B. LA CONTRIBUTION DE LA BRANCHE AT-MP AUX FONDS AMIANTE

En 2015, les dépenses totales de la branche AT-MP du régime général permettant la prise en charge et l'indemnisation des victimes de l'amiante s'élevaient à près de 2 milliards d'euros, soit 17,3 % des dépenses totales de la branche contre 12,8 % en 2001.

Au-delà de l'intervention des régimes de sécurité sociale, l'indemnisation des victimes de l'amiante repose sur deux dispositifs principaux : le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Bien que les sommes versées par ces fonds n'entrent pas dans le champ des prestations du régime général, la branche AT-MP en est le principal financeur.

À eux deux, le Fiva et le Fcaata représentent environ 10 % des dépenses de prestations d'AT-MP, soit un peu plus d'1 milliard d'euros.

Les fonds amiante


Le Fcaata

Institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le dispositif d'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) est ouvert aux salariés du régime général à partir de l'âge de 50 ans. Pour y être éligibles, ces derniers doivent être atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante ou avoir travaillé dans des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, du flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction et de réparation navales. La liste de ces établissements est fixée par arrêté. Le dispositif a été étendu aux dockers professionnels en 2000, aux personnels portuaires de manutention en 2002 et aux salariés agricoles atteints de maladies professionnelles liées à l'amiante en 2003.

Le Fcaata prend en charge :

- les allocations de cessation anticipée d'activité ;

- les cotisations au régime de l'assurance volontaire vieillesse au titre des régimes de retraite de base et complémentaire ;

- et depuis 2011, la dépense induite pour les régimes de retraite de base par le maintien à 60 ans de l'âge de départ en retraite des travailleurs de l'amiante. Cette charge prend la forme d'un transfert de compensation aux caisses de retraite des régimes de base, au premier rang desquels la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav).

Depuis 2016 et la suppression du financement issu des droits sur le tabac, le financement du fonds est assuré intégralement par la branche AT-MP.

La gestion du fonds est partagée entre la Cnam et la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Depuis 2012, le Fcaata est consolidé dans les comptes de la branche AT-MP. Un peu moins de 1 700 établissements sont aujourd'hui inscrits sur les listes ouvrant un droit d'accès au dispositif Acaata. Fin juin 2014, 85 156 personnes au total avaient pu bénéficier de l'allocation.


Le Fiva

Etablissement public administratif créé par la LFSS pour 2001, le Fiva assure quant à lui la prise en charge de la réparation intégrale des préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l'amiante et de leurs ayants droit, que ces maladies soient ou non d'origine professionnelle. Le barème d'indemnisation prend en compte à la fois l'incapacité fonctionnelle (préjudice patrimonial ou économique) et les préjudices extrapatrimoniaux ou personnels. Les dépenses du fonds dépendent du nombre d'offres et de la mise en oeuvre du barème voté par le conseil d'administration de l'établissement ainsi que de l'issue des contentieux relatifs aux offres du Fiva qui peuvent aboutir à une majoration des offres.

Outre les dotations versées par la branche AT-MP et, selon les années, par l'État, le Fiva dispose d'autres ressources financières constituées notamment de reprises sur provisions et des produits des actions engagées par le fonds à l'encontre des employeurs au titre de la faute inexcusable.

En 2015, les dépenses de la branche AT-MP liées aux fonds amiante ont diminué de 100 millions d'euros du fait de la baisse de la dotation au Fiva et de celle des allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Accata). En 2016, selon les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale, ces charges poursuivraient leur baisse et cette tendance se confirmerait en 2017. A son article 36, le PLFSS pour 2017 prévoit une contribution totale de la branche AT-MP du régime général au Fiva et au Fcaata de 1,026 milliard, après 1,030 milliard en 2016.

1. Le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Fcaata)

Après une croissance régulière du nombre d'allocataires entre 2000 et 2006, le nombre de bénéficiaires du Fcaata s'est stabilisé avant de décroître progressivement à partir de 2008. Depuis 2013, le nombre d'entrées dans le dispositif est inférieur au nombre de sorties. Dans la quasi-totalité des cas, les sorties du dispositif résultent du départ à la retraite des bénéficiaires. Le nombre d'allocataires est ainsi passé de 3 800 en 2000 à 23 000 en 2013 avant d'être ramené à 21 500 en 2014. Il devrait atteindre 18 600 allocataires en 2015.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier, les effectifs d'allocataires diminueraient de 10,2 % en 2016 et de 7,8 % en 2017. Dans un contexte de revalorisation quasi-nulle, les allocations de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata) poursuivraient ainsi leur baisse tendancielle (- 8,6% en 2017 après - 12,1 % en 2016).

En revanche, le transfert compensatoire à la Cnav continuerait sa montée en charge. Après 81 millions d'euros en 2014, son niveau est estimé à 134 millions d'euros en 2017. La commission des comptes de la sécurité sociale indique que le montant comptabilisé en 2015 a été majoré indûment de 20 millions d'euros, ce qui explique la baisse de ce transfert en 2016 qui fait l'objet d'une régularisation.

Excédentaire de 109 millions d'euros en 2013 puis de 81 millions en 2014, le fonds a été déficitaire de 14 millions en 2015. Le résultat cumulé est néanmoins resté excédentaire de 16 millions. En 2016, le déficit persisterait à hauteur de 8 millions d'euros, réduisant d'autant le solde cumulé.

Pour 2017, la contribution de la branche AT-MP au Fcaata est fixée à 626 millions d'euros , en hausse de 4,3 % par rapport à 2016. Cette dotation permettrait de maintenir à l'équilibre le solde net cumulé .

Charges et produits du Fcaata de 2013 à 2017

(en millions d'euros)

Année

2013

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Charges

819

779

743

644

634

taux d'évolution

- 4,5%

- 4,9%

- 4,6%

- 13,3%

-1,5 %

Acaata

533

486

434

381

349

Prise en charge de cotisations d'assurance volontaire vieillesse

119

109

98

85

78

Transfert à la Cnav

55

81

118

97

134

Prise en charge de cotisations retraite complémentaire

101

93

85

73

66

Autres*

11,1

10

8

8

7

Produits

928

860

729

636

627

taux d'évolution

+ 0,6%

- 7,3%

- 15,3%

- 12,8 %

-1,4 %

Dotation Cnam-AT-MP

890

821

693

600

626

Droits sur les tabacs

35

37

35

35

0

Autres produits**

2,8

2

0,3

0

0

Résultat net

109

81

-14

- 8

-8

Résultat net cumulé

- 51

30

16

8

0

* Les autres charges sont essentiellement constituées des charges de gestion des Cram et de la MSA. Il s'agit en outre des charges de gestion de la CDC et de dotations aux provisions.

**Les autres produits sont essentiellement constitués de contribution du régime AT-MP des salariés agricoles. Il s'agit en outre de produits financiers de la CDC.

Source : Réponses du ministère des affaires sociales et de la santé au questionnaire de la commission des affaires sociales

2. Le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva) : des niveaux de dépenses d'indemnisation toujours élevés

Les nouvelles demandes d'indemnisation adressées au Fiva sont en hausse régulière. En 2015, le nombre total de demandes d'indemnisation s'élève à 20 329, soit une hausse de 6,4 % par rapport à 2014. Cette progression s'explique principalement par les demandes des ayant droits qui représentent les deux tiers de la demande totale. Sur le premier semestre de l'année 2016, cette hausse est de 0,8 % par rapport à l'année 2015, avec une répartition stable entre victimes et ayant droits d'une année sur l'autre.

Afin d'améliorer le traitement des dossiers, le fonds a engagé des actions résolues dans le cadre du deuxième contrat d'objectifs et de performance (2014-2016) dont le bilan interviendra d'ici la fin de l'année. D'ores et déjà, votre rapporteur se félicite des performances obtenues et souhaite que le prochain Cop, qui couvrira les années 2017-2019 puisse consolider ces résultats afin de garantir une indemnisation fiable et rapide des victimes .

Depuis 2013, l'activité du Fiva connaît en effet un rythme soutenu qui lui a permis de raccourcir les délais de réponse et d'augmenter le nombre d'offres d'indemnisation. En 2015, le nombre d'offres proposées par le fonds (20 674) dépasse ainsi celui des demandes (19 110) pour la quatrième année consécutive , permettant de poursuivre la résorption du stock de dossiers en attente de traitement. Il s'agit du plus haut niveau atteint par le fonds depuis sa création. Le stock de dossiers en instance de traitement, en forte diminution en 2014 (- 24 %), a une nouvelle fois chuté en 2015 (- 38 %) pour atteindre près de 2 200 dossiers.

L'année 2015 a été marquée, à l'instar des années précédentes, par une baisse significative des délais de décision et de paiement. En moyenne, pour l'ensemble des catégories de victimes indemnisées, le délai moyen de décision a diminué de deux mois, passant sous le délai légal de six mois de présentation des offres . Pour les victimes de pathologies graves en particulier, le délai moyen de décision constaté a été ramené à 5 mois en 2015 au lieu de 7 mois et 2 semaines en 2013. Pour l'ensemble des catégories de victimes, les offres sont depuis 2014 payées dans le délai réglementaire de deux mois.

Si la part des pathologies bénignes (plaques pleurales et épaississements pleuraux) demeure prépondérante dans le nombre total des demandes d'indemnisation adressées au Fiva, la tendance est à l'augmentation de la part des pathologies graves . Ainsi, la proportion des pathologies malignes n'a cessé d'augmenter, avec un doublement entre 2007 et 2015. La part des mésothéliomes a quant à elle plus que doublé, passant de 7,1 % en 2007 à 17,2 % en 2015.

Répartition des victimes par pathologie et par année de réception des dossiers

Source : Annexe 8 du PLFSS pour 2017 (rapport d'activité 2015 du Fiva)

Depuis la création du Fiva, ses dépenses d'indemnisation cumulées s'élèvent à 4,86 milliards d'euros, dont 438 millions en 2015. Les sommes versées au titre des cancers broncho-pulmonaires demeure prépondérante, avec 53,4 % du montant total des indemnisations versées.

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre dernier, le montant total des dépenses annuelles du Fiva est estimé à 514 millions d'euros en 2016 comme en 2017, soit une baisse de 1,5 % par rapport à 2015. Le nombre de nouvelles demandes de victimes se maintiendrait à près de 7 000 par an tandis que les demandes nouvelles d'ayants droit progresseraient de 5 % par an pour s'établir à 14 000 demandes en 2016 et 14 750 demandes en 2016. Quant au coût moyen par dossier, il serait stable (environ 46 000 euros pour les dossiers de victimes et 11 500 euros pour les dossiers d'ayants droit).

Compte tenu du niveau élevé du fonds de roulement prévu pour 2016 (105 millions d'euros), le montant de la dotation de la branche AT-MP sera ramené de 430 millions d'euros en 2016 à 400 millions en 2017. L'année prochaine, le fonds serait déficitaire de 14 millions d'euros mais son résultat net cumulé resterait positif d'environ 7 millions.

Comme les années précédentes, votre rapporteur regrette vivement le désengagement dont continue de faire preuve l'État dans le financement du Fiva. Le projet de loi de finances pour 2017 réduit à nouveau la dotation complémentaire de l'Etat de 12,3 millions d'euros à 7,4 millions d'euros (- 40 %). Ce montant ne correspond qu'à environ un cinquième du montant des participations assurées par l'Etat avant 2013. La mission sénatoriale sur l'amiante avait jugé légitime de prévoir un engagement de l'Etat à hauteur d'un tiers du budget du Fiva, au regard tant de ses missions régaliennes que de son rôle assumé en tant qu'employeur.

Charges et produits du Fiva de 2011 à 2017

(en millions d'euros)

Année

2011

2012

2013

2014

2015

2016 (p)

2017 (p)

Charges

400

481

556

520,5

521,7

513,7

513,8

taux d'évolution

- 14 %

+ 20 %

+ 15,5 %

- 6,3 %

+ 0,23 %

- 1,5 %

+0,01 %

Produits

484,5

433

240,5

547

505,7

542,5

499,5

taux d'évolution

+ 13 %

- 10 %

- 45 %

+ 128,5 %

- 7,6 %

+ 7,3

-7,9 %

Dotation Cnam-AT-MP

340

315

115

435

380

430

400,0

Dotation Etat

47,5

47

0

0

9,2

12,3

7,4

Reprises sur provisions

70

39

80

79,1

79,9

70,0

62,0

Autres produits

27

32

45,5

33

36,6

30,2

30,2

Résultat net

84

- 48

- 316

27

- 16,1

28,8

-14,2

Résultat net cumulé

346

298

- 18

8,7

-7,4

21,4

7,2

Source : Réponses du ministère des affaires sociales et de la santé au questionnaire de la commission des affaires sociales

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