Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. Antoine LEFÈVRE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 19

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Antoine LEFÈVRE

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Depuis 2012, les dépenses effectives de la mission « Justice » demeurent en-deçà des crédits votés par le Parlement : il s'agit moins d'une maîtrise réelle des dépenses que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l'augmentation des charges à payer : si les charges à payer en 2016 sont de la même ampleur qu'en 2015, leur résorption absorbera la quasi-totalité (90 %) de l'augmentation des crédits.

Si l'on analyse plus précisément la budgétisation des crédits de paiement de la mission, il apparaît que les moyens supplémentaires consacrés à l'administration pénitentiaire correspondent à l'évolution tendancielle des dépenses, en particulier l'impact des schémas d'emplois mis en oeuvre dans le cadre des plans de lutte antiterroriste (PLAT).

Au contraire, pour ce qui concerne les autorisations d'engagement, l'administration pénitentiaire et, dans une moindre mesure, la justice judiciaire, bénéficient de marges de manoeuvre nouvelles conséquentes : les dépenses réelles afférentes à ces engagements seront réalisées sur les exercices futurs.

L'augmentation des dépenses de personnel s'élève à 178 millions d'euros, dont 41,1 millions d'euros au titre de mesures statutaires et indemnitaires. Le coût du relèvement de la valeur du point d'indice, évalué à 26,6 millions d'euros en 2017, aurait permis le recrutement de 465 nouveaux magistrats (en plus des 238 prévus) ou de 789 greffiers (en plus de 465 prévus) ou encore de 848 surveillants pénitentiaires (en plus des 878 prévus).

*

En ce qui concerne la justice judiciaire , la volonté du Gouvernement d'améliorer les moyens de fonctionnement des juridictions est réelle, même si en 2017, la France consacre plus de moyens à l'audiovisuel public (3,9 milliards d'euros) qu'à la justice judiciaire (3,7 milliards d'euros) .

Par ailleurs, en 2015, une décision de justice judiciaire coûte près de 600 euros de moins qu'une décision de justice administrative .

Malgré les créations de postes, il y a moins de magistrats en juridictions en 2016 qu'en 2012.

Les économies prévues en matière de frais de justice paraissent peu crédibles, compte tenu de l'exécution 2016 et des difficultés de fonctionnement de la plateforme des interceptions judiciaires (PNIJ), qui, onze ans après son lancement, n'est toujours pas pleinement opérationnelle.

*

S'agissant de l'accès au droit , le coût de la mise en place d'une unité de valeur (UV) unique fixée par l'article 57 rattaché à la mission « Justice » à 30 euros pour le calcul de la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle. Le Gouvernement a porté ce montant à 32 euros, pour un coût de 15 millions d'euros en 2017 et, à partir de 2018, de plus de 50 millions d'euros par an.

Par ailleurs, le fonds de garantie pour les victimes d'actes terroriste, financé par un prélèvement sur les contrats d'assurance, devrait voir son financement évoluer : la création d'un fonds national financé par l'État et doté de crédits budgétaires, qui ne serait mobilisé que dans certains cas, pourrait s'avérer à la fois utile et nécessaire. Un tel financement permettrait d'assurer une indemnisation rapide en cas de nouvel attentat nécessitant la mobilisation de sommes trop importantes pour le fonds de garantie, tout en évitant le risque de créer des réserves en vue d'une dépense par nature volatile et que l'on souhaite nulle.

*

Quant à l'administration pénitentiaire , le Gouvernement a annoncé un ambitieux plan de construction d'établissements pénitentiaires ; une enveloppe de 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement est prévue dans le présent projet de loi de finances, mais elle n'est assortie de pratiquement aucun crédit de paiement .

Ainsi , le Gouvernement peut annoncer un programme immobilier ambitieux sans dégrader le déficit budgétaire . Il autorise l'administration pénitentiaire à initier les recherches de terrain et à engager les dépenses afférentes ; charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer .

PREMIÈRE PARTIE - APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

I. UNE DÉPENSE DYNAMIQUE, D'IMPORTANTS REPORTS DE CHARGES ET DES ANNONCES NON FINANCÉES

A. MALGRÉ LE VOLONTARISME, UN MINISTÈRE SOUS TENSION

1. Une progression dynamique du budget (+ 391 millions d'euros, soit + 4,8 % en 2017)

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit, pour la mission « Justice », 8,584 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) soit une hausse de 391 millions d'euros (+ 4,8 %) par rapport à 2016, dont 320 millions d'euros de crédits hors compte d'affectation spéciale « Pensions ». En tenant compte des ressources extrabudgétaires bénéficiant au financement de l'aide juridictionnelle et à l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC), le budget de la justice atteint 8,667 milliards d'euros.

Entre 2012 et 2015, la part du budget de la justice dans le budget de l'État 1 ( * ) a légèrement augmenté, passant de 3,12 % à 3,14 %. Pour les années 2016 et 2017, si l'exécution est conforme à la prévision, l'effort en faveur de la justice devrait être assez significativement renforcé, atteignant 3,21 % du budget de l'État en 2015 et 3,22 % en 2016.

Évolution du budget de la justice
et du budget de l'ensemble des ministères

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire

Depuis le début des années 2000, la mission « Justice » connait une augmentation continue de ses moyens. Plus précisément, entre 2007 et 2012, le budget du ministère de la justice a augmenté de 1,13 milliard d'euros, soit + 18,4 %. Entre 2012 et 2017, il a augmenté de 1,28 milliard d'euros, soit + 17,6 %.

Évolution (2006-2017) des crédits de paiement de la mission « Justice »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Depuis 2012, les dépenses effectives demeurent en-deçà des crédits votés par le Parlement : il s'agit moins d'une maîtrise réelle des dépenses que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l'augmentation des charges à payer .

2. Des charges à payer qui s'accumulent

L'exécution 2015 a mis en évidence une gestion tendue, avec un taux d'exécution des crédits de paiement de 99,4 % par rapport aux crédits prévus par la loi de finances initiale et de 99,1 % des crédits ouverts 2 ( * ) .

Exécution de l'exercice 2015 par programme

(en millions d'euros)

LFI 2015

Exécution 2015

Écart exécution-prévision 2015

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Justice judiciaire

2 994,67

3 064,76

2 846,51

3 089,39

- 148,16

24,63

Administration pénitentiaire

4 703,14

3 374,58

3 992,61

3 322,22

- 710,53

- 52,36

Protection judiciaire de la jeunesse

779,88

777,38

780,09

774,92

0,21

- 2,46

Accès au droit et à la justice

359,15

357,73

338,85

338,73

- 20,30

- 19,00

Conduite et pilotage de la politique de la justice

354,1

315,44

308,91

320,45

- 45,19

5,01

Conseil supérieur de la magistrature

3,62

4,34

3,18

3,9

- 0,44

- 0,44

Total

9 194,56

7 894,23

8 270,15

7 849,61

- 924,41

- 44,62

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Toutefois, à la fin de l'année 2015, les charges à payer 3 ( * ) s'élèvent à 360 millions d'euros, en hausse de 15 millions d'euros par rapport à l'année précédente.

Évolution (2012-2015) des charges à payer

(en millions d'euros)

Source : ministère de la justice

Selon les informations transmises par le ministère de la justice, l'augmentation des charges à payer résulte :

- « d'une part, la fiabilisation progressive du recensement qui, en 2011 et même vraisemblablement en 2012, n'est pas encore exhaustif (...) » ;

- « d'autre part, l'augmentation tendancielle des reports de paiements sur la gestion suivante, au-delà des CAP frictionnelles , dans un contexte de contrainte budgétaire grandissante ».

Par conséquent, si les charges à payer en 2016 sont de la même ampleur qu'en 2015, leur résorption absorbera la quasi-totalité (90 %) de l'augmentation des crédits .

B. UN EXERCICE 2017 MARQUÉ PAR L'ANNONCE DE LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES PLACES DE PRISON

1. Hors dépenses de personnel, des moyens en hausse de 143 millions d'euros (+ 4,6 %)

Plus de 60 % des crédits de la mission « Justice » correspondent à des dépenses de personnel.

Entre la loi de finances initiale pour 2016 et le présent projet de loi de finances, les dépenses autres que celles de personnel augmentent de 143 millions d'euros (+ 4,6 %). En particulier, 40 millions d'euros sont prévus pour le programme 166 « Justice judiciaire », afin notamment de renforcer les moyens des juridictions.

Évolution des crédits (hors dépenses de personnel) par programme

(en millions d'euros)

LFI 2016

PLF 2017

Écart 2016-2017

Évolution

Justice judiciaire

980

1020

40

4,1 %

Administration pénitentiaire

1241

1286

45

3,6 %

Protection judiciaire de la jeunesse

326

335

9

2,8 %

Accès au droit et à la justice

367

411

44

12,0 %

Conduite et pilotage de la politique de la justice

202

207

5

2,5 %

Conseil supérieur de la magistrature

1,7

1,9

0,2

11,8 %

TOTAL

3117,7

3260,9

143,2

4,6 %

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

2. - 11 -

TAPEZ LE TITRE DU RAPPORT

En 2017, 45 % des moyens supplémentaires sont consacrés à l'administration pénitentiaire

Évolution (2015-2017) des crédits de la mission « Justice »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Entre 2007 et 2017, 60 % de la hausse des moyens sont consacrés à l'administration pénitentiaire : en dix ans, sur 2,4 milliards d'euros de moyens supplémentaires attribués au ministère de la justice, l'administration pénitentiaire a bénéficié de 1,4 milliard d'euros.

Évolution (2007-2017)
de la mission « Justice » et du programme 107 « Administration pénitentiaire »

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

En 2017, sur une augmentation totale de 391 millions d'euros des crédits de paiement, 70 % (soit 272 millions d'euros) sont consacrés à l'administration pénitentiaire. S'agissant des autorisations d'engagement, la proportion est même de 90 %, en raison du programme immobilier pénitentiaire annoncé en octobre 2016 par le Gouvernement.

3. Le report du coût des annonces à l'après 2017

Si l'on analyse plus précisément la budgétisation des crédits de paiement de la mission, il apparaît que les moyens supplémentaires consacrés à l'administration pénitentiaire sont entièrement absorbés par l'évolution tendancielle des dépenses, en particulier l'impact des schémas d'emplois mis en oeuvre dans le cadre des plans de lutte antiterroriste (PLAT).

Plus généralement, pour l'ensemble du ministère de la justice, les mesures nouvelles (125,1 millions d'euros) sont pratiquement compensées par les économies (121,9 millions d'euros).

Répartition par programme
des mesures nouvelles et des économies proposées en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses transmises par le Gouvernement

Au contraire, pour ce qui concerne les autorisations d'engagement, l'administration pénitentiaire et, mais dans une moindre mesure, la justice judiciaire, bénéficient de marges de manoeuvre nouvelles conséquentes : les dépenses réelles afférentes à ces engagements seront réalisées sur les exercices futurs .

C. QUELQUES COMPARAISONS : LA JUSTICE, UNE PRIORITÉ ?

1. Une décision des juridictions administratives coûte 600 euros de plus qu'une décision des juridictions judiciaires

Il est possible, à partir de documents budgétaires et de statistiques publiées par le ministère de la justice, de comparer à grands traits l'évolution des moyens consacrés à la justice judiciaire et à la justice administrative.

Entre 2007 et 2015, le budget de la mission « Justice » a augmenté de 27 %. Hors administration pénitentiaire, et protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), les moyens de la justice judiciaire sont passés de 2,87 milliards d'euros à 3,44 milliards d'euros, soit une hausse de 20 % 4 ( * ) .

Sur la même période, selon le ministère de la justice 5 ( * ) , le nombre de décisions en matière civile, commerciale et pénale a augmenté de 3,2 %, passant de 3,76 millions à 3,88 millions de décisions.

À titre de comparaison, sur la même période, le budget des juridictions administratives 6 ( * ) (hors Cour nationale du droit d'asile et fonction consultative du Conseil d'État) a augmenté de 42 %, passant de 239 millions d'euros à 339 millions d'euros.

L'activité des juridictions administratives, mesurée par le nombre d'affaires réglées 7 ( * ) , a augmenté de 8,6 % sur la même période : en 2015, les juridictions administratives ont rendu 228 876 décisions, contre 210 656 en 2007.

Évolution (2007-2015) du budget de la justice administrative
et de la justice judiciaire

(en base 100)

Source : commission des finances du Sénat à partir des rapports annuels de performances (RAP) 2007 à 2015

On peut ainsi calculer, de façon sommaire, le « coût » d'une décision rendue par chacun des deux ordres de juridiction : en dix ans, l'écart de coût a été multiplié par 1,6, passant de 370 à près de 600 euros .

Évolution du « coût » d'une décision rendue par les deux ordres de juridiction

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des RAP et des chiffres-clés de la justice

Si l'on alignait le coût, par décision rendue, des deux ordres de juridiction, le budget de l'autorité judiciaire devrait augmenter de 2 milliards d'euros (soit + 50 %), ou celui des juridictions administratives diminuer d'un tiers (- 118 millions d'euros).

Sur la même période, la juridiction administrative a réduit ses délais de jugement - au contraire des juridictions judiciaires .

S'agissant de la justice judiciaire, sur onze critères relatifs à la durée des procédures et à l'âge du stock des affaires, deux seulement se sont améliorés entre 2007 et 2015, alors que les trois critères d'écoulement du stock d'affaires dans l'ordre administratif présentent une évolution positive entre 2007 et 2015.

Évolution (2007-2015) de critères relatifs à la durée moyenne
et à l'âge du stock des affaires (justice judiciaire)

(en mois)

Justice judiciaire

Source : commission des finances du Sénat à partir des chiffres-clés de la Justice 2008 et 2016

2. En 2017, la France consacre plus de moyens à l'audiovisuel public qu'à la justice judiciaire

Selon une étude 8 ( * ) réalisée pour le compte de l'Ordre des avocats de Paris, 69 % des personnes interrogées estiment que la justice fonctionne globalement mal et 73 % d'entre elles pensent que la justice et les juges ne bénéficient pas de moyens suffisants pour faire correctement leur travail.

En 2017, les moyens de la justice judiciaire , c'est-à-dire ceux consacrés au fonctionnement des juridictions, aux dépenses de personnel (magistrats, greffiers, personnels d'encadrement), à ses développements informatiques, seront de 3,74 milliards d'euros 9 ( * ) , contre 3,93 milliards d'euros de dépenses publiques en faveur l'audiovisuel public .

Comparaison des projets de budget 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Chaque année, la France consacre moins de moyens publics pour la justice que pour l'audiovisuel public. Les niveaux de déficit et de dette publics doivent inciter à faire des choix .

II. PLUS DE 2 000 CRÉATIONS DE POSTES ENVISAGÉES EN 2017

Le présent projet de loi de finances prévoit la création de 2 100 équivalents temps plein (ETP), dont 1 403 au titre de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation .

Répartition par programme du projet de création de 2 100 ETP en 2017

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Pour 2016, le plafond d'emplois est fixé à 80 988 équivalents temps plein travaillé (ETPT). L'impact des schémas d'emplois conduit à une augmentation du plafond d'emplois de 2 014 ETPT (hors mesures de périmètre et de transfert et corrections techniques), soit + 2%.

Évolution des schémas d'emplois en 2017 par programme

(en ETPT)

Extension en année pleine des schémas d'emplois 2016

Impact des schémas d'emplois 2017

Total

Justice judiciaire

231

258

489

Administration pénitentiaire

685

505

1 190

Protection judiciaire de la jeunesse

43

161

204

Conduite et pilotage de la politique de la justice

74

54

128

Conseil supérieur de la magistrature

0

3

3

Total

1 033

981

2 014

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Les dépenses de personnel (hors contributions au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ») 10 ( * ) augmentent, entre la loi de finances initiale pour 2016 et le projet de loi de finances pour 2017, de 178 millions d'euros, soit + 5,2 %.

Évolution (2016-2017) des dépenses de personnel 11 ( * ) par programme

(en millions d'euros)

LFI 2016

PLF 2017

Écart 2016-2017

Variation 2016-2017

Justice judiciaire

1 558

1 617

59

3,8 %

Administration pénitentiaire

1 450

1 535

85

5,9 %

Protection judiciaire de la jeunesse

337

356

19

5,6 %

Conduite et pilotage de la politique de la justice

107

122

15

14,0 %

Conseil supérieur de la magistrature

2

2

0

0,0 %

Total

3 454

3 632

178

5,2 %

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Le coût de la création des 2 100 emplois est évalué à 51 millions d'euros, et l'extension en année pleine des créations d'emplois décidées en 2016 à 44 millions d'euros. Ainsi, le coût des créations de postes prévues en 2016 et 2017 représente la moitié de la hausse des dépenses de personnel ; le reste correspond principalement à des mesures statutaires et indemnitaires et au relèvement de la valeur du point d'indice .

Le coût des mesures statutaires et indemnitaires est ainsi évalué à 41,1 millions d'euros :

- 15,1 millions d'euros correspondent aux mesures relatives aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations (PPCR) ;

- 10,7 millions d'euros correspondent à la mise en oeuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP).

Quant au relèvement de la valeur du point d'indice, la dépense supplémentaire est évaluée à 26,6 millions d'euros en 2017.

À titre de comparaison, sur la base du coût moyen « chargé » (hors CAS « Pensions »), cette enveloppe aurait permis le recrutement de 465 nouveaux magistrats (en plus des 238 prévus) ou de 789 greffiers (en plus des 465 prévus) ou encore de 848 surveillants pénitentiaires (en plus des 878 prévus) .

SECONDE PARTIE - LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

I. LA JUSTICE JUDICIAIRE

Par rapport à 2016, les crédits du programme « Justice judiciaire » augmentent de près de 120 millions d'euros, dont 80 millions d'euros correspondent à des dépenses de personnel.

Détail de l'évolution (2016-2017) des crédits par « brique » de budgétisation

(en millions d'euros)

LFI 2016

PLF 2017

Variation (CP) 2016-2017

AE

CP

AE

CP

DEPENSES DE PERSONNEL (TITRE 2)

2 229

2 229

2 309

2 309

80

3,59%

AUTRES DEPENSES (HORS TITRE 2)

1 019

981

1 126

1 020

39

3,98%

Frais de justice

509

509

475

475

-34

-6,68%

Fonctionnement courant - hors immobilier

142

142

157

157

15

10,56%

Intervention

3

3

2

2

-1

-33,33%

ENM

32

32

33

33

1

3,13%

Immobilier - Occupant

212

176

215

198

22

12,50%

Immobilier - Propriétaire

120

119

244

155

36

30,25%

Total

3 248

3 210

3 435

3 329

119

3,71%

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice au questionnaire

A. LE DÉFI DU RECRUTEMENT ET DE LA GESTION PRÉVISIONNELLE DES EFFECTIFS

Sur 80 millions d'euros d'augmentation des dépenses de personnel, 35,5 millions d'euros correspondent à l'impact du schéma d'emplois et 16 millions d'euros sont destinés à financer des mesures statutaires et indemnitaires.

Évolution (2010-2017) de l'écart au plafond d'emplois
(programme 166 « Justice judiciaire »)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire

Interrogé sur l'écart grandissant entre l'exécution et le plafond d'emplois, le ministère de la justice a indiqué que « cette sous-consommation est liée à différents facteurs :

« - les moindres recrutements qu'attendus (par exemple, recrutement des magistrats latéraux en 2012) ;

« - le report en fin d'année de recrutements prévus en cours d'année ;

« - la sous-évaluation des départs en retraite ».

La gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences devient un véritable défi pour la direction des services judiciaires, en raison d'un nombre important des départs en retraite dans les cinq prochaines années, qu'il s'agisse des magistrats ou surtout des fonctionnaires .

S'agissant des fonctionnaires, le nombre maximum de départ en retraite devrait être atteint en 2020. Selon la direction des services judiciaires, « après les importants recrutements dans le corps des greffiers ces dernières années, le renouvellement des effectifs se poursuivra à un rythme élevé puisque ce sont 32,5 % des effectifs actuels de fonctionnaires qui devraient partir en retraite dans les dix prochaines années ».

Évolution du nombre de départs en retraite (magistrats et fonctionnaires)

(en nombre)

(fonctionnaires) (magistrats)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire

La localisation des fonctionnaires :
un problème d'attractivité de l'Île-de-France

« Les cours d'appel les plus confrontées à des difficultés liées à leur défaut d'attractivité pour les fonctionnaires, toutes catégories confondues, sont les cours d'appel de Paris et de Versailles . Les juridictions de ces cours d'appel connaissent les plus forts taux de départs d'agents en mutation.

« Faute de candidats suffisants par voie de mutation entrantes vers ces juridictions, les vacances de postes entraînées par ces départs importants sont généralement comblées par des sorties d'école de directeurs des services de greffe et de greffiers ainsi que des recrutements de secrétaires administratifs et d'agents de catégorie C. Ces fonctionnaires, issus de recrutements nationaux, obtiennent par la suite leur mutation après environ deux années de présence au sein de ces juridictions de l'Île-de-France, expliquant ainsi les forts taux de départs constatés et entretenant un phénomène de rotation rapide des personnels.

« Un des freins à la « fidélisation » des agents tient, dans certaines juridictions, entre autres, à la difficulté rencontrée par les agents pour trouver un logement proche de leur nouvelle affectation. Ce constat, qui touche en priorité la région parisienne, se vérifie également dans l'ensemble des grandes métropoles.

« Afin de limiter les conséquences de cette situation, le ministère de la justice, sous la coordination du secrétariat général et son bureau d'action sociale (BASCT), mène depuis 2004 une politique active en faveur du logement social en priorité dans les villes où le marché de l'immobilier est le plus tendu.

« En quelques années, le ministère s'est doté de son propre parc de logements sociaux au profit de ses agents. Cette politique volontariste se concrétise notamment par la mise à disposition des personnels de logements construits par des bailleurs sociaux sur des terrains appartenant au ministère et de logements réservés en contrepartie d'un financement (1 922 logements).

« Afin de poursuivre cette politique, le ministère a prévu en 2016 un budget de 2 900 000 €.

« Ce budget doit aussi permettre de procéder, dans les régions enregistrant de fortes arrivées en primo-affectation, à des réservations de logements meublés, type studios ou F1, qui sont particulièrement adaptés à la demande des intéressés, notamment à Paris et en région parisienne.

« Ces réservations viendront compléter les démarches faites directement, sur le plan local, auprès des bailleurs et des SRIAS, par les départements des ressources humaines et de l'action sociale. Ainsi, la section régionale interministérielle d'action sociale (SRIAS) Île-de-France a engagé depuis plusieurs années une action en faveur des agents nouvellement nommés dans la région francilienne qui rencontrent des difficultés pour se loger. Cette action vient en complément des dispositifs ministériels sans s'y substituer et s'élargit en 2016 à une aide pour les agents rencontrant des difficultés temporaires de logement. Cette aide prend la forme d'un carnet de chèques nuitées d'une valeur de 300 ou 600 euros selon les situations. Ces coupons sont utilisables en paiement de nuitées hôtelières auprès d'hôtels adhérant au dispositif ou à défaut, pour le règlement de produits alimentaires.

« L'enjeu est prioritaire pour la direction des services judiciaires qui est confrontée chaque année à une rotation importante dans le corps des greffiers compensée par des sorties d'école de greffiers représentant près d'un tiers des promotions.

« En mars 2016, un groupe de travail sur les juridictions fragilisées a été mis en place à la demande du Garde des sceaux, ministre de la justice, et poursuivra ses travaux au dernier trimestre.

« L'un des objectifs poursuivi est notamment d'identifier les critères de détection des juridictions en voie de fragilisation, tant sur le plan des ressources humaines (manque d'attractivité, effectifs ayant une importante rotation, absentéisme supérieur à la moyenne...) que sur le plan de l'activité, afin d'anticiper les difficultés et identifier les dispositifs d'accompagnement à mobiliser pour permettre l'amélioration de leur situation. »

Source : ministère de la justice

Malgré les créations de postes, il y a moins de magistrats en juridictions en 2016 qu'en 2012.

Évolution des effectifs théoriques et réels de magistrats affectés en juridictions depuis 2008

N.B. : les effectifs théoriques correspondent aux circulaires de localisation des emplois [Sont comptabilisés dans la circulaire de localisation des emplois (C.L.E.), les postes de magistrats localisés dans les tribunaux et les cours d'appel.]

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses du ministère de la justice

Tableau général des recrutements dans le corps judiciaire

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

3 Concours d'accès à l'ENM (admis)

250

210

160

105

105

105

176

206

214

205

280

n.d**

2016

+ n.d**

2 Concours complémentaires

(admis)

30

néant

néant

néant

néant

néant

28

55

50

44

79

n.d**

286

+ nd**

Intégration directe

(art. 22-23 et 41-9) ***

27

12

14

18

40

33

49

49

45

35

58

33 (au 30/06/2016)

+ n.d**

413

+ n.d**

Nominations sur titre en qualité d'auditeurs de justice (art. 18-1)

40

44

fév

42

déc*

49

36

23

35

38

48

71

65

86*

n.d**

577

+ n.d**

Détachement judiciaire (art. 41)

3

2

5

5

6

7

4

11

4

13

11

13 (au 30/06/2016)

+ n.d**

84

+ n.d**

Magistrats exerçant à titre temporaire (art. 41-10)

2

2

0

1

1

0

4

12

5

8

11

4 (au 30/06/2016)

+ n.d**

50

+ n.d**

Conseillers et avocats généraux à la Cour de cassation en service extraordinaire

(art. 40-1)

4

0

0

0

2

0

1

0

4

2

2

1

+ n.d**

16

+ n.d**

Hors hiérarchie

(art. 40)

***

****

****

2

0

0

0

0

0

0

0

1

0

+ n.d**

3

+ n.d**

TOTAL

356

270

272 *

165 *

177

180

300

381

393

372

528

51

+ n.d**

3445

+ n.d**

Source : réponse au questionnaire budgétaire

B. LA VOLONTÉ D'AMÉLIORER LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT DES JURIDICTIONS

1. Des opérations immobilières et des moyens de fonctionnement pour accompagner la hausse des effectifs

L'augmentation des dépenses de fonctionnement (+ 15 millions d'euros) s'explique notamment par une enveloppe de 5 millions d'euros destinée à « l'amélioration des conditions de travail par le renouvellement du matériel technique, mobilier ».

Par ailleurs, les dépenses immobilières augmentent au total de 58 millions d'euros, dont 22 millions d'euros au titre de l'immobilier occupant : 7,5 millions d'euros seraient consacrés à la « maintenance et [à] l'entretien des bâtiments judiciaires » et 2,5 millions d'euros au « financement des besoins de fonctionnement liés à la hausse des effectifs en juridiction (hors PLAT) ». Comme l'indiquait Marielle Thuau, directrice des services judiciaires, lors de l'audition conjointe de la commission des finances et de la commission des lois du Sénat 12 ( * ) , cette enveloppe permet de financer le « « sac à dos », qui correspond au coût de fonctionnement d'un nouvel arrivant : il s'agit de ne pas aggraver le fonctionnement courant des juridictions par l'arrivée importante de personnel ».

Enfin, 4,2 millions d'euros seraient dédiés au « financement du déménagement dans la nouvelle cité judiciaire des Batignolles ».

S'agissant de l'immobilier dont l'État est propriétaire, l'augmentation des crédits de 36 millions d'euros se justifie principalement par le versement des loyers du nouveau Palais de justice de Paris (aux Batignolles), pour un montant total de 19 millions d'euros et la poursuite des projets conduits par l'Agence pour l'immobilier judiciaire (APIJ).

Par ailleurs, le coût (8 millions d'euros) des adaptations résultant de l'adoption de la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle (« fusion et intégration des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité, mise en place des services d'accueil unique du justiciable et transferts des tribunaux de police ») serait compensé par des économies.

2. L'accessibilité du nouveau Palais de justice de Paris en question

En 2004, l'établissement public de Palais de justice de Paris (EPPJP) a été créé 13 ( * ) pour concevoir et réaliser le futur palais de justice de Paris qui accueillera le tribunal de grande instance, le tribunal de police et les tribunaux d'instance. Après de longues hésitations 14 ( * ) , il a été décidé, en 2009, de situer le nouveau Palais de justice dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) Clichy-Batignolles.

En 2012, à l'issue d'une procédure de mise en concurrence, l'EPPJP a signé un contrat de partenariat par lequel il confié à Arelia la conception, le financement, la construction, l'équipement, l'entretien, la maintenance et la délivrance de prestations concourant au service public de la justice pendant 27 ans après la date de prise de possession.

En janvier 2013 15 ( * ) , le Président de la République a annoncé la poursuite du projet et les travaux ont commencé en juin 2013.

Toutefois, l'association « Justice dans la cité » ayant introduit plusieurs recours contre le contrat de partenariat en 2012, les travaux ont été interrompus pendant neuf mois car, en raison de l'insécurité juridique résultant des procédures en cours, les banques ont refusé de prêter la société de projet.

À la suite des conclusions du rapporteur public du Conseil d'État de rejet du pourvoi en cassation, la société de projet a décidé de reprendre les travaux au printemps 2014 et le Conseil d'État a effectivement rejeté le pourvoi de l'association en octobre 2014.

Le coût total du projet s'élève à 2,3 milliards d'euros sur 27 ans . Chaque année, l'État versera donc à Arelia 80 millions d'euros, dont 19 millions d'euros prévus à ce titre en 2017.

La livraison est contractuellement fixée au 30 juin 2017. Le ministre la justice a annoncé, le 6 octobre 2016, que le déménagement serait décalé au deuxième trimestre 2018 en raison de la nécessité de renforcer les dispositifs de sécurité.

L'accessibilité du nouveau Palais de justice de Paris, tant pour les personnels que pour les « visiteurs » (prévenus, victimes, avocats, etc.) paraît problématique.

En effet, alors que l'achèvement des travaux de prolongation de la ligne 14 du métro était annoncé fin 2017, il serait désormais programmé pour 2019. Le tramway (T3) qui desservira le tribunal, devrait fonctionner seulement à partir de la fin de l'année 2018.

À partir de juin 2018, les 2 500 personnels et les 9 000 visiteurs quotidiens devront utiliser la ligne 13 (saturée) du métro ou la ligne C du RER. Le recours à un véhicule personnel ne sera pas facilité : les places de stationnement sont rares dans ce quartier actuellement en travaux, et les places de parking prévues pour le personnel sont largement insuffisantes : 180 places de stationnement sont prévues, dont 80 seraient réservées pour nécessités de service.

Selon les informations transmises par la direction des services judiciaires et les responsables de l'EPPJP, des discussions seraient en cours avec la régie autonome des transports parisiens (RATP), pour renforcer la fréquence des bus en provenance de la gare Saint-Lazare ou du Pont Cardinet.

C. LES FRAIS DE JUSTICE : LE RETOUR DE LA SOUS-BUDGÉTISATION ?

1. Un « dérapage » des frais de justice en 2016

En 2016, le montant prévisionnel des frais de justice était de 509 millions d'euros, soit une augmentation assez significative (+ 33 millions d'euros, soit 7 % par rapport à la dépense effective de l'année précédente). Cette hausse était justifiée par la nécessité de réduire les charges à payer et de prendre en compte le paiement des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public (COSP). Toutefois, la sous-estimation de cette dépense et la surestimation des mesures d'économies a conduit le Gouvernement à augmenter de 40 millions d'euros le montant des frais de justice par le décret d'avance du 3 octobre 2016.

En particulier, selon le ministère de la justice,« le report de l'entrée en vigueur de la réforme de la médecine légale n'a pas permis de réaliser les économies initialement prévues à hauteur de 17 millions d'euros. De même, le décalage du calendrier de déploiement de la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) limite l'impact des économies à ce titre à 1 million d'euros au lieu des 27,5 millions d'euros prévus initialement en LFI ».

Pourtant, selon le rapport 16 ( * ) d'Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le décret d'avance « le Gouvernement indique que ces frais sont en hausse à la suite des attentats, en raison d'un nombre plus élevé d'enquêtes et de réquisitions techniques ». D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, « l'enveloppe complémentaire obtenue en décret d'avance visera à terminer la gestion 2016 des cours d'appel avec en moyenne des charges à payer ramenées à 30 jours de dépense 2016, soit un délai de paiement conforme aux engagements pris auprès des fournisseurs à la mise en place du portail chorus ».

Si l'on peut saluer cette précaution, il n'en demeure pas moins que les dettes ne sont pas résorbées sur le budget opérationnel de programme (BOP) central, qui porte plus d'un tiers des dépenses en 2015 - mais uniquement sur celui des cours d'appel. Selon les informations transmises par le ministère de la justice, « la prévision de charges à payer à la fin de l'année 2016 est de 115,1 millions d'euros dans l'hypothèse de l'absence de tout décret d'avance ou d'ouverture en collectif de fin d'année ». Grâce au décret d'avance, les charges à payer pourraient donc diminuer significativement, à 75 millions d'euros.

Frais de justice :
évolution de la prévision, de l'exécution et des charges à payer

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire

En 2015, les charges à payer, évaluées à 126,5 millions d'euros, représentent environ 30 % de la dépense totale.

2. Des économies peu crédibles

Le présent projet de loi de finances prévoit une diminution des frais de justice de près de 7 % (34 millions d'euros) par rapport aux crédits initialement prévus en 2016 et de 51 millions d'euros, soit - 10 % par rapport à la prévision de dépense actualisée.

Une part prépondérante des économies résulterait de « la mise en oeuvre complète en année pleine de la plate-forme nationale d'interceptions judiciaires 17 ( * ) » (35 millions d'euros) qui n'est toujours pas pleinement opérationnelle (cf. infra ) et la réorganisation du schéma de médecine légale (7 millions d'euros).

Quant à l'apurement des charges à payer, il est reporté à des jours meilleurs.

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant une diminution de 8,2 millions d'euros des crédits du programme « Justice judiciaire », « permise principalement par un effort supplémentaire d'optimisation des dépenses de frais de justice et d'investissement immobilier ».

3. Peut-on encore sauver la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) ?

Une part importante (environ 25 %) des frais de justice correspond au coût des interceptions judiciaires qui étaient assurées, jusqu'en 2015, par des prestataires privés, payés à l'acte. Il s'agit à la fois des écoutes téléphoniques, des factures détaillées (les « fadettes ») mais aussi, désormais, des données de géolocalisation

Dès 2004, un rapport d'inspection remis au Premier ministre recommandait la création d'une structure nationale pour recevoir puis acheminer vers les officiers de police judiciaires des données des opérateurs de télécommunication dans les meilleures conditions de sécurité et de traçabilité.

Selon la Cour des comptes, à partir des années 2000, le ministère de la justice « a été confronté à une augmentation spectaculaire des charges de gestion, qui a conduit les greffes des tribunaux au bord de l'asphyxie, entrainant des retards de paiement et des contentieux qui se sont soldés par des transactions financières avec ses créanciers ; en outre, les prix payés pour les prestations ont été, depuis des années, très largement supérieurs aux coûts supportés par les prestataires techniques et aussi, pendant certaines périodes, par les opérateurs de communication électronique (OCE). Les différentes réformes engagées par le ministère de la justice, comme la création de tarifs pour les prestations des OCE à partir de 2007 ou la mise en place d'un circuit centralisé et simplifié pour le paiement de cette catégorie de frais de justice à partir de 2012, n'ont été que des remèdes provisoires » 18 ( * ) .

La décision de création d'une plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), a été prise en 2005 19 ( * ) , afin notamment de contenir l'évolution des frais de justice en matière d'interceptions judiciaires.

a) Pourquoi onze ans après son lancement, la PNIJ n'est-elle toujours pas pleinement opérationnelle ?

La Cour des comptes identifie plusieurs causes : une complexité du projet initialement sous-estimée, la faiblesse de la délégation aux interceptions judiciaires du ministère de la justice, les freins « allant de l'opposition des sociétés privées (...) jusqu'aux difficultés de coopération entre les ministères concernés » et le pilotage interministériel insuffisant.

Alors qu'il était initialement prévu que la PNIJ soit opérationnelle dès 2007, à la fin de l'année 2014, une note de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) destinée aux présidents des tribunaux, indique que « dans l'attente de la mise en service de la PNIJ, les écoutes ne peuvent être réalisées qu'auprès de prestataires privés ».

La mise en service de la PNIJ a débuté en février 2015 dans douze sites pilotes correspondant à trois cours d'appel.

Les syndicats de policiers, rencontrés en mai 2016, ont reconnu que les demandes de factures détaillées et les réquisitions (c'est-à-dire la demande de mise sur écoute) aux opérateurs de téléphonie étaient beaucoup plus rapides grâce à la PNIJ. Ils ont toutefois indiqué ne plus y recourir en matière d'écoutes téléphoniques en raison de problèmes d'ergonomie entraînant une perte de temps considérable, notamment par rapport aux logiciels fournis par les prestataires extérieurs et à cause de l'absence de fiabilité, constatée lors d'une opération de maintenance réalisée par Thalès au mois de mars 2016 et qui a rendu indisponible la plateforme pendant plusieurs heures.

La loi de lutte contre le terrorisme 20 ( * ) a prévu que les services enquêteurs doivent obligatoirement recourir à la PNIJ à compter du 1 er janvier 2017, « sauf impossibilité technique » .

Selon les informations transmises par le ministère de la justice, « son déploiement sur l'ensemble du territoire national est prévu pour juin 2016 et le recours majoritaire à la PNIJ (80 %) devrait être effectif en décembre 2016 ».

D'après le ministère de la justice, en octobre 2016, environ 5 000 enquêteurs utilisent la plateforme chaque jour, et 70 % des réquisitions de prestations annexes (en particulier les factures détaillées, dites « fadettes ») sont effectuées par son biais. Toutefois, s'agissant des interceptions de communications électroniques, c'est-à-dire les écoutes proprement dites, seules 33 % sont effectuées via la PNIJ.

b) Créer les conditions favorables à la poursuite de son déploiement

Dans son référé, la Cour des comptes s'interroge sur le choix initial de faire héberger la PNIJ, non par l'État, mais par un prestataire privé. La Cour des comptes « n'a pas pu déterminer avec certitude les raisons qui ont conduit le ministère de l'Intérieur à refuser d'installer la Plateforme dans l'un de ses sites informatiques sécurisés, alors même que des études conduites préalablement avaient formé des recommandations en ce sens. Face à une décision aussi importante, le ministère de la justice, avant de confier l'hébergement à une société privée, aurait dû solliciter une décision interministérielle afin de trouver une solution plus conforme aux intérêts sécuritaires et financiers à moyen terme de l'État ».

À la suite du référé de la Cour des comptes de février 2016, le Premier ministre a demandé qu'un audit soit réalisé, qui étudierait notamment la possibilité d'une internalisation de la PNIJ au sein de l'État.

Quoi qu'il en soit, le principe de la création d'une plateforme ne doit pas être remis en cause car elle permet un gain d'efficacité et de temps pour les services enquêteurs et la réalisation d'économies, à condition qu'elle fonctionne de façon satisfaisante.

Le coût cumulé de la PNIJ serait de 121,2 millions d'euros 21 ( * ) , contre un coût initialement évalué (et manifestement sous-estimé) de 20 millions d'euros. À titre de comparaison, en 2015, environ 111 millions d'euros ont été versés à des sociétés privées pour les interceptions judiciaires.

Pour la Cour des comptes, les économies immédiates permises par la PNIJ s'élèveraient à 65 millions d'euros en année pleine.

En 2017, les économies seraient de 35 millions d'euros, dont 32 millions d'euros au titre de la suppression des frais de location de matériel d'interception et de 3 millions d'euros s'agissant de la diminution des frais des opérateurs de communication électronique grâce à la dématérialisation des échanges entre les enquêteurs et les opérateurs. La réduction du recours aux prestataires privés, compte tenu des difficultés de la PNIJ dans un contexte de menace terroriste paraît toutefois peu probable.

S'agissant de la géolocalisation, selon les informations transmises par le ministère de la justice, « le décalage du calendrier de réalisation de la plate-forme reporte à mi-2017 la mise en service des capacités de géolocalisation des terminaux de communications ».

Quelles que soient les conclusions de l'audit, il est indispensable que l'ensemble des ministères concernés (ministères de la justice mais aussi de l'intérieur et Premier ministre) se mobilisent pour que la plateforme soit utilisable dans les meilleures conditions par les services enquêteurs.

D'une part, une coordination interministérielle est nécessaire, au niveau technique ou politique, afin de s'assurer de l'interopérabilité des systèmes (notamment entre la gendarmerie et la police nationale) et du respect des orientations. L'appui de la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), rattachés au Premier ministre, sont également déterminants, pour assurer un haut degré de sécurité de la PNIJ et pour rééquilibrer, au profit de l'État, les relations avec Thalès.

En outre, l'association du ministère de l'intérieur devra être favorisée, notamment dans la perspective des évolutions technologiques futures. À ce titre, la PNIJ devra faire la preuve de sa capacité à s'adapter rapidement aux futures évolutions technologiques . Dans tous les cas, la capacité à recourir à des prestataires privés, de façon ponctuelle, ne devrait pas être exclue, notamment pour les affaires les plus sensibles. En outre, la possibilité de faire évoluer la PNIJ (ou au moins certaines parties), sans dépendre uniquement de Thalès, sera un enjeu financier crucial à moyen terme.

Enfin, si des investissements complémentaires peuvent s'avérer nécessaires pour rendre opérationnelle la PNIJ (5,6 millions d'euros sont prévus en 2017), ils ne doivent pas conduire, année après année, à l'éviction ou au report d'autres projets informatiques contribuant à la modernisation de la justice.

II. L'ACCÈS AU DROIT ET L'INDEMNISATION DES VICTIMES DU TERRORISME

1. Aide juridictionnelle : une réforme en partie financée par des hausses de fiscalité et qui pèsera sur 2018

Selon les chiffres-clés 2016 de la justice, en 2015, sur 901 986 admissions à l'aide juridictionnelle, 542 799 concernent des contentieux civils et administratifs. Sur 819 542 admissions à l'aide juridictionnelle totale, 104 860 concernent des divorces et 25 041 les conditions de séjour des étrangers.

Selon l'étude précitée réalisée pour l'Ordre des barreaux de Paris, 24 % des personnes ont renoncé à faire appel à la justice pour des raisons financières - et 11 % y ont même renoncé plusieurs fois. Parallèlement, 59 % des personnes interrogées connaissaient la possibilité de bénéficier de l'aide juridictionnelle.

Depuis le milieu des années 2000, de multiples rapports ont étudié l'aide juridictionnelle et formulé des propositions visant à assurer l'accès au droit au plus grand nombre, tout en maîtrisant les frais afférents.

Depuis 2011, le financement de l'aide juridictionnelle a été fréquemment modifié : créée en 2011, la contribution pour l'aide juridique (CPAJ) qui prenait la forme d'un droit de timbre de 35 euros et représentait une recette de 60 millions d'euros, a été supprimée en 2014.

La loi de finances pour 2015 a alors « diversifié » les modes de financement de l'aide juridictionnelle, en augmentant des taxes existantes (taxe spéciale sur les contrats de protection juridique et taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice). La loi de finances pour 2016 a revalorisé le seuil de revenu à partir duquel il est possible de bénéficier de l'AJ, augmentant le nombre de personnes éligibles.

Évolution du financement de l'aide juridictionnelle

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

2014

2015

2016

(LFI*)

Dépense sur crédits budgétaires (2011-2015) et crédits (2016)

(1)

344,40

292,91

317,31

328,46

313,73

317,7

Rétablissements

de crédits

(2)

6,70

4,42

0,75

0,00

0,00

0,00

Produit de la CPAJ et/ou autres recettes affectées

(3)

0

54 ,39

51,08

27,84

40,73

63,00

Évolution de la trésorerie des CARPA entre les fins d'année N et N - 1

(4)

19,50

-15,46

-1,43

- 8,15

- 4,84

Dépense effective

(5) =

(1) + (2)

+ (3) - (4)

331,6

367,18

370,57

364,47

359,30

* montant de la LFI corrigé de l'annulation de 13 M€ de crédits intervenue en juin 2016.

Source : ministère de la justice

Au total, pour 2017, la dépense totale d'aide juridictionnelle est évaluée à 454 millions d'euros, y compris les ressources extrabudgétaires, soit une augmentation de 60 millions d'euros par rapport à la dotation prévue par la loi de finances initiale 2016 .

Selon le ministère de la justice, « cette augmentation est justifiée par l'extension en année pleine des effets de la réforme de l'aide juridictionnelle décidée en 2016 (tendanciel de + 45,6 millions d'euros sur l'aide juridictionnelle) et par 14,6 millions d'euros de mesures nouvelles dont 14,4 millions d'euros au titre de la mise en oeuvre de l'unité de valeur unique pour le règlement de l'aide juridictionnelle aux avocats à 30 euros (contre 26,5 euros en moyenne auparavant) » 22 ( * ) .

Plus précisément, le coût du relèvement du plafond d'admission à l'AJ au 1 er janvier 2016 s'élève à 21,2 millions d'euros et celui de la revalorisation de l'unité de valeur de référence 23 ( * ) à 27,3 millions d'euros. Ces dépenses demeurent proches des évaluations réalisées fin 2015 par le Gouvernement.

Le coût de la mise en oeuvre de l'unité de valeur unique, initialement fixée à 30 euros par l'article 57 du présent projet de loi de finances, est estimé à 14,4 millions d'euros en 2017, et même à 35,3 millions d'euros en 2018.

Le financement de cette mesure pèsera donc principalement sur le budget 2018 .

Selon le ministère de la justice, « pour maîtriser les dépenses d'aide juridictionnelle, une attention particulière a été portée sur quatre points :

« - les contrôles sur l'attribution de l'aide juridictionnelle lorsque celle-ci est destinée à rétribuer un avocat commis d'office.

« - le filtrage des demandes d'aide juridictionnelle en fonction du bien-fondé de l'action en justice.

« - la prise en charge de la rétribution de l'avocat intervenant à l'aide juridictionnelle par la partie perdante, rendue plus attractive à compter du 1er janvier 2014.

« - la mise oeuvre du principe de subsidiarité de l'aide juridictionnelle quand les frais de justice peuvent être pris en charge par une assurance de protection juridique, facilitée depuis février 2015 ».

Le relèvement du plafond de l'aide juridictionnelle et une rémunération plus juste des missions effectuées par les avocats au titre de l'AJ sont donc passés par une augmentation « cachée » de la fiscalité.

2. L'indemnisation des victimes du terrorisme : pour une participation de l'État au nom de la solidarité nationale
a) Les compétences du fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI)

Un fonds de garantie public des victimes des actes de terrorisme a été créé par la loi du 9 septembre 1986 24 ( * ) . En 1990, a été créé le fonds de garantie de victimes des actes terroristes et autres infractions (FGTI), chargé de l'indemnisation des victimes du terrorisme mais aussi de la prise en charge des victimes d'infractions de droit commun.

Entre 2004 et 2016, les compétences du FGTI ont été progressivement élargies, notamment à l'indemnisation de victimes d'infractions entrainant un dommage corporel grave, de victimes de certaines infractions d'atteintes aux biens (vol, escroquerie, abus de confiance), aux personnes victimes de la destruction par incendie de leur véhicule terrestre à moteur ou encore à l'aide au recouvrement des dommages et intérêts accordés aux victimes par une juridiction pénale.

L'élargissement de ses compétences se justifiait à l'époque par l'abondante trésorerie du fonds.

Aujourd'hui, sa principale mission, en termes d'effectifs et de moyens, concerne l'indemnisation des victimes d'infractions souffrant de préjudices graves et le service d'aide au recouvrement des dommages et intérêts pour les victimes d'infractions (SARVI).

b) Le financement du FGTI

L'article L. 422-1 du code des assurances prévoit que « ce fonds, doté de la personnalité civile, est alimenté par un prélèvement sur les contrats d'assurance de biens ». Depuis 2014, la loi 25 ( * ) a prévu que « le montant de la contribution, compris entre 0 euro et 6,50 euros, est fixé par arrêté du ministre chargé des assurances ».

En 2014, le FGTI a versé 290 millions d'euros aux victimes :

- 256 millions d'euros aux victimes d'infractions ;

- 27 millions d'euros au titre du service d'aide au recouvrement des victimes (SARVI) ;

- 6,5 millions d'euros aux victimes de terrorisme, soit 2,2 % du total.

En 2014, les contributions des assurés (285 millions d'euros) sont inférieures à l'indemnisation de l'ensemble victimes (290 millions d'euros). C'est pourquoi, il a été décidé, en 2015, d'augmenter le prélèvement sur les contrats d'assurance.

Le prélèvement s'élève à 4,30 euros depuis janvier 2016 26 ( * ) (3,30 euros précédemment), soit, à partir de 2016 une recette annuelle de l'ordre de 370 millions d'euros - contre 285 millions d'euros auparavant.

Le 19 octobre 2016, le Gouvernement a annoncé un nouveau relèvement du prélèvement à 5,90 euros. Les ressources supplémentaires sont évaluées à 140 millions d'euros par an.

En un an, le prélèvement a donc augmenté de 79 %, soit 2,60 euros par contrat d'assurance. Les recettes annuelles du fonds de garantie tirés de ce prélèvement sont passées de 285 millions d'euros par an en 2015 à 500 millions d'euros par an à partir de 2017.

Si le prélèvement sur les contrats d'assurance constitue la principale ressource du fonds, le FGTI est également financé par le produit du placement de ces sommes (environ 50 millions d'euros) et des sommes recouvrées auprès d'auteurs d'infractions.

Les placements du FGTI s'élèvent aujourd'hui à 1,3 milliard d'euros.

Aussi, le FGTI n'aura pas de difficulté, à court terme, à indemniser les victimes d'actes de terrorisme : des acomptes sur l'indemnisation ou les frais d'obsèques sont versés dans l'urgence, une semaine après l'événement, puis progressivement, au cours des mois et des années suivants. Aujourd'hui, selon la direction du FGTI, 5,2 millions d'euros de provisions ont déjà été versées à environ 500 victimes ou ayant droit des attentats de janvier 2015, novembre 2015 et juillet 2016.

Toutefois, son modèle de financement déjà fragile en 2014 a été déséquilibré par les attentats .

Quelques chiffres relatifs à l'indemnisation des victimes d'actes terroristes

Entre 1986 et 2014, 4 070 victimes du terrorisme ont été indemnisées pour un montant total de 106 millions d'euros. À ce jour, le même nombre de victimes est à déplorer pour les années 2014 à 2016.

Pour les attentats de Paris en novembre 2015 et de Nice en juillet 2016, le montant total des indemnisations est évalué à environ 700 millions d'euros, avec des décaissements qui s'étaleront sur une période de trois à quatre années.

c) Un financement à faire évoluer

S'il n'existe pas, à ce jour, de difficulté à indemniser rapidement les victimes du terrorisme, il n'en demeure pas moins que la création d'un fonds national financé par l'État et doté de crédits budgétaires, pourrait s'avérer à la fois utile et nécessaire. Il ne serait mobilisé que dans le cas où l'indemnisation des victimes d'actes terroristes mettrait en difficulté le FGTI, compte tenu de ses ressources .

Un tel financement permettrait d' assurer une indemnisation rapide en cas de nouvel attentat nécessitant la mobilisation de sommes trop importantes pour le fonds de garantie, tout en évitant le risque de créer des réserves en vue d'une dépense par nature volatile et que l'on souhaite nulle .

III. L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

1. Le « malaise carcéral »

Farhad Khosrokhavar, sociologue associé à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a récemment publié un ouvrage 27 ( * ) sur les prisons françaises, dont l'ambition est de « remettre en cause la dichotomie tranchée entre détenus et surveillants, notamment en soulignant qu'ils peuvent souffrir du même type de maux, certes sous des formes différentes, qu'on pourrait qualifier de malaise carcéral ».

La première manifestation de ce malaise résulte de la surpopulation carcérale, particulièrement dans les maisons d'arrêt.

Selon le ministère de la justice 28 ( * ) , au 1 er octobre 2016, la France comptait 68 513 écroués détenus (+ 4,2 % par rapport au 1 er octobre 2015), pour 58 476 places opérationnelles (+ 1,1 % par rapport au 1 er octobre 2015), soit une densité carcérale de 117,2 %. Dans les maisons d'arrêt, la surpopulation s'élève à 140 %, avec trois établissements ou quartiers dont le taux d'occupation est supérieur à 200 %.

En un an, le nombre de matelas au sol est passé de 988 à 1 430, soit une augmentation de 4,4 % et entre 2015 et 2016, malgré la création de 720 nouvelles places opérationnelles.

L'encellulement individuel, consacré par la loi pénitentiaire de 2009 29 ( * ) a introduit une dérogation pour une durée de cinq ans, prolongée par la loi de finances rectificative pour 2014 30 ( * ) .

Les conséquences de la surpopulation carcérale sont multiples : à la fois sur la prise en charge des détenus et la politique de lutte contre la récidive et de réinsertion, sur la violence, la dignité des détenus mais aussi sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire .

2. Un programme immobilier pénitentiaire ambitieux dont le financement est reporté

Le ministre de la justice a annoncé, en octobre 2016, un ambitieux plan de construction d'établissements pénitentiaires. Ce programme immobilier prévoit la création :

- de neuf maisons d'arrêt, soit 4 355 places supplémentaires à horizon 2023 (924 millions d'euros d'autorisation d'engagement, aucun crédit de paiement) ;

- de 16 nouveaux quartiers de préparation à la sortie (QPS) permettant la création de 1 740 places à horizon 2024 (235 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 2,6 millions d'euros de crédits de paiement).

Pour initier ce programme, une enveloppe de 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement est prévue dans le présent projet de loi de finances, mais elle n'est assortie de pratiquement aucun crédit de paiement.

Autrement dit, grâce à ce subterfuge, le Gouvernement peut annoncer un programme immobilier ambitieux sans dégrader le déficit public. Il autorise ainsi l'administration pénitentiaire à initier les recherches de terrain et à engager les dépenses afférentes ; charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer .

Par ailleurs, 977 millions d'euros en autorisations d'engagement (et 9,1 millions d'euros en crédits de paiement) sont prévus pour le renouvellement de plusieurs marchés de gestion déléguée.

3. Ressources humaines : l'enjeu de la fidélisation des personnels

Le présent projet de loi de finances prévoit la création de 1 255 emplois (ETP) dans l'administration pénitentiaire, principalement affectés à déployer le plan de lutte antiterrorisme et le plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme (526 ETP) et à assurer l'ouverture de nouveaux établissements pénitentiaires (477 ETP).

En outre, 100 personnes seraient affectées à la poursuite de la mise en oeuvre de la loi relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales et 134 ETP permettrait de « combler les postes vacants de personnel de surveillance en établissement ».

Selon le ministère de la justice, les campagnes de communication relatives aux métiers pénitentiaires commenceraient à porter leurs fruits et de nouveaux outils devraient permettre de mieux anticiper l'évolution des besoins.

4. La sécurité dans les établissements pénitentiaires : supprimer les téléphones portables

Hors dépenses de personnel, les crédits de paiement prévus en faveur de l'administration pénitentiaire sont en légère augmentation de 45 millions d'euros (+ 3,6 %).

Une partie de ces moyens supplémentaires vise à renforcer la sécurité dans les établissements pénitentiaires, par le biais de la généralisation de brouilleurs contre les communications illicites, par la création d'un service pénitentiaire de renseignement, la sécurisation des abords des établissements ou la rénovation de la vidéosurveillance.

Selon la direction de l'administration pénitentiaire, ce sont plus de 30 000 téléphones portables qui ont été découverts dans les établissements pénitentiaires depuis le début de l'année . Certains détenus les utilisent même pour contacter leurs victimes, prendre en photo des personnels, voire continuer, depuis leur cellule, leurs exactions. Cette situation n'est pas admissible et il est indispensable que toutes les mesures nécessaires soient prises pour faire cesser ce phénomène, qu'il s'agisse de brouiller les communications ou de renforcer les fouilles notamment lors des parloirs, quitte à ce qu'une réflexion soit clairement engagée sur la possibilité de donner accès aux détenus à des téléphones, notamment le soir, afin de maintenir leurs liens avec l'extérieur, dans des conditions strictement encadrées .

Selon la direction de l'administration pénitentiaire, « alors que la technologie ne cesse de s'améliorer, les dispositifs de brouillage actuellement installés ne sont toutefois pas évolutifs. Les plus anciens dispositifs ne brouillent que la 2G. Or les portables visés émettent en 3G voire en 4G » 31 ( * ) .

Dans certains établissements anciens, réalisés dans le cadre d'un partenariat public-privé, des contentieux sont en cours concernant l'adaptation nécessaire des dispositifs de brouillage avec l'évolution technologique.

Par ailleurs, « les systèmes de brouillage sont susceptibles de troubler les communications téléphoniques du voisinage immédiat des établissements pénitentiaires, (phénomène dénoncé donnant lieu le cas échéant à des plaintes des opérateurs mobiles). Nonobstant la nécessité de prévenir d'éventuels risques sanitaires des personnels pénitentiaires et des personnes détenues, un signal de brouillage trop puissant perturbe le voisinage tandis que les opérateurs de téléphonie mobile sont conduits à augmenter la puissance d'émission depuis la balise. Le brouillage est rendu in fine moins efficace. Les systèmes de brouillage sont susceptibles d'entrer en interaction avec d'autres systèmes de sécurité, causant ainsi des déclenchements intempestifs d'alarme ».

Le nouveau programme immobilier, qui suggère notamment d'éviter de construire des établissements pénitentiaires dans des zones trop éloignées des centres urbains, ne pourra pas occulter cette question .

5. Remettre de l'ordre dans les extractions judiciaires

En 2010, il a été décidé de confier à l'administration pénitentiaire les missions d'extractions judiciaires jusqu'alors confiées aux forces de sécurité intérieure (police, gendarmerie). En contrepartie, 800 ETP ont été transférés du ministère de l'intérieur au ministère de la justice.

Fin 2012, sept régions administratives (Lorraine, Auvergne, Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, Picardie, Midi-Pyrénées, Franche-Comté) ainsi que les trois départements franciliens de la cour d'appel de Versailles sont passés sous la compétence du ministère de la justice.

À la suite de difficultés, la poursuite du déploiement a été interrompue durant toute l'année 2013 : le nombre de postes transférés du ministère de l'intérieur au ministère de la justice a alors été réévalué (de 800 à 1 200 ETP).

Selon les informations transmises par le ministère de la justice, « au 31 juillet 2016, le processus de transfert concerne 48 % du total des extractions judiciaires (données 2013). Ces missions sont accomplies par 665 personnels de l'administration pénitentiaire (AP), répartis entre les pôles de rattachement des extractions judiciaires (PREJ) qui assurent la mission, et les autorités de régulation des extractions judiciaires (ARPEJ) qui organisent et planifient.

« En cas d'impossibilité pour l'administration pénitentiaire de réunir les moyens humains et matériels nécessaires pour assurer une mission requise par l'autorité judiciaire, les services de l'ARPEJ communiquent au magistrat ou autorité requérante une impossibilité de faire. Le magistrat ou l'autorité requérante a alors la possibilité soit de déplacer la date de la mission (...) ; soit de mettre en oeuvre la mission par voie de visioconférence ; soit, enfin, de saisir les forces de police ou de gendarmerie nationales aux fins d'exécution de la mission . »

Cette situation est source d'insatisfactions, tant pour les forces de police et de gendarmerie que pour les magistrats .

Selon le ministère de la justice, « en raison d'un niveau jugé insatisfaisant d'ETPT transférés du ministère de l'intérieur au ministère de la justice pour opérer le transfert sur l'ensemble du territoire (1 200 ETPT), le taux d'impossibilités de faire opposer à l'autorité judiciaire s'est sensiblement accru tout au long de l'année 2015. Ce niveau, de 4,18% des missions requises pour l'année 2014, a atteint 11 % à la fin de l'année 2015, soit une augmentation de près de 7 points. Au 31 juillet 2016, le taux d'impossibilités de faire est de 20 %, soit une augmentation de 9 points . »

En effet, selon le récent rapport d'une mission d'inspection 32 ( * ) , la circulaire de 2011 relative aux modalités d'organisation de la reprise des missions d'extractions judiciaires 33 ( * ) , « introduisant le concept d'impossibilité de faire, et les articles D. 57 et D. 315 du code de procédure pénale énonçant que les extractions sont « normalement » réalisées par l'administration pénitentiaire, sont autant de bonnes raisons « de ne pas faire », pour des motifs tenant à l'organisation, aux moyens matériels ou humains, alors que cette mission ressort d'une activité régalienne essentielle au bon fonctionnement de la justice et au respect des exigences de la procédure pénale ».

Outre la sous-estimation initiale des moyens nécessaires à l'accomplissement de cette mission, le rapport d'inspection souligne des dysfonctionnements dans le pilotage et l'organisation de cette nouvelle mission de la part du ministère de la justice .

Le ministre de la justice, Jean-Jacques Urvoas, a indiqué, lors d'une visite au tribunal de grande instance d'Angers, le 17 novembre 2016, que ces dysfonctionnements constituaient « le chantier le plus urgent ». Cette analyse est partagée par votre rapporteur spécial.

Un recours facilité à la visio-conférence pourrait être envisagé, pour des actes de procédure ou des délits mineurs, limitant ainsi le nombre d'extractions judiciaires .

6. La prise en charge des détenus « radicalisés »

En 2014, à la suite des plaintes de détenus concernant certains détenus « radicalisés », le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes a décidé de mettre à l'écart les détenus faisant l'objet d'un mandat de dépôt pour des faits de terrorisme ou d'associations de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste. Il s'agissait de les placer dans des cellules individuelles, de les autoriser à participer avec les autres détenus aux activités encadrées, mais de ne les autoriser à participer aux activités non-encadrées qu'entre eux.

Après les attentats de janvier 2015, le Premier ministre, Manuel Valls a annoncé 34 ( * ) la création de cinq unités dédiées à la gestion des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation 35 ( * ) , en insistant sur deux enjeux particuliers :

- la professionnalisation et la sédentarisation des surveillants pénitentiaires volontaires ;

- la nécessité d'adopter une approche pluridisciplinaire, avec l'Éducation nationale, les services de probation et d'insertion pénitentiaire (SPIP), les médecins.

Outre le placement dans des cellules individuelles et un encadrement accru dans leurs activités, le principe est la mise en place de stages sur la vision du monde des détenus, avec l'intervention d'experts extérieurs, de victimes, de juges anti-terroristes pour confronter la vision du monde des détenus avec celle d'autres personnes.

Les modalités de la prise en charge des détenus radicalisés

« [L'appellation d'unité dédiée ] est désormais modifiée car la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement a cantonné l'affectation en unité dédiée à des personnes détenues condamnées qui troublent le bon ordre des établissements, ce qui ne rassemble pas les caractéristiques du public accueilli dans ces unités. On parle donc désormais d'unités de prévention de la radicalisation (UPRA).

« L'affectation en UPRA est réservée aux hommes détenus majeurs, en raison de l'implantation de ces unités dans des établissements ou des quartiers d'hébergement n'accueillant qu'une population pénale masculine. Cette affectation implique automatiquement un encellulement individuel, de manière notamment à respecter le principe de séparation des prévenus et des condamnés. Tout détenu placé en UPRA est pris en charge dans le respect du régime ordinaire de détention, avec les droits et obligations afférents (maintien des liens familiaux, accès aux activités, accès au culte, etc.).

« Toute personne écrouée pour des faits de terrorisme liés à l'islam radical est en principe incarcérée dans l'un des établissements pénitentiaires comportant une UPRA en vue d'y être évaluée puis, le cas échéant, être prise en charge.

« L'ouverture de ces unités à des détenus radicaux non incarcérés pour des faits de terrorisme liés à l'Islam radical est la seconde voie d'entrée. Grâce au repérage réalisé de façon pluridisciplinaire dans les établissements, des personnes détenues pour des motifs autres que des faits liés au terrorisme, pourront, une fois les outils de détection stabilisés, être admises dans l'une des unités d'évaluation et/ou de prise en charge.

« Parmi ces cinq unités, deux sont consacrées à l'évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, implantées à la maison d'arrêt de Fresnes depuis le 25 janvier 2016 et à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis depuis le 29 mars 2016.

« À la suite de l'évaluation ainsi réalisée, les personnes détenues sont orientées en fonction de leur profil et de leur réceptivité, dans un programme de prise en charge en détention normale ou dans une autre unité de prévention de la radicalisation. Si elles n'en relèvent manifestement pas et justifient des mesures de sécurité particulières, elles sont placées à l'isolement. Les personnes détenues concernées par la première orientation sont affectées dans l'une des trois autres unités de prise en charge, implantées aux maisons d'arrêt d'Osny (depuis le 25 janvier 2016), de Fleury-Mérogis (depuis le 29 mars 2016) et, pour les personnes les plus résistantes à une prise en charge, au centre pénitentiaire de Lille Annoeullin (depuis le 25 janvier 2016).

« Chaque unité propose des modes de prise en charge différents liés au profil des personnes. Néanmoins, l'encellulement individuel est la norme dans ces unités (d'une vingtaine de places chacune) qui assurent également une relative étanchéité avec le reste de la détention. Par ailleurs, le personnel y est dédié (ce qui est rendu possible par les renforcements permis par le plan de lutte contre le terrorisme) et a bénéficié de formations spécifiques. »

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Il existait ainsi environ 120 places dans les cinq unités de prévention en 2016.

Sur le plan budgétaire, au cours de l'année 2015, 15 millions d'euros ont été fléchés au profit de la prise en charge et du suivi des individus radicalisés, permettant notamment, « l'aménagement des unités de prévention de la radicalisation, les aménagements immobiliers pour accroître les activités de travail, éducation et sport en détention et des zones d'hébergement et locaux communs » et, à hauteur 7 millions d'euros, pour le développement des activités en détention.

Dès 2015, le ministère de la justice a souhaité qu'une évaluation soit menée sur ce programme et, à ce titre, il a mis en place une « recherche-action », qui a permis à des chercheurs de travailler avec des professionnels de l'administration pénitentiaire à la fois sur les méthodes d'évaluation et de détection, mais aussi de mettre en place des programmes de prise en charge des détenus radicalisés et de prévention de la radicalisation.

Le rapport 36 ( * ) , remis en mars 2016 à la suite de la « recherche-action » menée par l'Association française des victimes du terrorisme et Dialogues citoyens, indique que « selon le ministère de la justice, plus de 86 % des personnes incarcérées à ce jour (en mandat de dépôt ou condamnées pour association de malfaiteurs en vue de commettre un acte terroriste) ne se sont pas radicalisés en prison. (...) Cependant, la prison peut être un accélérateur du processus de radicalisation. »

Il soulignait en conclusion que « la radicalisation en prison est une problématique complexe pouvant impliquer des choix rationnels, idéologiques, des ressentiments, de la manipulation exercée ou subie, de la dissimulation, tandis que pour certains, elle relève de troubles psychiques qui doivent être traités comme tels. C'est la raison pour laquelle il ne peut pas y avoir d'évaluation efficace des risques et besoins liés à la radicalisation sans la mobilisation de tous les acteurs susceptibles d'amener des éclairages sur ces questions . (...) Un premier constat est le besoin d'une plus grande présence et réactivité des professionnels sollicités (dont les CPIP et les nouveaux binômes éducateurs/psychologues dédiés) pour répondre aux demandes des détenus sur le terrain. En effet, la présence du SPIP et des psychologues au sein de la détention est peu visible. Une majorité des détenus condamnés déplorent l'absence de réponse à leurs demandes écrites, les prévenus se plaignent du manque d'interlocuteurs et d'activités. Une présence et une réactivité des agents de réinsertion et des personnels s'avéreraient pourtant efficaces pour lutter contre la radicalisation et/ou la violence en détention ».

Les unités de prévention de la radicalisation (UPRA) seront remplacées par six quartiers d'évaluation de la radicalisation, a annoncé le ministre de la justice en octobre 2016 37 ( * ) . Par ailleurs, « les quelque 300 profils identifiés comme les « violents et prosélytes » seront soumis à un régime de détention proche de l'isolement (fouilles régulières, changements de cellule, limitation des effets personnels) ».

Outre le prosélytisme et les tensions qui peuvent résulter de la présence de tels profils au sein de l'établissement, l'isolement de ces détenus peut également se justifier par le souhait de ne pas faire de la prison un lieu de rencontre entre ces détenus et d'autres incarcérés pour des faits liés au grand banditisme ou à la criminalité organisée.

Les directions de l'établissement pénitentiaire de Fresnes ou de la maison d'arrêt d'Osny, rencontrées par votre rapporteur spécial, ont souligné leur volonté de traiter ce phénomène de façon pragmatique, tout en soulignant qu'aucune « recette miracle » n'existait .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération , l'Assemblée nationale a adopté sans modification les crédits de la mission « Justice ».

En seconde délibération , à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement minorant de 42 millions d'euros les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) de la mission « Justice ».

D'une part, cet amendement prend en compte de mesures de transfert résultant :

- de la modification de l'organisation de la prise en charge de la paie des élèves en formation à l'école nationale de l'administration pénitentiaires et du transfert ;

- de la création d'une équipe dédiée de l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) au programme immobilier de construction d'établissements pénitentiaires.

D'autre part, afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions, il est procédé à une diminution des crédits de 42 millions d'euros (en AE et en CP), qui se répartit de la manière suivante :

- 8,2 millions d'euros sur le programme « Justice judiciaire » ; selon l'objet de l'amendement, « la diminution est permise principalement par un effort supplémentaire d'optimisation des dépenses de frais de justice et d'investissement immobilier » ;

- 16,47 millions d'euros sur le programme « Administration pénitentiaire » ; cette diminution serait permise, selon l'objet de l'amendement, « principalement par l'actualisation des estimations concernant le rythme de réalisation des investissements immobiliers et des dépenses relatives aux aménagements de peines » ;

- 7,2 millions d'euros sur le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » ;

- 8,7 millions d'euros sur le programme « Accès au droit et à la justice » ;

- 1,4 million d'euros sur le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 0,03 million d'euros sur le programme « Conseil supérieur de la magistrature ».

EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE 57(Art. 27 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991) - Revalorisation de l'aide juridictionnelle

. Commentaire : le présent article prévoit d'augmenter l'unité de valeur de référence utilisée pour le calcul de l'aide juridictionnelle et de supprimer la modulation géographique.

I. LE DROIT EXISTANT

A. L'AIDE JURIDICTIONNELLE, GARANT DE L'ACCÈS À LA JUSTICE POUR LES PERSONNES AUX FAIBLES RESSOURCES

Créée par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'aide juridictionnelle (AJ) permet de garantir l'accès à la justice aux personnes disposant de faibles ressources. Cette aide financière bénéficie aux « personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice 38 ( * ) ».

L'aide juridictionnelle couvre tous les « frais afférents aux instances, procédures ou actes pour lesquels elle a été accordée, à l'exception des droits de plaidoirie 39 ( * ) » : le bénéficiaire de cette aide est dispensé du paiement (et de l'avance) de ces frais, qui sont versés par l'État aux avocats et aux autres professionnels du droit intervenant en la matière.

B. LA RÉTRIBUTION DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE À L'AVOCAT

Les articles 27 à 39 de la loi de 1991 fixent le cadre de la rétribution des avocats et professionnels de l'aide juridique. La rétribution de chaque mission d'aide juridictionnelle correspond à la multiplication de l'unité de valeur (UV) par un coefficient qui dépend du type de procédure engagée.

L'unité de valeur est fixée annuellement par la loi de finances . Fixée à 22,50 euros en 2007, elle a été revalorisée à 26,50 euros (hors taxes) à partir de 2016 40 ( * ) .

Montant de la rétribution au titre de l'AJ =

Coefficient selon le type de procédure x (UV + majoration selon le barreau)

Barème de l'aide juridictionnelle

Exemples de coefficients appliqués à l'UV en fonction du type de procédures :

- divorce par consentement mutuel : 30 ;

- tribunal de grande instance et tribunal de commerce, instance au fond : 26 ;

- procédure judiciaire de mainlevée et de contrôle des mesures de soins psychiatriques : 4 ;

- instruction criminelle : 50 ;

- instruction correctionnelle avec détention provisoire : 20 ;

- assistance d'un condamné lors du recueil de son consentement pour le placement sous surveillance électronique : 2.

Des majorations sont possibles, par exemple en cas d'expertises, de vérifications personnelles du juge ; elles peuvent être cumulées, dans la limite de 16 UV.

Source : article 90 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique

Avant la loi de finances pour 2016, les barreaux étaient classés en dix groupes . À chaque groupe correspondait une majoration, calculée en fonction du volume des missions d'aide juridictionnelle par rapport au nombre d'avocats inscrits au barreau.

À la suite du protocole d'accord signé le 28 octobre 2015 entre les représentants de la profession d'avocats et le ministère de la justice, une convergence des montants d'unité de valeur a été proposée, et les dix groupes ont été fusionnés pour n'en former plus que trois 41 ( * ) .

Groupe 1 : barreaux d'Aix-en-Provence, Albertville, Annecy, Avignon, Bayonne, Bonneville, Bordeaux, Brest, Chambéry, Clermont-Ferrand, Compiègne, Draguignan, Grasse, Grenoble, de la Guadeloupe, des Hauts-de-Seine, La Rochelle-Rochefort, Lille, Lorient, Lyon, Marseille, Mayotte, Montpellier, Mulhouse, Nantes, Nice, Papeete, Paris, Reims, Rennes, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse, Valence, du Val-de-Marne, du Val-d'Oise et de Versailles.

Groupe 2 : barreaux d'Agen, de l'Ain, Ajaccio, Albi, des Alpes-de-Haute-Provence, Amiens, Angers, de l'Ardèche, de l'Aube, Aurillac, Auxerre, de l'Aveyron, Bastia, Beauvais, Bergerac, Besançon, Béziers, Blois, Bourges, Brive, Caen, Carcassonne, Carpentras, Châlons-en-Champagne, Chalon-sur-Saône, de la Charente, Chartres, Colmar, Cusset-Vichy, Dax, Dieppe, Dijon, Épinal, de l'Essonne, Évreux, Fontainebleau, Fort-de-France, du Gers, de la Guyane, de la Haute-Loire, des Hautes-Alpes, du Jura, La Roche-sur-Yon, Laval, Libourne, Limoges, de la Lozère, Mâcon, du Mans, Meaux, Melun, Metz, Montargis, Montbéliard, Nancy, Narbonne, Nevers, Nîmes, Orléans, Pau, Périgueux, Poitiers, des Pyrénées-Orientales, Quimper, Roanne, Rouen, Les Sables-d'Olonne, Saint-Brieuc, Saint-Denis de La Réunion, Saintes, Saint-Etienne, Saint-Gaudens, Saint-Malo-Dinan, Saint-Nazaire, Saint-Quentin, Saverne, de la Seine-Saint-Denis, Senlis, Sens, Soissons, Tarascon, Tarbes, de Tarn-et-Garonne, Thionville, Tours, Tulle, Vannes, de la Vienne et de Villefranche-sur-Saône.

Groupe 3 : barreaux d'Alençon, Alès, Argentan, des Ardennes, de l'Ariège, Arras, Avesnes-sur-Helpe, Belfort, Béthune, Boulogne-sur-Mer, Bourgoin-Jallieu, Briey, Cambrai, Castres, Châteauroux, Cherbourg, Coutances-Avranches, de la Creuse, des Deux-Sèvres, Douai, Dunkerque, de la Haute-Marne, de la Haute-Saône, Laon, Le Havre, Lisieux, du Lot, de la Meuse, Mont-de-Marsan, Montluçon, Moulins, Saint-Omer, Saint-Pierre de La Réunion, Sarreguemines, Saumur et de Valenciennes.

Le processus de convergence de l'unité de valeur sur l'ensemble du territoire a ainsi débuté.

(en euros)

Groupe de modulation

Modulation

Unité de valeur modulée

1

- 0

26,50

2

1, 00

27,50

3

2, 00

28,50

Source : évaluations préalables annexées au présent projet de loi de finances

C. LES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

La loi de finances pour 2014 42 ( * ) a supprimé le droit de timbre de 35 euros, considéré comme un frein à l'accès à la justice. Cette recette, qui permettait de financer 60 millions d'euros d'aide juridictionnelle, a conduit le Gouvernement à chercher de nouvelles sources de financement.

À ce titre, il a proposé une augmentation de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance de protection juridique, de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice et une réévaluation du droit fixe de procédure dû par les condamnés à la suite de décisions rendues par les juridictions répressives.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA REVALORISATION DE LA RÉFORME

Le I du présent article a pour objet d' augmenter l'unité de valeur de référence (2°) et de supprimer la modulation géographique au titre de l'aide juridictionnelle (1°).

L'unité de valeur passerait de 26,50 euros à 30 euros (HT) de manière uniforme, sur l'ensemble du territoire .

Le II de l'article rend la disposition applicable en Polynésie-Française.

B. LE COÛT DE LA RÉFORME

Selon les évaluations préalables, le coût de la mesure est évalué à 8,8 millions d'euros en 2017 - même si le projet de budget prévoit une augmentation de 15 millions d'euros de l'action relative à l'aide juridictionnelle, au titre de la revalorisation de l'unité de valeur unique à 30 euros et la réforme du barème 43 ( * ) .

En 2018, le coût est évalué à 35,3 millions d'euros car les missions d'aide juridictionnelles sont payées en moyenne dans un délai de neuf mois , ce qui explique l'impact budgétaire plus important pour l'année 2018.

Par ailleurs, une modification du barème de rétribution des avocats serait envisagée, notamment à la suite de l'introduction du divorce par consentement mutuel par acte d'avocat, mais aussi « pour mieux tenir compte du temps effectif passé par les avocats dans les différentes procédures » 44 ( * ) .

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

À l'initiative du Gouvernement et avec l'avis favorable de la commission des finances, l'Assemblée Nationale a décidé d'augmenter l'unité de valeur à 32 euros au lieu des 30 euros prévus. Selon l'objet de l'amendement du Gouvernement, « le coût total de cette réforme s'élève à 58,2 millions d'euros en année pleine, dont 14,6 millions d'euros dès 2017, qui pourront être financés par redéploiement dans les crédits du programme 101 « Accès au droit et à la justice » du projet de loi de finances, grâce aux rééquilibrages des enveloppes prévues au titre de la contractualisation locale et du barème, après prise en compte de la concertation avec les représentants de la profession ».

IV. LES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Cette disposition, qui résulte des négociations entre les avocats et le ministère de la justice, permet une revalorisation significative de l'attribution versée aux avocats au titre de l'aide juridictionnelle.

Toutefois, le financement de cette mesure, qui pèsera principalement sur 2018, interroge.

Plus généralement, les travaux devront se poursuivre pour remettre à plat le financement de l'aide juridictionnelle, devenu particulièrement opaque.

La possibilité de réintroduire un droit de timbre ne doit pas être exclue et les modalités d'implication des contrats d'assurances juridiques devront être étudiées.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mercredi 23 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice ».

La commission a examiné le rapport de M. Antoine Lefèvre, rapporteur spécial, sur la mission « Justice » (et article 57).

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Les crédits de la mission « Justice » concernent les moyens de la justice judiciaire, de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse. Le Garde des Sceaux semble avoir pris la mesure du désarroi, notamment matériel, dans lequel se trouvent les juridictions. Il propose de renforcer leurs moyens et de créer plus de 2 000 postes, dont des postes de magistrats ou de greffiers. Il a également annoncé en octobre un ambitieux plan de construction d'établissements pénitentiaires.

Malgré des crédits de paiement (CP) de 8,6 milliards d'euros, en hausse d'environ 5 %, par rapport à 2016, je ne peux souscrire à ce projet de budget.

En effet, cette augmentation significative des moyens doit être replacée dans son contexte. Depuis 2012, alors que le Parlement avait adopté un budget ambitieux, les dépenses effectives sont restées en deçà des crédits votés : il s'agit moins d'une maîtrise réelle des dépenses que de tentatives pour respecter la norme de dépenses, comme le montre l'augmentation continue des charges à payer. Ainsi, si les charges à payer sont de la même ampleur en 2016 qu'en 2015, leur résorption absorberait la quasi-totalité de l'augmentation des crédits prévue en 2017.

Par ailleurs, la hausse des CP de la mission correspond à l'évolution tendancielle des dépenses, et en particulier au coût de l'augmentation des effectifs en 2016 et en 2017, ce qui est normal. Ce qui l'est moins, c'est que les mesures nouvelles, les annonces, ne sont pas financées.

C'est notamment le cas de la construction de places de prison. Le Gouvernement propose d'en construire plus de 6 000 sans dégrader le déficit public grâce à un tour de passe-passe : il ouvre 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE), afin que l'administration pénitentiaire commence les recherches de terrain et engage les dépenses afférentes. Charge au prochain Gouvernement de trouver les moyens pour les financer ! Certes, vu l'état de nos prisons et vu la surpopulation carcérale, une action volontariste est indispensable - même s'il ne faudrait pas oublier de s'interroger sur l'efficacité de la réponse pénale. Mais est-ce bien raisonnable, à six mois des élections, d'initier de tels chantiers et de laisser la facture à la majorité suivante ?

Ce projet de budget arrive donc un peu tard.

J'ai comparé les moyens de la justice judiciaire avec ceux de la justice administrative : la différence de traitement entre les deux ordres de juridiction se creuse.

Pour savoir si un budget est prioritaire, nous étudions souvent son évolution par rapport à celle des autres budgets. Les ordres de grandeur sont également significatifs : en 2017, les moyens de la justice judiciaire sont inférieurs aux crédits accordés à l'audiovisuel public.

Le Gouvernement propose d'augmenter les effectifs, notamment de magistrats et de greffiers, dans les juridictions ; la pyramide des âges rend ces recrutements nécessaires. C'est d'autant plus important qu'il faut anticiper ses effets, puisque la formation d'un magistrat dure 31 mois. Malgré ces recrutements, en hausse depuis 2015, le taux de vacance des magistrats affectés en juridictions atteint 6 %, ce qui est préoccupant.

La budgétisation des frais de justice me laisse sceptique. Le rapporteur général nous a présenté à la rentrée un projet de décret d'avance qui ouvrait des crédits en leur faveur. Le Gouvernement avait indiqué que ce dérapage résultait des attentats. Toutefois, selon le ministère de la justice, les économies prévues dans la précédente loi de finances n'ont pas pu être réalisées, notamment en raison du décalage du déploiement de la plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ). C'est désormais cette plateforme que doivent utiliser les enquêteurs pour réaliser les écoutes ordonnées par le juge. Cependant, selon les syndicats de policiers, elle n'est pas fiable et n'offre pas les mêmes fonctionnalités que le matériel qui était jusqu'à présent loué à des prestataires privés.

Par conséquent, les économies de 35 millions d'euros environ sur les frais de justice que devrait générer le déploiement de la PNIJ me paraissent assez peu crédibles. Les reports de crédits risquent de repartir à la hausse.

La décision de créer une telle plateforme a été prise en 2005 ; onze ans plus tard, elle n'est toujours pas pleinement opérationnelle. Les bénéfices en termes de rapidité et l'automatisation des réquisitions auprès des opérateurs de téléphonie sont indéniables. Le problème concerne les écoutes elles-mêmes. Ce projet, dont le coût total s'élève à 121 millions d'euros, ne doit pas être abandonné car il devrait entraîner des économies significatives. À titre de comparaison, les frais d'interceptions judiciaires ont coûté plus de 110 millions d'euros en 2015.

Toutefois, il me semble indispensable de renforcer la coordination interministérielle, de mieux piloter le projet avec Thalès, qui a été sélectionné pour réaliser la PNIJ, et le cas échéant, de continuer à travailler avec les prestataires privés loueurs de matériel, qui proposent des fonctionnalités différentes.

Je me suis également intéressé à l'indemnisation des victimes du terrorisme. Le fonds de garantie qui remplit cette mission est financé par un prélèvement de 4,30 euros sur les contrats d'assurance. Comme sa trésorerie était particulièrement abondante, il a vu ses missions étendues et l'indemnisation des victimes du terrorisme ne correspond qu'à une très faible part de ses activités. Aujourd'hui, grâce à 1,4 milliard d'euros de trésorerie, il peut faire face aux demandes d'indemnisation des victimes des attentats de janvier et novembre 2015 et de juillet 2016. Toutefois, son modèle de financement ne paraît pas adapté à des attaques terroristes de l'ampleur de celles de novembre 2015 ou de juillet dernier. Un fonds abondé par des crédits budgétaires, susceptibles d'être mobilisés à tout instant, serait plus pertinent. Il éviterait de créer des réserves en vue d'une dépense par nature volatile - et que l'on souhaite nulle.

Le volet pénitentiaire du budget est principalement marqué par le plan de construction de nouvelles places de prison, mais aussi par le recrutement de 1 255 surveillants pénitentiaires. L'attractivité du recrutement reste un enjeu majeur, alors que les conditions d'exercice du métier sont difficiles, notamment à cause de la surpopulation carcérale.

Depuis le début de l'année, plus 30 000 téléphones portables ont été saisis en prison. Les brouilleurs dont disposent certains établissements n'ont pas évolué avec la technologie. Ils brouillent la 2G mais pas la 4G. Certains détenus utilisent donc des téléphones portables pour contacter leurs proches, voire leurs victimes, pour prendre en photo les surveillants ou leur véhicule et les menacer. C'est inacceptable. À Osny, où un surveillant a été violemment agressé, des détenus ont pu ensuite intimider les familles du personnel, alors même que celles-ci résident dans un autre département. Nous devons trouver une solution à tout prix. Je l'ai dit hier au ministre, qui m'a indiqué avoir lancé un dialogue compétitif avec plusieurs entreprises pour trouver un moyen de brouillage efficace et adaptable sur le temps long.

Les extractions judiciaires sont depuis 2012 de la responsabilité de l'administration pénitentiaire et non plus des forces de sécurité intérieure. Au 31 juillet 2016, le taux d'impossibilité de faire était de l'ordre de 20 %, c'est-à-dire que, par exemple, lorsqu'un magistrat demande à voir un détenu, l'administration pénitentiaire indiquait, dans 20 % des cas, qu'elle n'en était pas capable. L'organisation de cette mission par le ministère de la justice n'est donc pas satisfaisante et doit être revue. De plus, le recours à la visioconférence devrait être facilité.

Le Gouvernement a procédé, en seconde délibération, au coup de rabot habituel et diminué de 42 millions d'euros le budget.

Compte tenu de ces remarques, surtout sur le financement du programme immobilier pénitentiaire, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Justice ». Quant à l'article 57, qui augmente le montant de l'unité de valeur utilisée pour le calcul de la rétribution de l'avocat au titre de l'aide juridictionnelle, j'y suis favorable. Il s'agit de la traduction d'un engagement pris par le ministère envers les représentants des avocats.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je partage votre analyse de ce budget. La nouvelle organisation des extractions judiciaires, si elle répond à une volonté compréhensible de décharger la police et la gendarmerie de missions qui ne relèvent pas de la sécurité publique en les confiant progressivement au ministère de la justice, ne donne pas satisfaction. Le procureur de la République dans mon département me signalait la semaine dernière que certains détenus doivent être remis en liberté car leur audition n'a pu avoir lieu dans les délais. Il y a là un vrai dysfonctionnement. Le développement de l'usage de la visioconférence diminuerait le nombre d'extractions, mais il faut, pour y avoir recours, l'accord de la personne incarcérée, et tous les avocats le refusent. Pourtant, cela éviterait des extractions dangereuses, sans parler de leur coût : dans un département où il n'y a plus de maison d'arrêt, il faut faire 160 kilomètres aller-retour.

Antoine Lefèvre a raison d'émettre un avis défavorable à ce budget. Il le fait d'ailleurs pour les mêmes raisons qui nous poussent à déposer une question préalable : c'est un budget d'affichage, construit autour d'effets d'annonce. En ouvrant des autorisations d'engagement sans crédits de paiement, on peut annoncer toutes les places de prison que l'on veut - après des années d'un blocage imposé par Christiane Taubira - en reportant l'impact budgétaire sur les années suivantes. Vouloir accroître le nombre de places est une bonne chose, mais le Gouvernement a discrètement repoussé l'obligation d'encellulement individuel. Le taux d'occupation de certaines maisons d'arrêt dépasse les 200 %, des détenus dorment sur des matelas posés à même le sol... Je salue donc l'inflexion du discours, mais déplore qu'elle n'ait aucune traduction budgétaire.

M. Philippe Dallier . - Le rapport évoque le manque d'attractivité de l'Île-de-France. De fait, le tribunal de Bobigny avait défrayé la chronique au printemps dernier car plusieurs affaires avaient été abandonnées, faute d'avoir pu être jugées dans les temps. Le ministre a depuis annoncé l'octroi de postes supplémentaires. Les dossiers concernés ont-ils pu être traités ?

M. Jean Pierre Vogel . - Après une prise d'otage le 4 août dernier, et une tentative en septembre, les parlementaires de mon département ont décidé d'aller visiter la maison d'arrêt des Croisettes au Mans. Les organisations syndicales étaient unanimes à nous faire part d'énormes difficultés de fonctionnement dans cette prison, pourtant quasi-neuve : surpopulation - 400 détenus pour 300 places -, violences envers les surveillants... Il y a des téléphones portables dans toutes les cellules, apportés par des mules, tout comme la drogue, des outils ou des armes blanches, puisque les fouilles à corps sont désormais interdites. Les surveillants se font cracher dessus, insulter. La règle est que, dans ce cas, le détenu soit déplacé dans un autre établissement. Comme les autres prisons sont pleines, elle n'est jamais appliquée. Je ne suis certes pas un spécialiste des prisons, n'y ayant jamais séjourné...

M. Gérard Longuet . - Il ne faut pas insulter l'avenir !

M. Jean Pierre Vogel . - Il me semble que les maisons d'arrêt sont faites pour les condamnés à moins de deux ans d'emprisonnement.

Mme Michèle André , présidente . - Ainsi que pour les personnes attendant d'être jugées.

M. Jean Pierre Vogel . - Le centre pénitentiaire le plus proche est celui d'Argentan. Les condamnés à plus de deux ans devraient y être placés, mais il est plein ! Les conditions de travail pénibles engendrent un fort absentéisme, ce qui impose pour compenser nombre d'heures supplémentaires, qui ne sont jamais récupérées : certains agents font des burn-out . Bref, il faut renforcer les moyens humains et matériels pour leur assurer de meilleures conditions de travail.

M. Philippe Dominati . - Le rapporteur a évoqué l'une de mes préoccupations : le transfert des transfèrements à l'administration pénitentiaire. Le nouveau système ne fonctionne pas, et les forces de l'ordre en sont pénalisées, puisque malgré la budgétisation de 30 000 heures de gendarmes supplémentaires, les magistrats continuent à réquisitionner les forces de l'ordre pour des tâches indues.

L'augmentation des frais de personnel s'accompagne-t-elle d'une hausse des crédits de fonctionnement et d'investissement, ou se fait-elle à leur détriment ?

M. Roger Karoutchi . - Les problèmes de financement de l'achèvement des travaux de la cité judiciaire, porte de Clichy, sont-ils réglés ? Cette cité judiciaire pourra-t-elle ouvrir en 2017 ? Le retard est-il tel qu'il faille attendre 2018 ? Cela poserait des problèmes dans l'ancien palais de Justice, et pour les aménagements qui lui sont liés.

Mme Marie-France Beaufils . - Nous connaissons tous le problème du manque de places dans les prisons : celle de Tours est aussi en surcharge. Si les jugements étaient prononcés plus rapidement, les maisons d'arrêts seraient désengorgées. Cela renvoie au manque de magistrats. Et former un magistrat demande du temps !

Vous n'avez guère évoqué la protection judiciaire de la jeunesse. Pourtant, ses moyens baissent depuis des années, ce qui se ressent douloureusement sur le terrain. Or son action est indispensable pour faire en sorte que ceux qui ont eu un premier accident dans leur comportement évitent un emprisonnement plus long.

M. Vincent Capo-Canellas . - L'administration pénitentiaire souffre du malaise carcéral. Le problème n'est pas tant l'insuffisance des crédits que le gel par Bercy, en cours d'année, des dépenses les plus visibles, comme les petits travaux d'amélioration ou d'aménagement. C'est un signal déplorable, et la Chancellerie en est bien consciente. Pouvez-vous passer le message à Bercy ?

M. Gérard Longuet . - Tous les centres de détention ne sont pas saturés. Dans la Meuse, nous avons des places, mais les familles des détenus récusent certaines destinations pour des raisons de commodité. Quelle autorité régule les affectations entre les centres ?

La clientèle, si j'ose dire, des maisons d'arrêt, est-elle segmentée ? Elle comporte aussi bien des prévenus que des condamnés à de très courtes peines, ou en fin de peine, qui n'exigent certes pas le même type d'encadrement que d'autres types de détenus. L'administration pénitentiaire réfléchit-elle à diversifier les conditions de détention entre les détenus qui exigent un isolement absolu et, par exemple, les dangereux récidivistes du permis de conduire ? Ceux-ci travaillent dans la journée, dorment en prison, mais ne justifient pas du même traitement qu'un criminel lourdement condamné.

Quel est le coût unitaire de séjour ? Je suis sidéré par ces coûts. En termes de fonctionnement, les coûts unitaires annuels les plus élevés se trouvent dans les centres éducatifs fermés, où ils peuvent dépasser les 100 000 euros. Ailleurs, le coût moyen doit être de 30 000 euros par an. Il serait bon que la commission dispose des chiffres exacts.

M. Charles Guené . - Je m'intéresse à la centrale de Clairvaux, qui est vouée à la destruction, pour des raisons qui nous échappent, comme elles semblent échapper au ministre, puisque celui-ci a demandé un nouvel audit. Les prisons ne pourraient-elles pas être un vecteur d'aménagement du territoire ? Celle-ci fonctionnait bien, si ce n'est que ses cellules sont un peu exiguës. Avez-vous eu accès au dossier ? À l'heure où les places manquent, n'est-il pas un peu léger de détruire cette centrale ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Certes, le système des extractions judiciaires ne donne pas satisfaction. La commission des lois devrait chercher des voies d'amélioration de la procédure. Le Garde des Sceaux a évoqué hier ce problème devant elle.

L'Île-de-France souffre en effet d'un déficit d'attractivité, que ce soit en juridictions ou dans l'administration pénitentiaire. À Bobigny, la durée moyenne en poste est d'un an et six mois. La direction des services judiciaires nous a dit vouloir limiter le turn-over . Beaucoup des magistrats qui sont affectés au TGI de Bobigny sortent à peine de l'ENM.

Jean Pierre Vogel a témoigné du malaise carcéral. Les portables sont effectivement monnaie courante en prison. Certains détenus sortent même de leur cellule le téléphone à l'oreille pour aller à la douche, avant de se rappeler que c'est interdit.

Depuis la mise en place du plan antiterroriste, le dispositif du coût du « sac à dos » a permis de lier l'évolution des crédits de fonctionnement des juridictions et de l'administration pénitentiaire à celle des effectifs.

J'ai visité le chantier de la cité judiciaire, quelques jours avant l'annonce du report de sa mise en service. Avec les attentats, de nouvelles normes de sécurité ont été imposées. Ce décalage présente toutefois un intérêt, car les moyens de transports n'ont pas encore été adaptés : le métro n'arrive pas encore, et je m'inquiète du faible nombre de places de parking. La RATP a toutefois été sollicitée pour prévoir des renforts de bus dès l'ouverture. En tous cas, la mutualisation des moyens sur de site devrait avoir un réel impact.

La protection judiciaire de la jeunesse figurait en bonne place dans mes deux précédents rapports. Sa directrice, Catherine Sultan, fait un travail remarquable, et ses moyens ont été renforcés depuis 2012, ce qui se justifie pleinement au vu des résultats. Dans les centres éducatifs fermés, il y a quasiment un éducateur par mineur, ce qui accroît effectivement le coût de séjour unitaire.

Le taux de mise en réserve des crédits de paiement est de 8 %, ce qui explique les difficultés relevées par Vincent Capo-Canellas dans la gestion, en cours d'exercice, pour l'administration pénitentiaire. Le ministre a engagé une réforme du secrétariat général du ministère de la Justice, ce qui pourra améliorer la situation.

Concernant les affectations entre centres, l'orientation se fait en fonction de critères géographiques et familiaux. Quant à la différenciation entre les détenus, je n'ai pas d'information précise sur ce point. Mais je sais qu'on évite de mélanger des détenus pour infractions au code de la route avec d'autres...

Enfin, la centrale de Clairvaux suscite des réactions fortes en raison de l'histoire de ce site. Le ministre a demandé un audit supplémentaire - est-ce pour gagner du temps ? Une bonne moitié des prisons sont vieilles d'un siècle ou plus. C'est un problème.

M. Gérard Longuet . - L'administration pénitentiaire adhère-t-elle à La demeure historique ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - À l'Union des Maisons Françaises !

M. Bernard Lalande . - Quid des bracelets électroniques à l'ère des objets connectés ? Et pourquoi n'est-on pas capable de brouiller les conversations téléphoniques, au 21 e siècle ?

M. Antoine Lefèvre , rapporteur spécial . - Je n'ai pas eu le temps de mener des investigations approfondies sur le brouillage, mais je sais qu'en Allemagne, Siemens assure un brouillage complet des prisons. C'est un enjeu de sécurité : un condamné pour agression sur son épouse peut continuer à la harceler par téléphone. Cela dit, des informations récoltées en écoutant les conversations téléphoniques tenues en prison peuvent constituer des renseignements utiles dans la lutte contre le terrorisme. Les téléphones sont introduits en prison par les parloirs, ou par parachutage. Certains détenus ont quatre ou cinq portables... Quant au déploiement du bracelet électronique, il se heurte notamment aux réticences des juges.

Mme Michèle André , présidente . - Le centre pénitentiaire pour femmes de Rennes est un lieu historique et qui répond parfaitement aux attentes. Présidente de la délégation aux droits des femmes, j'avais fait un rapport sur la question. Les femmes représentent moins de 5 % de la population carcérale, et l'éloignement des familles peut poser problème. Nous pouvons nous inspirer de ce qui se passe en Espagne : allez à Aranjuez !

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Justice ». Elle a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 57.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Direction des services judiciaires

- Mme Marielle THUAU, directrice.

Secrétariat général

- M. Stéphane VERCLYTTE, secrétaire général ;

- Mme Anne DUCLOS-GRISIER, secrétaire générale adjointe.

Direction de l'administration pénitentiaire

- M. Philippe GALLI, directeur ;

- M. Stéphane BREDIN, sous-directeur du pilotage et de la sécurité des services ;

- M. Albin HEUMAN, adjoint du sous-directeur des ressources humaines et des relations sociales.

Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

- Mme Catherine SULTAN, directrice.

Barreau de Paris

- M. Frédéric SICARD, bâtonnier ;

- M. Xavier AUTAIN, délégué du bâtonnier aux affaires publiques ;

- Mme Olga ACKERMAN, agence Proches.

Fonds de garantie des victimes des actes de terrorismes et d'autres infractions (FGTI)

- M. Julien RENCKI, directeur général ;

- Mme Nathalie FAUSSAT, directrice ;

- M. Christian SCHOR, directeur financier.

Bouygues Entreprises France Europe

- M. Pascal MINAULT, directeur général ;

- M. Jean-Michel ARNAUD, dirigeant de Domaines publics.

Prise en charge des détenus radicalisés

Association française des victimes du terrorisme (AFVT)

- M. Guillaume DENOIX de SAINT MARC, directeur ;

- M. Stéphane LACOMBE, directeur adjoint.

Contrôleur général des lieux de privation de liberté

- Mme Adeline HAZAN, contrôleure générale ;

- Mme Agathe LOGEART, contrôleure en charge de l'animation du comité scientifique.

Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation

- M. Pierre N'GAHANE, préfet, secrétaire général.

Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ)

Délégation aux interceptions judiciaires, secrétariat général du ministère de la justice

- M. Éric LUCAS, secrétaire général du ministère de la justice ;

- M. Richard DUBANT, magistrat, responsable de la délégation.

Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ)

- Mme Mireille BALLESTRAZZI, directeur central ;

- M. Patrick HEFNER, chef du pôle judiciaire « Prévention et partenariats » au cabinet du directeur général ;

- M. Sébastien MORAS, chef d'État-major.

Syndicat Synergie-Officiers

- Mme Isabelle TROUSLARD, secrétaire nationale ;

- M. David ALBERTO, conseiller technique au bureau national.

Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

- Mme Chantal PONS MESOUAKI, secrétaire générale adjointe ;

- M. Christophe DUMONT, secrétaire national.

Alliance Police nationale

- M. Stanislas GAUDON, secrétaire administratif général adjoint ;

- M. Thierry VOURIOT, responsable secteur DRPJ ;

- M. David-Olivier REVERDY, conseiller technique investigation.

Syndicat des commissaires de la police nationale

- M. Jean-Luc TALTAVULL, secrétaire général adjoint ;

- M. Thierry SABOT, commissaire divisionnaire, chef de la division criminelle à la DRPJ.

Société Elektron

- M. Michel BESNIER, président ;

- Mme Véronique QUEFFELEC, représentante des intérêts de la société auprès des pouvoirs publics français et européens.

Déplacements

Établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP)

- M. Yves LANSOY, directeur adjoint.

Centre pénitentiaire de Fresnes (94)

- M. Stéphane SCOTTO, directeur.

Maison d'arrêt d'Osny (95)

- M. Yves FEUILLERAT, directeur ;

- Mme Alice SENE, directrice adjointe.


* 1 Il s'agit du budget général de l'État hors engagements financiers de l'État, régimes sociaux de retraite, concours de l'État aux collectivités territoriales et remboursements et dégrèvements d'impôts.

* 2 En 2015, 108 millions d'euros ont été ouverts en cours d'année par décret d'avance au titre du plan de lutte antiterroriste (PLAT).

* 3 Il s'agit des opérations pour lesquelles le service a été fait en 2015 mais n'ont pas été payées au 31 décembre 2015.

* 4 Ce budget comprend donc les programmes 166 « Justice judiciaire », 101 « Accès au droit et à la justice », hors le coût de l'aide juridictionnelle (314 millions d'euros en 2015), 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et 335 « Conseil supérieur de la magistrature ».

* 5 Les chiffres-clés de la Justice, sous-direction de la Statistique et des Études du Secrétariat général du ministère de la Justice, années 2008 à 2016.

* 6 Retracé au programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives ».

* 7 Les chiffres-clés de la Justice, sous-direction de la Statistique et des Études du Secrétariat général du ministère de la Justice, années 2008 à 2016.

* 8 « Le regard des Français sur la Justice et les avocats », Sondage Ifop pour l'Ordre des avocats de Paris, septembre 2016 ; l'enquête a été menée auprès d'un échantillon de 1 004 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus ; la représentativité de l'échantillon a été assurée par la méthode des quotas après stratification par région et catégorie d'agglomération ; les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 5 au 6 septembre 2016.

* 9 Il s'agit de la mission « Justice », à l'exclusion de l'aide juridictionnelle et des programmes 109 « Administration pénitentiaire » et 182 « Protection judiciaire de la jeunesse ».

* 10 Les dépenses de personnel, y compris le CAS « Pensions », augmentent de 248 millions d'euros entre la loi de finances initiale pour 2016 et le présent projet de loi de finances, soit + 4,9 %.

* 11 Hors CAS « Pensions ».

* 12 Compte-rendu de l'audition organisée le 8 juin 2016.

* 13 Décret du 18 février 2004.

* 14 Rapport d'information n° 38 (2009-2010) de Roland du Luart, fait au nom de la commission des finances, déposé le 14 octobre 2009.

* 15 Le 18 janvier 2013, lors de l'audience de début d'année de la cour de cassation, le Président de la République a indiqué que « les travaux de construction du nouveau tribunal commenceront en 2013 et les locaux, aux Batignolles, devront ouvrir en 2017 ».

* 16 Rapport d'information n° 859 (2015-2016) d'Albéric de Montgolfier sur le décret d'avance relatif au financement des contrats aidés, de l'hébergement d'urgence et des frais de justice.

* 17 Selon le projet annuel de performances.

* 18 Référé de la Cour des comptes, février 2016.

* 19 Panorama des grands projets SI, daté du 16 novembre 2016, mis en ligne par la direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC).

* 20 Article 88 de la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 21 Panorama précité de la DINSIC.

* 22 Voir commentaire de l'article 57 rattaché à la mission « Justice ».

* 23 Passant de 22,5 € HT à 26,5 € HT le 1 er janvier 2016.

* 24 Article 9 de la loi n° 86-1020 du 9 septembre 1986 relative à la lutte contre le terrorisme et aux atteintes à la sûreté de l'État.

* 25 Article 62 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 26 Arrêté du 30 octobre 2015 fixant le montant de la contribution des assurés au Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

* 27 Farhad Khosrokhavar, « Prisons de France - Violence, radicalisation, déshumanisation : surveillants et détenus parlent », édition Robert Laffont, octobre 2016.

* 28 Statistique mensuelle des personnes écrouées ou détenues en France, situation au 1 er octobre 2016, direction de l'administration pénitentiaire, bureau des statistiques et des études.

* 29 Loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire.

* 30 Article 106 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2014.

* 31 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 32 Mission sur le transfert de la charge des missions d'extractions judiciaires du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice, Inspection générale des services judiciaires, Inspection des services pénitentiaires, Inspection générale de l'administration, Inspection générale de la Police nationale, Inspection générale de la gendarmerie nationale.

* 33 Circulaire du 2 septembre 2011 relative aux modalités d'organisation de la reprise des missions d'extractions judiciaires par le ministère de la justice et des libertés.

* 34 Plan de lutte contre le terrorisme annoncé par le Premier ministre le 21 janvier 2015.

* 35 Selon la définition de Fahrad Khosrokhavar, la radicalisation est « le processus par lequel un individu ou un groupe adopte une forme violente d'action, directement liée à une idéologie extrémiste à contenu politique, social ou religieux qui conteste l'ordre établi sur le plan politique, social ou culturel » (« Radicalisation », Éditions de la maison des sciences de l'homme, novembre 2014).

* 36 Recherche-action « Détection et prise en charge de la radicalisation religieuse des personnes détenues en milieu carcéral - Janvier 2015-mars2016 », sous la direction de Ouisa Kies.

* 37 Conférence de presse du 25 octobre 2016.

* 38 Article 2 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 39 Article 40 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 40 Article 42 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 41 Arrêté du 12 janvier 2016 fixant la majoration des unités de valeur pour les missions d'aide juridictionnelle .

* 42 Article 128 de la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014.

* 43 Réponse du ministère de la justice au questionnaire budgétaire.

* 44 Selon le document relatif aux principales mesures budgétaires du projet de loi de finances pour 2017.

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