IV. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

La loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF) 69 ( * ) visait notamment à rompre avec la logique de moyens, qui prévalait sous l'ordonnance de 1959 70 ( * ) , et à promouvoir une culture de résultats , davantage tournée vers l'efficacité et l'efficience des politiques publiques. Ainsi, dès son article 1 er , la LOLF précise que les lois de finances doivent tenir compte « des objectifs et des résultats des programmes qu'elles déterminent ».

La LOLF a ainsi prévu la définition d'objectifs pour chaque programme, déclinés en indicateurs et sous-indicateurs. Aux termes de son article 51, les projets annuels de performance (PAP) annexés au projet de loi de finances de l'année doivent comporter « la présentation des actions, des coûts associés, des objectifs poursuivis, des résultats obtenus et attendus pour les années à venir mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié » . Comme le rappelle le guide méthodologique de la performance 71 ( * ) , ces indicateurs doivent permettre de mesurer l'une des trois dimensions de la performance :

- l'efficacité socio-économique répondant aux attentes des citoyens. Ils correspondent à des objectifs visant à modifier l'environnement économique, social, écologique, sanitaire, culturel, etc. et indiquent non pas ce que fait l'administration (ses produits), mais l'impact de ce qu'elle fait (ses résultats socio-économiques) ;

- la qualité de service intéressant l'usager. L'usager peut être externe (utilisateur d'un service public) ou interne (service bénéficiaire d'un programme de gestion interne - gestion des ressources humaines de la mission, par exemple) assuré par un programme dit de « soutien » ;

- l' efficience de la gestion intéressant le contribuable et qui vise, pour un même niveau de ressources, à accroître les produits des activités publiques ou, pour un même niveau d'activité, à nécessiter moins de moyens.

Enfin, dans le cadre du « chaînage vertueux » fondé sur la confrontation entre les prévisions et les réalisations, l'examen de la loi de règlement doit permettre au Parlement et aux citoyens de mesurer l'atteinte des objectifs fixés dans le projet de loi de finances afférent à la même année. Aux termes de l'article 54 de la LOLF, les rapports annuels de performances (RAP) annexés au projet de loi de règlement doivent ainsi comporter « les objectifs, les résultats attendus et obtenus, les indicateurs et les coûts associés ».

A. LA MESURE DE LA PERFORMANCE PAR LES INDICATEURS LES PLUS REPRÉSENTATIFS DES MISSIONS

1. Un effort de rationalisation significatif entrepris dans le projet de loi de finances pour 2015

La rationalisation de la mesure de la performance est indispensable pour améliorer la lisibilité des objectifs de l'action publique. Cet effort passe notamment par une diminution du nombre d'objectifs et d'indicateurs associés aux programmes des missions du budget de l'État. Si cette étape relève du projet de loi de finances (PLF), c'est à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement que les bénéfices en matière de lisibilité de la mesure de la performance peuvent être appréciés.

D'après les données transmises par le ministère du budget, le nombre d'objectifs pour le budget général de l'État est passé de 400 dans le PLF 2014 à 329 dans le PLF 2015, soit une diminution de près de 18 % . La moyenne d'objectifs par programme s'établit en conséquence à 2,7 ; contre 3,2 l'année précédente.

Le nombre d'indicateurs connaît une tendance identique, passant de 837 dans le PLF 2014 à 674 dans le PLF 2015, soit une diminution de 19,5 %.

Votre rapporteur général salue un effort de rationalisation plus important que celui constaté entre les PLF 2013 et 2014, pour lesquels la réduction du nombre d'objectifs et d'indicateurs associés s'établissait à environ 4 % . Entre 2007 et 2015, le nombre d'objectifs de performance a été réduit de 38 % et le nombre d'indicateurs de 40 %.

La répartition entre les trois grandes catégories d'indicateurs ne connaît pas d'évolution , 46 % d'entre eux mesurant l'efficacité pour le citoyen, 19 % la qualité de service rendu à l'usager et 35 % l'efficience du point de vue du contribuable.

2. La poursuite de l'effort d'amélioration du renseignement des sous-indicateurs relatifs aux missions du budget général

La réduction du nombre d'indicateurs s'accompagne d'une amélioration du taux de renseignement de ceux-ci dans les rapports annuels de performances (RAP) de chaque mission. Pour 2015, 78 % des 251 sous-indicateurs relatifs aux 87 indicateurs de mission du budget général de l'État sont renseignés. Pour 71 % d'entre eux, une prévision était renseignée. Ces deux taux sont en amélioration par rapport à l'année précédente (où ils atteignaient respectivement 76 % et 69 %).

Si 20 missions du budget général sur 28 ont un taux de renseignement des sous-indicateurs de mission atteignant 100 %, certaines font toujours l'objet d'une documentation insuffisante, pourtant nécessaire à la fonction de contrôle du Parlement. Par ailleurs, trois missions comportant un nombre significatif de sous-indicateurs affichent un taux de renseignement particulièrement faible .

Le taux de renseignement des sous-indicateurs de la mission « Recherche et enseignement supérieur » apparaît particulièrement faible tant en prévision qu'en exécution . La plupart des sous-indicateurs 2015 sont nouveaux et beaucoup d'entre eux ne peuvent être renseignés qu'en année n+1. Par exemple, le pourcentage d'une classe d'âge obtenant un diplôme de l'enseignement supérieur en formation initiale n'est disponible qu'en décembre n+1 et n'apparaît donc qu'au RAP n+1.

Une amélioration du renseignement des indicateurs est à noter s'agissant de la mission « Enseignement scolaire » . S'ils demeurent globalement sous-renseignés (42 % renseignés dont la prévision était connue), les sous-indicateurs de la mission affichent un meilleur taux de renseignement que l'année précédente (en 2014, seuls 16 % des sous-indicateurs étaient renseignés et bénéficiaient d'une prévision). La dépense dans le domaine de l'enseignement scolaire étant composée à plus de 90 % de crédits de titre 2, il est cependant regrettable, comme le souligne la Cour des comptes, que « les indicateurs d'efficience financière restent par ailleurs trop peu représentés, ne permettant pas d'apprécier la performance du système éducatif du point de vue de son utilité socio-économique » 72 ( * ) .

La mission « Travail et emploi » demeure quant à elle particulièrement peu documentée avec un seul sous-indicateur de mission renseigné sur cinq . Par ailleurs, comme le souligne la Cour des comptes dans sa note sur l'exécution budgétaire 2015, il apparaît regrettable que « la refonte de nombre d'indicateurs, en lien avec le souhait d'en diminuer le nombre et d'en accroître la pertinence, n'a pas eu pour effet de préciser davantage l'impact macroéconomique des mesures en faveur de l'emploi sur le chômage » 73 ( * ) .

Tableau n° 40 : Sous-indicateurs* 2015 renseignés
et sous-indicateurs* dont la prévision 2015 était connue

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2015

Sous-indicateurs renseignés 2015 dont la prévision était connue

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

12

9

75 %

9

75 %

Administration générale et territoriale de l'État

4

4

100 %

4

100 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

5

3

60 %

3

60 %

Aide publique au développement

2

2

100 %

2

100 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

3

3

100 %

3

100 %

Conseil et contrôle de l'État

7

7

100 %

7

100 %

Culture

10

10

100 %

7

70 %

Défense

14

14

100 %

14

100 %

Direction de l'action du gouvernement

8

8

100 %

4

50 %

Écologie

6

6

100 %

6

100 %

Économie

2

2

100 %

2

100 %

Égalité des territoires et logement

18

11

61 %

9

50 %

Engagements financiers de l'État

5

5

100 %

5

100 %

Enseignement scolaire

31

21

68 %

13

42 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

7

7

100 %

7

100 %

Immigration, asile et intégration

4

4

100 %

4

100 %

Justice

12

9

75 %

9

75 %

Médias, livre et industries culturelles

6

6

100 %

6

100 %

Outre-Mer

6

6

100 %

6

100 %

Politique des territoires

1

0

0 %

0

0 %

Recherche et enseignement supérieur

25

6

24 %

6

24 %

Régimes sociaux et de retraite

1

1

100 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

8

8

100 %

8

100 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

6

4

67 %

4

67 %

Santé

5

2

40 %

2

40 %

Sécurités

28

28

100 %

28

100 %

Sport, jeunesse et vie associative

10

10

100 %

8

80 %

Travail et emploi

5

1

20 %

1

20 %

TOTAL

251

197

78 %

178

71 %

Rappel 2014

323

246

76 %

222

69 %

* Sous-indicateurs de mission
Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

3. Une performance des missions du budget général globalement stable par rapport à 2014

Le tableau infra résume les écarts aux cibles de performance dans les missions du budget général de l'État . Globalement, les résultats varient peu par rapport à 2014 : 4 % des sous-indicateurs manquent la prévision de 50 % et 10 % s'en écartent de 25 %. Les écarts excessifs à la prévision mentionnée dans le PAP restent donc exceptionnels dans la plupart des missions du budget général de l'État.

Toutefois, en 2015, 60 % des sous-indicateurs relatifs aux indicateurs de mission manquent leur cible lorsque celle-ci était connue. L'absence d'amélioration de ce résultat, déjà insatisfaisant en 2014 (57 %), est regrettable .

Parmi les sous-indicateurs manquant la prévision d'au moins 25 %, certains devront faire l'objet d'une attention particulière lors de l'examen des futurs projets de loi de finances et de règlement. Il s'agit :

- pour la mission « Immigration, asile et intégration », du sous-indicateur « Délai moyen de traitement d'un dossier par l'OFPRA », qui manque la prévision de 43 % : le délai moyen constaté s'établit à 216 jours, loin de la cible de 150 jours fixée par le PAP 2015 ;

- pour la mission « Action extérieure de l'État », du sous-indicateur mesurant l'usage de langue française au sein des institutions de l'Union européenne , qui est inférieur de moitié à la prévision de 10 % des documents budgétaires ;

- pour la mission « Direction de l'action du Gouvernement », du sous-indicateur « Maturité globale en sécurité des systèmes d'information de l'État » (mesuré par une note comprise entre 1 et 5 points), qui manque la prévision fixée à 3,5 ;

- pour la mission « Relations avec les collectivités territoriales », du sous-indicateur « Montant moyen des investissements subventionnés », qui est inférieur de 27 % à la cible de 200 000 euros ;

- pour la mission « Sport, jeunesse et vie associative », du nombre de clubs garantissant un accès aux personnes en situation de handicap , qui demeure, malgré une amélioration de près de 43 % par rapport à 2014, en deçà de la prévision fixée à 6 000.

Tableau n° 41 : Résultats des RAP 2015 au regard des prévisions 2015 des PAP 2015

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la cible

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la cible

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Action extérieure de l'État

6

67 %

1

11 %

2

22 %

3

33 %

Administration générale et territoriale de l'État

3

75 %

0

0 %

0

0 %

1

25 %

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2

67 %

0

0 %

1

33 %

1

33 %

Aide publique au développement

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2

67 %

1

33 %

1

33 %

1

33 %

Conseil et contrôle de l'État

5

71 %

1

14 %

1

14 %

2

29 %

Culture

3

43 %

0

0 %

0

0 %

4

57 %

Défense

9

64 %

1

7 %

2

14 %

5

36 %

Direction de l'action du gouvernement

2

50 %

0

0 %

1

25 %

2

50 %

Écologie

5

83 %

0

0 %

0

0 %

1

17 %

Économie

1

50 %

0

0 %

0

0 %

1

50 %

Égalité des territoires et logement

4

44 %

0

0 %

0

0 %

5

56 %

Engagements financiers de l'État

1

20 %

0

0 %

1

20 %

4

80 %

Enseignement scolaire

10

77 %

0

0 %

0

0 %

3

23 %

Gestion des finances publiques et des ressources humaines

4

57 %

0

0 %

0

0 %

3

43 %

Immigration, asile et intégration

2

50 %

0

0 %

1

25 %

2

50 %

Justice

6

67 %

0

0 %

0

0 %

3

33 %

Médias, livre et industries culturelles

6

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Outre-Mer

3

50 %

2

33 %

3

50 %

3

50 %

Politique des territoires

0

0 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Recherche et enseignement supérieur

2

33 %

0

0 %

0

0 %

4

67 %

Régimes sociaux et de retraite

0

0 %

0

0 %

0

0 %

1

100 %

Relations avec les collectivités territoriales

4

50 %

0

0 %

2

25 %

4

50 %

Solidarité, insertion et égalité des chances

4

100 %

0

0 %

1

25 %

0

0 %

Santé

2

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

Sécurités

16

57 %

1

4 %

1

4 %

12

43 %

Sport, jeunesse et vie associative

3

38 %

0

0 %

1

13 %

5

63 %

Travail et emploi

1

100 %

0

0 %

0

0 %

0

0 %

TOTAL

107

60 %

7

4 %

18

10 %

71

40 %

Rappel 2014

128

58 %

9

4 %

15

7 %

94

42 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

4. La performance des comptes de concours financiers

Trois comptes de concours financiers bénéficient d'indicateurs et de sous-indicateurs de mission permettant d'appréhender leur performance. Il s'agit des comptes « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics », « Avances à l'audiovisuel public » et « Contrôle et exploitation aériens ».

Tableau n° 42 : Sous-indicateurs* 2015 renseignés
et sous-indicateurs* dont la prévision 2015 était connue

Mission

Nombre de sous-indicateurs de la mission

Sous-indicateurs renseignés 2015

Sous-indicateurs renseignés 2015 dont la prévision était connue

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

5

5

100 %

5

100 %

Avances à l'audiovisuel public

12

9

75 %

9

75 %

Contrôle et exploitation aériens

8

8

100 %

8

100 %

TOTAL

25

22

88 %

22

88 %

* Sous-indicateurs de mission
Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Le renseignement des résultats et prévisions des sous-indicateurs relatifs aux comptes de concours financiers est supérieur à celui observé pour les missions du budget général de l'État. Seul le compte « Avances à l'audiovisuel public » n'est pas documenté à 100 %.

Tableau n° 43 : Résultats des RAP 2015 au regard des prévisions 2015 des PAP 2015

Mission

Sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue manquant la cible

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 50 %

Sous-indicateurs manquant la prévision de plus de 25 %

Sous-indicateurs renseignés atteignant ou dépassant la cible

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Nombre

Proportion

Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics

1

20 %

1

20 %

1

20 %

4

80 %

Avances à l'audiovisuel public

5

56 %

2

22 %

2

22 %

4

44 %

Contrôle et exploitation aériens

1

13 %

1

13 %

1

13 %

7

88 %

TOTAL

7

32 %

4

18 %

4

18 %

15

68 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données ministère du budget

Les résultats affichés par ces comptes sont également meilleurs que ceux des missions du budget général. En effet, 68 % des sous-indicateurs renseignés dont la prévision était connue atteignent ou dépassent la cible fixée dans le PAP . Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » comporte cependant une majorité (56 %) de sous-indicateurs manquant la cible. Ces écarts concernent principalement des objectifs d'audience pour les stations de radio publiques.


* 69 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 70 Ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances.

* 71 La démarche de performance : stratégie, objectifs, indicateurs. Guide méthodologique pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, juin 2004. Document réalisé en concertation entre le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP).

* 72 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2015 de la mission « Enseignement scolaire ».

* 73 Cour des comptes, Note d'exécution budgétaire 2015 de la mission « Travail et emploi ».

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