B. UNE DETTE DE L'ÉTAT REPRÉSENTANT PRÈS DE 76 % DU PIB À LA FIN DE L'ANNÉE 2015

1. Un besoin de financement de 189,1 milliards d'euros en 2015

Le besoin de financement de l'État s'est élevé à 189,1 milliards d'euros en 2015, soit une hausse de 10,0 milliards d'euros par rapport à 2014 et une baisse de 3,2 milliards d'euros au regard des prévisions de la loi de finances initiale pour 2015. Cette diminution provient notamment de l'évolution du déficit budgétaire , moins élevé que prévu.

Outre le solde à financer, le besoin de financement se compose pour l'essentiel (plus de 60 %) des amortissements de la dette à moyen et long terme.

Les amortissements de la dette à moyen et long termes se sont élevés à 116,4 milliards d'euros en 2015, en légère baisse de 0,1 milliard d'euros par rapport à la prévision initiale. Cela s'explique par l'impact de la baisse de l'inflation : celle-ci limite les suppléments d'indexation versés à l'échéance et donc le besoin de refinancement de la dette.

Les autres besoins de trésorerie se sont établis à 2,0 milliards d'euros, contre 1,3 milliard d'euros attendus en loi de finances initiale.

La composition des autres besoins de trésorerie

Les autres besoins de trésorerie sont composés :

- des décaissements sur comptes d'investissements d'avenir, nets des intérêts versés par l'État au titre des « dotations non consommables » (car ces intérêts sont déjà imputés dans le déficit budgétaire). En 2015, ce poste représente 2,7 milliards d'euros ;

- de la neutralisation de la charge annuelle d'indexation du capital des titres indexés, qui est comptée dans le déficit budgétaire alors qu'elle n'occasionne pas de décaissement. Cette neutralisation, comptée en moindre (-) besoin de financement, a été de 0,5 milliard d'euros du fait de la faiblesse de l'inflation ;

- enfin, d'une ligne d'ajustements comptables. Celle-ci comprend des ajustements pour passage de l'exercice budgétaire à l'année civile, résultant de décalages temporels dû à l'imputation de dépenses budgétaires au cours de la période complémentaire, et de la variation des fonds hors Trésor d'entités de la sphère « État », pour un total de 0,2 milliard d'euros en 2015.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. Un montant particulièrement élevé de primes à l'émission s'expliquant par la faiblesse des taux d'intérêt en 2015

Les ressources de financement, par définition égales aux besoins, comprennent essentiellement des émissions de dette à moyen et long termes qui se sont élevées à 187,0 milliards d'euros en 2015 (nettes des rachats), dans le respect du programme d'émission prévu en loi de finances initiale.

Un montant de 0,8 milliard d'euros versé en 2015 par le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (PFE) a été utilisé par la Caisse de la dette publique (CDP) pour amortir des titres d'État. Ce montant est très inférieur à la prévision de la loi de finances initiale mais celle-ci est largement conventionnelle : l'État n'a en effet pas intérêt à indiquer à l'avance aux marchés le montant de cessions qu'il envisage de réaliser au cours de l'année.

Les fonds déposés au Trésor par les correspondants ont augmenté de 6,7 milliards d'euros par rapport à fin 2014, ce qui a conduit les disponibilités du Trésor en fin d'année à connaître une hausse de + 5,2 milliards d'euros.

Enfin, la baisse des taux à moyen et long terme a occasionné la réception en trésorerie d'importantes primes à l'émission , lors des réémissions de titres créés antérieurement. Les primes à l'émission résultent de la différence entre le taux de coupon des titres émis et le taux d'intérêt de marché en vigueur au moment de l'émission.

Les primes et décotes à l'émission

Les titres émis à moyen ou long terme par l'État peuvent l'être au moyen d'une technique d'assimilation , qui consiste à abonder une même « ligne » ou « souche » de dette plusieurs fois pour en améliorer la liquidité.

Ces émissions à partir de souches anciennes, pratiquées depuis septembre 2007, ont été systématisées à partir de 2008 .

Ainsi, le prix d'acquisition de ces titres peut varier de leur valeur nominale de remboursement . Par exemple, si le titre vaut 100 et s'accompagne d'un coupon (c'est-à-dire d'un intérêt) de 4, alors que la plupart des autres titres sur le marché ont un coupon de 2, il est probable que les souscripteurs proposent d'acheter le titre pour un prix supérieur au prix nominal : par exemple, pour 200 alors que le prix nominal était de 100.

Dans ce cas, une prime apparaît pour l'État . Dans le cas inverse, les souscripteurs proposeront un prix d'achat inférieur au nominal, et une décote apparaîtra pour l'État.

En comptabilité budgétaire, ces primes et décotes à l'émission sont traitées comme opérations de trésorerie (comme le prévoit l'article 25 de la loi organique relative aux lois de finances) et apparaissent dans la catégorie « autres ressources de trésorerie » .

Quand les taux d'intérêt sur la dette de l'État diminuent, les primes ont tendance à augmenter dans la mesure où les souches anciennes de dette proposent un rendement plus élevé que les souches nouvelles.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire du rapporteur général)

Les autres ressources de trésorerie s'établissent ainsi en très forte hausse : elles atteignent 22,4 milliards d'euros, soit un montant supérieur de 21,9 milliards d'euros aux estimations de la loi de finances initiale qui ne s'élevaient qu'à 500 millions d'euros .

D'après les informations transmises à votre rapporteur général par le Gouvernement, l'État a perçu 22,7 milliards d'euros de primes reçues nettes des décotes versées à l'émission , auxquelles il faut retrancher 1,0 milliard d'euros de primes payées sur rachats de titres et ajouter 0,7 milliard d'euros de suppléments d'indexation (se décomposant en 0,9 milliard d'euros reçus à l'émission, moins 0,2 milliard d'euros versés lors des rachats).

Ces ressources additionnelles ont été utilisées pour réduire l'endettement à court terme , à hauteur de 22,6 milliards d'euros d'une fin d'année à l'autre.

L'Agence France Trésor (AFT) a en effet mené un important programme d'émissions de titres sur des souches anciennes : en 2015, elles ont représenté 33 % des émissions de moyen et long terme, soit 67,3 milliards d'euros. Cette proportion est supérieure à celle observée en 2014 (22 %, soit 40,5 milliards d'euros), mais elle a déjà été atteinte et même dépassée il y a quelques années , en 2011 (37 %). D'après la Cour des comptes, l'AFT considère que « les achats réguliers de titres français par l'Eurosystème dans le cadre de son programme de rachat de titres publics ont rendu nécessaire ce ré-abondement régulier des souches anciennement émises afin de répondre à la demande des investisseurs et maintenir la meilleure liquidité possible sur l'ensemble des OAT. L'AFT estime que, si elle n'avait pas répondu à cette demande, les taux obtenus sur ces émissions à long et moyen terme auraient été globalement plus élevés ».

Votre rapporteur général souligne que l'émission sur souche ancienne, et les primes ou décotes auxquelles elle donne lieu, n'ont rien de nouveau .

Les explications données par l'Agence France Trésor lui paraissent satisfaisantes : dans le contexte exceptionnel de rachat massif de titres par les banques centrales de la zone euro, des émissions plus importantes que prévu sur des souches anciennement émises semblent justifiées .

Au surplus, l'utilisation des primes à l'émission, qui ont permis de diminuer l'encours de la dette à court terme, paraît conforme à l'intérêt général de long terme : plutôt que de minimiser la charge budgétaire de la dette dans l'immédiat, ce qui aurait exigé de privilégier l'endettement à court terme dont les taux sont très faibles voire négatifs, l'Agence France Trésor a préféré diminuer l'endettement à court terme qui est aussi celui dont les taux d'intérêt vont les plus volatils. Cette stratégie ne vise donc pas à réduire au maximum la charge d'intérêt immédiate mais à limiter le risque budgétaire couru en cas de remontée des taux.

Ces primes à l'émission auront cependant pour contrepartie une charge budgétaire d'intérêt plus importante dans les années à venir et votre rapporteur général se montrera vigilant quant à l'évolution tant de la charge de la dette que des primes à l'émission .

3. La dette de l'État continue de croître et atteint 75,8 % du PIB

L'encours de la dette financière négociable de l'État s'élève, en fin d'année 2015, à 1 576 milliards d'euros 68 ( * ) contre 1 528 milliards d'euros fin 2014. Elle a donc augmenté de 48 milliards d'euros .

Si cette hausse est inférieure à celle des années passées, elle n'en reste pas moins préoccupante . En effet, le caractère indolore de l'augmentation de la dette, en raison de la faiblesse des taux d'intérêt, ne saurait se prolonger de façon indéfinie. La remontée des taux d'intérêt, qui conduira à alourdir le poids des intérêts de la dette, placera alors la France dans une situation très délicate.

L'endettement massif de l'État participe de la fragilisation de sa situation financière, décrite dans le compte général de l'État (CGE).


* 68 Charge d'indexation du capital comprise.

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