II. DES PRÉVISIONS DE RECETTES RÉALISTES, UN CONTEXTE FAVORABLE

Les recettes nettes de l'État (hors fonds de concours et prélèvements sur recettes) se sont élevées à 294,5 milliards d'euros en 2015 contre 288,3 milliards d'euros en 2014 , soit une hausse de 2,2 %. Les prévisions de recettes pour 2015 se sont avérées réalistes : un contexte favorable , marqué notamment par la reprise en base des plus-values constatées sur l'exercice 2014, a conduit à ce que les recouvrements soient conformes aux estimations initiales.

Les recettes de l'État se composent de recettes fiscales (280,1 milliards d'euros en 2015, soit 95 % du total) et non fiscales (14,4 milliards d'euros en 2015).

A. DES RECETTES FISCALES CONFORMES AUX PRÉVISIONS GRÂCE À LA REPRISE EN BASE DE L'ANNÉE 2014 ET À DES CONTRÔLES FISCAUX D'UNE AMPLEUR EXCEPTIONNELLE

1. Des recettes fiscales globalement en ligne avec les prévisions

Les recettes fiscales sont globalement en ligne avec les prévisions. Au total, elles sont supérieures de 1,1 milliard d'euros (0,39 %) aux estimations de la loi de finances initiale pour 2015.

L'élasticité des recettes fiscales ressort à elle à 0,9, soit une valeur qui, si elle reste inférieure à l'unité, n'en est pas moins supérieure aux années précédentes.

Graphique n° 34 : Évolution des recettes fiscales entre loi de finances initiale pour 2015 et exécution 2015

(en milliards d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Une évolution spontanée de nouveau positive, renforcée par l'importance des recouvrements liés à des contrôles fiscaux (hors STDR)

L'évolution spontanée des recettes fiscales s'est élevée à 1,7 % en 2015 : c'est la première fois depuis 2011 qu'elle est positive.

Cette augmentation significative est liée au dynamisme des recettes en provenance de contrôles fiscaux : celles-ci se sont établies à 12,2 milliards d'euros, contre 10,4 milliards d'euros en 2014, soit une hausse de 17 % en un an .

Le suivi des recettes résultant des contrôles fiscaux est malaisé en raison de leur double nature : les paiements peuvent correspondre à un simple « rattrapage » de l'impôt dû et relèvent alors des recettes fiscales, tandis que les amendes sont rattachées aux recettes non fiscales. Si les amendes sont identifiées comme telles, les recettes fiscales résultant de contrôles fiscaux ne sont pas, en revanche, distingués du reste des recouvrements dans la comptabilité budgétaire de l'État.

Un facteur supplémentaire de complexité provient du fait que les recettes en provenance du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) sont comptabilisées comme des mesures nouvelles, et non intégrées à l'évolution spontanée de l'impôt, bien qu'elles correspondent également des contrôles fiscaux.

L'assimilation à la croissance spontanée de recettes recouvrées en lien avec des contrôles fiscaux et l'absence de suivi distinct de ces recettes, si elles peuvent s'expliquer pour des raisons pratiques, paraissent impropre à permettre une analyse fine de l'évolution spontanée de l'impôt.

b) Une exécution proche des prévisions pour les grands impôts grâce à la reprise en base de l'exécution 2014 et à des contrôles fiscaux importants
(1) Une quasi-stabilité des recettes d'impôt sur le revenu entre 2014 et 2015

Entre 2014 et 2015, les recettes d'impôt sur le revenu (IR) net sont restées quasiment stables avec une très légère progression de 0,1 %. L'effet des mesures nouvelles, notamment la réforme du bas du barème, s'élève à - 1,2 milliard d'euros et les recettes ont crû spontanément de 1,9 %. Cette évolution spontanée est notamment soutenue par le très fort rebond des plus-values mobilières au barème et le dynamisme des salaires, des retraites et des dividendes et partiellement freinée par l'environnement de faible taux et le repli des plus-values immobilières.

Les recettes nettes d'impôt sur le revenu sont supérieures de 0,4 milliard d'euros à la prévision initiale pour 2015 , sous l'effet de deux principaux facteurs : d'une part, la reprise en base de la plus-value observée en 2014, entre la loi de finances rectificative de fin de gestion et l'exécution, d'autre part, la révision à la hausse des recettes de lutte contre la fraude au titre du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR).

(2) Une diminution des recettes d'impôt sur les sociétés en raison de l'accélération de la montée en charge du CICE, partiellement compensée par une recette exceptionnelle au titre d'un contentieux

Les recettes d'impôt sur les sociétés, qui se sont établies en très légère moins-value (- 0,2 milliard d'euros) par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2015, ont reculé de 1,8 milliard d'euros entre 2014 et 2015 , essentiellement du fait de l'impact des mesures nouvelles (- 2,1 milliards d'euros), notamment le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (- 5,0 milliards d'euros) dont la montée en charge est plus rapide que prévue. Le coût du CICE a ainsi été supérieur de 2,0 milliards d'euros à la prévision de la loi de finances initiale (12,0 milliards d'euros au lieu de 10,0 milliards d'euros) et de 5,4 milliards d'euros à l'exécution 2014.

Ces éléments sont toutefois compensés, pour une part, en raison de l'impact des mesures du Pacte de responsabilité (+ 0,8 milliard d'euros) et d'une recette exceptionnelle au titre d'un contentieux avec EDF (+ 1,4 milliard d'euros).

Au surplus, l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés s'est avérée légèrement positive en 2015 (+ 0,8 %) - bien que cette donnée ne soit pas facile à interpréter en raison du décalage d'une année entre la perception des bénéfices et la taxation ainsi que de l'existence d'un cinquième acompte.

Les facteurs influant sur l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés

L'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés pour l'année N n'est pas aisément interprétable, car elle dépend à la fois de la croissance du bénéfice fiscal en N-1 (via les acomptes et le solde) et en N (via le 5 ème acompte net de l'autolimitation), mais aussi d'effets purement mécaniques liés à des déports éventuels de recettes d'une année sur l'autre (5 ème acompte net de l'autolimitation / solde net) qui peuvent varier d'une année à l'autre selon le comportement des entreprises.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

D'après les informations transmises par le Gouvernement, l'évolution spontanée de l'impôt sur les sociétés constatée en 2015 recouvre trois effets. Le bénéfice fiscal 2014 est en recul par rapport à 2013 , ce qui tend à diminuer l'évolution spontanée de l'impôt. Toutefois, le bénéfice fiscal 2015, en nette hausse par rapport à 2014 , a un effet positif sur le 5 e acompte net de l'autolimitation versé en fin d'année.

Enfin, le niveau élevé des recettes perçues sur avis de mise en recouvrement , c'est-à-dire à la suite de contrôles fiscaux, contribue à renforcer l'évolution spontanée.

(3) La taxe sur la valeur ajoutée a crû de 2,5 % entre 2014 et 2015

Les recettes de TVA nette ont augmenté de + 2,5 % entre 2014 et 2015, sous l'effet combiné des mesures nouvelles et de transfert (+ 2,2 milliards d'euros au total) et d'une évolution spontanée positive (+ 0,9 %).

En revanche, les recettes sont inférieures de 800 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale pour 2015, en lien avec la révision à la baisse de l'inflation d'une part et avec le transfert exceptionnel de TVA aux administrations de sécurité sociale intervenu en cours de gestion d'autre part (dont l'impact s'élève à 600 millions d'euros).

(4) La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) augmente de 500 millions d'euros en raison de plusieurs effets contraires

Les recettes de TICPE recouvrées par l'État ont augmenté de 500 millions d'euros entre 2014 et 2015, soit une hausse de 4,5 % , mais elles se sont établies 200 millions d'euros en-deçà de la prévision de la loi de finances initiale pour 2015.

Les facteurs ayant influé sur le niveau des recettes de TICPE
recouvrées par l'État en 2015

Les principaux facteurs ayant joué à la hausse sont :

- l'augmentation des taux de taxation au 1 er janvier 2015 sur l'ensemble des produits, qui majore le produit de TICPE de 2,0 milliards d'euros ;

- la hausse des quantités mises à la consommation , qui expliquerait environ 10 % de l'augmentation totale soit 50 millions d'euros.

Toutefois, la part État de la TICPE a été dans le même temps minorée par des transferts :

- 1,1 milliard d'euros ont été transférés à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ;

- des transferts supplémentaires aux collectivités territoriales , notamment au titre du financement de l'apprentissage, ont également diminué le produit de la TICPE État de 0,4 milliard d'euros .

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

(5) Les recouvrements d'impôt sur la fortune sont stables en 2015

Était prévue en loi de finances initiale pour 2015 une recette de 5,6 milliards d'euros, fondée sur une hypothèse d'évolution spontanée de 2,5 %, traduisant l'évolution prévisionnelle des marchés financiers et des prix de l'immobilier.

Cette prévision a été revue à la baisse de 0,2 milliard d'euros dans le cadre de la LFR pour 2015, en lien avec la nouvelle répartition des recettes issues du Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR). La recette recouvrée en 2015 s'élève à 5,2 milliards d'euros, un montant égal à celui recouvré en 2014 et en moins-value de 400 millions d'euros par rapport aux estimations initiales .

c) Une hausse notable des autres recettes fiscales nettes en raison du dynamisme des droits de succession

La plus forte hausse, de 1,9 milliard d'euros, est enregistrée sur les autres recettes fiscales nettes , un ensemble qui agrège de nombreux impôts et dont le poids est plutôt modeste puisqu'il représente 21,7 milliards d'euros. Cette augmentation résulterait principalement du dynamisme des droits de succession (+ 1 milliard d'euros) , en lien avec les restrictions apportées à la possibilité de recourir au paiement fractionné.

L'impact de la réforme des délais de paiement des droits de succession
sur les recettes perçues en 2015

La réforme des délais de paiement des droits de succession s'est répercutée sur les recettes 2015 de deux façons :

- le durcissement de la règlementation a conduit à une diminution du nombre de foyers ayant opté pour le paiement fractionné, ce qui a augmenté les recettes immédiatement perçues par l'État ;

- pour les foyers bénéficiant toujours du paiement fractionné, le durcissement de la règlementation a également conduit à une accélération des paiements.

Par ailleurs, les recettes ont été spontanément très dynamiques.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

2. L'effet significatif de la reprise en base de l'exécution 2014

Dans la mesure où l'exécution des recettes 2014 a été supérieure de 1,9 milliard d'euros à la dernière prévision de la deuxième loi de finances rectificative pour 2014, qui a servi de base à la prévision de recettes de la loi de finances initiale pour 2015, le montant des recettes recouvrées en 2015 intègre un « effet base » de 1,9 milliard d'euros : en effet, les prévisions de recettes accompagnant le projet de loi de finances initiale pour 2015 ont été calculées à partir des recettes estimées pour 2014, inférieures de 1,9 milliard d'euros aux montants réels recouvrés.

Graphique n° 35 : Impact de la reprise en base de la plus-value observée en 2014
sur les recettes fiscales recouvrées en 2015

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses du Gouvernement au questionnaire du rapporteur général

Cet « effet base » est cependant partiellement compensé par la révision à la baisse des mesures nouvelles (- 0,9 milliard d'euros) .

Au total, l'atteinte des prévisions initiales de recettes fiscales relève autant du réalisme des estimations , qui constitue une amélioration notable après plusieurs années de surévaluation importante des recettes fiscales, que de conditions favorables d'exécution qui ne pouvaient être connues lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2015 (reprise en base de l'exécution 2014 et contrôles fiscaux d'une ampleur exceptionnelle).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page