B. LE MOT D'ORDRE DU GOUVERNEMENT : TOUT FAIRE POUR SAUVER L'ASSURANCE MALADIE

En 2017, le déficit du régime général se réduirait de 2,9 milliards d'euros par rapport à 2016 et de 6,6 milliards par rapport à 2015.

La branche maladie connaîtrait une amélioration sensible de son solde, de 1,5 milliard d'euros, de même que la branche famille, de 1 milliard d'euros, tandis que le solde de la branche vieillesse s'améliore de 500 millions d'euros. Pour la quatrième année consécutive, le solde de la branche AT-MP serait stable, à 700 millions d'euros.

Évolution des soldes du régime général et du FSV

En milliards d'euros

2015

2016 (p)

2017 (p)

Évolution 2016/2017

Maladie

- 5,8

- 4

- 2,6

1,4

AT-MP

0,7

0,7

0,7

0

Vieillesse

- 0,3

1,2

1,6

0,4

Famille

- 1,5

- 1

0

1

Régime général

- 6,8

- 3,1

- 0,4

2,7

FSV

- 3,9

- 3,8

- 3,8

0

RG+FSV

- 10,8

- 6,9

- 4,2

2,7

Source : PLFSS 2017

Ces résultats supposent un effort substantiel par rapport au tendanciel, de 5,9 milliard d'euros, concentré sur la branche maladie dont le solde tendanciel est de - 8,3 milliards d'euros.

Comparaison des soldes, par branche, du régime général par rapport au tendanciel

(en milliards d'euros)

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

Maladie

- 4,1

- 8,3

- 2,6

5,7

Vieillesse

1,1

2,7

1,6

- 1,1

Famille

- 1

- 1,3

0

1,3

AT-MP

0,7

0,6

0,7

0,1

Total

- 3,4

- 6,3

- 0,4

5,9

FSV

- 3,8

- 4

- 3,8

0,2

Tous régimes +FSV

- 7,1

- 10,3

- 4,2

6,1

Source : Rapport de la commission des comptes de septembre et PLFSS 2017

La lecture de l'annexe 9, relative aux effets du projet de loi sur les comptes fait ressortir une priorité : un redressement des comptes de l'assurance-maladie, au prix, le cas échéant, d'un déport de son déficit vers d'autres branches.

1. Une maitrise optique des dépenses d'assurance maladie

Le solde de la branche maladie connaîtrait une nouvelle amélioration, de 1,4 milliard d'euros par rapport à 2016, pour s'établir à - 2,6 milliards d'euros, soit le meilleur résultat obtenu depuis 2001, où le solde de l'assurance maladie s'établissait à - 2,1 milliards d'euros.

Cette prévision de solde suppose de combler un écart de 5,7 milliards d'euros par rapport au solde tendanciel qui s'établirait, en dépit des réformes structurelles annoncées, à - 8,3 milliards d'euros.

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

Maladie

- 4,1

- 8,3

- 2,6

5,7

a) Un choc de dépenses

La construction de l'Ondam 2017 prend en compte trois chocs pesant sur la dépense tendancielle :

- l'entrée en vigueur de la nouvelle convention médicale (+ 400 millions d'euros en 2017) ;

- la hausse en deux temps de la valeur du point de la fonction publique ainsi que les mesures concernant la transposition du parcours professionnel carrières et rémunérations des fonctionnaires (PPCR) (+ 800 millions d'euros en 2017) ;

- l'arrivée sur le marché de médicaments anti-cancéreux de nouvelle génération.

Ce triple choc conduit à estimer la croissance tendancielle de l'Ondam 2017 à 4,3 %. Les dépenses de soins de ville augmenteraient de 4,7 % et les dépenses des établissements de santé de 4 %.

Ainsi que l'avait indiqué votre rapporteur général, un taux de progression de l'Ondam de 1,75 %, tel que présenté dans le programme de stabilité n'était pas tenable.

Ces augmentations ont conduit le Gouvernement à réviser à la hausse le taux de progression de l'Ondam de 1,75 %, prévu dans le programme de stabilité, à 2,1 % dans le PLFSS et à afficher une norme d'économies particulièrement exigeante de 4,1 milliards d'euros.

b) Des économies à relativiser

Ces économies sont détaillées comme suit, selon les quatre postes du plan Ondam 2015-2017.

Déclinaison des économies de l'Ondam selon quatre axes

Efficacité de la dépense hospitalière

845

Optimisation des dépenses des établissements

80

Optimisation des achats

505

Liste en sus

260

Virage ambulatoire et adéquation de la prise en charge en établissement

640

Développement de la chirurgie ambulatoire

160

Réduction des inadéquations hospitalières

250

Rééquilibrage de la contribution de l'Ondam à l'objectif global de dépenses

230

Produits de santé et promotion des génériques

1 430

Baisse de prix des médicaments

500

Promotion et développement des génériques

340

Tarifs des dispositifs médicaux

90

Biosimilaires

30

Contribution du fonds de financement de l'innovation pharmaceutique

220

Remises

250

Pertinence et bon usage des soins

1 135

Baisse des tarifs des professionnels libéraux

165

Actions de maîtrise des volumes et de la structure de prescription
des médicaments et dispositifs médicaux

380

Maitrise médicalisée hors médicaments

220

Réforme des cotisations des professionnels de santé

270

Total

4 050

Source : RESF 2017

Par sous-objectifs de l'Ondam, les économies représentent :

- 2 190 millions d'euros pour les soins de ville ;

- 1 630 millions d'euros, dont 565 millions d'euros de régulation sur les dépenses de médicaments ;

- 230 millions d'euros pour les établissements médicaux-sociaux.

Cette cible d'économies paraît effectivement ambitieuse. Elle suppose 650 millions d'euros d'économies supplémentaires par rapport à 2016 (3,6 milliards d'euros) et 850 millions d'euros de plus qu'en 2015 (3,2 milliards d'euros).

Comme le relève cependant le comité d'alerte de l'Ondam, dans son avis du 12 octobre 2016, « une partie significative des économies annoncées n'a pas pour objet de ralentir le rythme des dépenses mais de mobiliser d'autres sources de financement qui ne sont pas décomptées dans l'Ondam ».

Cette sortie du périmètre de l'Ondam prend la forme de trois mesures principales, pour un montant de 670 millions d'euros :

- un transfert complémentaire de 150 millions d'euros depuis les réserves de l'ANFH au profit du FMESPP et de 70 millions d'euros depuis les réserves du FEH, opéré par l'article 53, dont l'exposé des motifs indique qu'il « permettra de minorer d'autant, de façon temporaire, la participation de l'assurance-maladie » et dont on pourrait s'étonner, par conséquent, qu'il ne figure pas dans la liste des économies ;

- la prise en charge par le fonds de financement de l'innovation thérapeutique, créé à l'article 49, de 220 millions d'euros de dépenses de médicaments qui sont sorties du périmètre de l'Ondam mais n'en seront pas moins financées par l'assurance maladie ;

- la mobilisation des réserves de la CNSA à hauteur de 230 millions d'euros pour réduire la participation de l'Ondam au financement des établissements médicaux sociaux.

Sont également contestables l'inscription dans cette liste d'économies de deux mesures qui n'ont pas pour effet de réduire les dépenses, ni même de les déplacer vers une autre prise en charge :

- la comptabilisation, pour 250 millions d'euros, des remises versées par les entreprises pharmaceutiques ne constitue ni une mesure nouvelle, ces remises étant versées chaque année, ni une recette supplémentaire, les remises étant précédemment constatées ex post et venant atténuer les dépenses de médicaments ;

- la comptabilisation, comme en 2016, d'une économie de 270 millions d'euros au titre de la modification du taux de cotisation maladie des personnels de santé exerçant en ville qui réduit certes les dépenses comptabilisées dans l'Ondam mais également les recettes de cotisations enregistrées par la Cnam.

Ces éléments conduisent le comité d'alerte à émettre « une réserve de méthode sur les éléments ayant permis l'élaboration de l'objectif de dépenses en 2017 : en effet, l'évolution de l'Ondam est minorée, plus qu'à l'accoutumée, par des dispositions qui permettent de financer hors Ondam certaines dépenses d'assurance maladie ».

Sur les 4 milliards d'économies présentés, près d'un quart, 970 millions d'euros 2 ( * ) sont contestables : 450 millions d'euros résultent d'une débudgétisation ou plutôt d'une « désondamisation », 250 millions d'un seul aménagement comptable et 270 millions d'euros d'une absence d'économie, auxquels il faut ajouter 220 millions d'euros d'apports extérieurs intégrés en construction de l'Ondam.

Au total, l'effort d'économies est inférieur aux objectifs des années précédentes, puisqu'il se réduit à environ 3 milliards d'euros. L'annexe 9 du PLFSS, consacrée à l'impact du projet de loi sur les comptes, ne retient au demeurant que 3,5 milliards d'économies Ondam sur le champ de l'assurance maladie et, en comptabilisant l'impact sur la CNSA de la construction de l'Ondam, ne retient sur la sphère des ASSO que 3,4 milliards d'euros d'économies, soit un montant intermédiaire entre l'objectif d'économies pour 2015 et celui pour 2016.

Corrigé de ces effets de périmètre, l'Ondam 2017 ne s'établirait plus à 190,7 milliards d'euros mais à 191,4 milliards d'euros, soit un taux de progression, à périmètre constant hors intégration des ESAT, de plus de 2,5 % contre 2,1 % affiché.

c) Une augmentation de recettes

Les recettes de l'assurance-maladie progressent sous l'effet de 0,3 milliard de recettes nouvelles liées à l'augmentation de la fiscalité sur le tabac et, plus marginalement du plafonnement de certaines niches sociales et de l'application du droit social à l'économie numérique.

L'assurance-maladie reçoit 1,5 milliard de recettes liées aux mesures de réaffectations entre branches, ce qui est largement supérieur aux moindres recettes ou aux charges nouvelles qui pèsent sur la branche.

Le transfert depuis le FSV pour la constitution du fonds pour l'innovation thérapeutique est enregistré en produits pour 0,9 milliards d'euros.

d) Une augmentation de cotisations

Votre rapporteur général avait contesté l'an dernier, sur le fond et sur la forme, la mesure, exposée au détour d'un paragraphe de l'annexe B, de transfert de 0,05 point de cotisations entre la branche AT-MP à la branche maladie, qui permettait d'améliorer le solde de cette dernière de 250 millions d'euros.

Sur le fond la mesure était justifiée par « l'approche solidaire entre branches » et, de façon plus surprenante, par « les effets indirects dont bénéficie la branche AT-MP du fait de l'amélioration de l'efficience du système de soins, essentiellement financé par la branche maladie. En effet, le remboursement des soins et l'évolution des tarifs assurent une intégration continue du progrès technique dans le secteur médical, qui entraîne in fine une diminution du coût moyen de traitement des pathologies, d'où un impact positif sur les comptes de la branche AT-MP ».

Si, sur 13,4 milliards d'euros de dépenses, la branche AT-MP était capable de dégager 250 millions d'euros de gains d'efficience, quid de la branche maladie et de ses 201,1 milliards d'euros de dépenses ?

Cette mesure était en outre contraire au principe assurantiel qui régit la branche AT-MP, entièrement financée par des cotisations patronales qui doivent couvrir les dépenses exposées.

Elle est reconduite en 2017 pour le même montant et permettra de rendre indolore ce qui est, de fait, une augmentation du taux de cotisations de la branche maladie de 12,8 à 12,88 % entre 2015 et 2016 et de 12,88 à 12,93 % entre 2016 et 2017.

Elle aura permis un déport temporaire d'une partie de l'excédent de la branche maladie vers la branche AT-MP et d'afficher ainsi un solde plus favorable.

Au total, l'amélioration du solde de l'assurance maladie est au moins autant imputable à un apport de recettes supplémentaires, qu'elles soient nouvelles ou en provenance d'autres branches, notamment en provenance du FSV pour un montant de 0,9 milliard d'euros, qu'à un effort d'économies.

Les mesures affectant le solde de l'assurance maladie en 2017

(en milliards d'euros)

Solde tendanciel

- 8,3

Extinction de la mesure « congés payés »

- 0,2

Exonérations nouvellement compensées

1

Baisse de la cotisation maladie
des exploitants agricoles

- 0,5

Compensation de la baisse de cotisation maladie des exploitants agricoles

0,5

Transfert des ESAT

- 1,5

Transfert ANSP

0,5

Transfert de la part État du FIR

- 0,1

Économies Ondam

3,5

Baisse de cotisations
des travailleurs indépendants

- 0,2

Autres mesures d'économies
(fraude, gestion des caisses...)

0,3

Ajustement de la fraction TVA

- 0,1

Droits tabacs et autres mesures
nouvelles en recettes

0,3

Transferts internes de recettes
entre branches ou entre régimes

1,5

Affectation réserves FSV

0,9

Solde prévisionnel 2017

- 2,6

Source : Commission des affaires sociales d'après l'annexe 9 (exprimée en milliards d'euros)

2. Le Fonds de solidarité vieillesse, grand perdant des réaffectations de recettes

Le solde du Fonds de solidarité vieillesse s'établirait à - 3,8 milliards d'euros en 2017, comme en 2016.

En milliards d'euros

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

FSV

- 3,8

- 4

- 3,8

0,2

Pour apporter un début de réponse à un déséquilibre persistant, le projet de loi prévoit le transfert progressif entre 2017 et 2020 aux régimes de base de la moitié du financement du minimum contributif, actuellement supportée par le FSV à hauteur de 3,5 milliards d'euros. Une charge d'un milliard d'euros serait transférée en 2017, et portée à 1,8 milliard en 2018, à 2,6 milliards d'euros en 2019 et à 3,6 milliards d'euros en 2020.

Le solde prévisionnel du FSV serait en conséquence de - 2,6 milliards d'euros en 2018, - 1,3 milliard d'euros en 2019 et de 300 millions d'euros en 2020, ce qui signifie qu'en dehors du transfert de la part de minimum contributif actuellement financée par le FSV, aucune mesure n'est prévue pour corriger le déséquilibre persistant de ses recettes et de ses dépenses.

Le panier de recettes affecté au financement du minimum contributif (0,6 milliard d'euros) est cependant transféré à la Cnav dès 2017, tandis qu'une part du prélèvement social affecté à la première section du FSV va compenser à la CNSA la part des droits sur les tabacs qui lui était affectée et qui est transférée à l'assurance maladie.

Ainsi le montant des réserves constituées depuis 2011 pour le financement du maintien à 65 ans de l'âge de départ à la retraite au taux plein pour les parents de trois enfants ou d'enfants handicapés, de l'ordre de 800 millions d'euros à fin 2016, est ponctionné au profit du régime général, la charge du financement de cette mesure, réévaluée à un montant total de 200 millions d'euros, étant transférée aux régimes de base.

Bien qu'affecté de multiples changements, le FSV ne voit son solde s'améliorer qu'à la marge par rapport au tendanciel.

3. La branche vieillesse, un équilibre fragile

Avec 1,6 milliard d'euros en 2017, le solde de la branche vieillesse est dégradé de 1,1 million d'euros par rapport au tendanciel mais s'améliore de 500 millions d'euros par rapport à 2016.

en milliards d'euros

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

Vieillesse

1,1

2,7

1,6

- 1,1

Le transfert de charges de 1 milliard d'euros du minimum contributif depuis le FSV alourdit les charges de la branche tandis que le réaménagement de ses produits lui est globalement défavorable : l'affectation des recettes précédemment dévolues au FSV pour le financement du minimum contributif transfère de fait à la branche un déficit de 400 millions d'euros tandis que la perte des droits tabacs et de la taxe sur les salaires est imparfaitement compensée par l'affectation de la totalité du produit de la C3S.

Votre rapporteur souligne qu'un transfert de la totalité des charges du minimum contributif en 2017 à la branche vieillesse se serait traduit par un déficit de la branche de 900 millions d'euros, et par un déficit du FSV de près de 300 millions d'euros.

En dépit des importantes hausses de cotisations, la branche vieillesse, prise dans sa globalité, présente un déficit qui reste à combler.

4. L'équilibre de la branche famille, un bouclage assuré par 5 trimestres de TVS en 2017

en milliards d'euros

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

Famille

- 1

- 1,3

0

1,3

Avec la dernière étape du pacte de responsabilité, la branche famille enregistre une perte de recettes de plus d'un milliard d'euros et présente un solde tendanciel de - 1,3 milliard d'euros.

L'équilibre de la branche est assuré en 2017 par les exonérations nouvellement compensées, les réaffectations de recettes entre branches, en particulier celle de la taxe sur les salaires et l'affectation de la totalité de la taxe sur les véhicules de société (TVS). Le bénéfice d'un trimestre supplémentaire de taxe pour un produit exceptionnel de 160 millions d'euros assure le bouclage des comptes de la branche. Ce financement non pérenne devra trouver un substitut en 2018.

5. La branche AT-MP, une consolidation atténuée par les transferts

en milliards d'euros

Prévisions 2016

Tendanciel 2017

Prévisions 2017

Écart 2017
au tendanciel

AT-MP

0,7

0,6

0,7

0,1

La branche AT-M améliore son solde par rapport au tendanciel en raison de mesures d'économies. Le solde 2017 serait donc de 0,7 milliard d'euros.

La dette de la branche étant apurée, l'excédent va contribuer à améliorer la trésorerie portée à l'Acoss au titre des autres branches.

La branche contribue par ailleurs, en raison du transfert de taux précédemment exposé à l'amélioration du solde de la branche maladie à hauteur de 500 millions d'euros. À défaut, la consolidation de l'excédent de la branche serait supérieure à un milliard d'euros.


* 2 En grisé dans le tableau.

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