SECONDE PARTIE - PRÉSENTATION DES PROGRAMMES

I. LE PROGRAMME 177 « HÉBERGEMENT, PARCOURS VERS LE LOGEMENT ET INSERTION DES PERSONNES VULNÉRABLES » : UNE BUDGÉTISATION INITIALE ENFIN PLUS SINCÈRE DE L'HÉBERGEMENT D'URGENCE ?

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » 5 ( * ) est exécuté sous l'autorité du ministre de l'égalité des territoires et du logement mais a pour responsable le directeur général de la cohésion sociale qui relève du ministère des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Comme indiqué précédemment, avec 1,74 milliard d'euros inscrits en 2017, le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » bénéficie d'un rebasage important dans le cadre du présent projet de loi de finances, enregistrant ainsi une augmentation de 15 % en un an .

Cette évolution bénéficie exclusivement à l'action 12 « Hébergement et logement adapté » qui représente 96 % du programme.

Évolution des crédits par actions du programme (AE=CP)

(en millions d'euros)

Intitulé de l'action

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016

Évolution 2017/2015

11 - Prévention de l'exclusion

AE

64 999 745

63 045 224

60 045 224

-4,76%

-7,62%

CP

65 520 323

63 045 224

60 045 224

-4,76%

-7,65%

12 - Hébergement et logement adapté

AE

1 508 474 086

1 439 605 700

1 669 283 119

15,95%

10,66%

CP

1 508 951 894

1 439 605 700

1 669 283 119

15,95%

10,63%

14 - Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale

AE

16 786 566

10 358 147

10 158 657

-1,93%

-39,48%

CP

17 302 706

10 358 147

10 158 657

-1,93%

-41,29%

Total

AE

1 590 260 397

1 513 009 071

1 739 487 000

14,97%

9,38%

CP

1 591 274 923

1 513 009 071

1 739 487 000

14,97%

9,31%

Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances pour 2017 et le rapport annuel de performance pour 2015

Au sein de l'action 11 « Prévention de l'exclusion », le projet annuel de performances indique que le Gouvernement tient notamment compte de la « baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires » des allocations et prestations d'aide sociale versées aux personnes âgées et handicapées relevant de cette sous-action (à l'exception des bénéficiaires de l'allocation simple) ainsi que d'une diminution prévisionnelle de 1 % des dépenses enregistrées au titre de l'allocation de logement temporaire 2 (« ALT 2 »), au regard de la réforme entrée en vigueur au 1 er janvier 2015 et qui tient compte du taux d'occupation effective des places sur les aires des gens du voyage.

Concernant l'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale », la diminution d'environ 40 % des crédits par rapport aux dépenses constatées en 2015 s'explique principalement par le fait que, depuis la loi de finances pour 2016, le soutien financier au Fonds de coopération de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) a été transféré vers le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative », correspondant à 4,5 millions d'euros en 2015.

A. 226,5 MILLIONS D'EUROS SUPPLÉMENTAIRES, SOIT UNE AUGMENTATION DE 15 % DES CRÉDITS : UN REBASAGE BIENVENU POUR UN DÉPASSEMENT POURTANT DÉJÀ ANNONCÉ

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2016, le programme 177 bénéficie d'un abondement de 226,5 millions d'euros , atteignant ainsi une enveloppe globale de 1,74 milliard d'euros.

Avec 1,67 milliard d'euros, l'action 12 « Hébergement et logement adapté » bénéficie de près de 230 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2016.

Cette progression profite à l'ensemble des dispositifs de l'action , dans des proportions toutefois nettement différentes pour les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Ceux-ci ne voient leurs crédits augmenter que de 1,6 % afin de tenir compte des places pérennisées et de celles transformées de places d'urgence en places CHRS.

Les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence progressent de 28 % et ceux à la veille sociale de 35 % comparé à la loi de finances initiale pour 2016, correspondant respectivement à une hausse de 135 et 32 millions d'euros.

Si le logement adapté bénéficie en apparence d'une enveloppe en augmentation de 23 %, cela provient notamment de la décision du Gouvernement de « rebudgétiser » le financement de l'allocation versée aux organismes logeant à titre temporaire des personnes défavorisées (ALT 1), conduisant à une hausse mécanique de 40 millions d'euros. Jusqu'à présent, cette aide était portée à la fois par des crédits budgétaires et la branche famille de la sécurité sociale. Comme l'indique le projet annuel de performances, il s'agit ainsi d'unir la dépense « au sein d'un support budgétaire unique » qui « apportera un meilleur suivi et une simplification dans la gestion des crédits du dispositif tout en assurant un pilotage resserré au niveau régional ».

Sans tenir compte de cette opération de « rebudgétisation », que votre rapporteur ne conteste pas, les crédits consacrés au logement adapté connaissent une hausse de 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

Évolution des crédits au sein de l'action 12

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires et les données de la direction du budget

Cette évolution ne peut qu'être soutenue , dans la mesure où, depuis plusieurs années, la commission des finances du Sénat, mais aussi, par exemple, la Cour des comptes, mettent en évidence la sous-budgétisation chronique de ce programme.

Lors de l'examen de la loi de finances pour 2016, votre rapporteur spécial n'avait pas manqué d'interpeller Sylvia Pinel, alors ministre du logement, en séance publique, pour lui indiquer que cette situation d'insincérité budgétaire n'était plus acceptable . D'ailleurs, comme il a eu l'occasion de le constater dans le cadre de son contrôle sur les dispositifs d'hébergement d'urgence, cette sous-budgétisation crée des difficultés de gestion pour les services déconcentrés et les structures gestionnaires qui sont alors condamnés, dans les territoires les plus sollicités, à conduire une politique de court terme en l'absence de visibilité .

En outre, l'efficacité de la dépense n'est pas garantie , la gestion de « l'urgence dans l'urgence » conduisant généralement à des surcoûts qu'une meilleure budgétisation pourrait, pour partie, permettre d'atténuer.

En revanche, ces crédits supplémentaires ne permettront manifestement pas de couvrir des mesures nouvelles ou de dégager des marges de manoeuvre pour les services gestionnaires puisqu'ils n'assurent, en réalité, qu'un rebasage - encore une fois, bienvenu et indispensable - de la prévision initiale par rapport à l'exécution constatée.

En effet, comme le montre également le graphique supra , les montants des dotations allouées à chaque « brique » constituant l'action 12 ne sont parfois pas si éloignés des dépenses constatées en 2015, en particulier la veille sociale (+ 1,1 million d'euros seulement, soit + 1 %).

De même, si l'hébergement d'urgence dispose de 70 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2015, il est permis de penser, comme cela sera démontré plus loin, qu'ils n'assureront vraisemblablement pas une enveloppe à la hauteur des dépenses enregistrées sur 2016.

Ainsi, même si, dans le projet annuel de performances, il est notamment indiqué que les crédits supplémentaires doivent permettre la création de 850 places d'hébergement d'urgence supplémentaires et la couverture des effets en année pleine de la pérennisation des 2 300 places d'hébergement d'urgence ouvertes à l'hiver 2015-2016, la dotation allouée en 2017 ne devrait pas laisser d'importantes marges de manoeuvre au regard de la dépense déjà constatée sur 2016.

Le logement adapté bénéficie, quant à lui, d'une enveloppe effectivement plus élevée que 2015, avec un apport de crédits de plus de 19 %, une fois neutralisée la « rebudgétisation » du financement de l'aide ALT 1.

Au regard de l'exécution en cours de l'année 2016 , il est même permis de douter que la prévision pour 2017 puisse véritablement couvrir les besoins nécessaires .

Comme votre rapporteur spécial l'avait craint l'an dernier, les crédits inscrits sur le programme 177 par la loi de finances initiale pour 2016 ne permettent pas de couvrir les dépenses réalisées au cours de l'année . Dès le 3 octobre dernier , un décret d'avance a déjà, comme cela devient malheureusement la tradition depuis plusieurs années, ouvert 84 millions d'euros pour pallier l'insuffisance de moyens alloués à l'hébergement d'urgence.

À titre de rappel, votre commission des finances a émis un avis défavorable à ce projet de décret d'avance, en se fondant notamment sur le fait que le manque de crédits nécessaires sur ce programme ne remplissait pas le critère d'imprévisibilité, en particulier 50 millions d'euros qui ne découlaient pas directement de décisions prises en cours d'exercice (contrairement aux 34 millions d'euros directement destinés à la création et la pérennisation de places) 6 ( * ) .

Le projet de loi de finances rectificative pour 2016 , qui a été présenté en conseil des ministres vendredi 18 novembre et est désormais en cours d'examen par le Parlement, prévoit l'ouverture de 55 millions d'euros, s'ajoutant à 100 millions d'euros qui devraient être inscrits dans un second décret d'avance qui devrait être transmis à votre commission des finances dans les tous prochains jours (et sont annoncés dans le projet de loi de finances rectificative).

En conséquence, l'exécution 2016 pourrait atteindre 1,75 milliard d'euros, dépassant déjà la prévision pour 2017 de près de 15 millions d'euros.

Évolution des crédits de paiement du programme 177 entre 2009 et 2017

(en millions d'euros)

Nb : compte tenu de l'ensemble des mouvements prévus en gestion et retracés dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016, l'écart entre la prévision d'exécution pour 2016 et le budget initial prévu dans le projet de loi de finances pour 2017 pourrait même atteindre 15 millions d'euros.

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Malgré les efforts certains pour rétablir une prévision plus sincère avec ce rebasage, il est donc fort probable qu'à la fin de l'année 2017, nous constations une nouvelle fois le dépassement de l'enveloppe initialement fixée. Peu d'éléments laissent, en effet, croire à une réduction de la dépense , notamment au regard des conséquences de la crise migratoire, l'année prochaine.

Au-delà même de la sincérité budgétaire, ce constat conduit à s'interroger , comme l'a fait la Cour des comptes dans sa dernière note d'exécution budgétaire pour l'exercice 2015, sur la soutenabilité financière de ce programme .


* 5 Auparavant, il s'agissait du programme « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

* 6 Cf. le rapport d'information de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, au nom de la commission des finances, n° 859 (Sénat, 2015-2016) sur le décret d'avance relatif au financement des contrats aidés, de l'hébergement d'urgence et des frais de justice.

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