale. Votre rapporteur alerte le pouvoir réglementaire sur cette question afin qu'il prenne les mesures utiles à l'organisation de l'information du ministère public par le juge d'instruction sur les mises en examen prononcées pour le champ d'application de l'article 11-2, à savoir les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement.

L'opportunité de cette transmission d'informations devrait être appréciée au regard « de la nature des faits ou des circonstances de leur commission » et lorsqu'elle permet de « prendre les mesures utiles au maintien de l'ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public ».

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a estimé nécessaire d'assurer un meilleur encadrement de la transmission d'informations à un stade antérieur au prononcé d'un jugement sur la culpabilité d'une personne , au regard de la nécessaire proportionnalité des atteintes portées à la présomption d'innocence.

1) Un champ très large des infractions concernées

Dans son avis du 19 novembre 2015, le Conseil d'État a jugé nécessaire que la transmission d'informations antérieures à tout jugement sur la culpabilité d'une personne mise en cause soit encadrée par diverses garanties, notamment « la limitation des infractions pouvant y donner lieu ».

Votre rapporteur constate que cette limitation est cependant modeste puisque seuls les contraventions et les délits non punis d'une peine d'emprisonnement en sont exclus .

Ce champ particulièrement large des infractions concernées est susceptible de générer un nombre important de transmissions d'informations. En outre, celles-ci résultant d'une faculté soumise à l'appréciation du ministère public, il est théoriquement exigé du ministère public une évaluation sur chaque affaire concernant l'opportunité éventuelle d'une transmission. Selon la conférence nationale des procureurs généraux, « la portée très large du texte (...) place les magistrats du parquet dans une situation d'insécurité profonde dans le contexte de charges d'activités qui est le leur 40 ( * ) ».

À cet égard, votre rapporteur déplore, à l'instar du Conseil d'État, les lacunes de l'étude d'impact concernant les dispositions de l'article 11-2 du code de procédure pénale : il n'est procédé à aucune évaluation de l'impact de cette faculté d'information sur les services judiciaires . Pourtant, « la mise en oeuvre de ce dispositif qui renforce considérablement la charge de travail des magistrats des parquets et des greffes leur confère une lourde responsabilité de gestion qu'ils n'ont pas les moyens d'assumer au regard de l'état de fonctionnement des parquets 41 ( * ) ».

2) Une clarification nécessaire des finalités de la transmission de l'information qui doivent être appréciées par le ministère public

Le texte du projet de loi énumère quatre finalités à la transmission de l'information : elle doit être nécessaire au maintien de l'ordre public, à la sécurité des personnes ou des biens ou au bon fonctionnement du service public.

Si la prévention des atteintes à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes et des biens, est une mission historiquement confiée au ministère public, le bon fonctionnement du service public ne relève pas de son champ de compétence .

L'introduction de cette notion de droit administratif dans le code de procédure pénale contribuerait à confier au ministère public une nouvelle mission, en l'absence de toute évaluation de ses conséquences juridiques et alors même que le législateur est invité par des rapports récents commandés par le ministère de la justice à recentrer les magistrats sur leurs missions essentielles (action n° 9 des 15 actions pour la justice du XXI ème siècle 42 ( * ) ) et plus particulièrement à recentrer l'activité du parquet sur l'exercice de l'action publique dans les affaires individuelles 43 ( * ) .

Au surplus, le bon fonctionnement du service public ne semble pas être un objectif suffisant pour porter atteinte au principe de présomption d'innocence ni au droit au respect de la vie privée et familiale. La CESDH n'admet d'ingérence de l'autorité publique dans ce droit que pour des finalités de sécurité nationale, de défense de l'ordre ou encore de prévention des infractions pénales.

Votre rapporteur considère dès lors qu'il est préférable de clarifier la rédaction des motifs qui peuvent justifier une transmission d'informations afin de faciliter et de sécuriser les décisions des magistrats du parquet . À cet égard, votre rapporteur s'étonne du temps de travail du magistrat retenu par l'étude d'impact pour apprécier l'opportunité d'une telle transmission, à savoir 15 minutes par dossier .

La conférence nationale des procureurs généraux s'est prononcée en faveur d'une communication à des tiers rendue nécessaire pour les deux seules finalités que sont la sécurité des personnes et la prévention de la réitération des faits et a proposé en conséquence la suppression du critère lié au « bon fonctionnement du service public ». Votre rapporteur a retenu cette solution en supprimant ce critère. Cependant, il l'a étendue à la sécurité des biens car cette finalité peut, dans de rares cas, justifier une transmission d'informations. En outre, il a privilégié la notion, plus large, de prévention d'un trouble à l'ordre public, déjà présente dans le code de procédure pénale. En conséquence, votre commission a adopté un amendement COM-4 de son rapporteur , qui autorise la transmission d'une information nécessaire pour mettre fin ou prévenir un trouble à l'ordre public et pour assure r la sécurité des personnes ou des biens .

3) Un renforcement nécessaire des garanties de la personne mise en cause

Le projet de loi prévoit que cette information est donnée par écrit, que la personne intéressée est informée de cette communication et que l'information transmise doit être retirée du dossier de la personne concernée par l'administration en cas de non-lieu, relaxe ou acquittement.

Dans sa rédaction initiale, le texte indiquait que lorsqu'une information porte sur une condamnation pénale dont la juridiction de jugement a expressément exclu l'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de la personne condamnée, en application de l'article 775-1 du code de procédure pénale, cette exclusion doit être mentionnée lors de la transmission. Cette disposition a été amendée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de son rapporteur. En effet, la rédaction initiale niait l'autorité de la décision des magistrats du siège, sans motif légitime. Le texte amendé par l'Assemblée nationale prévoit désormais que la communication d'une condamnation non inscrite au bulletin n° 2 ne doit être autorisée que lorsque l'administration a été préalablement informée de la procédure et qu'il lui est donc nécessaire de connaître son issue.

Enfin, en dehors des cas portant sur une condamnation publique, toute personne destinataire de l'information est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

À l'Assemblée nationale, outre l'amendement précité, ces dispositions ont fait l'objet de trois amendements rédactionnels présentés en commission par son rapporteur.

Au regard de l'atteinte portée à la présomption d'innocence, votre commission, à l'initiative de son rapporteur, a estimé nécessaire de renforcer les garanties de la personne mise en cause en adoptant l' amendement COM-5 .

Tout d'abord, il apparaît légitime que la personne en cause puisse présenter des observations , qui accompagnent la transmission de l'information de mise en examen, de saisine d'une juridiction ou de condamnation afin de permettre un certain exercice, qui reste limité, des droits de la défense. L'information ne pourrait être transmise sans recueil préalable des observations de la personne mise en cause.

De plus, à l'issue de la procédure, votre rapporteur a souhaité créer une voie de recours pour la personne mise en cause, auprès du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d'appel, si le ministère public avait manqué à son obligation de transmettre cette nouvelle information.

Quant à la confidentialité de l'information pour préserver tout dommage à la réputation des personnes mises en cause, votre rapporteur a estimé nécessaire de préciser que cette information est secrète et qu'elle ne peut être communiquée qu'aux personnes compétentes, sous peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. Enfin, il a souhaité soumettre aux mêmes peines le fait de partager cette information pour les tiers non autorisés à en être destinataire mais qui en auraient eu connaissance. Il s'agit de prendre en compte l'hypothèse de « fuites » qui conduit à la communication à des tiers par d'autres tiers non autorisés ou à la publication de l'information, cette évolution étant d'ailleurs suggérée par la conférence nationale des procureurs de la République 44 ( * ) .

Par ailleurs, votre commission, sur proposition de son rapporteur, a considéré qu'il était préférable de mentionner qu'il soit procédé à la suppression de l'information relative à la mise en cause pénale du dossier d'activité de la personne concernée, plutôt qu'à son retrait (amendement COM-6) .

Enfin, votre commission a adopté un amendement COM-7 , présenté par son rapporteur, de portée rédactionnelle et tendant à prévoir que le décret d'application du nouvel article 11-2 du code de procédure pénale soit un décret en Conseil d'État.

• Compléter les mesures de contrôle judiciaire

Le de l'article 1 er a pour objet de compléter l'article 138 du code de procédure pénale afin de prévoir que le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut, parmi les mesures prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, prévoir une interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs.

Certes, le droit en vigueur prévoit déjà, au 12° de l'article 138, qu'un contrôle judiciaire peut comporter une interdiction d'exercer certaines activités professionnelles ou sociales. Toutefois, cette obligation ne peut actuellement trouver à s'appliquer que lorsque « l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités ». Il convenait donc de prévoir le cas spécifique de l'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs pour couvrir les cas dans lesquels les infractions auraient été commises hors de l'exercice de l'activité.

En outre, la rédaction de ce dispositif diffère de celle retenue tant par l'article 30 de la loi DADUE que par la proposition de loi votée par votre Haute assemblée le 20 octobre 2015 en ce que, sur proposition du Conseil d'État 45 ( * ) et à l'instar de ce que prévoit le 12° de l'article 138, une telle interdiction ne pourrait être imposée que s'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise.

Comme en octobre dernier, votre commission souscrit à cette évolution de la législation relative aux mesures du contrôle judiciaire, dont il convient de relever qu'elle pourrait également trouver application, conformément au dernier alinéa de l'article 142-5 du CPP, dans les cas de placement en assignation à résidence avec surveillance électronique. Afin de donner à cette nouvelle mesure sa pleine effectivité quand les magistrats la décideront, votre commission a, par l'adoption de l' amendement COM-8 présenté par son rapporteur, prévu que cette interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel des mineurs fera l'objet d'une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR), à l'instar des interdictions décidées actuellement sur le fondement du 12° de l'article 138. À cet effet, cet amendement, qui insère un bis au sein de l'article 1 er du projet de loi, effectue un renvoi au 12° bis de l'article 138 dans l'article 230-19 du code de procédure pénale, lequel est consacré aux modalités de fonctionnement du FPR.

• Une clarification nécessaire du champ d'application de l'article 706-47 du code de procédure pénale

Par l' amendement COM-9 présenté par votre rapporteur, votre commission a inséré un ter au sein de l'article 1 er tendant à clarifier le champ d'application de l'article 706-47 du code de procédure pénale.

Cet article énumère différentes infractions de nature sexuelle, concernant des mineurs victimes ou présentant un caractère particulièrement violent, qui justifient l'application d'une procédure dérogatoire, notamment en matière d'application des peines.

Les principales conséquences procédurales 46 ( * ) d'une inclusion d'une infraction dans le champ de l'article 706-47 sont le report du point de départ de la prescription de l'action publique à la majorité du mineur victime, la possibilité ou l'obligation d'une inscription au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) et la centralisation des traces et empreintes génétiques au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG). Les personnes condamnées pour certains crimes énumérés à l'article 706-47 peuvent faire l'objet d'une rétention de sûreté à l'issue de leur peine de réclusion criminelle. Par ailleurs, le régime d'information renforcé retenu au nouvel article 706-47-4 du CPP prévoit des transmissions obligatoires d'informations concernant toutes les infractions mentionnées à l'article 706-47.

Votre rapporteur a jugé utile de clarifier la rédaction de cet article dont la lisibilité a été affaiblie par ses réécritures successives.

Par exemple, le rapport des inspections générales précité mentionne des interprétations divergentes quant à l'inclusion des infractions de consultation habituelle et de détention d'images pédopornographiques dans la liste des infractions visées à l'article 706-47 et invite à une clarification législative sur ce point, par ailleurs opérée par le Sénat lors de l'adoption du texte n° 15 (2015-2016) sur la proposition relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles 47 ( * ) .

Dès lors, votre rapporteur estime qu'une clarification de l'ensemble du champ d'application, à droit constant , s'impose. À son initiative, votre commission a adopté un amendement de rédaction globale de l'article 706-47.

Les infractions mentionnées à l'article 706-47 du code de procédure pénale

- Crimes de meurtre ou d'assassinat prévus par les articles 221-1 à 221-4, lorsqu'ils sont commis sur un mineur précédé ou accompagné d'un viol, ou lorsqu'ils sont commis avec tortures ou actes de barbarie, ou lorsqu'ils sont commis en état de récidive légale ;

- Crimes de tortures ou d'actes de barbarie prévus par les articles 222-1 à 222-6 du code pénal ;

- Crimes de viols prévus par les articles 222-23 à 222-26 du code pénal ;

- Délits d'agressions sexuelles prévus par les articles 222-27 à 222-31 du code pénal ;

- Délits et crimes de traite des êtres humains à l'égard d'un mineur prévus par les articles 225-4-1 à 225-4-4 du code pénal ;

- Délit et crime de proxénétisme à l'égard d'un mineur prévus par les articles 225-7 (1°) et 225-7-1 du code pénal ;

- Délits de recours à la prostitution d'un mineur prévu par les articles 225-12-1 et 225-12-2 du code pénal ;

- Délit de corruption de mineur prévu par l'article 227-22 du code pénal ;

- Délit de proposition sexuelle faite à un mineur de 15 ans par un majeur, prévu par l'article 227-22-1 du code pénal ;

- Délits de captation, d'enregistrement, de transmission, d'offre, de mise à disposition, de diffusion, d'importation ou d'exportation, d'acquisition ou de détention d'image pornographique d'un mineur ainsi que le délit de consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition des images pornographiques de mineurs, prévus par l'article 227-23 du code pénal ;

- Délit de fabrication, de transport, de diffusion ou de commerce de message violent ou pornographique susceptible d'être vu ou perçu par un mineur, prévu par l'article 227-24 du code pénal ;

- Délit d'incitation d'un mineur à se soumettre à une mutilation sexuelle ou à commettre cette mutilation, prévu par l'article 227-24-1 du code pénal ;

- Délits d'atteintes sexuelles, prévus par les articles 227-25 à 227-27 du code pénal.

• Le régime d'information renforcé pour certaines infractions

Le de l'article 1 er du projet de loi insère un nouvel article 706-47-4 dans le code de procédure pénale. Ces dispositions sont très proches de celles qui étaient contenues dans l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 48 ( * ) . Votre Haute assemblée avait pour sa part retenu un tel dispositif de transmission d'informations, d'une portée plus restreinte, dans la proposition de loi votée le 20 novembre 2015.

L'article 706-47-4 s'articule autour de trois paragraphes ayant pour but de définir le champ des personnes et des secteurs d'activité concernés, de préciser les types d'informations assujettis à ce régime renforcé de transmission et d'énumérer la liste des infractions y étant soumises. La finalité de ce dispositif est, contrairement à celle, plus variée, de l'article 11-2, entièrement tournée vers la protection des mineurs.

1) Le champ des personnes et secteurs concernés par la transmission d'informations

Le régime général prévu par le nouvel article 11-2 du code de procédure pénale laisse le ministère public libre d'apprécier l'opportunité de transmettre à l'administration ou à une autorité assurant un contrôle sur une activité une information relative à une condamnation ou à une procédure pénale en cours. À l'inverse, le dispositif proposé à l'article 706-47-4 instaure une obligation d'information , concernant une personne, dont il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction qu'elle exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par une autorité administrative. À l'instar de ce que prévoit l'article 11-2, cette information obligatoire devrait s'effectuer sous forme écrite.

Le champ des personnes concernées serait ainsi plus restreint qu'à l'article 11-2, de même que les secteurs d'activité, puisque seule l'administration serait concernée, ou les personnes placées sous son contrôle direct ou indirect. L'étude d'impact du projet de loi précise cependant que le champ de l'article 11-2 englobe pour sa part toutes les personnes susceptibles d'être concernées par les obligations de transmission d'informations résultant de l'article 706-47-4.

La liste des activités professionnelles et sociales dont l'exercice est contrôlé directement ou indirectement par l'administration serait définie par le décret d'application de l'article.

Les secteurs d'activité relevant de l'article 706-47-4

D'après les précisions fournies à votre rapporteur par le ministère de la justice, ce décret devrait prévoir que seraient concernées par l'article 706-47-4 :

- les personnes exerçant une activité dans une école publique ou privée, un établissement d'enseignement public ou privé du second degré ou un service de l'éducation nationale ;

- les personnes employées par une collectivité territoriale exerçant une activité dans une école publique ou privée, un établissement d'enseignement public ou privé du second degré ou un service de l'éducation nationale ;

- les personnes exerçant une activité dans une école ou établissement scolaire à l'étranger ;

- les personnes exerçant une activité dans une école ou établissement scolaire relevant des ministères chargés de l'agriculture, de la défense, de la justice ou de la santé ;

- les personnes exerçant une activité dans les services d'accueils mentionnés à l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles (CASF) (mode d'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs) ;

- les personnes exerçant une activité dans les lieux de vie et d'accueil au sens du III de l'article L. 312-1 du CASF (lieux de vie et d'accueil ne constituant pas des établissements et services sociaux ou médico-sociaux) qui accueillent des mineurs ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services mettant en oeuvre les mesures éducatives ordonnées par l'autorité judiciaire en application de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante ou des articles 375 à 375-8 du code civil ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d'investigation préalables aux mesures d'assistances éducatives prévues par le code de procédure civile et par l'ordonnance précitée du 2 février 1945 ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services prenant en charge habituellement, y compris au titre de la prévention, des mineurs relevant des articles L. 221-1, L. 222-3 et L. 222-5 du CASF ;

- les personnes exerçant une activité dans les établissements ou services d'enseignement et d'éducation spéciale qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, prévus par le 2° du I de l'article L. 312- 1 du CASF ;

- les personnes exerçant une activité dans les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4 du code de la santé publique ;

- les personnes exploitant un établissement d'activités physiques et sportives ou exerçant une activité d'encadrement d'activités physiques ou sportives ;

- les personnes exploitant un établissement d'activités socio-culturelles ou exerçant une activité d'encadrement d'activités socio-culturelles, lorsque cette activité concerne ou est susceptible de concerner des mineurs ;

- les personnes régies par la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale exerçant dans un établissement ou un service d'enseignement, d'éducation et d'animation, culturel, des sports, social et de santé relevant d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public.

2) La nature des informations faisant l'objet de cette obligation de communication

Deux types d'informations seraient concernés par cette obligation de transmission des parquets à l'administration, en l'occurrence les décisions de condamnation, même non définitives, ainsi que les décisions de placement sous contrôle judiciaire dès lors qu'elles sont assorties de l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs, quand elles concernent certaines infractions limitativement énumérées.

Votre commission ne peut que réitérer son soutien à un tel dispositif que votre Haute assemblée avait adopté dans le cadre de la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles . En effet, le dispositif d'information obligatoire ne concerne que des décisions de condamnations, qui ont un caractère public et n'engagent donc pas la présomption d'innocence, ou de placement sous contrôle judiciaire, l'information ayant pour but, dans ce second cas, de prévoir que l'employeur ou l'autorité de tutelle est effectivement informée de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel des mineurs. Dans son avis, le Conseil d'État confirme cette analyse et indique qu'un tel dispositif ne porte pas, dans ces conditions, une atteinte excessive à des droits constitutionnellement et conventionnellement protégés, au surplus parce que cette transmission obligatoire ne concerne qu'un nombre limité d'infractions.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-10 qui, outre des améliorations rédactionnelles, indique expressément que l'article 706-47-4 constitue une dérogation aux dispositions du I de l'article 11-2 du code de procédure pénale dans la mesure où le principe général demeurerait une communication dont l'initiative serait laissée à la libre appréciation du ministère public, exception faite des cas prévus à l'article 706-47-4 pour lesquels le ministère public serait tenu, de par la loi, de transmettre certaines informations.

La désignation de l'autorité judiciaire chargée de communiquer
les informations à l'administration

Tant en application du régime général de l'article 11-2 que du régime d'information renforcé de l'article 706-47-4, il appartiendra au ministère public de transmettre l'information à l'administration. D'après les précisions fournies par le ministère de la justice à votre rapporteur, le décret d'application de l'article 706-47-4 devrait ainsi prévoir que le juge d'instruction informe le parquet de toutes les mises en examen concernant les personnes relevant de ce régime, et donc de leur placement sous contrôle judiciaire assortie de la nouvelle mesure prévue par le 12° bis de l'article 138. Ce « canal » de transmission d'informations présentera ainsi une divergence avec la rédaction actuelle de l'article R. 18 du code de procédure pénale qui fait obligation, lorsque le juge d'instruction fait application des mesures prévues au 12° de l'article 138 49 ( * ) , d'en donner avis « s'il y a lieu, soit à l'employeur ou à l'autorité hiérarchique dont relève la personne mise en examen, soit à l'ordre professionnel auquel elle appartient, soit à l'autorité à l'agrément de laquelle est soumis l'exercice de sa profession ». Il appartiendra au ministère de la justice de s'interroger sur l'opportunité d'une modification de l'article R. 18 pour prévoir que l'information soit également transmise par le ministère public, question non tranchée à ce stade au regard notamment du fait que l'information sur la mesure de contrôle judiciaire du 12° de l'article 138 peut concerner directement un employeur privé, alors que celle prévue par l'article 706-47-4 ne concerne que les administrations.

3) Les informations pouvant faire l'objet d'une communication

a) Les décisions de mise en examen ou de renvoi devant une juridiction de jugement

L'article 706-47-4 dispose ensuite que le ministère public peut également informer par écrit l'administration de la mise en examen ou de la poursuite devant la juridiction de jugement par le juge d'instruction ou le procureur de la République d'une personne exerçant les mêmes activités que celles imposant la transmission des informations, dans les conditions définies ci-dessus. Votre rapporteur s'est interrogé sur l'utilité d'une telle précision qui lui est apparue redondante avec le cadre général défini à l'article 11-2 autorisant le parquet à communiquer de telles décisions pour tout crime ou tout délit puni d'une peine d'emprisonnement. En effet, dans la mesure où toutes les infractions, définies au II de l'article 706-47-4, entrant dans le champ du régime renforcé de transmission d'informations sont, quand il s'agit d'un délit, punies d'une peine d'emprisonnement, votre rapporteur n'a pas jugé souhaitable de conserver un tel dispositif qui pourrait créer des incertitudes et des confusions quant à son application par les parquets. De même, comme votre rapporteur l'a souligné précédemment, toute personne concernée par le dispositif de l'article 706-47-4 entre nécessairement dans le champ des secteurs d'activité définis à l'article 11-2. Enfin, alors que l'article 11-2 définit les motifs fondant une décision de transmission (maintien de l'ordre public, sécurité des personnes, etc.), les dispositions de l'article 706-47-4 ne font référence à aucune condition de cet ordre, ce qui n'apparaît pas justifié. Le dispositif d'information renforcé ayant vocation à assurer la protection des mineurs, il apparaît qu'une transmission effectuée par un parquet en application de l'article 11-2 trouverait naturellement sa justification sur le fondement du critère de sécurité des personnes.

Ces différents arguments ont par conséquent conduit votre rapporteur à présenter à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-11 tendant à supprimer cette précision inutile et source de confusion juridique.

b) L'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

L'article 706-47-4 ajoute enfin un cas de figure dans lequel le ministère public aurait la faculté d'informer l'administration en cas de procédure en cours, qui serait exclusivement prévu dans le cadre du régime d'information renforcé , conformément à ce qu'avait proposé le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi DADUE. L'information écrite de l'administration serait ainsi possible en cas d'audition libre 50 ( * ) ou de garde à vue d'une personne exerçant une activité décrite ci-dessus et mise en cause pour une ou plusieurs infractions du régime renforcé dès lors qu'il existe, à l'issue de l'audition ou de la garde à vue, des indices graves ou concordants rendant vraisemblable que cette personne ait pu, selon la rédaction retenue par les députés sur proposition du rapporteur de la commission des lois, « participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d'une ou plusieurs de ces infractions » 51 ( * ) . L'Assemblée nationale a, sur ces dispositions, également inséré deux précisions rédactionnelles qui lui étaient soumises par sa commission des lois.

Votre rapporteur rappelle qu'un tel dispositif n'avait pu recueillir l'assentiment du Sénat lors de l'examen du projet de loi DADUE, ce qui avait conduit à l'échec de la commission mixte paritaire et au rejet, par l'adoption d'une question préalable, de ce texte lors de sa discussion en nouvelle lecture. Votre Haute assemblée n'avait, a fortiori , pas retenu de telles dispositions dans le cadre de la proposition de loi adoptée le 20 octobre 2015.

Votre rapporteur demeure convaincu qu'une telle faculté d'information, qui intervient à un stade très précoce de la procédure comme l'a souligné le Conseil d'État dans son avis 52 ( * ) , contrevient gravement à la présomption d'innocence , principe à valeur constitutionnelle. Il se déclare prêt à admettre une entorse à ce principe pour les cas de mise en examen, qui s'effectuent dans un cadre procédural respectueux des droits de la défense, ou pour les décisions de renvoi devant une juridiction de jugement, stade plus avancé de la procédure qui suppose que les autorités judiciaires en charge de la procédure disposent d'éléments suffisamment probants laissant supposer que la culpabilité de l'intéressé pourrait être établi par une juridiction de jugement. Il réaffirme cependant que la garde à vue ou l'audition libre constitue un stade procédural trop précoce pour informer l'administration et ne permet pas à la personne mise en cause de bénéficier de ses droits de la défense 53 ( * ) . De ce point de vue, votre rapporteur ne peut considérer comme une garantie satisfaisante et suffisante le fait de permettre à la personne de faire des observations préalablement à la transmission de l'information dès lors que la procédure n'est pas pleinement contradictoire.

Enfin, un tel dispositif conduirait le parquet à se prononcer sur le caractère grave ou concordant des indices recueillis lors de la procédure l'autorisant en ce cas à informer l'administration, alors même qu'il sera amené par la suite à prendre une décision de renvoi devant une juridiction. Au surplus, selon la jurisprudence du Conseil d'État 54 ( * ) , seule la mise en mouvement de l'action publique vaut, pour suspendre un agent public, « poursuites pénales » au sens de l'article 30 de la loi précitée du 13 juillet 1983. Or, une garde à vue ou une audition libre, notamment à la suite d'une plainte sans constitution de partie civile, peut s'effectuer hors de la mise en mouvement de l'action publique, ce qui interdirait donc à l'autorité hiérarchique de prendre une mesure conservatoire.

Votre rapporteur relève d'ailleurs que dans sa contribution écrite, la conférence nationale des procureurs de la République partage pleinement cette analyse puisqu'elle indique que l'information avant condamnation ne « semble acceptable (...) qu'à partir du stade de la mise en oeuvre de l'action publique, à l'exclusion de toute communication au stade de la garde à vue ou de l'audition libre pendant l'enquête ».

Votre rapporteur souhaite réaffirmer la nécessité de trouver un équilibre entre le nécessaire objectif de protection des mineurs et celui de la présomption d'innocence. En effet, si les dysfonctionnements constatés à l'occasion des affaires dites de Villefontaine et d'Orgères doivent être analysés et corrigés pour éviter qu'ils ne se reproduisent, nombreux sont également les exemples dans lesquels la diffusion d'informations sur l'existence d'une procédure judiciaire en cours a causé des dommages irréparables à des personnes injustement mises en cause .

Par conséquent, et par cohérence avec les positions retenues désormais à plusieurs reprises par votre Haute assemblée, votre commission a adopté deux amendements identiques COM-12 rectifié et COM-2 , respectivement présentés par le rapporteur et Mme Esther Benbassa, tendant à supprimer la faculté d'information au stade de la garde à vue ou de l'audition libre, dont elle estime qu'elle porte une atteinte excessive au principe constitutionnel de présomption d'innocence.

4) Les modalités de transmission des informations

S'agissant des modalités de transmission et de conservation des informations transmises, l'article 706-47-4 renvoie aux conditions définies par le régime général d'information des administrations, prévues aux paragraphes II à III de l'article 11-2 (notification à la personne que le ministère public va transmettre l'information relative à la mise en cause pénale à son administration ou autorité de tutelle, information de l'administration ou de l'autorité de tutelle de l'issue de la procédure, transmission de l'information aux seules personnes compétentes pour faire cesser ou suspendre l'activité, assujettissement des personnes destinataires de l'information au secret professionnel, suppression de l'information en cas de non-lieu ou de décision de relaxe ou d'acquittement, etc.). Les députés ont introduit une modification de précision à cet alinéa.

Votre commission souscrit à ce choix légistique consistant à renvoyer au cadre général d'information de l'administration par les parquets qui est ainsi de nature à rendre applicables au dispositif de l'article 706-47-4 les garanties supplémentaires pour les personnes concernées introduites par votre commission à l'article 11-2 (possibilité pour la personne de faire des observations pour toutes les décisions que le ministère public transmet à l'administration, transmission à l'administration de ces observations, possibilité de saisine du président du tribunal de grande instance ou du premier président en cas de non transmission par le ministère public d'une décision de relaxe ou d'acquittement).

5) La liste des infractions concernées par le régime d'information renforcé

Le paragraphe II de l'article 706-47-4 définit la liste des infractions qui donneraient lieu à l'obligation de transmission par le ministère public à l'administration des informations mentionnées au I. Il s'agirait tout d'abord des infractions prévues à l'article 706-47 du code de procédure pénale, qui recouvre notamment les crimes et délits à caractère sexuel commis contre les mineurs, ainsi que les crimes de meurtres et d'assassinats commis avec torture ou actes de barbarie et crimes de torture, actes de barbarie, meurtres et assassinats commis en état de récidive légale 55 ( * ) .

Selon le texte transmis par l'Assemblée nationale, seraient également concernés les crimes d' atteintes volontaires à la vie définis aux articles 221-1 à 221-5 du code pénal ainsi que des crimes d' actes de torture et de barbarie définis aux articles 222-1 à 222-6 et des crimes de violence définis aux articles 222-7 (violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner), 222-8 (crime de l'article 222-7 commis avec circonstance aggravante), 222-10 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente commises avec circonstance aggravante) et 222-14 (violences habituelles sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur) du même code. Sur proposition de votre rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-13 qui vise à supprimer la référence, redondante, aux articles 222-1 à 222-6 (crimes d'actes de torture et de barbarie) qui sont déjà inclus dans le champ de l'article 706-47.

Il s'agirait également des délits de violences commis sur mineur de moins de quinze ans prévus aux articles 222-11 (violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours), 222-12 (délit de l'article 222-11 commis avec circonstance aggravante), 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) et 222-14 du code pénal. Votre rapporteur relève que la définition de ces infractions, telle qu'elle résulte du texte voté par les députés, diffère de celle du projet de loi initial à la suite de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement en séance publique 56 ( * ) . Cet amendement a tout d'abord élargi le champ des crimes entrant dans le cadre de l'article 706-47-4, limité dans le projet de loi initial aux seuls crimes commis sur mineur de quinze ans. La garde des sceaux a fait valoir, à l'appui de cette évolution, que cette proposition avait été formulée par le Défenseur des droits dans le cadre de son avis sur le projet de loi et qu'il n'apparaissait pas justifié de limiter la transmission obligatoire d'informations pour ces crimes, compte tenu de leur particulière gravité, dans les seuls cas où ils seraient commis sur mineur de moins de quinze ans.

En outre, s'agissant des délits de violence, l'amendement du Gouvernement maintient le critère lié à l'âge de la victime (mineur de quinze ans), au regard, selon les explications fournies dans l'objet de l'amendement, des « exigences constitutionnelles de proportionnalité ».

Votre rapporteur souscrit à cette évolution du champ de ces infractions résultant de cet amendement. Il s'est cependant interrogé sur l'inclusion, prévue dès l'origine par le projet de loi initial, du délit de l'article 222-13 (violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail) au sein du régime de communication obligatoire à l'administration. En effet, le ministère public ne pourrait donc pas, en ce cas, déroger à cette transmission quand bien même il estimerait que les circonstances de la commission des faits ne présentent pas d'intérêt au regard de la protection des personnes ou de l'ordre public. Or, les informations ayant trait à ce délit, qui peut venir sanctionner des actes de violence très disparates, parmi lesquels une gifle donnée dans un cadre extra-professionnel, semblent devoir faire l'objet d'une analyse d'opportunité par le parquet quant au bien-fondé de la transmission ou non à l'administration. Il apparaît au surplus singulier que le délit de l'article 222-9 (violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente qui n'est inclus dans le champ du régime de transmission obligatoire que s'il est commis sur un mineur de quinze ans, devenant alors un crime) commis sur un mineur d'un âge supérieur à 15 ans et inférieur à 18 ans, qui présente pourtant une gravité supérieure à celle du délit de l'article 222-13, ne fasse l'objet que d'une information laissée à la libre appréciation du ministère public. Ces réflexions ont par conséquent conduit votre rapporteur à présenter à votre commission, qui l'a adopté, un amendement COM-14 tendant à supprimer le délit de l'article 222-13 du champ de l'article 706-47-4 donnant lieu à des transmissions d'information obligatoires. Dans le cas où un tel délit commis sur un mineur, quel que soit son âge, justifierait, aux yeux du parquet une transmission d'informations à l'administration (cas par exemple d'un professeur ou d'un éducateur qui commettrait de telles violences dans l'exercice de ses fonctions sur les mineurs dont il a la charge), il lui serait possible de procéder à cette information sur le fondement du régime de transmission facultatif de l'article 11-2 du code de procédure pénale.

Seraient ensuite inclus dans la liste de ces infractions de l'article 706-47-4 les délits d'exhibition sexuelle (article 222-32 du code pénal) et de harcèlement sexuel (article 222-33). À l'initiative de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-15 tendant à supprimer, dans un souci de proportionnalité, la référence au délit d'exhibition sexuelle, dans la mesure où les circonstances de la commission d'un tel délit ne justifient pas, là encore, une transmission obligatoire et nécessitent qu'un magistrat du parquet examine l'opportunité de transmettre ou non l'information. Ce même amendement restreint en outre, pour des raisons similaires, l'inclusion du délit de harcèlement sexuel dans le régime renforcé de transmission aux seuls cas dans lesquels il serait commis sur un mineur de moins de quinze ans 57 ( * ) .

Le texte du projet de loi intègre en outre dans le champ de l'article 706-47-4 différents délits :

- la cession ou l'offre illicites de stupéfiants à une personne en vue de sa consommation personnelle lorsque les stupéfiants sont offerts ou cédés à des mineurs ou dans des établissements d'enseignement ou d'éducation ou dans les locaux de l'administration, ainsi que, lors des entrées ou sorties des élèves ou du public ou dans un temps très voisin de celles-ci, aux abords de ces établissements ou locaux (deuxième alinéa de l'article 222-39) ;

- la provocation directe d'un mineur à faire un usage illicite de stupéfiants (article 227-18) ;

- la provocation directe d'un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants (article 227-18-1) ;

- la provocation directe d'un mineur à la consommation habituelle et excessive de boissons alcooliques (article 227-19) ;

- la provocation directe d'un mineur à commettre un crime ou un délit (article 227-21) ;

- le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette à l'encontre d'un mineur l'un des crimes ou délits visés aux articles 222-22 à 222-31 (certaines agressions sexuelles parmi lesquelles le viol et les autres agressions sexuelles), 225-5 à 225-11 (proxénétisme et infractions qui en résultent), 227-22 (corruption de mineur), 227-23 (diffusion, fixation, enregistrement ou transmission d'image à caractère pédopornographique et consultation habituelle de sites pédopornographiques), 227-25 à 227-28 (atteintes sexuelles) lorsque cette infraction n'a été ni commise ni tentée.

Enfin, l'ensemble des crimes et délits terroristes , définis aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal, y compris donc le récent délit d'apologie du terrorisme, seraient inclus dans le champ du régime de transmission obligatoire.

6) Les modalités d'application du régime d'information renforcé

Enfin, l'article 706-47-4 comporte un paragraphe III renvoyant à un décret le soin de déterminer ses modalités d'application. À l'Assemblée nationale, ces dispositions ont fait l'objet de trois amendements rédactionnels présentés en commission des lois par son rapporteur.

Ce décret devrait définir :

- les formes de la transmission de l'information par le ministère public ;

- les professions et activités ou catégories de professions et d'activités concernées ;

- les autorités administratives destinataires de l'information ;

- les modalités de retrait de l'information dans le cas où la procédure pénale se terminerait par un classement sans suite motivé par une insuffisance de charges, alors qu'une information aurait été adressée à l'administration à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté l' amendement COM-16 qui, outre des améliorations rédactionnelles, prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État, et non d'un décret simple. Par ailleurs, les amendements COM-12 rectifié et COM-2 suppriment la référence aux modalités de retrait d'une information transmise à l'issue d'une garde à vue ou d'une audition libre, par coordination avec la suppression décidée par votre commission de cette faculté.

• Systématiser le placement sous contrôle judiciaire

Par un amendement COM-18 , présenté par son rapporteur, votre commission vous propose de compléter l'article 1 er afin de reprendre des dispositions votées par votre Haute assemblée dans la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles adoptée le 20 octobre 2015. Cet amendement crée un article 706-47-5 dans le code de procédure pénale consacré au placement sous contrôle judiciaire des personnes mises en examen pour une ou plusieurs des infractions relevant du régime d'information renforcé de l'article 706-47-4. Il vise à assurer la protection des mineurs ainsi que l'information des administrations en amont d'une éventuelle condamnation, tout en garantissant à la personne mise en cause la possibilité d'exercer ses droits 58 ( * ) . Le texte retenu à nouveau par votre commission prévoit que, dans le cas où une personne travaillant au contact de mineurs, dont l'activité est contrôlée directement ou indirectement par les pouvoirs publics, est mise en examen dans une procédure relative aux infractions mentionnées au II de l'article 706-47-4, le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention est tenu d'ordonner, sauf décision contraire spécialement motivée, son placement sous contrôle judiciaire assorti de la nouvelle interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs instituée au 2° de l'article 1 er du projet de loi . Cette disposition ne trouverait bien entendu pas à s'appliquer dans le cas où la personne est placée en détention provisoire.

Une telle solution permettra ainsi de mettre à l'écart des mineurs les personnes pour lesquelles existent les soupçons les plus sérieux 59 ( * ) et d'assurer systématiquement, pour ces cas, l'information de l'autorité administrative puisqu'un placement sous contrôle judiciaire assortie de la nouvelle interdiction d'exercice créée par le projet de loi donne lieu à une information obligatoire de l'administration par le ministère public.

Votre commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2
(Art. 212-9 et 212-10 du code du sport)
Modification des conditions d'interdiction d'enseigner, d'animer
ou d'encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs

L'article 2 du projet de loi constitue la reprise des dispositions de l'article 31 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 60 ( * ) . Votre Haute assemblée avait également repris ce dispositif à l'article 6 de la proposition de loi votée le 20 octobre 2015.

Son modifie l'article L. 212-9 du code du sport. En application de ce dispositif, nul ne peut enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive auprès de mineurs s'il a fait l'objet d'une mesure administrative d'interdiction de participer, à quelque titre que ce soit, à la direction et à l'encadrement d'institutions et d'organismes soumis aux dispositions législatives ou réglementaires relatives à la protection des mineurs accueillis en centre de vacances et de loisirs, ainsi que de groupements de jeunesse ou s'il a fait l'objet d'une mesure administrative de suspension de ces mêmes fonctions. Cette interdiction trouve donc toujours à s'appliquer alors même que la mesure administrative aurait cessé de produire ses effets : en application de l'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles, de telles mesures administratives peuvent, selon les cas, présenter un caractère temporaire ou définitif. La rédaction actuelle de l'article L. 212-9 du code du sport conduit donc à écarter définitivement une personne des activités d'enseignement, d'animation ou d'encadrement, alors même qu'elle n'aurait fait l'objet que d'une mesure temporaire .

Lors du débat en séance publique à l'Assemblée nationale sur le projet de loi DADUE, le Gouvernement avait fait valoir que ces dispositions pourraient exposer la France à un risque de condamnation par la CEDH pour des motifs liés à leur insuffisante proportionnalité.

Dans ces conditions, en vertu du de cet article, cette interdiction d'exercice d'activités sportives ne trouverait plus à s'appliquer que si la personne est actuellement frappée d'une mesure administrative d'interdiction ou de suspension. Il en résulte qu'à l'issue d'une mesure administrative temporaire, l'interdiction serait levée, ce qui autoriserait la personne à exercer à nouveau de telles activités.

Le modifie l'article L. 212-10 du code du sport. Selon ce dernier, le fait pour toute personne d'exercer contre rémunération l'une des fonctions de professeur, moniteur, éducateur, entraîneur ou animateur d'une activité physique ou sportive ou de faire usage de ces titres ou de tout autre titre similaire en méconnaissance des interdictions définies à l'article L. 212-9 est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. La modification apportée à ce dispositif vise à étendre ce régime pénal à ces mêmes activités quand elles sont exercées à titre bénévole .

Votre commission a adopté l'article 2 sans modification .

Article 3
(Art. L. 133-6 et L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles)
Régime d'incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale
et des familles et modalités de renouvellement de l'agrément
des assistants familiaux

L'article 3 du projet de loi reprend, dans une rédaction différente, le dispositif de l'article 33 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 61 ( * ) . Ce dispositif, qui modifie le régime relatif à l'interdiction d'exploiter, de diriger l'un des établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles (CASF) 62 ( * ) , d'y exercer une fonction à quelque titre que ce soit, ou d'être agréée au titre des dispositions du même code, avait également été inséré, à l'initiative de votre commission, au sein de la proposition votée par le Sénat le 20 octobre 2015.

Votre rapporteur souligne également que cette modification du droit avait fait l'objet d'une discussion spécifique par l'Assemblée nationale qui avait, le 3 décembre 2015, examiné et voté une proposition de loi notamment déposée par nos collègues députés Claude de Ganay et Guy Geoffroy. Il regrette à ce titre que les députés n'aient pas mis à profit ce temps parlementaire pour examiner le texte transmis par le Sénat, dont l'objet était plus large et qui contenait en son sein ce dispositif.

• Le régime actuel d'incapacité

En application de l'article L. 133-6 du CASF, relèvent de ces interdictions les personnes qui ont été condamnées définitivement pour crime ou à une peine d'au moins deux mois d'emprisonnement sans sursis pour certains délits au nombre desquels :

- les délits d'atteintes à la vie, à l'exception de l'homicide involontaire ;

- les délits d'atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne, à l'exception du délit prévu au premier alinéa de l'article 222-19 63 ( * ) du code pénal ;

- les délits de mise en danger de la personne, d'atteintes aux libertés de la personne, d'atteintes à la dignité de la personne et d'atteintes aux mineurs et à la famille ;

- les délits d'appropriations frauduleuses ;

- les délits de recel et les délits assimilés ou voisins ;

- les délits de faux ;

- la provocation à l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants.

• L'élargissement du champ des infractions conduisant à une incapacité

L'objet des modifications introduites par l'article 3 à l'article L. 133-6 du CASF, qui n'ont fait l'objet que d'une modification rédactionnelle de la part des députés, est, outre de corriger deux erreurs de référence juridique, d'appliquer ces interdictions d'exercice à certains délits indépendamment du quantum d'emprisonnement décidé par la juridiction de jugement .

Conduiraient ainsi aux mêmes incapacités d'exercer les condamnations définitives pour les délits suivants :

- le délit d'agressions sexuelles, autres que le viol, imposées à un mineur de quinze ans prévu à l'article 222-29-1 du code pénal ;

- le délit prévu à l'article 222-29 du code pénal (agressions sexuelles autres que le viol) quand il fait l'objet des aggravations prévues à l'article 222-30 (s'il a entraîné une blessure ou une lésion, s'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait, s'il est commis avec usage ou menace d'une arme, etc.). Votre rapporteur relève que l'insertion de ce délit ne figurait ni dans l'évolution proposée du droit par l'article 33 de la loi DADUE, ni dans la proposition de loi votée par le Sénat. Il juge cependant bienvenue cette adjonction ;

- les délits de mise en péril des mineurs prévus aux articles 227-22 à 227-27 du même code (corruption d'un mineur, propositions sexuelles à un mineur de quinze ans, consultation habituelle ou en contrepartie d'un paiement d'un service de communication au public en ligne mettant à disposition une image ou une représentation d'un mineur à caractère pornographique, atteintes sexuelles sans violence, contrainte, menace ni surprise sur un mineur de quinze ans ou sur un mineur âgé de plus de quinze ans, etc.) ;

- le délit de recel d'images à caractère pédopornographique (combinaison des articles 321-1 et 227-23 du code pénal).

Votre commission ne peut qu'approuver ces modifications proposées par l'article 3, déjà votées par le Sénat le 20 octobre 2015.

• Les modalités de renouvellement de l'agrément des assistants familiaux

Outre un amendement COM-19 de précision, votre commission vous propose, par son amendement COM-20 , adopté à l'initiative de votre rapporteur, de compléter l'article 3 du projet de loi par une disposition votée par le Sénat le 20 octobre 2015 dans la proposition de loi relative à la protection des mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles 64 ( * ) . Cet ajout résultait au demeurant directement du texte déposé par notre collègue Catherine Troendlé.

Ce dispositif a pour objet de lever une ambiguïté qui pourrait naître d'une interprétation littérale de l'article L. 421-3 du CASF. En vertu de ses dispositions, la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial ne peut être exercée qu'après délivrance d'un agrément par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. Un arrêté du ministre chargé de la famille fixe la composition du dossier de demande d'agrément, ainsi que le contenu du formulaire de demande. Il définit également les modalités de versement au dossier d'un extrait du bulletin n° 3 du casier judiciaire de chaque majeur vivant au domicile du demandeur, à l'exception des majeurs accueillis en application d'une mesure d'aide sociale à l'enfance. Le code dispose que cet agrément n'est pas accordé si l'un des majeurs concernés a fait l'objet d'une condamnation pour plusieurs types d'infractions graves 65 ( * ) .

Pour toute autre infraction inscrite au bulletin n° 3, il appartient au service départemental de protection maternelle et infantile de juger de l'opportunité de délivrer ou non l'agrément.

L'agrément est accordé pour une durée de cinq ans et doit être renouvelé en suivant la même procédure que celle prévue pour sa délivrance initiale 66 ( * ) . Toutefois, la loi semble contenir une dérogation à ce formalisme en application du cinquième alinéa de l'article L. 421-3 du CASF. Celui-ci dispose que le renouvellement de l'agrément d'un assistant familial est automatique et sans limitation de durée lorsque la formation, que l'assistant est tenu de suivre dans un délai de trois ans après le premier contrat de travail suivant son agrément, est sanctionnée par l'obtention d'une qualification. Cette précision paraît exclure que soit contrôlé périodiquement le casier judiciaire des majeurs vivant au foyer de l'assistant. La modification introduite par l' amendement COM-20 de votre commission écarte cette ambiguïté pour que chaque renouvellement de l'agrément soit conditionné à ce contrôle. Cet amendement procède par ailleurs à la correction d'une erreur de rédaction au sein de ce même article L. 421-3.

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi modifié .

Article 4
(Art. L. 914-6 du code de l'éducation)
Régime disciplinaire des chefs d'établissement privé
d'enseignement du premier degré

L'article 4 du projet de loi reprend, sous une forme rédactionnelle légèrement différente, les dispositions de l'article 32 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec ce texte 67 ( * ) . Ce dispositif avait également été retenu par votre Haute assemblée à l'article 7 de la proposition de loi adoptée le 20 octobre 2015.

Dans sa rédaction actuelle, l'article L. 914-6 du code de l'éducation définit le régime disciplinaire applicable à « toute personne attachée à l'enseignement dans un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré qui n'est pas lié à l'État par contrat ou dans un établissement d'enseignement supérieur privé ». Ces dispositions sont également applicables, en vertu du dernier alinéa, à « tout chef d'établissement d'enseignement du second degré privé ou d'enseignement technique privé, ainsi qu'à toute personne attachée à la surveillance d'un établissement d'enseignement privé du premier ou du second degré ou d'enseignement supérieur privé ».

Cet article vise à remédier à une malfaçon de l'article L. 914-6 afin que les chefs d'établissement privé d'enseignement du premier degré, actuellement exclus de son champ d'application, soient également assujettis à ce régime disciplinaire.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 5
Application outre-mer

L'article 5 du projet de loi rend applicable l'article 1 er du projet de loi dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, collectivités ultramarines sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire 68 ( * ) , en particulier en matière de droit pénal et de procédure pénale.

Les articles 2, 3 et 4 du projet de loi procédant quant à eux à des modifications du code du sport, du code de l'action sociale et des familles et du code de l'éducation, dont les dispositions relèvent des compétences des autorités locales fixées par la loi organique, leur application ne peut en conséquence être prévue par la loi.

Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .

Intitulé du projet de loi
Information de l'administration par l'autorité judiciaire
et protection des mineurs

Dans sa version délibérée en conseil des ministres, et adoptée sans modification par les députés, l'intitulé du projet de loi renvoie à « l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs ». Sur proposition de son rapporteur, votre commission a adopté, dans un souci de précision juridique, un amendement rédactionnel COM-21 afin de remplacer dans l'intitulé la référence à « l'institution judiciaire » par une référence à « l'autorité judiciaire », conformément à la terminologie retenue par le titre VIII de la Constitution du 4 octobre 1958.

Votre commission a adopté l'intitulé du projet de loi ainsi modifié .

*

* *

Votre commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXAMEN EN COMMISSION

(MERCREDI 13 JANVIER 2015)

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M. François Zocchetto , rapporteur . - Nous voici réunis pour la troisième fois en sept mois pour débattre de la transmission des informations entre l'autorité judiciaire et l'administration en cas de condamnation ou de procédure pénale en cours concernant une personne employée par l'administration ou dans une structure placée sous son contrôle. Ces discussions s'inscrivent dans le prolongement d'affaires qui ont malheureusement défrayé la chronique, celles dites de Villefontaine et d'Orgères. Au mois de juillet dernier, lors de l'examen de la loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne (DADUE), l'Assemblée nationale, notamment sur proposition du Gouvernement, avait cru bon d'ajouter un certain nombre d'amendements sans relation avec le texte d'origine, notamment sur le sujet que nous examinons. Ces dispositions avaient été censurées par le Conseil constitutionnel pour absence de lien avec ce texte. Au cours du mois d'octobre dernier, nous avons été saisis de la proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Troendlé, que nous avons examinée et adoptée en séance publique le 20 octobre. Malheureusement, le Gouvernement et l'Assemblée nationale ont refusé que la navette parlementaire se poursuive sur ce texte, ce que je déplore, car il apportait une réponse directe aux dysfonctionnements mis à jour dans les affaires judiciaires du printemps 2015, et aurait permis de gagner du temps parlementaire. Le Gouvernement a donc décidé de déposer un texte spécifique, discuté et voté en séance publique par les députés le 8 décembre 2015.

Ce projet de loi reprend l'économie générale des articles adoptés en lecture définitive par l'Assemblée nationale dans la loi DADUE et déclarés contraires à la Constitution par le Conseil dans sa décision du 13 août 2015. L'article 1 er crée un régime général de communication d'informations à l'administration concernant une personne qu'elle emploie, dont la mise en oeuvre est laissée à la libre appréciation du ministère public : au procureur de décider s'il transmet l'information à l'autorité administrative. Les décisions susceptibles d'être transmises pourraient concerner une condamnation, même non définitive, ainsi que la saisine d'une juridiction de jugement ou une mise en examen. Ce régime trouverait à s'appliquer à un large champ d'infractions, puisque seraient concernés tous les crimes ou délits punis d'une peine d'emprisonnement, et pas seulement ceux commis à l'encontre des mineurs. Ce régime général de communication d'informations pénales serait étendu aux personnes publiques, aux personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ainsi qu'aux ordres professionnels.

L'article 1 er renforce les mesures prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, en prévoyant l'interdiction d'exercer une activité au contact habituel des mineurs lorsque la personne est susceptible de commettre une nouvelle infraction, et cela même si la première infraction n'a pas été commise dans l'exercice de ses fonctions.

Enfin, l'article 1 er crée un régime d'information renforcé pour les infractions les plus graves, notamment contre mineur, commises par des personnes exerçant une activité au contact habituel des mineurs, sous le contrôle direct ou indirect de l'administration en vertu duquel le ministère public serait tenu d'adresser à l'administration les décisions de condamnation et de placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact habituel de mineurs. Pour ces mêmes infractions, le ministère public aurait également, au-delà du régime facultatif de droit commun, la possibilité d'informer l'administration de la garde à vue ou de l'audition libre lorsqu'à son issue il existerait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable le fait que la personne a commis ou tenté de commettre l'infraction.

Les articles 2, 3 et 4 reprennent des dispositions de la loi DADUE, elles aussi censurées pour absence de lien avec le texte, mais que nous avions jugées bienvenues à l'époque et que nous avions reprises dans la proposition de loi déposée par Mme Troendlé.

À l'occasion de son examen par les députés, le projet de loi n'a fait l'objet que de quelques modifications rédactionnelles. Le texte n'a suscité que peu de débats et a été adopté à une large majorité, ce dont je m'étonne car le sujet est loin d'être anecdotique. Personne ne conteste la nécessité d'assurer la protection la plus efficace possible aux mineurs contre les auteurs d'agressions sexuelles, en particulier dans le milieu scolaire. Nous sommes dans le même temps tenus au respect absolu de notre ordre constitutionnel, en particulier du principe de la présomption d'innocence, qui suppose le respect du secret de l'instruction et de l'enquête. Entre ces deux exigences contradictoires, la voie est étroite.

Les décisions de condamnation pour des infractions graves, sexuelles ou violentes, doivent être transmises de manière systématique à l'administration d'emploi quand la personne exerce ses fonctions au contact habituel de mineurs. De même, comme nous l'avions proposé en octobre, il convient que la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité auprès de mineurs soit, pour des infractions sexuelles en lien avec les mineurs, prononcée de manière plus systématique, dans le respect des prescriptions du Conseil constitutionnel sur l'individualisation des peines, la juridiction devant pouvoir y déroger.

S'agissant de la transmission d'informations pénales sur des procédures en cours, je vous propose d'infléchir notre position en acceptant le principe d'une information dans les deux seuls cas que constituent la mise en examen ou le renvoi devant une juridiction de jugement. On peut y voir, bien sûr, une atteinte à la présomption d'innocence ; néanmoins, dans ses analyses, le Conseil d'État a estimé possibles de telles transmissions avant condamnation dès lors qu'elles sont justifiées « par des impératifs protégeant d'autres droits ou intérêts de même valeur avec lesquels les droits ou intérêts légitimes de la personne concernée doivent se concilier ». Ce dispositif ne me semble acceptable que si, d'une part, cette information reste facultative et laissée à la libre appréciation du parquet, comme le prévoit le texte, et que d'autre part, on prévoit de réelles garanties pour la personne concernée, ce que je vous proposerai d'améliorer dans les amendements que nous examinerons.

Pour le reste, je vous propose de nous en tenir à notre position constante, en refusant d'autoriser l'information de l'administration par le parquet dès le stade de la garde à vue ou de l'audition libre. Une telle information constituerait une atteinte excessive à la présomption d'innocence, hors de tout cadre procédural respectueux des droits de la défense. Les conférences nationales des procureurs généraux et des procureurs de la République, que j'ai sollicitées pour la préparation de ce rapport, sont défavorables à la transmission d'informations à un stade aussi précoce de la procédure.

Je vous proposerai également d'exclure certaines infractions de ce régime de transmission obligatoire. Les violences ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail, comme une gifle par exemple, demeureraient cependant dans le champ du régime de transmission laissé à la libre appréciation des parquets.

En tout état de cause, l'efficacité de ce dispositif se heurtera nécessairement au manque de moyens dont souffrent les parquets. Le rapport de M. Jean-Louis Nadal rappelait en novembre 2013 la lourde charge de travail des magistrats des parquets et des greffes, « qui ne peuvent plus répondre à l'ensemble de leurs missions ». À ce jour, l'application informatique Cassiopée ne garantit pas une consultation fiable et les parquets manquent d'outils informatiques d'alerte pour suivre tout le cours des procédures. Il est clair que le Gouvernement n'a pas évalué dans l'étude d'impact les conséquences du dispositif qu'il propose. On estime que les infractions sexuelles ou violentes donnent lieu à au moins 14 000 condamnations par an, et le Gouvernement évalue à 15 minutes le temps nécessaire pour qu'un magistrat du parquet décide de transmettre ou non l'information. C'est tellement peu quand on sait l'importance qu'une telle décision peut avoir sur le fonctionnement des administrations et sur l'avenir de la personne mise en cause. Je suis d'autant plus dubitatif que le Gouvernement annonce que l'on ne pourra pas déployer les moyens informatiques nécessaires avant le premier trimestre 2017.

Sous réserve des amendements que je vous présenterai, je vous invite néanmoins à adopter ce projet de loi.

M. Philippe Bas , président . - Je remercie le rapporteur d'avoir surmonté un agacement légitime quant à la méthode adoptée par le Gouvernement. Sans revendication mesquine, c'est à l'initiative du Sénat et grâce à la proposition de loi de Mme Troendlé que le sujet a été porté à l'attention du Parlement. A la faveur du projet de loi DADUE, sur lequel François Zocchetto a été rapporteur, l'Assemblée nationale a introduit un nombre important d'amendements sans lien avec l'objet du texte, que nous n'avons pas pu examiner pour cause de procédure accélérée. Le Conseil constitutionnel a écarté vingt-sept articles de cette loi, ce qui est sans précédent, et parmi eux, un article traitant du sujet qui nous occupe. Tout l'enjeu est de garantir aux mineurs la protection la plus efficace possible, sans porter une atteinte excessive au principe de la présomption d'innocence. Le Sénat qui ne confond pas vitesse et précipitation a adopté la proposition de loi de Mme Troendlé en octobre. Le Gouvernement a préféré présenter son propre projet de loi. C'est regrettable en termes de délais, et ce n'est pas montrer un grand respect pour les travaux du Sénat. Dans ces conditions, je salue la qualité du rapport qui vient de nous être présenté et l'absence de tout mouvement d'humeur.

Mme Catherine Troendlé . - Les textes se sont enchaînés selon une chronologie qui ne témoigne pas d'une grande efficacité de la part du Gouvernement, et cela depuis les premiers faits qui remontent à mars 2015. J'ai du mal, en dépit de votre objurgation, monsieur le Président, à ne pas céder à un mouvement d'humeur. Le texte que nous avions voté en octobre était très réfléchi et travaillé. Il respectait le principe de la présomption d'innocence et plus largement le droit constitutionnel. La seule réticence de la garde des sceaux était qu'il aurait dû être soumis à l'appréciation du Conseil d'État.

M. Philippe Bas , président . - L'argument est mince...

Mme Catherine Troendlé . - Et nous nous retrouvons avec un texte imparfait, qui emportera cependant mon adhésion totale, si les amendements de notre excellent rapporteur sont adoptés.

M. Pierre-Yves Collombat . - Pour une fois, je ne suis pas d'accord avec Mme Troendlé. Je ne vois pas comment éviter que ce texte, quand bien même il serait amendé par notre excellent rapporteur, porte atteinte au principe de la présomption d'innocence. La chaîne parlementaire a diffusé, il y a quelques jours, un documentaire sur l'affaire d'Outreau. Dans ce type d'affaires, on se fonde uniquement sur des déclarations d'enfants et très rarement sur des preuves. Dans le cas d'Outreau, il a suffi qu'une assistante maternelle relaie les déclarations fantaisistes d'un enfant pour que cinquante personnes suivent. Imaginer que le procureur ne prenne que quinze minutes, pour décider ou non de transmettre l'information à l'administration, ne peut qu'interloquer. On lâcherait ainsi des accusations infamantes sans les vérifier, alors même que beaucoup de personnes sont impliquées, comme c'était le cas dans l'affaire d'Outreau. Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que les Outreau à une ou deux personnes sont légions chaque année. Des centaines de personnes sont placées en détention provisoire pour finir sur un non-lieu. Bien sûr, il faut prendre en compte les déclarations des enfants. Sans les vérifier et sans jugement, c'est un peu hasardeux. C'est une drôle de manière de défendre les libertés ! Il faut y regarder à deux fois.

M. Philippe Bas , président . - Nous devons trouver un compromis pour préserver la protection des droits fondamentaux de la personne. Le risque de calomnie est bien sûr très grand dans ce type d'affaires, d'où l'importance de ne pas diffuser d'informations au stade de la garde à vue. Nous y serons très attentifs.

M. François Pillet . - Je salue la préoccupation du rapporteur quant au respect des grands principes qui doivent être préservés. Je m'inquiète à l'idée que l'on puisse donner une information sur une procédure en cours ou en cas de citation devant le tribunal correctionnel. Que se passera-t-il si au final le procureur relaxe ou acquitte le prévenu ? Comment réparer le préjudice moral ? L'équilibre est ténu, ce qui donne d'autant plus de poids aux précautions introduites par le rapporteur. Le Sénat est parfaitement dans sa mission lorsqu'il veille au respect des principes fondamentaux. Veillons à ne pas organiser juridiquement de petits Outreau en autorisant la diffusion d'une information sur un fait qui risque de se révéler non avéré. Je ne suis pas convaincu par ce texte.

M. Jacques Mézard . - Par tradition, mon groupe a toujours défendu les libertés publiques. Malgré les efforts de François Zocchetto, je ne puis soutenir ce texte. Il est dans l'air du temps que ceux qui sont au pouvoir suivent l'opinion publique. Quand les ministres sont à la remorque de BFM TV ou de iTELE, la République est en danger, même si l'on est une jeune ministre pleine de talent. Que devient ce pays ? Je n'ai aucune réserve dans le cas d'une condamnation définitive : l'information doit être transmise systématiquement. Quant à donner pouvoir au ministère public, en précisant qu'il « peut » informer l'administration sans plus d'information... Comment imaginer qu'il n'y ait pas de dérapage ? Donner au parquet le pouvoir d'informer l'administration de condamnations, même non définitives, du fait qu'il saisit une juridiction de jugement ou le juge d'instruction pour un crime ou un délit punis d'une peine d'emprisonnement... Je pèse mes mots : dans ce pays, c'est de la folie furieuse ! Jamais, je ne pourrai voter de telles dispositions et je ne suis pas fier d'avoir soutenu des candidats qui les défendent. Avant 2012, certains d'entre nous auraient été révulsés si le Gouvernement avait mis en place de telles dispositions. Au-delà de la présomption d'innocence, c'est inacceptable. Nous n'avons que peu de pouvoir au Parlement. Je l'utiliserai pour voter contre ce texte.

M. Philippe Bas , président . - Il s'agit de limiter l'exposition des enfants à des risques graves. Nous partageons tous à des degrés divers le souci de défendre les principes des libertés publiques, essentiels dans notre République.

M. Jacques Mézard . - Les magistrats ont les moyens de mettre les enfants à l'abri en cours de procédure : mise en détention, contrôle judiciaire, interdiction de communiquer. Le dérapage est au niveau des principes.

M. Philippe Bas , président . - La commission souhaite en effet rester dans le cadre des procédures existantes pour assurer la protection des victimes.

M. Jacques Bigot . - Les faits qui ont frappé l'opinion remontent à 2006, lorsque la condamnation d'un enseignant n'a pas été portée à la connaissance de l'Éducation nationale. Le sujet initial était l'information donnée sur des condamnations définitives, ce qui posait le problème des relations à établir entre l'Éducation nationale et le parquet, en termes de travail et d'organisation. Je comprends l'émoi que ce texte suscite auprès de ceux qui sont attachés aux principes. Reconnaissons cependant que la présomption d'innocence est bafouée tous les jours, lorsque la presse communique au sujet de personnes placées en garde à vue ou mises en examen, sans donner le même écho à l'ordonnance de non-lieu qui peut suivre quelques mois ou quelques années plus tard. Les procureurs n'informent personne, s'ils sont respectueux des règles, se retrouvant du même coup dans l'incapacité d'informer l'administration en cas de risque avéré. La meilleure garantie serait de faire obligation à l'administration qui recevra l'information d'en respecter le secret dans la mesure du possible.

La saisine du Conseil d'État aurait dû nous aider à trouver l'équilibre. La mise en oeuvre d'un contrôle judiciaire autorise un certain nombre de mesures. Cependant, dans la plupart des affaires, notamment quand il s'agit de détention de films pédopornographiques, il n'y a pas de saisine du juge d'instruction, mais une citation directe devant le tribunal correctionnel. L'article 1 er est équilibré sur ce point. Je reste convaincu que la communication au moment de la garde à vue ou à son issue est excessive. Ce texte trouve des équilibres tant pour la protection des enfants que pour le fonctionnement des administrations dans l'incapacité d'empêcher toute récidive immédiate. Les procureurs devront faire preuve de beaucoup de sagacité. Le risque d'abus existe au même degré que lors de l'affaire d'Outreau.

M. Alain Richard . - Certains de nos collègues se focalisent sur la défense de la présomption d'innocence mais en réalité, ce débat concerne plusieurs principes et droits fondamentaux ; lorsque quelqu'un est mis en cause, l'information est presque toujours rendue publique en vertu de la liberté de la presse, qui emporte le droit des journalistes à protéger leurs sources - et dans ces conditions, qu'il y ait transmission de l'information par l'autorité judiciaire ou pas, le maire, tout comme l'inspecteur d'académie, devra répondre peu ou prou aux journalistes, l'autorité administrative ou l'élu se trouvera dans une position inconfortable et devra prendre des décisions délicates.

Mme Cécile Cukierman . - Il est toujours difficile de légiférer sous le coup de l'émotion, en particulier celle que nous éprouvons face à des crimes odieux dont les enfants sont les victimes ; cependant, au nom de la sécurité, on ne saurait en rabattre sur la défense de nos libertés individuelles. Ce qui compte, c'est que la justice puisse faire son travail le mieux possible et avec la plus grande célérité, ce qui suppose de lui en donner les moyens juridiques, techniques, humains et financiers. Oui, il faut protéger les victimes, tout en respectant la présomption d'innocence, laquelle assure la cohésion de notre société contre le lynchage public dont la presse est trop gourmande - au mépris de la justice et sans que des excuses soient jamais présentées quand les accusations sont infondées. Ne perdons pas de vue, également, les ravages des accusations infondées sur l'autorité professionnelle des personnes visées. Nous avons tous en tête des affaires où des personnes mises en cause ont été innocentées.

Pour que ce texte ne soit pas une loi d'affichage, il faut donner à la justice les moyens de faire son travail et s'assurer que les règles nouvelles soient nécessaires et qu'elles puissent être effectives.

M. Jean-Pierre Sueur . - Lors de la réunion de la commission mixte paritaire sur le projet de loi DADUE, nous avions été unanimes, comme représentants du Sénat, pour marquer notre désaccord envers un texte par trop marqué du seul sceau de l'Éducation nationale. Puis notre groupe s'était rallié à la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de notre collègue député Dominique Raimbourg, alors rapporteur. S'agissant de la proposition de loi de notre collègue Catherine Troendlé, nous avions voté contre en commission parce que nous étions opposés à l'automaticité des peines - nous en avions fait une question de principe -, puis nous nous étions abstenus en séance plénière pour saluer la qualité du débat, Catherine Troendlé l'a rappelé. Nous saluons, ici, une avancée, à propos de la garde à vue, que l'on doit à notre rapporteur.

Ce débat est donc particulièrement difficile, il nous faut trouver un équilibre entre la présomption d'innocence, la protection des mineurs et le secret de l'instruction et de l'enquête : nous faisons oeuvre utile.

M. Philippe Bas , président . - Ce n'est pas parce que c'est difficile, qu'il nous faudrait renoncer à légiférer... Au contraire !

M. Alain Anziani . - Soyons intransigeants sur les principes et les droits fondamentaux, tout particulièrement dans la période actuelle. La présomption d'innocence figure à l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, à l'article 9 de la Déclaration de 1789, dans notre code pénal, dans notre code civil, elle consiste en ce que nul ne puisse être déclaré coupable sans qu'un procès public n'en ait décidé. Or, ce projet de loi invente une nouvelle catégorie juridique, celle où l'on est présumé innocent mais où le parquet doit alerter votre employeur de la possibilité que vous soyez coupable...du seul fait que la presse en parle, une catégorie juridique où la présomption d'innocence est donc proportionnelle au retentissement médiatique de votre mise en accusation. Et si nous l'acceptons ici, nous devrons l'accepter ailleurs !

Il faut évidemment protéger les enfants, les moyens existent : en cas d'instruction, le juge peut parfaitement interdire au mis en cause tout contact avec des enfants ; en cas de citation directe, il faudrait peut-être trouver un moyen d'action nouveau, mais sans contrarier un principe fondamental comme on le fait ici !

M. Michel Mercier . - Ce sujet est très difficile, j'ai eu à en connaître comme garde des sceaux sur une affaire des plus délicates, qui s'est mal terminée et dont j'ai accepté de parler à la télévision - en faisant exception au principe que je m'étais fixé de ne pas commenter des affaires en cours. Ce projet de loi va-t-il régler complètement le problème ? Probablement pas. Et nous ne devons certainement pas en rabattre sur nos principes fondamentaux, au premier chef le droit à la vie privée. Je crois donc qu'il faut laisser au magistrat le soin de décider s'il faut, ou non, communiquer les informations. Alain Richard a certes raison, la liberté de la presse emporte le caractère public des informations, mais l'évaluation des fonctionnaires n'est pas fondée sur les dossiers de presse, du moins pas encore, et si les journaux publient des informations, cela ne se confond pas avec la responsabilité de rendre les informations publiques : c'est au juge d'en décider, au cas par cas, selon la dangerosité de la personne mise en cause. Cela dit, l'administration, une fois informée, n'en sera pas moins gênée pour fonder sa décision, puisque c'est au juge de prononcer l'interdiction de contact avec des enfants.

La véritable solution serait que les juridictions s'organisent pour juger en priorité et rapidement les affaires impliquant des enfants : je crains fort de n'être pas exaucé avant longtemps...

M. René Vandierendonck . - Eh oui !

M. Christophe Béchu . - Toutes les affaires de pédophilie ne se terminent pas, malheureusement, par des non-lieux. J'ai eu à connaître, juste après Outreau, d'une affaire où 45 enfants étaient victimes et 68 adultes poursuivis ; après une instruction irréprochable, une cinquantaine de condamnés n'ont pas fait appel, et seize se sont vus confirmer leur peine en appel : au total, 66 des 68 accusés ont donc été reconnus coupables. Ce que cette affaire m'a montré, c'est que l'absence d'information a permis aux abus de se prolonger. C'est pourquoi, même si ce texte est imparfait, je suis convaincu qu'il vaut mieux que le statu quo et qu'on ne peut pas rester sans rien faire. Comme président de conseil général, j'ai eu à recevoir une lettre de parents m'annonçant qu'ils retiraient leur enfant d'une assistante maternelle agréée en m'affirmant que son mari abusait de l'enfant : quand vous recevez une telle lettre, restez-vous sans rien faire ? Maintenez-vous l'agrément, si d'autres faits confortent la suspicion ? La simple précaution pousse à prendre une mesure qui protège les enfants de tels actes, quand bien même cette mesure peut attenter à la liberté de la personne mise en cause : c'est la réalité - et notre travail consiste bien à concilier des principes qui ne s'appliquent pas de soi, ce serait bien trop simple...

En l'état, ce texte vaut mieux que de ne rien faire, nous devons protéger les plus faibles - et nul n'est plus faible qu'un enfant abusé par des adultes. C'est pourquoi je voterai ce texte, avec les amendements de notre rapporteur.

M. François Pillet . - Je ne connais pas la bonne solution, mais je suis persuadé que nous devons prendre nos responsabilités et trouver le meilleur équilibre possible. Alain Richard éclaire le débat, il nous dit surtout que nous avons créé une zone de non-droit pour les journalistes - mais c'est un autre sujet. Notre droit prévoit-il déjà la possibilité de communiquer des informations à l'administration en empiétant sur le respect de la vie privée ? Oui, en matière fiscale, depuis fort longtemps et nos concitoyens l'acceptent bien. Dans ces conditions, une position intelligente, certes imparfaite, consiste à approuver l'information de l'administration ou du maire, d'autant que, pour les fonctionnaires, le secret professionnel existe, qui offre une garantie non moindre que celui de l'instruction...

M. Alain Richard . - Voire...

M. Pierre-Yves Collombat . - En quoi un régime de libertés publiques se distingue-t-il des autres régimes ? Par le fait qu'on y croit ce que dit l'individu tant qu'il n'a pas été condamné - c'est la présomption d'innocence -, alors que dans d'autres régimes, on ne le croit pas, au nom de la sécurité. Avec les mesures de sûreté, nous avons déjà empiété sur le régime de libertés publiques : ces mesures autorisent à incarcérer ou à restreindre les libertés non parce qu'on a commis un crime, mais parce qu'on est susceptible de le commettre - et nous nous apprêtons à aller plus loin en ce sens contre le terrorisme, et ici contre la pédophilie. Avec de telles mesures, nous allons contre notre devise républicaine !

Je ne partage pas l'avis de Christophe Béchu, il ne faut pas confondre l'action administrative - je comprends parfaitement que l'administration prenne une mesure de précaution contre une personne dont on craint qu'elle n'abuse d'enfants - et l'action judiciaire : nous parlons bien, ici, d'autoriser l'appareil judiciaire à estampiller des individus comme « dangereux », en lieu et place des procédures actuelles qui garantissent la présomption d'innocence : où va-t-on ?

M. Christophe Béchu . - Je partage avec Pierre-Yves Collombat la conviction que dans notre régime de libertés publiques, nous préférons voir un coupable en liberté plutôt qu'un innocent en prison ; cependant, s'agissant des enfants - et j'assume pleinement la contradiction -, nous devons appliquer un principe de précaution, en raison même de leur fragilité. Ici, je considère que l'information diminue la probabilité que des enfants soient victimes d'abus, plutôt qu'elle ne menace la présomption d'innocence.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Chacun mesure la difficulté de l'exercice et vous avez bien voulu partir des faits, ceux qui voient des innocents être calomniés ou incarcérés, aussi bien que des enfants soumis à des situations dramatiques qui auraient pu être évitées. Chacun, ici, est convaincu de la valeur de nos principes fondamentaux, de nos libertés publiques, mais chacun admet aussi qu'il y a bien un problème - cela me suffit  et m'encourage dans ma démarche, d'améliorer ce projet de loi plutôt que de l'écarter d'emblée.

Nous devons concilier des droits, le Conseil d'État l'a rappelé, ceux de la présomption d'innocence, de la sécurité des personnes et du droit à la vie privée - et il est probable que le Conseil constitutionnel ajoute son analyse au texte que nous voterons.

Je salue le travail de Catherine Troendlé, qui est partie des faits et qui a su parcourir un long cheminement. Nos collègues députés n'ont pas débattu beaucoup de ce texte, en tout cas leurs débats ne reflètent pas ceux que nous avions eu en CMP : il faudra le leur rappeler et c'est une raison, pour nous, de débattre au fond.

Le problème du transfert de responsabilité se pose : qui décidera de sanctionner, du maire ou du magistrat ? La question est loin d'être anodine, en particulier parce que, comme nous le rappelle Alain Anziani, quand le maire suspendra, cela vaudra accusation... Il nous faut donc mesurer le poids de la responsabilité ainsi transférée aux élus.

La question des moyens se pose également ou bien, comme le dit Cécile Cukierman, nous n'aurons pris qu'un texte d'affichage. Nous verrons ce qu'il en est, à la participation de la garde des sceaux et de la ministre de l'Éducation nationale à nos travaux.

EXAMEN DES ARTICLES

Article additionnel avant l'article 1 er

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-3, je vous propose de rendre automatique la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur, sauf décision contraire motivée.

M. Jacques Bigot . - Vous renoncez ici au principe de personnalisation des peines, le juge doit pouvoir apprécier lui-même s'il y a lieu d'assortir la condamnation d'une peine complémentaire : avec cette automaticité, vous vous défiez du juge.

M. Alain Richard . - Attention à l'affichage ! L'automaticité a donné de piètres résultats. Imaginez-vous qu'un juge, dans une affaire de pédophilie, ne se pose pas la question d'assortir la peine d'une interdiction de contact avec les enfants ? C'est une fiction, je ne crois pas que le législateur ait à prévoir l'automaticité.

M. Jacques Mézard . - On a déjà perdu notre latin, voici qu'on perd le Nord... Qu'on laisse au juge la liberté de motiver sa décision si elle écarte la sanction prévue par le législateur, comme c'était le cas pour les peines planchers. Pourquoi serait-ce impossible ici ? L'amendement de notre rapporteur le prévoit bien. Je me tourne vers ceux de nos collègues qui s'y opposent : vous voulez là une loi de réaction et d'affichage ; vous accusiez Nicolas Sarkozy de légiférer sous le coup de l'émotion publique, vous ne faites guère mieux !

M. François Zocchetto , rapporteur . - Dans les faits, très peu de peines complémentaires sont prononcées. J'en veux pour preuve les affaires de Villefontaine et d'Orgères. Nous en avons débattu en séance plénière et avec la garde des sceaux, je crois pouvoir dire que cet amendement est bienvenu...

L'amendement COM-3 est adopté.

Article 1 er

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-4, je précise que le ministère public transmet l'information à l'administration seulement pour prévenir ou mettre fin à un trouble de l'ordre public et pour assurer la sécurité des personnes ou des biens.

M. Jacques Bigot . - Vous supprimez la référence au bon fonctionnement du service public et vous encadrez effectivement plus strictement la transmission, je voterai cet amendement.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-5, je vous propose de renforcer les garanties de la personne mise en cause et concernée par la transmission d'information : droit de présenter des observations qui devront être consignées dans le document de transmission de l'information à l'administration par le ministère public ; instauration d'une voie de recours auprès du président du tribunal de grande instance ou du premier président de la cour d'appel compétente pour assurer la transmission effective par le ministère public de l'information concernant l'issue d'une procédure ayant donné lieu à une première transmission d'information ; enfin, meilleure application du secret professionnel pour réprimer les « fuites ».

M. François Pillet . - Le parquet ne peut donc transmettre l'information qu'après avoir reçu les observations ? Ce qui peut le conduire à ne pas transmettre l'information ? (M. le rapporteur le confirme) . Cela me rassure.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Nous introduisons-là un peu de contradictoire...

M. Pierre-Yves Collombat . - C'est un faux-semblant ! Imagine-t-on qu'un magistrat sera ébranlé par une telle observation ? Voyez comme cela s'est passé à Outreau, ils étaient une cinquantaine, au tribunal, à être convaincus de la culpabilité, quand on voit comment fonctionne une chambre d'instruction, c'est effrayant...

L'amendement COM-5 est adopté.

L'amendement de clarification COM-6 est adopté, de même que les amendements de précision n os COM-7, COM-8 et COM-9.

M. François Zocchetto , rapporteur . - L'amendement COM-10 rappelle que le principe général, c'est la transmission d'information laissée à l'appréciation du ministère public - et que c'est par exception, dans certaines circonstances, que le ministère public est obligé de transmettre.

L'amendement COM-10 est adopté.

Présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

M. François Zocchetto , rapporteur . - L'amendement COM-11 supprime l'alinéa 21, redondant avec l'article 11-2 du code de procédure pénale.

L'amendement COM-11 est adopté.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-12 rectifié, je vous propose de supprimer la faculté d'information au stade de la garde à vue ou de l'audition libre.

M. François Pillet . - Très bien !

MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat . - D'accord.

L'amendement COM-12 rectifié est adopté, de même que l'amendement n° COM-2.

L'amendement COM-1 devient sans objet.

L'amendement de précision COM-13 est adopté.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-14, je vous propose de rendre facultative la transmission d'informations relatives au délit prévu à l'article 222-13, c'est le cas par exemple de « la gifle » : le procureur pourra transmettre, notamment si elle est donnée dans un cadre professionnel, mais sans obligation.

L'amendement COM-14 est adopté.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Avec l'amendement COM-15, je propose de faire de même pour les délits d'exhibition sexuelle et de harcèlement sexuel, hors cas de harcèlement sexuel sur mineurs de quinze ans.

L'amendement COM-15 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-16 est adopté.

M. François Zocchetto , rapporteur . - L'amendement COM-18 organise le placement automatique sous contrôle judiciaire des personnes mises en examen dans le cas d'infraction relevant du régime d'information renforcée.

M. Jacques Bigot . - Ici encore, vous introduisez une automaticité qui revient à se défier des juges, je voterai contre.

M. François Zocchetto , rapporteur . - Oui, mais ce placement sous contrôle judiciaire permettra une information systématique de l'administration... Il me semble que cela va dans le sens que vous souhaitez.

M. Jacques Bigot . - Une chose est d'informer sur la mise en examen, une autre est d'obliger le juge à placer sous contrôle judiciaire, ce que vous faites ici - je suis contre cette automaticité.

L'amendement COM-18 est adopté.

Article 3

L'amendement de précision COM-19 est adopté.

L'amendement de clarification COM-20 est adopté.

Intitulé du projet de loi

L'amendement rédactionnel COM-21 est adopté.

VOTE SUR L'ENSEMBLE DU TEXTE

M. Jacques Bigot . - Alors que ce texte visait des situations précises pour lesquelles vous avez trouvé un équilibre, vous avez ajouté des mesures qui se défient littéralement des magistrats : pour cette raison, et malgré l'excellent travail de notre rapporteur, nous nous abstiendrons.

Mme Catherine Troendlé . - Nous ne nous défions certainement pas des magistrats, l'ensemble de nos débats le démontre bien...

L'ensemble du projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Mme Sophie Joissains . - J'ai voté ce texte pour faire face à une situation d'urgence, mais je le crois insuffisant et il serait utile de prolonger nos travaux, par une mission d'information par exemple, sur l'incidence du principe de précaution en matière judiciaire.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article additionnel avant l'article 1 er

M. ZOCCHETTO, rapporteur

3

Automaticité de la peine complémentaire d'interdiction d'exercice d'une activité impliquant un contact habituel avec les mineurs pour les personnes condamnées pour infraction sexuelle contre mineur

Adopté

Article 1 er
Information par le ministère public de l'administration en cas de condamnation
ou de procédure en cours et définition d'un régime d'information renforcé pour certaines infractions

M. ZOCCHETTO, rapporteur

4

Encadrement des finalités permettant au ministère public de transmettre une information pénale à l'administration

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

5

Renforcement des garanties de la personne mise en cause concernée par la transmission de l'information

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

6

Clarification rédactionnelle

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

7

Précision que le décret d'application est pris en Conseil d'État

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

8

Inscription de l'interdiction d'exercice d'une activité professionnelle au contact de mineurs dans le fichier des personnes recherchées

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

9

Clarification à droit constant de la rédaction de l'article 706-47 du code de procédure pénale

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

10

Précision que le régime obligatoire de transmission de l'article 706-47-4 constitue une dérogation au régime général de transmission de l'article 11-2

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

11

Suppression d'une disposition redondante

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

12 rect.

Suppression de la faculté de transmettre l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Adopté

Mme BENBASSA

2

Suppression de la faculté de transmettre l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Adopté

M. RAYNAL

1

Suppression d'une disposition jugée inutile dans l'alinéa consacré à l'information à l'issue de la garde à vue ou de l'audition libre

Rejeté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

13

Suppression de dispositions redondantes

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

14

Suppression du délit de l'article 222-13 du code pénal du régime obligatoire de transmission

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

15

Suppression du délit de l'article 222-32 du code pénal du régime obligatoire de transmission et limitation du maintien dans ce même régime du délit de l'article 222-33 quand il est commis sur mineur de moins de quinze ans

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

16

Précision que le décret d'application est pris en Conseil d'État

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

18

Automaticité du placement sous contrôle judiciaire assorti de l'interdiction d'exercice d'une activité au contact de mineurs en cas de mise en examen pour une ou plusieurs infractions entrant dans le champ du régime obligatoire d'information

Adopté

Article 3
Régime d'incapacité pour diriger ou exercer au sein des établissements, services
ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l'action sociale et des familles
et modalités de renouvellement de l'agrément des assistants familiaux

M. ZOCCHETTO, rapporteur

19

Précision rédactionnelle

Adopté

M. ZOCCHETTO, rapporteur

20

Clarification d'une ambiguïté à l'article L 421-3 du code de l'action sociale et des familles

Adopté

Intitulé du projet de loi

M. ZOCCHETTO, rapporteur

21

Rédactionnel

Adopté

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

• Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs généraux, transmise par sa présidente Mme Catherine Pignon , procureur générale auprès de la Cour d'appel d'Angers

• Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs de la République, transmise par son vice-président M. Marc Cimamonti , procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Lyon

• Contribution écrite de M. Jean Danet , membre du Conseil supérieur de la magistrature, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l'université de Nantes

• Contribution écrite de Mme Cristina Mauro , professeur agrégé des facultés de droit, professeur en droit privé et sciences criminelles à l'Université de Poitiers

ANNEXE - LES CONSÉQUENCES PROCÉDURALES D'UNE INCLUSION
D'UNE INFRACTION DANS L'ARTICLE 706-47 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

ANNEXE - LES CONSÉQUENCES PROCÉDURALES D'UNE INCLUSION D'UNE INFRACTION DANS L'ARTICLE 706-47 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE

De l'inclusion d'une infraction dans le champ de l'article 706-47 du code de procédure pénale, résulte plusieurs conséquences procédurales.

• Les conséquences sur la prescription de l'action publique

Le délai de prescription de l'action publique des crimes et délits visés à l'article 706-47 du code de procédure pénale ne commence à courir qu'à compter de la majorité de la victime.

Les délais des crimes et délits visés à l'article 706-47, lorsqu'ils sont commis sur des mineurs, sont en outre étendus à 20 ans en matière criminelle et 10 ans en matière délictuelle ( articles 7 et 8 du CPP ).

• Les conséquences sur l'enquête et l'information judiciaire

o Sur le mineur victime

Les mineurs victimes de ces faits peuvent faire l'objet d'une expertise médico-psychologique destinée à apprécier la nature et l'importance du préjudice subi et à établir si celui-ci rend nécessaires des traitements ou des soins appropriés (article 706-48 du CPP ).

Le procureur de la République ou le juge d'instruction informe sans délai le juge des enfants de l'existence d'une procédure concernant un mineur victime et lui en communique toutes pièces utiles, dès lors qu'une procédure d'assistance éducative a été ouverte à l'égard du mineur victime de cette infraction (article 706-49 du CPP ).

L'audition d'un mineur victime de l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel (article 706-52 du CPP ). Ces auditions ou confrontations sont réalisées sur décision du procureur de la République ou du juge d'instruction, le cas échéant à la demande du mineur ou de son représentant légal, en présence d'un psychologue ou d'un médecin spécialistes de l'enfance ou d'un membre de la famille du mineur ou de l'administrateur ad hoc 69 ( * ) désigné ou encore d'une personne chargée d'un mandat du juge des enfants (article 706-53 du CPP ).

Tout mineur victime d'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 est assisté par un avocat lorsqu'il est entendu par le juge d'instruction (article 706-51-1 du CPP ).

o Sur la personne mise en cause

Le procureur de la République peut soumettre la personne mise en cause à une expertise médicale, dès le stade de l'enquête, ayant notamment vocation à statuer sur l'opportunité du prononcé d'une injonction de soins ( article 706-47-1 du CPP ).

Le juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention peut aviser la personne chez qui le mis en examen réside si cette transmission d'informations apparaît nécessaire pour prévenir le renouvellement de l'infraction. Il doit en toute hypothèse en aviser l'autorité académique lorsque le mis en examen est scolarisé ( article 138-2 du CPP ).

• Les conséquences sur l'application de la peine

o Sur le mineur victime

Si la victime ou la partie civile en a formé la demande, le juge de l'application des peines ou le service pénitentiaire d'insertion et de probation informe cette dernière, directement ou par l'intermédiaire de son avocat, de la libération de la personne condamnée lorsque celle-ci intervient à la date d'échéance de la peine (article 712-16-2 du CPP).

o Sur la personne mise en cause

L'exclusion de l'inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire de la condamnation ne peut pas être prononcée par la juridiction de jugement (article 775-1 du CPP).

Une copie de la décision de condamnation ou d'aménagement de la peine, de libération conditionnelle, de surveillance judiciaire ou de surveillance de sûreté peut être transmise à la personne chez qui le condamné établit sa résidence si cette transmission est nécessaire pour prévenir la récidive. L'information doit être transmise par le juge d'application des peines à l'autorité académique et, le cas échéant, au chef d'établissement concerné lorsque la personne condamnée est scolarisée ou a vocation à poursuivre sa scolarité dans un établissement scolaire (article 712-22-1 du CPP).

Sauf décision contraire du juge de l'application des peines, la personne condamnée est exclue du bénéfice des réductions supplémentaires de peine lorsqu'elle était en état de récidive légale sur l'une des infractions mentionnées à l'article 706-47 (article 721-1 du CPP).

La personne condamnée peut être soumise à une injonction de soins prononcée soit lors de leur condamnation, dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire, soit postérieurement à celle-ci dans le cadre de ce suivi, d'une libération conditionnelle, d'une surveillance judiciaire ou d'une surveillance sûreté (article 706-47-1 du CPP) .

Avant toute décision d'aménagement de peine, des expertises psychiatriques doivent être ordonnées et se prononcer sur le risque de récidive du condamné. Il est impossible de déroger à l'expertise obligatoire (article 712-21 du CPP) .

Les juridictions d'application des peines assortissent obligatoirement, sauf décision contraire spécialement motivée, les décisions entraînant la cessation de l'incarcération de la personne condamnée d'une interdiction d'entrer en relation avec la victime ou la partie civile et, le cas échéant, de paraître à proximité de son domicile et de son lieu de travail (article 712-16-2 du CPP).

La personne condamnée à qui est accordée une suspension de peine peut être soumise à l'interdiction de s'abstenir de fréquenter ou d'entrer en relation avec certaines personnes ou certaines catégories de personnes (article D. 147-2 du CPP).

Les traces et les empreintes génétiques relatives à ces infractions sont centralisées dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques (article 706-55 du CPP).

La personne mise en cause pour ces infractions peut être inscrite au fichier judiciaire automatisé des infractions sexuelles et violentes, sous certaines conditions : l'inscription est facultative, sur décision expresse de la juridiction, si la peine encourue est inférieure à 5 ans ; l'inscription est obligatoire, sauf décision contraire de la juridiction, si la peine encourue est égale à 5 ans ; l'inscription est obligatoire si la peine encourue est supérieure à 5 ans (article 706-53-2 du CPP).

AMENDEMENT NON ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

ARTICLE 1ER

Amendement n° COM-1 présenté par

M. RAYNAL

Alinéa 22

Supprimer

«, à son issue, »

OBJET

Cette mention est un renvoi inutile à l'expression « cette personne ». Dans cette perspective, l'exigence constitutionnelle de clarté de la loi implique la suppression de cette mention, qui ne précise en rien le sens de cet article.

Tel est l'objet du présent amendement.


* 1 Survenues à Villefontaine (Isère) et à Orgères (Ille-et-Vilaine).

* 2 Devenu l'article 30 de la loi.

* 3 Rapport n° 647 (2014-2015) de M. François Zocchetto sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne.

* 4 Décision n° 2015-719 DC du 13 août 2015 (loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne).

* 5 Ainsi que vingt-six autres articles additionnels introduits par les députés.

* 6 Rapport n° 54 (2015-2016) fait par M. François Zocchetto au nom de la commission des lois sur la proposition de loi de Mme Catherine Troendlé et plusieurs de ses collègues visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur.

* 7 Texte n° 15 (2015-2016) adopté par le Sénat le 20 octobre 2015.

* 8 Propositions pour une amélioration de la communication des informations entre la justice et l'éducation nationale - Rapport conjoint de l'inspection générale des services judiciaires (n° 15-36) et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale (n° 2015-056) - Juin 2015.

* 9 L'application Cassiopée (Chaîne Applicative Supportant le Système d'Information Orienté Procédure pénale Et Enfants), déployée par le ministère de la justice depuis 2011, est une chaîne informatique dont l'objectif était de remplacer les anciennes applications pénales équipant les tribunaux de grande instance. Elle a été élaborée afin de permettre aux tribunaux de suivre le déroulement des procédures pénales de leur introduction à leur issue.

* 10 Cas de l'article L. 911-5 du code de l'éducation qui interdit aux personnels des établissements du premier degré et des établissements techniques, publics et privés, ayant fait l'objet d'une condamnation pour crime ou délit contraire à la probité et aux moeurs de diriger un tel établissement.

* 11 Circulaire relative au partenariat renforcé entre l'autorité judiciaire et les services du ministère chargé de l'éducation nationale.

* 12 Loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

* 13 Voir notamment les décisions n os 89-258 DC, 2002-461 DC, 2009-580 DC et 2010-80 QPC.

* 14 Devenu l'article 30 de la loi DADUE, déclaré contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel en raison de son absence de lien avec le texte.

* 15 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 (loi pour la sécurité intérieure).

* 16 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 17 Ce régime concernerait également les personnes publiques, les personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public ou les ordres professionnels.

* 18 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 19 Rapport n° 3293 (2015-2016) fait par M. Erwann Binet au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à l'information de l'administration par l'institution judiciaire et à la protection des mineurs.

* 20 À condition qu'il existe des indice graves ou concordants rendant vraisemblable que « cette personne ait pu participer ou tenter de participer, comme auteur ou comme complice, à la commission d'une ou de plusieurs des infractions » entrant dans le champ du régime d'information renforcé.

* 21 « Refonder le ministère public », rapport de M. Jean-Louis Nadal, remis au garde des sceaux, ministre de la justice, en novembre 2013.

* 22 Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs de la République.

* 23 Ce chapitre concerne les atteintes à l'intégrité physique ou psychique de la personne.

* 24 Rapport n° 54 (2015-2016) précité.

* 25 Cette décision ayant déclaré contraire à la Constitution une sanction complémentaire d'interdiction définitive d'inscription sur les listes électorales.

* 26 Dernières statistiques disponibles du casier judiciaire.

* 27 Cette formulation se retrouvant, à titre d'exemple, aux articles 7 à 20 de la loi n° 2012-304 du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif, lesquels ont eu pour effet d'insérer dans la législation pénale des peines complémentaires obligatoires restreignant la capacité d'acquérir et de détenir des armes à la suite d'une condamnation.

* 28 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 29 Les deux dernières datant du 11 mars et du 16 septembre 2015.

* 30 Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dite « loi Le Pors ».

* 31 Pour des explications complémentaires sur cette évolution du droit, votre rapporteur renvoie à la lecture des pages 103 à 107 du rapport n° 274 (2015-2016) fait par notre collègue Alain Vasselle sur ce projet de loi.

* 32 Arrêt du 10 juin 1992 de la première chambre civile.

* 33 Arrêt du 26 mai 2004 de la chambre criminelle de la Cour de cassation.

* 34 Le rapport indique qu'une « des difficultés - c'était notamment le cas dans l'Isère et dans l'Ille-et-Vilaine - vient de ce que précisément l'administration, ignorant que l'un de ses agents a été condamné, n'est pas en mesure de demander copie du jugement ».

* 35 Décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003 (loi pour la sécurité intérieure).

* 36 CEDH, 17 février 2001, Dakatars c. Lithuanie.

* 37 CEDH, 25 mars 1983, Minelli c. Suisse.

* 38 Contribution écrite de Mme Cristina Mauro, professeur agrégé des facultés de droit de l'Université de Poitiers.

* 39 Rapport n°119 (2015-2016) fait par M. François Pillet au nom de la commission des lois sur le projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société.

* 40 Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs généraux.

* 41 Ibid.

* 42 Rapport de M. Pierre Delmas-Goyon, « Le juge du 21 ème siècle » et document de synthèse du Ministère de la Justice « Présentation des 15 actions de la justice du 21 ème siècle ».

* 43 Proposition n°26 du rapport précité de M. Jean-Louis Nadal.

* 44 Contribution écrite de la conférence nationale des procureurs de la République.

* 45 Dans le paragraphe 13 de son avis, le Conseil d'État relève que « l'interdiction instituée par le projet de loi d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs prononcée dans le cadre d'un contrôle judiciaire ne devait pouvoir être décidée, s'agissant d'une mesure pré-sentencielle, que si les circonstances font craindre la commission d'une nouvelle infraction ».

* 46 Votre rapporteur renvoie à la lecture de l'annexe n° 1 du présent rapport concernant les conséquences procédurales de l'inclusion d'une infraction dans le champ d'application de l'article 706-47.

* 47 Cf. Rapport n°54 (2015-2016) précité.

* 48 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 49 « Ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale, à l'exclusion de l'exercice des mandats électifs et des responsabilités syndicales, lorsque l'infraction a été commise dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ces activités et lorsqu'il est à redouter qu'une nouvelle infraction soit commise. [...] ».

* 50 Le cas de l'audition libre, non prévu par l'article 30 de la loi DADUE, constitue un élément nouveau proposé par le présent projet de loi.

* 51 Alors que le texte du projet de loi initial proposait une rédaction légèrement différente, le rapporteur de la commission des lois a souhaité harmoniser cette disposition avec la rédaction de l'article 80-1 du code de procédure pénale relatif aux modalités de mise en examen.

* 52 La haute juridiction administrative relève qu'il s'agit du seul cas pour lequel l'information communiquée par le parquet serait susceptible de ne pas être suivie de la saisine d'une juridiction

* 53 Si le mis en cause dispose, dans le cadre d'une garde à vue ou d'une audition libre, du droit à être assisté par un avocat, ce dernier n'a en revanche pas accès au dossier de la procédure.

* 54 CE, sect., 19 nov. 1993, n° 74235, Védrenne.

* 55 Pour une présentation exhaustive de ces infractions, votre rapporteur renvoie à son commentaire ci-dessus de l'amendement COM-9 adopté par votre commission.

* 56 Qui constitue le seul amendement voté en séance publique sur le projet de loi.

* 57 Cas d'aggravation du délit prévu au 2° du III de l'article 222-33.

* 58 Le cadre procédural de l'enquête préliminaire ne garantissant pas, pour sa part, à la personne mise en cause le même exercice de ses droits à la défense.

* 59 En application de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il est saisi.

* 60 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 61 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 62 Relèvent de ce régime juridique les modes d'accueil collectif à caractère éducatif de mineurs (article L. 227-4), les établissements et services sociaux et médico-sociaux (article L. 312-1) tels que les établissements ou services prenant en charge habituellement des mineurs et des majeurs de moins de vingt et un ans relevant de l'aide sociale à l'enfance, les établissements ou services d'enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d'adaptation, ou encore les centres d'action médico-sociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4 du code de la santé publique.

* 63 « Le fait de causer à autrui, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, une incapacité totale de travail pendant plus de trois mois » [...]. »

* 64 Au 2° de l'article 4 du texte adopté n° 15 (2015-2016) par le Sénat.

* 65 Atteinte volontaire à la vie, torture, acte de barbarie, violence, viol, agression sexuelle, exhibition et harcèlement sexuel, enlèvement et séquestration, recours à la prostitution de mineurs ou de personnes particulièrement vulnérables, délaissement de mineurs et mise en péril des mineurs.

* 66 Article D. 421-20 du CASF.

* 67 Décision n° 2015-719 DC précitée.

* 68 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 pour les îles Wallis et Futuna, loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 pour la Polynésie française et loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 pour la Nouvelle-Calédonie.

* 69 Aux termes de l'article 706-50 du code de procédure pénale, un administrateur ad hoc est désigné par l'autorité judiciaire chaque fois que la protection des intérêts du mineur n'est pas complétement assurée par ses représentants légaux ou l'un d'entre eux, ces dispositions étant d'application générale et non restreintes aux infractions de l'article 706-47 du code de procédure pénale.

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