B. UNE STABILISATION DU NOMBRE D'ACCIDENTS DE TRAJET EN 2015

Sur longue période, l'évolution des accidents de trajet apparaît plus fluctuante que celle des accidents du travail. La fréquence des accidents de trajet avec arrêt, qui avait connu des évolutions contrastées après 2008, a retrouvé en 2014 le niveau enregistré en 2006, soit 4 ,7 accidents pour 1 000 salariés . Elle se stabilise à ce niveau en 2015.

Indice de fréquence des accidents de trajet (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Accidents de trajet avec arrêt

5,0

4,7

4,7

4,7

5,1

5,2

5,3

4,8

5,0

4,7

4,7

AT ayant entraîné une IP

0,5

0,5

0,5

0,4

0,5

0,4

0,5

0,4

0,4

0,4

0,4

AT avec décès

n.d

n.d

n.d

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,02

0,01

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2017 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), p. 38

Ces évolutions sont étroitement liées aux aléas climatiques et à l'évolution de la sécurité routière ; ils dépendent donc pour l'essentiel de facteurs sur lesquels la branche AT-MP n'a pas de prise directe.

Les secteurs d'activité dans lesquels les accidents de trajet avec arrêt sont les plus nombreux en valeur absolue sont :

- les activités de commerce, transports, hébergement-restauration (31 % de l'ensemble des accidents de trajet) ;

- l'administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale (23 %) ;

- et les activités scientifiques et techniques, services administratifs et soutien (18 %).

Les deux premiers secteurs sont ceux pour lesquels les fréquences des accidents sont également les plus élevées (5,4 pour 1 000 employés pour le premier et 5,1 pour le second en 2015).

C. UNE NOUVELLE BAISSE DU NOMBRE DE MALADIES PROFESSIONNELLES RECONNUES AU RÉGIME GÉNÉRAL

D'un peu plus de 55 000 en 2007, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général est monté à 80 400 en 2011, soit une hausse de 46 % sur la période. Un recul s'observe néanmoins depuis 2011 et le nombre de maladies professionnelles semble aujourd'hui se stabiliser.

1. Evolution des maladies professionnelles reconnues au régime général dans les conditions du droit commun

Pour faire reconnaître l'origine professionnelle de sa maladie dans les conditions du droit commun, un salarié doit remplir quatre critères précisés dans l'un des tableaux de maladies professionnelles annexés au code de la sécurité sociale :

- souffrir de l'une des maladies qui y sont répertoriées ;

- respecter le délai de prise en charge qui correspond à la durée maximale entre la cessation de l'exposition et la survenue de la maladie (et, pour certains tableaux, la durée minimale d'exposition à la nuisance responsable de la maladie) ;

- exercer ou avoir exercé l'un des travaux mentionnés dans le tableau ;

- être ou avoir été exposé à la nuisance précisée dans le titre du tableau.

Toute affection qui répond à ces conditions est systématiquement présumée d'origine professionnelle, sans qu'il y ait besoin d'en établir la preuve.

Entre 2008 et 2015, le nombre de maladies professionnelles reconnues au régime général affiche une croissance d'environ 4,7 %. Sur la même période, le nombre de maladies professionnelles avec arrêt progresse de manière soutenue (+ 12,3 %). Si la hausse a été largement concentrée sur la période 2008-2011, les années récentes semblent au contraire indiquer une rupture de tendance puisque le nombre de maladies professionnelles avec arrêt atteint depuis 2013 un palier autour de 51 000 cas annuels . La fréquence des maladies professionnelles avec arrêt est relativement stable depuis 2011. Elle s'élevait à 2,7 pour 1000 salariés en 2015.

Sur longue période, la hausse des maladies professionnelles est largement imputable aux troubles musculo-squelettiques, dont la part est passée de 26 % en 1990 à 87 % aujourd'hui. Le nombre de maladies liées à l'amiante s'est établi à un peu moins de 4000 en 2015, soit près de 5,7 % de l'ensemble des maladies professionnelles nouvelles reconnues cette même année.

Votre rapporteur tient à souligner qu'en tant que telle, la croissance du nombre de maladies professionnelles reconnues au cours des dernières décennies n'indique pas nécessairement une aggravation de l'état de santé des salariés car ce nombre est particulièrement sensible aux évolutions réglementaires et aux modifications apportées aux critères inscrits dans les tableaux de maladies professionnelles. Elle renvoie également à la meilleure information dont bénéficient progressivement, quoique encore insuffisamment, tant les médecins que les salariés sur les règles de reconnaissance en vigueur. Les spécificités des maladies professionnelles, comme les délais de latence entre l'activité professionnelle et l'apparition de la maladie, rendent par ailleurs plus difficiles les enseignements à tirer de l'évolution de l'indicateur de fréquence.

S'agissant cependant de la fréquence des maladies professionnelles avec reconnaissance d'une incapacité permanente, elle se caractérise par une nette progression au cours de la période 2001-2015 (+ 6 % en moyenne annuelle). Selon le programme de qualité et d'efficience pour la branche AT-MP, « cette évolution est le corollaire de la progression en volume du nombre de maladies professionnelles nouvellement reconnues et révèle par ailleurs une évolution de la gravité des maladies professionnelles , l'indice de fréquence des maladies professionnelles avec incapacité permanente ayant évolué de façon plus dynamique que celui de ces maladies avec arrêt » 1 ( * ) .

Indice de fréquence des maladies professionnelles (pour 1 000 salariés)

2001

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Maladies professionnelles
avec arrêt

1,4

2,4

2,4

2,5

2,7

2,7

2,9

2,9

2,8

2,8

2,7

MP ayant entraîné une IP

0,6

1,3

1,2

1,2

1,3

1,4

1,5

1,6

1,5

1,4

1,4

MP avec décès

n.d

n.d

n.d

0,02

0,03

0,03

0,03

0,03

0,02

0,02

0,02

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2017 (programme de qualité et d'efficience de la branche AT-MP), page 38

La répartition des maladies professionnelles avec arrêt se caractérise par la prépondérance de l'industrie (33 % de l'ensemble), des activités de commerce, transports, hébergement-restauration (26 %) et de la construction (15 %). Les secteurs où la sinistralité est la plus importante sont l'industrie (4,9 maladies professionnelles nouvellement reconnues pour 1 000 employés en 2015), devant le secteur de la construction (4,6 pour 1 000).

2. Maladies professionnelles reconnues par dérogation

Parallèlement à la procédure de droit commun, deux voies dérogatoires, prévues aux alinéas 3 et 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, autorisent depuis 1993 2 ( * ) la reconnaissance du caractère professionnel de maladies qui ne répondent pas aux critères définis dans les tableaux ou qui n'y figurent pas :

- en vertu de l'alinéa 3 , si une ou plusieurs des conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau, peut être reconnue d'origine professionnelle par un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ;

- l' alinéa 4 prévoit que le CRRMP peut également reconnaître le caractère professionnel d'une maladie non désignée dans un tableau, lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne une incapacité permanente d'un taux d'au moins 25 % ou le décès.

Dans ces deux cas de figure, la demande est soumise par la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) à un CRRMP composé de trois médecins : le médecin-conseil régional ou son représentant, le médecin inspecteur régional du travail ou son représentant et un professeur des universités praticien hospitalier, particulièrement qualifié en matière de pathologies professionnelles. L'avis du comité s'impose à la Cpam qui doit notifier sans délai à la victime ou à ses ayants-droit la décision de reconnaissance ou de rejet de l'origine professionnelle de la maladie qui en résulte.

Près de 7 940 maladies ont été considérées comme d'origine professionnelle au titre des alinéas 3 et 4 en 2015. Ce nombre a augmenté très significativement depuis 2006 , où il s'élevait à 308. En 2015, les CRRMP ont donné 7 199 avis favorables sur le fondement de l'alinéa 3. Ce nombre est en légère augmentation par rapport à 2014 (+ 1%), après une hausse de plus de 68 % entre 2006 et 2013. Quant au nombre de maladies professionnelles reconnues au titre de l'alinéa 4, après une multiplication par deux entre 2006 et 2012, il a augmenté de près de 25 % entre 2013 et 2014 et connaît une nouvelle hausse de plus de 20 % en 2015.

Les affections rhumatologiques représentent toujours 90 % des demandes traitées au titre de l'alinéa 3 et 84 % des avis favorables. Au titre de l'alinéa 4, trois groupes de pathologies représentent l'essentiel des demandes soumises :

- les affections psychiques qui continuent d'augmenter et dont le taux de reconnaissance progresse (les 856 demandes représentent 38 % des dossiers soumis et le taux d'avis favorables est de 51 %) ;

- les affections malignes, qui restent stables ;

- les 685 pathologies ostéo-articulaires représentent 31 % des demandes traitées.

Nombre de maladies professionnelles reconnues par dérogation
aux critères des tableaux (alinéa 3) et en dehors des tableaux (alinéa 4)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Evolution 2006-2014 en %

Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 3

4 169

4 181

4 675

5 463

5 913

6 564

7 598

7 021

7118

7199

+ 72,7

Affections rhumatologiques

3 158

3 150

3 634

4 429

4 926

5 527

6 501

6 002

6120

6 097

+ 93

Affections amiante

509

524

458

462

466

510

515

492

476

537

+ 5,5

Surdité

285

245

272

248

233

230

249

199

244

222

- 22

Affections respiratoires

151

84

166

113

146

158

176

162

119

157

+ 3,9

Affections de la peau

28

16

26

79

29

37

38

30

25

25

- 10,7

Autres pathologies

38

162

119

132

113

102

119

136

134

161

+ 323,7

Pathologies reconnues au titre de l'alinéa 4

150

176

186

227

235

258

299

491

612

738

+ 392

Source : Annexe 1 au PLFSS pour 2017 (programme de qualité et d'efficience de la branche ATMP), pages 51 et 53

3. L'évolution des modalités de reconnaissance des affections psychiques d'origine professionnelle

L'article 27 de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi 3 ( * ) a consacré explicitement la possibilité de reconnaître l'origine professionnelle de certaines pathologies psychiques par la voie dérogatoire. En l'état actuel du droit, seules des pathologies physiques peuvent en effet faire l'objet d'une reconnaissance sur le fondement des tableaux de maladies professionnelles. Selon l'étude réalisée par l'Eurogip 4 ( * ) , cette situation n'est pas propre à la France ; aucun pays européen étudié ne fait figurer des pathologies psychiques dans la liste des maladies professionnelles.

Dans les faits, dans un nombre croissant de cas, la procédure dérogatoire permet toutefois d'ores et déjà de prendre en compte l'origine professionnelle de certaines affections psychiques. Les troubles psycho-sociaux représentent d'ailleurs les affections pour lesquelles les CRRMP ont eu à se prononcer le plus souvent au titre de l'alinéa 4 en 2015 (856 demandes) . En 2015, 440 affections psychiques ont ainsi été reconnues comme maladies professionnelles, soit 100 de plus que l'année précédente. En trois ans, le nombre de reconnaissances d'une affection psychique au titre d'une maladie professionnelle a ainsi plus que quadruplé (339 reconnaissances en 2014, après 239 en 2013 et 90 en 2012).

Nombre d'avis favorables des CRRMP relatifs
à des affections psychiques de 2010 à 2015

Années

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Cumul
sur 6 ans

Dépressions

41

59

58

157

243

327

885

Troubles anxieux

11

15

6

30

39

50

151

Etats de stress post-traumatique

3

12

18

36

33

41

143

Total

55

86

82

223

315

440

1201

Source : Rapport de gestion 2014 de l'Assurance maladie - Risques professionnels et réponses au questionnaire de la commission des affaires sociales

Cet accroissement s'explique en partie par l'interprétation plus souple donnée par le Gouvernement, dans une lettre ministérielle de mars 2012, à l'alinéa 4 de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale. Cette nouvelle interprétation supprime l'exigence de stabilisation et permet aux caisses de transmettre un plus grand nombre de dossiers aux CRRMP dès lors que le taux d'incapacité permanente prévisible évalué à la date de la demande est supérieur ou égal à 25 %.

De plus, sur le fondement de la loi précitée de 2015, un décret du 7 juin 2016 5 ( * ) modifie le fonctionnement des CRRMP afin de renforcer leur expertise médicale en matière d'affections psychiques :

- il prévoit que les comités peuvent se voir adjoindre en tant que de besoin la compétence d'un professeur des universités-praticien hospitalier spécialisé en psychiatrie, lorsque sont étudiés des cas d'affections psychiques ;

- il ouvre par ailleurs la possibilité de faire intervenir des médecins-psychiatres lors des différentes phases de la procédure de reconnaissance, soit en amont de l'examen du comité pour caractériser la pathologie, c'est-à-dire lors de l'instruction du dossier par la caisse, soit à la demande du comité.

Votre rapporteur considère que ces mesures vont dans le bon sens mais rappelle que la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une pathologie psychique demeure encore généralement difficile. En particulier, il n'existe à l'heure actuelle pas d'indicateurs précis permettant de déterminer le degré d'incapacité provoquée par ces affections qui sont la plupart du temps multifactorielles. Dans le rapport d'information réalisé au nom de la mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales 6 ( * ) , celles-ci avaient appelé de leurs voeux un assouplissement du taux d'incapacité exigé pour prétendre à la procédure complémentaire. A la lumière d'exemples étrangers, il avait également été souligné que certaines maladies, telles que le stress post-traumatique, pouvaient facilement être reliées à un évènement survenu dans le cadre professionnel et des évolutions du cadre réglementaire étaient donc possibles.

Dans ce contexte, le rapport du Gouvernement sur la possibilité d'intégrer les affections psychiques dans un tableau ou de modifier le critère du seuil d'incapacité permanente est particulièrement attendu. En application de la loi précitée de 2015, ces éléments d'appréciation nouveaux devaient être transmis au Parlement pour le 30 juin 2016.

Votre rapporteur tient enfin à souligner que certaines pathologies psychiques sont prises en charge en tant qu'accident du travail sans qu'il soit possible d'en connaître aujourd'hui précisément le nombre. Selon les informations qui lui ont été transmises, les statistiques établies ne permettent en effet pas de distinguer les accidents liés à une pathologie psychique des autres accidents du travail. Votre rapporteur estime qu'il conviendrait donc d'affiner les outils statistiques utilisés pour parvenir à une connaissance plus exhaustive de la prise en charge des pathologies psychiques reconnues comme étant liées au travail.


* 1 Annexe 1 au PLFSS pour 2017 (programme de qualité et d'efficience pour la branche AT-MP), page 38.

* 2 Loi n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses dispositions d'ordre social.

* 3 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 4 Eurogip, « Burn-out en Belgique et reconnaissance des pathologies psychiques liées au travail en Europe », 10 septembre 2015.

* 5 Décret n° 2016-756 du 7 juin 2016 relatif à l'amélioration de la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles et du fonctionnement des CRRMP.

* 6 « Le mal-être au travail : passer du diagnostic à l'action ». Rapport d'information n° 642 (2009-2010) de M. Gérard Dériot, fait au nom de la mission d'information sur le mal-être au travail et de la commission des affaires sociales.

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