Rapport général n° 140 (2016-2017) de M. François BAROIN , fait au nom de la commission des finances, déposé le 24 novembre 2016

Disponible au format PDF (1 Moctet)


N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur.

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( Seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 20

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. François BAROIN

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 141 à 146 (2016-2017)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. 573,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 571,2 millions d'euros de crédits de paiement (CP) sont demandés , en 2017, au titre de la mission « Médias, livre et industries culturelles », soit une augmentation de 4,1 % en AE et de 1,8 % en CP , qui profite principalement à l'Agence France-Presse et à la rénovation du site historique de la Bibliothèque nationale de France (« Quadrilatère Richelieu »).

2. Cette augmentation ne respecte pas la programmation pluriannuelle . Les crédits demandés présentent une progression de 3,8 %, au-delà du triennal 2015-2017.

3. L'architecture de la mission est réorganisée pour prendre en compte la disparition de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions intervenue l'année dernière. La suppression du programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » n'a pas de conséquence sur son périmètre .

4. Le coût estimé des dépenses fiscales rattachées à la mission augmente de 41 % par rapport à l'année dernière en raison des mesures nouvelles en faveur de la production audiovisuelle et cinématographique votées en loi de finances rectificative pour 2014 et en loi de finances pour 2016. Le coût total de ces dépenses fiscales est évalué à 476 millions d'euros pour 2017 .

5. Le rendement attendu des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée et au Centre national du livre est supérieur aux crédits de la mission et s'élève à 704 millions d'euros . Les taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée, qui génèrent 96 % de ces recettes, ne sont pas plafonnées , par exception aux dispositions prévues par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et visant à rationaliser la fiscalité affectée.

6. L'Agence France-Presse bénéficiera d'une hausse de 4 % de sa dotation , ce qui va au-delà de la trajectoire financière prévue par son contrat d'objectifs et de moyens signé en juin 2015. Ce surplus de 5 millions d'euros vient principalement compenser le manque de développement de ses ressources propres dans un contexte commercial difficile.

7. Le budget 2017 prévoit une hausse de 5,9 % des aides à la modernisation de la presse qui serviront notamment à financer le nouveau fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse doté de 5 millions d'euros et destiné à financer des bourses de recherche et des programmes d'incubation.

8. La réforme des tarifs postaux de presse est toujours en cours près de deux ans après la sortie des accords Schwartz . Après avoir annoncé en décembre 2015 un tarif différencié entre « presse de la connaissance et du savoir » et « presse de loisir et de divertissement », le Gouvernement a renoncé à créer de nouvelles catégories de presse . La dernière annonce de la ministre fait état d'une augmentation des tarifs postaux hors inflation de 0 % pour les titres à faibles ressources publicitaires, 1 % pour la presse d'information politique et générale (IPG) et de 3 % pour les autres titres. Parallèlement, un deuxième chantier est lancé pour revoir les aides au portage.

9. Les médias de communication sociale de proximité, qui contribuent à recréer du lien social dans un contexte post attentats particulièrement difficile, se voient consacrer deux fonds de soutien dédiés, le premier (préexistant) consacré aux radios locales associatives et l'autre (nouveau) aux médias d'information sociale locaux non professionnels .

10. Trois opérateurs du secteur du livre et des industries culturelles sont engagés dans des opérations immobilières de grande ampleur , en particulier la Bibliothèque nationale de France dont le chantier de rénovation du Quadrilatère Richelieu accuse près de 30 mois de retard et un surcoût d'environ 20 millions d'euros . Ces chantiers doivent faire l'objet d'un suivi financier régulier.

11. Les crédits consacrés au livre et à la lecture augmenteront de 1,2 % ce qui permettra comme l'année dernière, une hausse des crédits dédiés aux contrats territoires-lecture , outil particulièrement utile pour structurer les réseaux de lecture public, notamment dans les zones rurales, et la participation de la France comme invitée d'honneur à la Foire du livre de Francfort.

12. La dotation de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet atteint 9 millions d'euros et lui permettra de compenser le traitement des identifications réalisées par les fournisseurs d'accès à internet dans le cadre de la procédure de réponse graduée. Ces derniers n'étaient jusqu'à présent pas indemnisés, faute de décret d'application, ce qu'a condamné le Conseil d'État.

13. Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une dotation de 3,9 milliards d'euros pour les organismes de l'audiovisuel public , par le biais du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », ce qui représente une augmentation de 1,6 %.

14. Aucune réforme de la contribution à l'audiovisuel public n'a eu lieu alors qu'un consensus existe pour reconnaitre qu'il y a un risque d'érosion de son assiette compte tenu de l'évolution des usages et qu'il conviendrait de respecter le principe de neutralité fiscale entre tous les contribuables. Après avoir choisi d'augmenter significativement le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) en 2016, le Gouvernement a proposé cette année d'augmenter la contribution à l'audiovisuel public d'un euro. Cette « solution » a été rejetée en première lecture par l'Assemblée nationale, qui a adopté un amendement du Gouvernement augmentant de 25,5 millions d'euros le plafond d'affectation de la TOCE à France Télévisions.

15. Dans ce contexte, l'absence de processus de mutualisation entre les organismes de l'audiovisuel public est préoccupante . Le renouvellement concomitant des COM de France Télévisions, France Médias Monde et Arte France était une occasion à saisir pour rapprocher leurs stratégies , notamment dans le domaine du numérique, ce qui n'a pas été fait.

16. Le lancement de la chaîne d'information publique Franceinfo , qui associe France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde, est la preuve que ces sociétés peuvent travailler ensemble de manière efficace malgré les différences de culture. Toutefois, ce nouveau projet crée de manière pérenne des charges supplémentaires pour chacun des participants.

17. France Télévisions et Radio France doivent s'attacher à mettre en oeuvre les conditions pour un retour rapide et durable à l'équilibre . Arte France pourra mettre en oeuvre sa stratégie fondée sur le renouveau de sa grille de programmes dans le cadre de son nouveau COM. TV5 Monde devra rechercher de nouveaux financements pour faire face à ses dépenses en matière de sécurité informatique, tandis que France Médias Monde lancera sa chaine France 24 en espagnol. Enfin, l'INA devra veiller à développer ses ressources propres .

Au 10 octobre 2016, date limite fixée par la loi organique relative aux lois de finances, 55 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial.

PREMIÈRE PARTIE - LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

I. ANALYSE DE LA MISSION

1. Une augmentation des crédits qui ne respecte pas la programmation pluriannuelle

Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » s'élèvent à 573,3 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 571,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) , soit une hausse de 4,1 % en AE et de 1,8 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2016.

La comparaison avec le projet de loi de finances pour 2016 fait apparaître non une augmentation, mais une diminution de 3,1 % en AE et 5,1 % en CP car la dotation budgétaire initialement prévue en faveur de France Télévisions, d'un montant de 40,5 millions d'euros, a été supprimée au cours de la discussion. Depuis 2016, plus aucun des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public ne transite via la mission « Médias, livre et industries culturelles » 1 ( * ) . Ceux-ci sont intégralement financés par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », désormais alimenté par la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) 2 ( * ) .

L'architecture de la mission prend en compte cette disparition des dotations en faveur de l'audiovisuel public : le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique » a été supprimé 3 ( * ) . La mission « Médias, livre et industries culturelles » ne se compose plus que de deux programmes :

- le programme 180 rebaptisé « Presse et médias » , qui outre les crédits dédiés à la presse (Agence France-Presse et aides directes à la presse écrite), retrace les crédits consacrés au soutien aux médias de proximité, à l'expression radiophonique locale et à la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT), anciennement portés par les programmes 313 et 334 ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » , qui comprend notamment la subvention pour charges de service public des deux bibliothèques de la mission 4 ( * ) , ainsi que les crédits à destination des industries culturelles (musique et cinéma en particulier).

Changement d'architecture de la mission
en projet de loi de finances pour 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Compte tenu de la disparition anticipée de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions dès 2016 et de la redistribution au sein de la mission des actions restantes, ce changement de maquette ne modifie pas le périmètre de la mission.

Les crédits sont désormais répartis à part quasiment égale entre deux programmes, avec 294,3 millions d'euros consacrés au programme 180 « Presse et médias » et 276,9 millions d'euros au programme 334 « Livre et industries culturelles » (en CP).

Répartition des crédits entre les programmes de la mission « Médias, livres et industries culturelles », dans le projet de loi de finances pour 2017

571,2 M€

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

À périmètre constant , les crédits du programme 180 « Presse et médias » sont en hausse de 2,35 % en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui s'explique principalement par l'augmentation de 5 millions d'euros de la dotation accordée à l'Agence France Presse (AFP) et de 1,7 million des crédits consacrés au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) , les aides à la presse conservant un montant identique.

Les crédits alloués au programme 334 « Livre et industries culturelles » sont également en hausse . Ils marquent une variation plus importante en autorisations d'engagement (6,1 %) qu'en crédits de paiement (1,3 %), principalement pour des raisons liées à l'avancement du chantier de rénovation et d'aménagement du site Richelieu (« Quadrilatère Richelieu »).

Par ailleurs, la budgétisation 2017 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » présente une hausse de 3,3 % par rapport aux crédits initialement programmés dans le cadre de l'annuité 2017 du triennal 2015-2017 tel que défini par la loi de programmation des finances publiques 5 ( * ) .

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et
industries culturelles » en PLF 2017 par rapport à l'annuité 2017
du budget triennal 2015-2017 à périmètre courant

(en millions d'euros)

Source : réponses de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Les écarts entre les montants de crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2017 et ceux initialement programmés sont principalement dus :

- en programme 180 « Presse et médias » , à la revalorisation de 5 millions d'euros de la dotation allouée à l'AFP au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général, à la création d'un fonds doté de 5 millions d'euros pour soutenir l'émergence de l'innovation dans le secteur de la presse et à l'accroissement des moyens alloués au FSER (+ 1,5 million d'euros) ;

- en programme 334 « Livre et industries culturelles » , à la réévaluation de la dotation accordée à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et au renforcement des dotations de la BnF et de la Bpi pour prendre en compte la revalorisation du point d'indice et la hausse des dépenses liées aux mesures de sécurité à prendre à la suite des attentats de 2015.

Les crédits budgétaires inscrits en loi de finances ne représentent toutefois qu'une petite part de l'effort public en faveur des médias, du livre et des industries culturelles. Il faut y ajouter les dépenses fiscales et les taxes affectées rattachées à la mission (cf. supra ), qui échappent à toute programmation.

La politique de soutien à l'industrie du livre et du cinéma en régions
en cours d'évaluation

En mai 2016, une évaluation de la politique de soutien à l'industrie du livre et du cinéma en régions a été lancée dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP). Cette évaluation est conduite sous la coordination de la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires culturelles.

Elle a pour but de dresser un état des lieux des différents soutiens de l'État en régions et en particulier d'analyser la pertinence de la répartition des aides et de leur ciblage au regard de ses objectifs . Elle vise également à analyser la cohérence dans la répartition des rôles entre l'État et les collectivités territoriales et entre les administrations centrales et les établissements publics nationaux, notamment en vue d'améliorer la lisibilité et l'accessibilité des aides pour les usagers-bénéficiaires.

Elle portera en particulier :

- sur les contrats territoires-lecture lancés en 2010 par le Centre national du livre (CNL) qui devraient être au nombre de 120 fin 2016 ;

- et les conventions triennales de coopération cinématographique et audiovisuelle signée entre l'État (DRAC), le CNC et les collectivités territoriales , dont 25 régions (soit la totalité des régions de métropole et trois d'outre-mer), 14 départements, l'eurométropole de Strasbourg et la ville de Paris.

2. Le cinéma, principal bénéficiaire des dépenses fiscales

Les dépenses fiscales rattachées à la mission marquent une hausse importante de 41 %, avec un montant global évalué à 476 millions d'euros , contre 337 millions pour l'année 2016 6 ( * ) . Ce renchérissement avait été anticipé l'année dernière 7 ( * ) et est principalement la conséquence du renforcement des dispositifs en faveur de la production cinématographique et audiovisuelle votés en deuxième loi de finances rectificative pour 2014, puis en loi de finances initiale pour 2016 8 ( * ) . Les crédits d'impôts en faveur du cinéma représentent près de 60 % des dépenses fiscales rattachées à la mission .

Le crédit d'impôt cinéma est désormais ouvert à certaines oeuvres en langue étrangère. En outre, l'ensemble des oeuvres cinématographiques tournées en langues françaises, ainsi que les films d'animation et les fictions dites à forts effets visuels peuvent à présent bénéficier d'un taux majoré à 30 % . Enfin, le plafond du crédit d'impôt pour une même oeuvre a été porté à 30 millions d'euros , contre 4 millions d'euros précédemment.

Dépenses fiscales principales sur impôts d'État rattachées à la mission
« Médias, livre et industries culturelles » en 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

La principale dépense fiscale en faveur de la presse est l'application d'un taux « super-réduit » de TVA de 2,10 % , qui, depuis 2014 est également applicable à la presse en ligne 9 ( * ) , ce qui a suscité l'envoi d'un courrier de mise en demeure de la part de la Commission européenne. Ce contentieux semble être en bonne voie de règlement, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, à la fiscalité et aux douanes, Pierre Moscovici, ayant annoncé qu'il allait proposer « dans les semaines qui viennent l'inscription de la presse en ligne et des livres électroniques sur la liste des produits à taux réduit. Un livre, qu'il soit en papier ou non, reste un livre. Cette décision, très attendue par nos médias, lèverait le contentieux entre la Commission et la France » 10 ( * ) . Cette dépense est estimée à 165 millions d'euros , la part liée à la presse en ligne étant évaluée à 5 millions d'euros.

Le taux réduit de TVA applicable au livre

Contrairement au taux « super-réduit » de TVA de 2,10 % appliqué à la presse, le taux réduit de TVA de 5,5 % appliqué au livre 11 ( * ) n'est pas classé comme dépense fiscale, mais comme une règle générale 12 ( * ) . Sous réserve d'une estimation plus précise par la direction de la législation fiscale, la DGMIC évalue le coût de cette mesure à 200 millions d'euros par an par rapport au taux intermédiaire relevé à 10 % à compter du premier janvier 2014 13 ( * ) .

La logique qui conduit à considérer le taux réduit de TVA en faveur de la presse comme une dépense fiscale, et non celui appliqué au livre, semble difficile à comprendre . L'explication qui figure dans les documents budgétaires est la suivante :

« En principe, sont traitées comme des règles générales les dispositions qui, pour l'ensemble des contribuables visés, contribuent à rendre supportable cet impôt sur la consommation ou qui ont pour effet de préserver l'accès de tous à certains produits ou services. C'est le cas des taux réduits de TVA destinés non à stimuler un secteur ou un comportement, mais visant la consommation de certains produits de base. »

Les autres dépenses fiscales en faveur de la presse présenteraient un coût inférieur à 0,5 million d'euros 14 ( * ) . Cette évaluation pourrait évoluer de manière marginale. La proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias qui vient d'être votée de manière définitive par l'Assemblée nationale 15 ( * ) étend la réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse créée par la même loi (relèvement des plafonds, extension aux sociétés d'amis ou de lecteurs, extension des journaux éligibles).

Enfin, il convient de mentionner la réduction d'impôt accordée aux particuliers pour les dons effectués à des associations qui soutiennent les entreprises de presse (amendement « Charb ») votée dans le cadre de la loi sur la modernisation de la presse 16 ( * ) . La réduction d'impôt sur le revenu est égale à 66 % du montant des dons et versements aux associations d'intérêt général 17 ( * ) exerçant des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse, par la prise de participations minoritaires, l'octroi de subventions ou encore de prêts bonifiés à des entreprises de presse d'information politique et générale au sens de l'article 39 bis A du code général des impôts, dans la limite de 20 % du revenu imposable.

3. Des crédits budgétaires largement dépassés par les taxes affectées

Deux organismes rattachés à la mission, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et le Centre national du livre (CNL), bénéficient de taxes affectées qui ne transitent pas par le budget général de l'État . Ces taxes sont estimées à 704 millions d'euros pour 2017 18 ( * ) , soit un montant bien supérieur aux crédits budgétaires de la mission. 96 % des taxes affectées le sont au profit d'une CNC.

Évolutions des principales taxes affectées de la mission depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations de recettes », annexés aux projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2017

Les deux taxes affectées au CNL sont plafonnées . La taxe sur l'édition des ouvrages de librairie à hauteur de 5,3 millions d'euros et la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression à hauteur de 29,4 millions d'euros 19 ( * ) . Toutefois, seul un reversement dans le budget général de l'État est intervenu depuis la mise en place du plafonnement . Il a concerné la taxe sur les appareils de reproduction ou d'impression. 0,2 million d'euros ont été reversés au budget général en 2012.

Les taxes affectées au CNC ne sont pas plafonnées . Les dispositions du projet de loi de finances pour 2017 n'introduisent aucun plafonnement à venir, par exception au principe fixé à l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques 20 ( * ) .

Évolutions des principales taxes affectées au CNC depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations de recettes », annexés aux projets de loi de finances pour 2015, 2016 et 2017

Un amendement au projet de loi de finances pour 2017 de la commission des finances de l'Assemblée nationale envisageait de créer une septième taxe affectée au CNC, la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels, en prévoyant cette fois-ci un plafond de 70 millions d'euros 21 ( * ) . Il a été rejeté en séance.

II. ANALYSE DU PROGRAMME 180 « PRESSE ET MÉDIAS »

1. L'Agence France-Presse : une dotation en hausse pour compenser la faible croissance des ressources propres

Pour mémoire, l'année 2015 a permis une clarification du statut de l'Agence France-Presse (AFP) pour le rendre compatible avec le droit communautaire, conformément aux mesures utiles préconisées par la Commission européenne dans le cadre de la procédure relative aux relations financières de l'État et de l'AFP 22 ( * ) .

C'est sur ce fondement que la dotation de l'État à l'AFP est depuis constituée de deux lignes distinctes, un abonnement commercial d'une part, et la compensation financière du coût net des missions d'intérêt général (MIG) confiées à l'Agence d'autre part. Ces crédits sont comptabilisés dans les dépenses d'intervention de l'action 01 « Relations financières avec l'AFP ».

Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence, signé le 15 juin 2015 pour la période 2014-2018, fixe la trajectoire suivante :

Évolution de la dotation de l'État prévue par le COM 2014-2018

(AE = CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Or, selon la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), « la trajectoire de compensation des MIG s'est éloignée de celle prévue au COM dès 2016 . Du fait des difficultés rencontrées par l'Agence à équilibrer son budget dans le contexte de la crise des médias, une dotation supplémentaire de 1,6 M€ a été accordée en 2016 par rapport aux 105,8 M€ inscrits au COM » 23 ( * ) .

Pour 2017, l'écart au COM s'élève à 4,6 millions d'euros , en raison d'une hausse de 5 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2016. Elle est justifiée par l'AFP par la nécessité de l'accompagner dans un contexte de crise du secteur des médias et de régulariser certaines situations fiscales et sociales dans les bureaux de l'Agence à l'étranger .

Trajectoire de la compensation pour missions d'intérêt général depuis 2015

(AE = CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire. L'année 2016 a été retraitée en intégrant la hausse de 1,6 million d'euros annoncée par la DGMIC. L'année 2017 correspond au montant demandé en PLF 2017.

Votre rapporteur spécial avait relevé l'année dernière le « caractère volontariste des cibles assignées à l'Agence en ce qui concerne le développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance (marché vidéo et marché dans les régions hors Europe). Ces cibles ne semblent pas pouvoir être atteintes, l'écart se creusant de manière importante en 2016 et 2017, comme l'illustre le schéma ci-après.

Écart entre réalisations* et cibles associées au développement de produits et de marchés à fort potentiel de croissance de l'AFP entre 2014 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017 et le COM 2014-2018 de l'AFP.

* Ont été prises en compte pour 2016 la prévision actualisée et pour 2017 la prévision.

Dès 2015, un écart de 1,6 million d'euros était observé entre les chiffres d'affaires réalisés et ceux qui avaient été envisagés dans le COM . En 2016, la différence est de 4,4 millions d'euros. Ces écarts observés dès l'année de la signature du COM démontrent les limites du plan d'affaires utilisé pour bâtir les hypothèses financières du contrat et calibrer le financement de l'Agence par l'État. Il est donc à craindre que les prévisions de l'année 2018 ne puissent pas non plus être atteintes et qu'un besoin de financement supplémentaire soit également nécessaire .

Conformément aux nouvelles règles mises en place par le COM, il appartiendra à la Commission financière de l'AFP de vérifier que ces surcroîts de dotation ne viennent pas surcompenser les coûts nets des MIG pour les années 2016 et 2017 24 ( * ) .

L'objectif 7.2 du COM qui impose à l'AFP de « limiter la croissance des charges à 1 % par an en moyenne entre 2014 et 2018 » semble pouvoir être respecté en 2016 et 2017. L'indicateur 1.2 du programme 180 « Presse et médias », qui le retrace, fait état d'une croissance des charges d'exploitation brute de 0,7 % en prévision réactualisée pour 2016 et de 0,51 % pour 2017. À l'heure où ses ressources propres s'avèrent moins importantes que prévu, il est indispensable que l'AFP maintienne ses efforts en matière de gestion, dans le but de développer un modèle économique soutenable .

2. Un effort en faveur de la modernisation de la presse

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit des dotations budgétaires consacrées aux aides à la presse en très léger recul, avec des crédits à hauteur de 128,7 millions d'euros en 2017 , contre 128,8 millions d'euros en 2016 (AE = CP). Toutefois, cette apparente stabilité cache des situations très contrastées selon le type d'aide concerné, comme le tableau ci-après le fait apparaître 25 ( * ) .

Répartition et évolution des aides directes à la presse écrite
entre 2016 et 2017

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de lois de finances pour 2016 et 2017

* Programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».

Répartition des aides directes à la presse en 2016 et 2017

(AE = CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Ainsi, l'accent a été porté cette année sur les aides à la modernisation de la presse avec une dotation en hausse de 5,9 % qui permet de financer une augmentation de 2,3 millions d'euros des aides à la modernisation des diffuseurs et la création d'un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse doté de 5 millions d'euros.

Le fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

Créé par le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016, pour mettre en oeuvre l'une des recommandations du rapport Charon 26 ( * ) , ce fonds est destiné à dispenser des aides sous forme :

- de bourses d'émergence, d'un montant maximum de 50 000 euros, dont l'objectif est « de soutenir la conception, le lancement et le début du développement de nouvelles publications ou de nouveaux services de presse en ligne » ;

- d'aides aux programmes d'incubation de presse , en faveur de projets visant à « héberger la création et le développement de publications, services de presse en ligne et d'autres médias ou de prestataires techniques ou éditoriaux spécialisés pour leurs besoins », l'incubation pouvant avoir lieu chez un incubateur ou une entreprise de presse ;

- d'aides à des programmes de recherche et développement devant profiter à l'innovation dans le secteur de la presse (monétisation de l'information, utilisation des datas...) 27 ( * ) , qui sont plafonnées à 70 % des dépenses totales du programme de recherche.

Les aides à destination des programmes d'incubation de presse et de recherche et développement sont accordées sur la base d'appels à projets lancés par le « club des innovateurs », composé de représentants du comité d'orientation du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), du ministre chargé de la communication, du ministre chargé de l'économie numérique et des organisations professionnelles des éditeurs de presse.

Ce fonds est doté d'une enveloppe de 5 millions d'euros pour sa première année de fonctionnement.

Selon les chiffres communiqués par la direction générale des médias et industries culturelles (DGMIC), entre décembre 2009 et décembre 2015, le nombre de points de vente a chuté de 5 000. Il y avait 24 877 points de vente actifs fin 2015, soit 990 de moins qu'en 2014 (- 3,8 %). La majorité de ces disparitions se concentre en dehors de Paris et de l'Île-de-France (700 points de vente perdus en 2015, 724 en 2014). Il est donc important de veiller à soutenir les diffuseurs dans leurs efforts de modernisation, en particulier pour l'informatisation des kiosques à l'heure où la vente au numéro continue de baisser.

Si votre rapporteur spécial relève les efforts apportés pour accompagner la presse dans sa transition vers le numérique au travers des différents types d'aides, il constate qu'il est malaisé d'en mesurer les effets sur le chiffre d'affaires . Il est en effet difficile d'individualiser les résultats liés aux activités sur internet (hors cas des pure players ). La majorité des entreprises de presse ne distinguent pas en comptabilité les produits et charges de leur acticité « papier » de ceux sur support numérique. Les entreprises de la presse professionnelle et technique, ainsi que la presse gratuite ou d'annonces , semblent être celles qui présentent le s plus fortes proportions de chiffres d'affaires liés à l'activité internet .

Source : réponse de la DGMIC au questionnaire du rapporteur spécial

La recherche de pistes pour conforter les revenus des éditeurs de presse se poursuit. Ainsi est étudiée la possibilité de créer un droit voisin pour les éditeurs de presse prenant en compte les usages nouveaux du contenu des journaux et titres de presse dans la perspective de l'élaboration de la réponse française à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur le rôle des éditeurs dans la chaîne de valeur du droit d'auteur 28 ( * ) . La mission, conduite par Laurence Franceschini, a conclu en faveur d'un tel droit dont l'octroi permettrait « de conforter la logique de partenariat équilibré entre les éditeurs de presse et les agrégateurs de contenus de presse ».

Les aides à la diffusion sont en baisse de 8,2 % en raison d'une diminution des crédits consacrés à la compensation à la Sécurité sociale de l'exonération de charges patronales sur les rémunérations des vendeurs colporteurs de presse (indépendants) et des porteurs (salariés). Ces crédits ont été évalués à 17 millions d'euros par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) qui gère le dispositif, contre 21,7 millions d'euros en 2016. Cette mesure concerne un nombre estimé d'environ 32 600 personnes pour la presse payante et la presse gratuite. Les crédits consacrés à l'aide au portage ont été maintenus à 36 millions d'euros (cf. ci-après).

Les aides au pluralisme sont en légère progression avec une augmentation de 50 000 euros de l'aide à la presse régionale et locale pour financer son extension aux titres locaux d'information politique et générale de périodicité plus longue que les hebdomadaires 29 ( * ) , et 500 000 euros supplémentaires accordée aux aides aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles recettes publicitaires, afin d'assurer un financement satisfaisant de l'extension de l'aide intervenue en 2015 aux titres nationaux d'IPG quelle que soit leur périodicité 30 ( * ) .

3. Des aides à l'acheminement des abonnements en cours de réforme

Les réformes en matière d'aide à la diffusion se succèdent, mais peinent à trouver un équilibre pérenne propre à assurer une bonne visibilité aux éditeurs de presse pour qui l'enjeu des abonnements est prégnant à l'heure où la vente aux numéros baisse. Cela est particulièrement vrai pour la presse spécialisée, dont plus de 90 % des ventes est assurée par diffusion postale .

Les aides postales et les aides au portage vont de nouveau connaître diverses adaptations en 2017.

Pour assurer la sortie des accords Schwartz qui déterminaient les conditions de prise en charge, d'acheminement, de traitement et de distribution de la presse par la Poste sur la période 2009-2015, une mission sur l'avenir du transport postal de la presse avait été confiée à Emmanuel Giannesini, membre de la Cour des comptes et président du comité d'orientation du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP). Sur la base de son travail, le Gouvernement avait annoncé en décembre 2015 une augmentation des tarifs postaux hors inflation de 0 % pour les titres à faibles ressources publicitaires , 1 % pour la presse d'information politique et générale (IPG) et de 3 % pour les autres titres, puis à compter de 2017 , parmi ces « autres titres », une différenciation entre « presse de la connaissance et du savoir » (augmentation de 3 %) et « presse de loisirs et de divertissements » (augmentation accrue de 5 %).

La ministre actuelle est revenue sur cette distinction, qui suscitait l'hostilité de la presse magazine. Lors de la conférence des éditeurs du 3 octobre 2016, elle a en effet déclaré avoir « renoncé à la création de nouvelles catégories de presse, autres que la presse d'information politique et générale » et décidé la fin du statut particulier des suppléments des titres IPG en leur appliquant de manière lissée sur quatre ans le tarif postal des magazines de contenu similaire. La traduction réglementaire de cette dernière déclaration ministérielle n'est pas encore intervenue.

Parallèlement à cette réforme en cours, une mission a été confiée aux inspections générales des affaires culturelles et des finances, qui devront conjointement formuler des recommandations sur les possibles évolutions de l'aide au portage , le système transitoire étant encore une fois prolongé en 2017, avec une enveloppe maintenue de 36 millions d'euros assurant un niveau d'aides aux bénéficiaires au moins égal à 90 % du niveau qui leur était attribué avant la réforme de 2014 31 ( * ) .

4. Un soutien en faveur des médias de communication sociale de proximité renforcé

Les médias locaux d'origine associative et non professionnelle apportent une information de proximité et une forme d'éducation aux médias et favorisent la cohésion sociale et le débat démocratique local . Ce rôle qui prend toute son importance après les attentats de 2015, est bien pris en compte par le projet de loi de finances pour 2017 qui garantit à ces médias un financement public via deux fonds de soutien dédiés.

Le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) bénéficiera en 2017 de ressources à hauteur de 30,7 millions d'euros , soit une augmentation de 1,7 million d'euros par rapport à 2016, pour lui permettre de faire face à l'augmentation des demandes observée chaque année (6 demandes nouvelles en 2016).

Ce fonds gère l'aide attribuée par le ministère de la culture et de la communication aux radios locales associatives 32 ( * ) accomplissant une mission de communication sociale de proximité , lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. Elles sont environ 700 radios associatives 33 ( * ) à bénéficier ainsi de ce soutien, qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

En 2015, 97,6 % des radios associatives autorisées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ayant sollicité l'aide du FSER ont bénéficié de ses subventions (contre 97,8 % en 2014). La répartition des subventions du FSER attribuées aux radios locales associatives est proche de l'année dernière.

Répartition des subventions du FSER en 2015
(Total = 29 millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2017

L'action « Soutien aux médias de proximité » a été introduite en projet de loi de finances pour 2016 au sein du programme 334 « Livre et industries culturelles » pour pérenniser l'expérimentation menée à la suite des attentats de janvier 2015 34 ( * ) au profit des médias locaux et non professionnels, qui ne pouvaient pas prétendre aux aides directes existantes. Elle a été rattachée dans le projet de loi de finances pour 2017 au programme 180 nouvellement dénommé « Presse et médias ».

Le fonds dénommé « fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité » a été créé par décret du 26 avril 2016 35 ( * ) pour attribuer une aide aux médias citoyens et participatifs qui s'adressent principalement à des publics situés dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ou une zone de revitalisation rurale. Les projets aidés peuvent être émergents ou innovants et prendre diverses formes (publications, webtélés , webradios , webzines par exemple). L'aide est sélective et la DGMIC instruit les dossiers en prenant en compte l'offre éditoriale, ce qui est important compte tenu de leur caractère non professionnel .

À la suite de l'appel à projets conduit en 2016, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont recueilli 269 demandes, dont 108 ont d'ores et déjà reçu une subvention sur décision de la DGMIC. Dans le projet de loi pour 2017, le fonds est préservé avec une dotation d'un montant équivalent à celui attribué en 2016 (1,6 million d'euros).

5. Les crédits consacrés à la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT)

La radio Médi 1 est éditée par la société Radio Méditerranée Internationale (RMI), actuellement détenue à 86,3 % par des partenaires marocains et à 13,7 % par la France par l'intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT). Médi 1 diffuse au Maroc et en Algérie des programmes d'information internationale et de divertissement, qui sont pour moitié en langue française.

La CIRT a pour mission de recruter et de mettre à disposition de la radio marocaine Médi 1 des journalistes français qui disposent ainsi d'un contrat de travail de droit français. Le salaire de ces 14 journalistes représente 100 % des charges de la CIRT.

Les crédits consacrés à la CIRT sont légèrement en hausse dans le projet de loi de finances pour 2017, avec un montant de crédits de 1 666 500 euros, contre 1 650 000 euros en loi de finances pour 2016. Pour mémoire, la CIRT n'avait reçu aucune dotation en 2015, ayant bénéficié du produit d'une opération de rachat de capital 36 ( * ) .

Rémy Pflimlin, ancien président de France Télévisions, a été nommé président de la CIRT en juin 2016. Il a notamment pour mission de clarifier le régime conventionnel qui lie la CIRT à RMI , et de lancer une réflexion sur le portage à terme de la CIRT, sa société mère, SOFIRAD, étant en liquidation.

III. ANALYSE DU PROGRAMME 334 « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Des opérations immobilières nombreuses et importantes en volume

Trois des quatre opérateurs du programme 334 « Livre et industries culturelles » mettent en oeuvre des programmes immobiliers de grande ampleur qui affectent notablement leur fonctionnement (fermeture de salles d'accueil du public, déménagement des collections et des personnels) et leurs finances.

La Bibliothèque nationale de France (BnF) est engagée depuis 2011 dans la rénovation du quadrilatère Richelieu, son site historique. En mai 2016, la phase 1 (la moitié du quadrilatère située le long de la rue Richelieu) a été achevée avec un retard de près 30 mois dû à des opérations de désamiantage et de déplombage qui n'avaient pu être anticipées. Le public sera de nouveau accueilli le 15 décembre 2016 dans la zone rénovée au 58 rue de Richelieu (départements des manuscrits, arts du spectacle, monnaies, médailles et antiques). La consultation des entreprises dans le cadre de la phase 2 est en cours pour une réalisation de 2017 à 2020.

Plan des travaux du Quadrilatère Richelieu

Source : réponse de la DGMIC au questionnaire du rapporteur spécial

Au fil du chantier, le programme a été plusieurs fois modifié pour intégrer divers travaux 37 ( * ) . Parallèlement, son coût s'est évidemment renchéri. Pour mémoire, la convention de mandat du 13 novembre 2006 faisait état d'un coût des travaux de 149,14 millions d'euros sur la base d'une actualisation des prix de 2,5 % par an. En 2012, le chantier représentait pour l'État « une charge globale de l'ordre de 212,82 millions d'euros » 38 ( * ) .

Le coût actualisé est désormais évalué à 232,4 millions d'euros, soit une augmentation de 9 %. Il présente toutefois une légère baisse par rapport à l'année dernière (232,9 millions d'euros). La BnF et l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), à qui a été confiée la maîtrise d'ouvrage, semblent en effet avoir pris les mesures nécessaires pour contenir la dérive financière du chantier. Ils ont conduit un travail d'analyse et de recherches d'économies fin 2014. La BnF a également procédé, en concertation avec l'OPPIC, à l'estimation des ressources pouvant être mobilisées afin de financer les surcoûts relatifs à des modifications du programme initial. Certaines opérations (restaurations des façades, de certains décors ou de certains espaces) seront être réalisées sous réserve de l'obtention de mécénats.

La Bibliothèque publique d'information (Bpi), qui est associée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, va également démarrer les travaux de rénovation de ses salles de lectures , ainsi que de son entrée, qui se fera de nouveau par la piazza Beaubourg, via la « Chenille » (c'est-à-dire les escaliers mécaniques en façade du bâtiment), et non plus rue Beaubourg, pour se conformer au projet originel des architectes . La maîtrise d'ouvrage a été confiée à l'OPPIC. Pour financer ces travaux, une dotation en fonds propres a été inscrite à hauteur de 10 millions d'euros, en autorisations d'engagement, dans la loi de finances pour 2015. En 2017, 2,8 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour financer les travaux de revêtement des sols et de réalisation de la nouvelle coursive d'entrée (« chenille »).

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) s'est engagé dans un projet de regroupement de tous ses sites parisiens en un lieu unique et a sélectionné le siège d'Aéroport de Paris (ADP) situé boulevard Raspail, dans le 14 e arrondissement de Paris. L'acte authentique de vente a été signé le 25 mars 2015. Le transfert de propriété a eu lieu le 1 er juillet 2016 et le transfert de jouissance doit intervenir au 31 mars 2017 au plus tard, ce calendrier ayant été fixé en fonction du calendrier de construction du nouveau siège d'ADP à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Le CNC doit ensuite engager des travaux de réhabilitation et de construction de salles de projection cinématographique.

Données clés de l'opération immobilière du CNC

Source : réponse du CNC au questionnaire du rapporteur spécial

L'acquisition et les différents travaux doivent être financés par la mobilisation de sa réserve immobilière (33,8 millions d'euros) et la vente des actifs du CNC. Ces derniers avaient été estimés de manière très prudente à 56 millions d'euros par le CNC et environ 71 millions d'euros par France Domaine. La commercialisation a finalement été confiée à des professionnels du secteur parisien, qui ont mis en concurrence des opérateurs internationaux. L'offre retenue s'élève à 91,5 millions d'euros , soit 30 % de plus que l'estimation de France Domaine. Cette opération est l'occasion d'un reversement de 30 millions d'euros dans le budget général de l'État .

Pour avoir une vision exhaustive des projets immobiliers en cours, il convient également de mentionner deux chantiers financés via le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » , la réhabilitation de la Maison de la Radio menée par Radio France, dont le coût non maîtrisé, qui a atteint 430,3 millions en euros courant, pèse sur l'entreprise (cf. infra ), et la réorganisation du site de Bry-sur-Marne de l'INA qui comprend la construction d'un bâtiment de 4 000 m 2 et la rénovation de deux bâtiments, pour un coût global de 25 millions d'euros.

2. Des moyens consacrés au livre et à la lecture préservés

Les crédits du programme 334 « Livre et industries » sont consommés à hauteur de 94 % par l'action 01 « Livre et lecture » dont 80 % des crédits sont consacrés à la Bibliothèque nationale de France (BnF), hors chantier du Quadrilatère Richelieu.

Répartition et évolution des crédits
de l'action 01 « Livre et lecture » entre 2016 et 2017

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de lois de finances pour 2016 et 2017

Répartition par nature des crédits de paiement
de l'action 01 « Livre et lecture » en PLF 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de finances pour 2017

75 % des crédits de paiement de l'action 01 « Livre et lecture » sont constitués de dépenses de fonctionnement. Il s'agit pour la quasi-intégralité de dépenses de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de la Bibliothèque publique d'information (Bpi) couvertes par les subventions pour charges de service public qui leur sont versées. Seul 0,4 % de ces dépenses correspondent à des dépenses autres : participation du ministère de la culture et de la communication à divers salons (dont le Salon du livre de Paris) ou opérations de communication.

Les dépenses d'intervention, qui s'élèvent à 33,6 millions d'euros et sont en légère hausse par rapport à 2016 39 ( * ) , sont consacrées :

- aux actions en faveur du développement de la lecture et des collections pour 13,5 millions d'euros dont 89 % sont des crédits déconcentrés, délégués aux DRAC . C'est dans ce cadre que sont versés les crédits consacrés aux contrats territoire-lecture dont l'enveloppe est à nouveau renforcée cette année (+ 0,5 million d'euros) pour atteindre 2,7 millions d'euros ;

- aux actions en faveur de l'édition, la librairie et les professions du livre pour 20,1 millions, dont 85 % sont des crédits centraux mobilisés. Ces crédits sont en légère hausse par rapport à 2016 (+ 1,4 million d'euros), ce qui permettra de financer la présence de la France comme invitée d'honneur à la Foire du livre de Francfort en 2017 .

Pour mémoire, l'essentiel des interventions économiques en faveur du livre sont portées par le Centre national du Livre (CNL) qui, à partir de ses ressources assises sur deux taxes affectées (cf. supra ), finance 31 dispositifs d'aide développés par métier, au bénéfice des auteurs, des traducteurs, des éditeurs, des libraires, des bibliothécaires et des organisateurs de manifestations littéraires. Le CNL a redistribué en 2015 26,3 millions d'euros sous la forme de prêts ou de subventions dans le cadre de ses missions statutaires.

3. Des crédits en faveur de la musique et de l'Hadopi renforcés

Les crédits consacrés aux industries culturelles, qui comprennent les soutiens dans le domaine de la musique enregistrée et du cinéma, et la dotation dévolue à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), sont en augmentation de 6,3 % pour s'établir à 16,9 millions d'euros (+ 0,4 million d'euros pour la musique enregistrée et + 0,5 million d'euros pour l'Hadopi).

L'Hadopi recevra ainsi en 2017 une dotation de 9 millions d'euros , ce qui la place encore à un niveau inférieur de ressources par rapport à 2012. Pour mémoire, de 2013 à 2015, sa subvention avait été fixée à un niveau inférieur à ses besoins budgétaires réels, ce qui l'avait obligée à opérer des prélèvements sur son fonds de roulement.

Évolution de la dotation allouée à l'Hadopi depuis sa création

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de règlement de 2010 à 2015 et les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de finances pour 2016 et 2017 (en pointillés)

L'augmentation de 0,5 million d'euros est destinée à couvrir les compensations dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) pour les identifications réalisées dans le cadre de la procédure de réponse graduée, comme le prévoit l'article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques depuis son origine.

Ces surcoûts ne sont jusqu'à présent pas compensés faute de décret d'application , ce qui contraint les opérateurs à répondre à leurs frais aux demandes de l'Hadopi. Une décision du Conseil d'État du 23 décembre 2015 40 ( * ) a enjoint le Premier ministre de prendre les mesures réglementaires d'application. Le décret n'a toujours pas été publié, mais les crédits alloués à l'Hadopi anticipent cette publication.

L'Hadopi a adressé plus de 18 millions de demandes d'identification aux FAI depuis la mise en place de la réponse graduée en septembre 2010. Son système d'information est actuellement capable d'envoyer 50 000 demandes d'identification par jour 41 ( * ) . Le taux global d'identification des adresses par les FAI est de 87 %.

DEUXIÈME PARTIE - LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L'ÉVOLUTION DES CRÉDITS ENTRE 2016 ET 2017

1. La hausse des crédits de 63 millions d'euros profite majoritairement à France Télévisions

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une progression des crédits du compte de concours financiers de 1,6 % entre 2016 et 2017 . Cette évolution ne provient pas seulement de la progression naturelle des produits de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), qui résulte de l'indexation de son tarif sur l'inflation (+ 1 euro) et de l'augmentation du nombre de redevables, soit une hausse de 38 millions d'euros . Elle est également due à l'augmentation du plafond d'affectation de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE) 42 ( * ) à France Télévisions, adoptée par amendement du Gouvernement en première lecture à l'article 17 du projet de loi de finances pour 2017, qui lui apporterait un surplus de ressources de 25,5 millions d'euros (cf. infra ) 43 ( * ) .

Pour mémoire, l'augmentation était beaucoup plus marquée en 2016 , avec un taux de 3,70 % . Toutefois, cette forte hausse, nourrie par le fléchage partiel de la TOCE vers le programme du compte de concours financiers consacré à France Télévisions, était destinée à compenser la suppression de sa dotation budgétaire en provenance de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Évolution des crédits du compte de concours financiers
« Avances à l'audiovisuel public » depuis 2013 44 ( * )

(AE = CP, en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexés aux projet de loi de finances pour 2017 et les rapports annuels de performances annexés aux projets de lois de règlement pour 2014 et 2015

L'accroissement de plus de 63 millions d'euros des crédits du compte de concours financiers permet une évolution favorable des dotations de chacun des organismes de l'audiovisuel public, à l'exception de l'INA qui conserve la même enveloppe de crédits qu'en 2016 .

Évolution des crédits accordés entre 2016 et 2017 1

(AE = CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Les crédits de France Télévisions progressent de manière la plus importante en valeur absolue avec 38,7 millions d'euros supplémentaires, ce qui représente une progression de 1,5 % de ses crédits, à comparer avec l'évolution de 0,2 % (4,4 millions d'euros) entre 2015 et 2016.

En valeur relative, c'est Arte France qui présente le taux de progression le plus élevé avec 3,8 % (contre 0,9 % l'année dernière).

La répartition de l'augmentation entre les différents organismes correspond à peu près au poids respectif de chacun dans le compte spécial.

Répartition de la hausse des crédits
entre les différents organismes de l'audiovisuel public

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Répartition des crédits du compte de concours financiers
entre les différents organismes de l'audiovisuel public

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2017

2. La réforme de la CAP n'a pas eu lieu

Le 3 octobre 2014, le Président de la République semblait avoir ouvert la voie à une réforme de la contribution audiovisuelle publique (CAP) 45 ( * ) , en affirmant devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel « quant à la redevance, elle-même, elle fait l'objet de beaucoup de questions. La seule détention du poste de télévision ne peut pas être exclue de cette réflexion, puisque l'on peut regarder les chaînes du service public sur d'autres instruments que la télévision. Alors, je rassure, l'objectif n'est pas d'accroître les recettes [...] L'objectif, c'est un rendement constant et qu'il puisse y avoir une assiette plus large et plus juste. Je pense que cela fait partie de ce que doit être l'évolution du système » 46 ( * ) .

Cette réforme était appelée de leurs voeux par nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux dont le rapport sur le financement de l'audiovisuel public 47 ( * ) a mis en lumière le risque d'érosion de la CAP à moyen terme , risque d'autant plus préoccupant que le Gouvernement a décidé l'extinction des dotations budgétaires complémentaires en 2016. Cette évolution a eu pour conséquence une fragilisation du financement de l'audiovisuel public qui ne peut plus dépendre que des ressources publiques ou des ressources propres, sachant que celles-ci ne présentent pas des marges de progression très importantes. La modernisation de la CAP leur paraît également nécessaire pour garantir un traitement égal du contribuable quel que soit son mode de visionnage (téléviseur, tablette, ordinateur...).

L'annonce présidentielle n'a été suivie d'aucune réforme . Le Gouvernement a fait le choix d'augmenter la CAP de deux euros en loi de finances pour 2015, d'affecter la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) 48 ( * ) à hauteur de 140,5 millions d'euros à France Télévisions en loi de finances pour 2016 et enfin d'augmenter de nouveau la CAP d'un euro en projet de loi de finances pour 2017. Cette dernière disposition a été rejetée par l'Assemblée nationale en première lecture et le Gouvernement a présenté un amendement visant à augmenter le plafond d'affectation de la TOCE à France Télévisions de 25,5 millions d'euros pour maintenir le niveau de ressources initialement prévu. Cet amendement a été adopté 49 ( * ) .

Ces mesures de court terme ne règlent en rien la question du financement de l'audiovisuel public , qui doit avant tout passer par une modernisation de la contribution à l'audiovisuel public, tout en s'accompagnant de la poursuite des efforts de réduction des dépenses, à travers notamment le renforcement des mutualisations entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public.

3. Un secteur de l'audiovisuel public en manque de mutualisation

En février 2015, le groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz 50 ( * ) , avait mis en lumière la nécessité « de mieux coordonner les stratégies des groupes publics , notamment dans les domaines de l'information, du numérique, de la couverture des grands événements ou de la formation des personnels ». Le constat avait alors été largement partagé que cette mise en commun des moyens de l'audiovisuel public ne pouvait qu'accroître leur efficience et générer des économies .

Un comité stratégique de l'audiovisuel public réunissant les présidents des organismes de l'audiovisuel public avait été mis en place pour mettre en pratique cette recommandation. Il ne s'est réuni qu'une fois le 21 octobre 2015. À l'issue de cette première réunion, France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde ont engagé un projet commun de coopération en vue de créer une offre publique d'information en continu .

De ce fait, alors que la concomitance du renouvellement des COM de France Télévisions, France Médias Monde et d'Arte constituait un moment clé pour engager une convergence des moyens et une coordination des stratégies , sur la base d'objectifs précis, ceux-ci se contentent d'annonces de bonnes intentions : « l'entreprise cherchera à proposer des synergies et des mutualisations dans tous les domaines représentant des investissements significatifs, notamment dans le numérique ou dans la cyber-sécurité » 51 ( * ) .

L'expérience de mutualisation actuellement menée avec la création de la nouvelle chaîne Franceinfo risque d' entraîner de manière pérenne des charges supplémentaires pour tous ses participants, et non des économies (cf. infra ).

Franceinfo constitue un exemple de coopération et la preuve que France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde peuvent travailler ensemble malgré les différences de culture. Lors de leur audition, votre rapporteur spécial a pu noter la volonté de leurs dirigeants de collaborer sur ce projet.

4. La chaîne Franceinfo, dans l'attente d'une structure pérenne

Le 1 er septembre 2016, la nouvelle chaîne publique d'information a été lancée. Elle est disponible, en plus des offres numérique et radio, sur le canal 27 de la TNT, mais en format standard uniquement.

Elle associe de manière informelle France Télévisions, Radio France, l'INA et France Médias Monde. Cette chaîne n'a pas de personnalité juridique . Elle est intégralement portée par France Télévisions qui a signé des conventions avec les autres partenaires pour assurer son fonctionnement opérationnel. Ces conventions ont été signées pour des durées inégales (durée de dix ans pour Radio France, de cinq pour l'INA et FMM).

Ce mode de fonctionnement très souple semble adapté à la phase de lancement (« mode projet ») et offre l'avantage de ne pas remettre en cause les statuts des personnels mis à disposition de la chaîne. Mais il convient de s'interroger sur le statut juridique que Franceinfo va devoir adopter à moyen terme . Franceinfo, qui engage durablement les finances publiques, ne peut demeurer un projet intuitu personae .

Sur le plan financier, les incertitudes sont nombreuses . Le projet n'a pas fait l'objet d'une évaluation en coûts complets, mais en raisonnant en terme de surcoûts pour les entreprises partenaires. Ainsi France Télévisions présente un plan d'affaires qui prévoit un coût net de 68,2 millions d'euros sur cinq ans .

Plan d'affaires prévisionnel de Franceinfo
(Part France Télévision)

(en milliers d'euros)

NB : le coût net groupe inclut le coût net pour FTV des partenariats avec l'INA et FMM.

Source : réponse de France Télévisions au rapporteur spécial

Les conséquences en matière d'emplois semblent également peu compatibles avec les politiques de réduction de masse salariale actuellement menées par France Télévisions et Radio France. France Télévisions a prévu d'affecter à l'activité de la nouvelle chaîne 175 emplois équivalents temps plein (ETP ), dont la moitié seulement serait issue d'un processus de redéploiement, les autres étant recrutés, probablement en raison de la spécificité des métiers qu'une chaîne d'information en continu nécessite. Quant à Radio France , sa participation à la chaîne a entraîné la création de 28 postes . France Médias Monde de son côté indique devoir renforcer ses équipes de France 24 de 9 emplois équivalents temps plein (journalistes rédacteurs et rédacteurs en chef) 52 ( * ) .

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L'ANNÉE 2017 POUR LES ORGANISMES DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. France Télévisions, le retour à l'équilibre en question

Après deux exercices en déficit, France Télévisions a présenté un résultat 2015 à l'équilibre , soit un résultat de 10 millions d'euros supérieur au budget 2015. Toutefois ce résultat est conjoncturel et s'explique par un résultat exceptionnel de 19,9 millions d'euros, correspondant à des reprises de provisions (notamment de la provision liée au plan de départs volontaires devenue sans objet pour 15 millions d'euros).

Le budget a été voté à l'équilibre en 2016 , malgré le déficit tendanciel de l'ordre de 40 à 50 millions d'euros résultant de « l'effet de ciseau » mis en évidence par le rapport Schwartz 53 ( * ) dont faisait état les documents budgétaires. L'impact du lancement de Franceinfo sur cet exercice est encore inconnu . La Cour des comptes 54 ( * ) en fait une analyse pessimiste :

« Les incertitudes liées au coût de la nouvelle chaîne d'information en continu, et, de manière plus générale, la faible capacité de l'entreprise à dégager des économies significatives sur ses coûts de fonctionnement rendent problématique le financement du groupe pour les années qui viennent ».

Le principal enjeu pour France Télévisions est donc de définir les conditions permettant de retrouver, le plus tôt possible, un équilibre financier durable , dans le cadre du COM 2016-2020 en cours de finalisation.

Le projet adopté par le conseil d'administration de France Télévisions le 23 juillet 2016, est sous-tendu par trois grands axes stratégiques :

- le soutien à la création , avec un accent particulier concernant la fiction française (engagement d'investir moins 420 millions d'euros par an dans la création à compter de 2017, soit un montant supérieur à ses obligations réglementaires) ;

- le développement d'une nouvelle plateforme vidéo avec une large offre gratuite ainsi que l'accès à des contenus payants, à l'acte ou par abonnement.

- le lancement d'une nouvelle offre d'information continue, Franceinfo, qui suppose un achèvement de la fusion des rédactions nationales (finalisation du projet Info2015).

Le plan d'affaires prévoit un équilibre des comptes sur l'ensemble de la période du COM qui est très largement assuré par une augmentation des ressources publiques (+ 215 millions d'euros sur la période).

Progression des ressources publiques de France Télévisions
COM 2016-2020

(en millions d'euros HT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2017

Le 19 octobre 2016, le projet de COM a reçu un avis défavorable de la commission de la culture du Sénat. Elle a suivi l'avis de son rapporteur, Jean-Pierre Leleux, qui a identifié cinq sujets d'inquiétude :

- l'absence de réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) qui met en danger son rendement et fragilise le financement des 215 millions supplémentaires prévus sur la durée du COM ;

- un niveau de prévision de recettes publicitaires trop optimiste (+ 24 % sur le numérique à horizon 2020) qui ne tient pas compte de la progression inéluctable des grands acteurs de l'internet ;

- l'absence de mutualisations supplémentaires avec les autres acteurs de l'audiovisuel public ;

- un projet de plateforme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD) qui n'est étayé par aucun plan d'affaires ni véritable modèle économique ;

- enfin la dégradation du climat social qui constitue un frein aux réformes dans l'entreprise.

2. Radio France, à la recherche d'une situation financière assainie

Le 20 avril 2016, l'État et Radio France ont signé le contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2015-2019, dont l'année 2017 constitue la troisième année d'exécution. Comme pour France Télévisions, l'un des principaux enjeux de Radio France est un retour durable à l'équilibre au cours des prochaines années.

L'exercice 2015 est marqué par un déficit de 13,9 millions d'euros et le budget initial pour 2016 prévoit un résultat net négatif de 16,5 millions d'euros . Le projet de budget 2017 est encore négatif avec un résultat de -6,5 millions d'euros. Le retour progressif à l'équilibre des comptes est prévu en 2018.

Le COM prend en compte les besoins de financement du chantier de la Maison de la radio dont le coût final estimé est de 430,3 millions d'euros . En prenant en compte l'enveloppe budgétaire définie dans le COM précédent (2010-2014), le dérapage du chantier a occasionné un surcoût de 20,5 % .

Compte tenu des travaux restant à réaliser, le COM 2015-2019 prévoit :

- une dotation en capital de 55 millions d'euros versée en deux fois (27,5 millions d'euros en 2016 et 27,5 millions d'euros en 2017),

- le maintien de la subvention d'investissements courants de 24,6 millions d'euros par an sur la période du COM,

- et le versement d'une subvention d'investissement complémentaire de 25 millions d'euros répartie sur les exercices 2016, 2017 et 2018 55 ( * ) .

Dans ce cadre, le projet de loi de finances pour 2017 propose une dotation totale de 625,1 millions d'euros, qui augmente de 0,9 % (+ 5,6 millions d'euros) par rapport à la loi de finances pour 2016.

Conformément au COM, une dotation de 5 millions d'euros sera consacrée à l'accompagnement du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio , dont l'achèvement est prévu en 2018.

Par ailleurs, un montant supplémentaire de 0,6 million d'euros sera versé afin de compenser une perte de recettes publicitaires numériques de la radio France Info. L'offre d'information publique en continu Franceinfo est en effet exempte de toute publicité, contrairement à l'offre numérique (internet, applications) de la radio France Info.

La masse salariale, qui croît chaque année mécaniquement de 4 millions d'euros , sous l'effet de diverses évolutions automatiques et revalorisations, reste toujours un sujet de préoccupation dans un contexte social tendu. La trajectoire de non-remplacement des départs implique ainsi des efforts de productivité qui doivent être conduits par tous les services.

En 2016, deux facteurs d'amélioration sont intervenus. Le décret du 5 avril 2016 modifiant le cahier des charges de Radio France a élargi le champ des annonceurs pouvant diffuser des messages publicitaires sur les antennes ce qui permet de sécuriser cette ressource propre dans un contexte du marché publicitaire atone. Le 31 décembre 2016, l'arrêt de la diffusion en ondes longues permettra une économie de 13 millions d'euros .

3. Arte France, les programmes au coeur de son nouveau COM

Le projet de loi de finances pour 2017 propose d'allouer à Arte France une dotation de 280 millions d'euros, en progression de 3,8 % par rapport à l'année 2016 . Ce surplus de 10 millions d'euros est destiné à être affecté à son budget d'investissement dans les programmes, abondés de 3 millions d'euros par mobilisation du fonds de roulement, soit un montant total consacré aux programmes de 146 millions d'euros .

Les programmes sont en effet au coeur de la stratégie d'Arte France et construisent sa singularité dans le paysage audiovisuel français. Cette ambition éditoriale est le socle du COM 2017-2021 qui devrait être signé en fin d'année. Le tableau ci-après retrace l'augmentation des ressources publiques et des dépenses de production dans le cadre de ce COM, l'année 2017 étant considérée comme l'année de référence.

Progression des ressources publiques et des dépenses de production
dans le cadre du COM 2017-2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2017

La société pourra également bénéficier des économies liées à l'arrêt de la diffusion en format standard fin 2016, pour un montant estimé à 5,8 millions d'euros .

Les comptes d'Arte France sont à l'équilibre.

4. France Médias Monde, une offre étendue

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une dotation de 256,8 millions d'euros à France Médias Monde, en hausse de 3,1 % par rapport à l'année dernière 56 ( * ) .

L'année 2017 constituera la deuxième année d'un contrat d'objectifs et de moyens (COM) 2016-2020, qui n'est toujours pas finalisé . Il a été transmis aux commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat et au Conseil supérieur de l'audiovisuel 57 ( * ) .

Le projet de COM 2016-2020 de France Médias Monde

Ce COM aura pour principaux objectifs de permettre à France Médias Monde de consolider sa distribution et ses audiences en s'adaptant aux évolutions mondiales des modes de diffusion et à une concurrence internationale qui s'intensifie. Dans cette optique, les principaux défis auxquels la société devra faire face seront :

- d'assurer la présence de France 24 sur la TNT en développement en Afrique ;

- de renforcer la sécurité de ses emprises et de son système d'information afin de se prémunir des risques de cyberattaque et d'attentat ;

- d'améliorer la notoriété de ses marques afin de favoriser la progression de leurs audiences ;

- d' adapter les programmes de ses antennes aux modes de consommation et aux exigences de ses publics par l'enrichissement de ses offres numériques et la diffusion en HD de France 24.

Ce COM intègre la participation de France Médias Monde à la chaîne d'information publique Franceinfo.

Source : réponse de France Médias Monde au questionnaire du rapporteur spécial

En 2017, grâce aux moyens supplémentaires qui lui sont accordés, France Médias Monde pourra lancer un quatrième canal de France 24 en espagnol (en plus des canaux français, anglais et arabe) à destination des publics d'Amérique latine. Ce nouveau canal sera diffusé 6 heures par jour, pour capter les heures de grande écoute, et s'appuiera sur une rédaction partagée entre Paris et Bogota . Le lancement de cette chaîne s'inscrit dans les évènements célébrant l'année France-Colombie en 2017.

Seront également pérennisés :

- sa participation à la chaîne Franceinfo qui, en échange, reprend le signal de la chaîne France 24 entre minuit et 6 heures du matin, ce qui lui assure la visibilité en France métropolitaine qu'elle n'avait pas 58 ( * ) ;

- le développement du numérique en diversifiant ses canaux de diffusion notamment auprès des jeunes générations. En 2015, France Médias Monde a enregistré une augmentation annuelle de 25 % du trafic de ses environnements numériques

Ces nouveaux développements de France Médias Monde sont rendus possibles par un effort significatif de l'État , qui s'est engagé sur une trajectoire de ressources publiques en augmentation de 23,1 millions d'euros à l'horizon 2020 (+ 3,1 % dès 2017, et en moyenne + 1,9% chaque année sur la durée du COM).

La situation financière du groupe reste saine, le résultat net de l'exercice 2017 est donc prévu à l'équilibre .

5. TV5 Monde, des besoins de financement augmentés durablement du fait de la cyberattaque de 2015

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit pour TV5 Monde une dotation en progression de 1,9 % par rapport à 2016, à hauteur de 80 millions d'euros 59 ( * ) . Cette augmentation de 1,4 million d'euros est destinée à l'aider à faire face aux surcoûts de sécurisation de ses systèmes d'information à la suite de la cyberattaque du 8 avril 2015 et à soutenir un développement numérique mis à mal à la suite de cet incident.

Le renforcement de la sécurité informatique de TV5 Monde mis en place avec l'aide de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) a accru durablement les dépenses de TV5 Monde . En réponse, celle-ci a dû souscrire un service de supervision de sécurité informatique auprès d'un prestataire spécialisé qui analyse en temps réel l'ensemble des événements issus de son système d'information. Les coûts additionnels, qui se sont élevés à 4,4 millions d'euros, représentent encore 3,7 millions d'euros en 2016 , et s'élèveront à environ 3 millions d'euros de façon pérenne en 2017 et les années suivantes.

Les mesures d'économie, notamment la renégociation de ses tarifs de sous-titrage et de ses loyers, ne suffisant pas à absorber ce coût qui représente 3 % de son budget annuel, les financements exceptionnels accordés en urgence en 2016 par la France (0,7 million d'euros) et par les autres gouvernements partenaires francophones (2 millions d'euros) doivent donc être pérennisés .

Compte tenu de ces besoins accrus de financement et des objectifs de maîtrise des finances publiques partagés par ses bailleurs de fond 60 ( * ) , TV5 Monde envisage de s'ouvrir à de nouveaux partenaires . Cet éventuel élargissement conditionnera son nouveau plan stratégique 2017-2020 qui doit être adopté lors de la Conférence des ministres responsables de TV5 Monde fin 2016.

TV5 Monde prévoit pour l'année 2017 un résultat net à l'équilibre en tenant compte de contributions des États partenaires stables, hors contribution exceptionnelle versée en 2016 61 ( * ) .

6. L'INA, un équilibre financier maintenu

Pour la troisième année consécutive, l'Institut national de l'audiovisuel (INA), voit sa dotation fixée à 90,9 millions d'euros 62 ( * ) , ce qui est conforme à son contrat d'objectifs et de moyens 2015-2019 . L'INA est le seul bénéficiaire des crédits du compte de concours financiers à ne pas voir ses crédits en hausse en 2017 .

S'agissant des ressources propres, le projet de budget initial pour 2017 de l'INA est proche du plan d'affaires du COM, avec un montant de 39 millions d'euros, soit une progression de 2 millions d'euros par rapport au budget rectificatif 2016 , la mise en oeuvre du nouveau projet stratégique d'entreprise arrêté en juillet 2016 qui est orienté vers l'augmentation de la valeur commerciale et scientifique des contenus et services devant permettre d'atteindre cet objectif. La meilleure visibilité acquise par l'INA grâce à sa participation à la chaîne Franceinfo devrait également permettre une amélioration des résultats des activités de cession de droits et de formation pour 2017 63 ( * ) .

Les dépenses semblent maîtrisées avec une prévision de charges d'exploitation hors charges de personnel inférieures à 40 millions d'euros 64 ( * ) et une masse salariale inférieure à 67,5 millions d'euros conformément au COM. La masse salariale mérite toutefois un suivi vigilant . La prévision 2016 fait en effet apparaître une hausse concomitante des emplois permanents (960 ETP, contre 947 en 2015) et non permanents (52 ETP contre 41 en 2015), alors qu'en 2015, un transfert avait été opéré entre emplois non permanents et emplois permanents en raison de l'intégration de 20 intermittents. En 2016, l'INA a eu recours à l'intermittence de manière importante du fait d'une part d'une hausse du recours aux formateurs extérieurs , et d'autre part à des coûts conjoncturels liés à un projet mémoriel sur les attentats de 2015 .

Une participation remarquée à Franceinfo

L'INA apporte à la nouvelle chaîne d'information les trois programmes quotidiens suivants :

- « Retour vers l'info », un module tout image commenté, titré et légendé issue de la programmation hebdomadaire d'ina.fr, d'une durée maximale de 2 mn 30 ;

- « Retour vers l'info », un module incarné par un présentateur d'une durée maximale de 2 mn 30 avec une présentation en plateau dynamique ;

- « Data culte », un module utilisant des chiffres (sondage, date, résultat, montant...) en résonance avec l'actualité, illustré par des images d'archives et mis en perspective par une infographie, avec commentaire off , d'une durée maximale de 2 mn.

Chacun de ces modules est diffusé environ 5 à 8 fois par jour sur l'offre linéaire de la chaîne (TNT) et reste disponible en ligne sur son offre délinéarisée. Les modules sont également repris sur le site ina.fr. S'y ajoute une compilation hebdomadaire des meilleurs extraits d'une durée maximale de 10 minutes, que la chaîne Franceinfo est autorisée à monter elle-même pour une diffusion le week-end.

L'INA démontre ainsi son agilité à adapter son organisation pour produire 62 minutes de programmes de flux par semaine (ce qui représente 54 heures par an).

La participation de l'INA à la chaîne d'information publique Franceinfo lui donne une visibilité bienvenue et permet de mettre en avant le savoir-faire de ses équipes pour valoriser ses fonds audiovisuels d'une manière innovante et adaptée à un public large .

Il est à espérer que cette image rénovée pourra avoir des conséquences bénéfiques sur les perspectives de recettes commerciales de l'INA , étant rappelé que l'INA ne commercialise pas les modules qu'elle produit pour Franceinfo.

Source : réponse de l'INA au questionnaire du rapporteur spécial

Le volume des investissements est en hausse de 1,15 million d'euros pour s'établir à 19,15 millions d'euros, ce qui représente près de 15 % de ses ressources annuelles. Il s'agit majoritairement d'investissements informatiques nécessaires à la rénovation du système dédié à la numérisation et à la poursuite du plan de sauvegarde numérique des fonds (PSN), ainsi qu'au renforcement des capacités techniques, la sécurisation des données numériques et le développement des capacités documentaires de l'institut. Un projet pluriannuel intitulé « Lac de données » doit permettre de centraliser et de rationaliser les métadonnées documentaires juridiques et d'usage de l'INA pour en favoriser l'exploitation. Son coût est estimé à 1 million d'euros en 2017.

L'INA prévoit un résultat après impôt nul en 2017 65 ( * ) . Il ne faudrait pas que sa participation à la chaîne Franceinfo vienne remettre en cause ce fragile équilibre , étant souligné que l'INA est le plus petit des cinq partenaires. En effet, la convention qui lie l'INA à France Télévisions ne prévoit que le versement d'une somme forfaitaire de 0,5 million d'euros par an, ce qui est bien en deçà des coûts totaux annuels (hors frais généraux et imprévus) de productions des modules estimé par l'institut à 1,8 million d'euros , ce qui laisse un montant de 1,3 million d'euros à financer par redéploiements ou économies.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération , l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable de la commission des finances , qui minore les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » de 2,5 million d'euros , afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions. La réduction des crédits porte principalement sur les dépenses du programme 180 « Presse et médias » (2 millions d'euros), sans toutefois que les actions concernées soient identifiées.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 26 octobre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a examiné le rapport de M. François Baroin, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livre et industries culturelles » et sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. François Baroin , rapporteur spécial . - Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit des dépenses globales dédiées aux médias, à la lecture, aux industries culturelles et à l'audiovisuel public, de 4,5 milliards d'euros, en hausse de près de 2 %. Cela représente un supplément de 10 millions d'euros de crédits de paiement pour la mission et de 63 millions d'euros pour le compte spécial. Pour avoir une vision plus complète de l'effort public, il faut au minimum y ajouter la dépense fiscale de la mission qui s'élèverait à 476 millions d'euros en 2017 et les taxes affectées au Centre national du livre (CNL) et surtout au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), dont les recettes cumulées sont estimées à 700 millions d'euros.

La mission ne comporte plus cette année que deux programmes, pour prendre en compte la disparition de la dotation budgétaire en faveur de France Télévisions intervenue l'année dernière. Cela n'a pas de conséquence sur son périmètre. La comparaison des chiffres par rapport à l'an passé reste donc pertinente.

Je vais d'abord vous exposer les évolutions qui me semblent satisfaisantes. J'aborderai ensuite ce qui m'apparaît ne pas avoir été traité tout au long de la législature.

Le Gouvernement poursuit les efforts menés en faveur des médias de proximité, en augmentant de 1,7 million d'euros les crédits d'intervention du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), qui disposera en 2017 d'une enveloppe de 30,7 millions d'euros. Par ailleurs, il a doté d'une base réglementaire le fonds de soutien aux médias de proximité qui a été créé à la suite des attentats de janvier 2015 pour soutenir les médias non professionnels de type participatif et rehaussé le fonds de 200 000 euros. Ces médias de communication sociale de proximité ont un rôle important pour créer du lien social au niveau local, tout en assurant une éducation aux médias.

Les aides à la modernisation de la presse augmentent de 5,9 %, avec une aide accrue en faveur des diffuseurs de presse, dont il faut rappeler la situation difficile : 990 points de vente ont disparu en 2015, dont 70 % en région. Il nous faudra travailler sur cette question car il s'agit d'une vraie problématique qui s'apparente à une mission de service public de proximité. En outre, est créé un fonds de soutien à l'émergence et l'innovation dans la presse doté de 5 millions d'euros, ce qui est peut-être en deçà des besoins réels.

France Médias Monde obtient les crédits nécessaires pour lancer sa chaîne France 24 en espagnol, ce qui permettra d'assurer la présence du canal d'information français sur le continent sud-américain où il y a un besoin de France. Je considère également comme une bonne mesure l'octroi de 10 millions d'euros supplémentaires à Arte France pour lui permettre de renouveler sa programmation et poursuivre la bonne progression de ses audiences. Je vous précise - et c'est important - que les comptes de ces deux sociétés sont à l'équilibre.

Pour autant, le bilan ne semble pas positif, lorsque l'on met en regard les points de préoccupation ou de désaccord, dont certains ne sont que la répétition de ceux que j'avais relevés l'an dernier.

L'Agence France-Presse (AFP) a besoin d'une « rallonge » budgétaire de 4,6 millions d'euros, un an et demi seulement après la signature de son contrat d'objectifs et de moyens (COM). Il y a donc un problème soit, en amont, dans la définition des objectifs, soit dans la mise en application. Mais ce n'est pas normal de devoir réexaminer la situation de l'AFP dans le cadre budgétaire. Cela doit nous conduire à nous interroger sur le caractère réaliste de ce COM et laisse présager un nouveau dépassement en 2018. La méthode de travail devra certainement être revue.

La question des tarifs postaux n'est toujours pas réglée près d'un an après la fin des accords Schwartz. Cela n'est pas normal non plus. Il y a eu des annonces contradictoires du Gouvernement sur la création de nouvelles catégories de presse, celles de « presse de la connaissance et du savoir » et de « presse de loisir et de divertissement », mais aucune mesure réglementaire, alors que nous l'avons demandé tout au long de l'année. Lors de mes auditions, je n'ai pas reçu d'éclairage satisfaisant. Ce flou aggrave le manque de visibilité pour les éditeurs de presse à l'heure où le Gouvernement annonce aussi une mission de réflexion sur l'aide au portage.

Surtout, la situation de l'audiovisuel public est préoccupante. Les deux principales sociétés, France Télévisions et Radio France, sont en mauvaise situation financière, faute de réformes structurantes. La Cour des comptes a mis en exergue leurs manquements en matière de gestion, notamment dans la gestion du personnel, sans oublier la conduite du chantier de la Maison de la Radio pour Radio France. Son rapport sur France Télévisions publié lundi est particulièrement sévère. Elle y condamne des plans de départs coûteux et inefficaces, un accord d'entreprise qui a fait croître la masse salariale de près de 32 millions entre 2011 et 2014.

Parallèlement, les sociétés de l'audiovisuel public peinent à mettre en oeuvre les synergies nécessaires pour réduire leurs charges, notamment en matière de stratégie numérique, d'équipement informatique ou d'implantation immobilière. La seule mutualisation mise en avant est Franceinfo. Lorsque l'on y regarde de plus près, et quel que soit l'enthousiasme que peut susciter chez certains un tel projet et les qualités que d'aucuns peuvent lui reconnaître, il s'agit d'une création de chaîne, dont le coût complet n'a pas été calculé, et pour laquelle tous les participants doivent engager de manière pérenne des frais nouveaux. Pour préparer ce rapport, j'ai réuni tous les acteurs du secteur public. Cette chaîne ne repose que sur la bonne volonté et la qualité des échanges entre les actuels dirigeants, ce qui est déjà considérable au regard de la situation passée. Il n'y a pas de mise en perspective des moyens financiers nécessaires, de l'accompagnement de la mutualisation et des efforts de coûts. On ne sait pas combien cela va véritablement coûter. C'est plutôt une bonne idée sur le papier, mais c'est un sujet sur lequel il faudra travailler à l'avenir pour lui donner les garanties permettant une inscription dans la durée. C'est prendre un trop grand risque que d'imaginer que les seules relations individuelles permettront de garantir la pérennité d'un tel projet et d'une telle ambition.

À côté de cela, et malgré les annonces, aucune réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) n'a été mise en place, alors qu'un consensus semblait établi pour dire que l'assiette présente un risque d'érosion et n'est plus adaptée à l'évolution des usages, notamment les habitudes de consommation de la télévision. Cela fait des années qu'on l'évoque. Le Gouvernement n'a pas voulu choisir. Il met en oeuvre des solutions « rustines », au coup par coup. L'année dernière, il a augmenté le taux de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) et affecté une partie de son produit à France Télévisions. Cette année, il avait prévu une hausse d'un euro de la CAP, en plus de l'indexation sur l'inflation. Cette hausse a été rejetée par nos collègues au terme d'un long débat à l'Assemblée nationale et le Gouvernement a fait adopter à la place un amendement de repli rehaussant le plafond de la TOCE affectée à France Télévisions. Au gré de ses besoins, le Gouvernement augmente l'une ou l'autre des taxes affectées au compte spécial, sans aucune vision à moyen ou long terme.

C'est la raison pour laquelle, quelle que soit la mise en exergue des points positifs, notamment à la lumière des interrogations lourdes qui pèsent sur l'audiovisuel public, je vous propose de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », ni ceux du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Je vous précise que la commission de la culture a également rendu la semaine dernière un avis défavorable sur le COM de France Télévisions.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Merci pour cette synthèse de sujets tellement complexes, variés et en même temps tellement connus. Le COM de France Télévisions prévoit une augmentation de 215 millions d'euros de ressources publiques d'ici 2020. Pensez-vous que ce montant soit réaliste dans le contexte actuel ? Les recettes publicitaires sur le numérique devraient augmenter de 24 % d'ici 2020. Ces chiffres sont-ils raisonnables ? Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, où l'équilibre n'est pas assuré, était-il nécessaire de créer la chaîne de télévision Franceinfo ? N'aurait-il pas mieux valu restructurer le réseau, notamment France 4 dont l'audience est parfois inférieure à un point ? La priorité ne devrait-elle pas être donnée aux sujets identifiés : masse salariale qui croît mécaniquement, mutualisations, restructurations...

M. André Gattolin . - Je partage certaines de vos préoccupations concernant France Télévisions. Avec mon collègue Jean-Pierre Leleux, nous avions mené une mission de contrôle. Le rapport de la Cour des comptes a confirmé certains de nos soupçons : les engagements pris dans l'avant-dernier COM de France Télévisions de remettre à plat tous les contrats avec les prestataires et les sociétés de production indépendantes n'ont pas été tenus. Il y a des surcoûts. Cette société publique perd de l'argent et en distribue sans compter à des opérateurs privés. La problématique des droits audiovisuels vient se surajouter.

Après des scores à peu près corrects la semaine du lancement, l'audience de la chaîne Franceinfo s'est totalement effondrée. Aujourd'hui, seule la grève d'iTélé permet d'accroître le nombre de téléspectateurs. On est là face à quelque chose qui n'a pas de personnalité juridique et dont on ne nous donne pas le coût réel, mais seulement un coût marginal, le reste étant, nous dit-on, couvert par les mutualisations. Je ne crois pas aux chiffres annoncés car nous savons bien que le budget annuel pour une telle chaîne oscille entre 60 à 80 millions d'euros. Il faut enfin se poser une question qui est peut-être de la responsabilité du CSA, celle de l'écosystème de l'offre d'information en continu dans ce pays. Après avoir autorisé LCI à passer du payant au gratuit, on crée une quatrième chaîne. Il va y avoir des morts ! La présence d'une chaîne publique est peut-être légitime, mais elle pose un certain nombre de question d'ordre budgétaire. Il y a encore trop d'anomalies de gestion chez France Télévisions, qui n'a pas mis en place assez de contrôle financier interne, sur les achats, sur les dépenses et sur les doublons qui existent au niveau de l'encadrement.

M. Marc Laménie . - Pourquoi les dépenses fiscales augmentent-elles de 41 % ? Par ailleurs je déplore qu'alors qu'il n'y a jamais eu autant de chaînes de télévision, le soutien à la lecture reste souvent le parent pauvre.

M. Vincent Delahaye . - Tous les budgets augmentent : la crise et nos problèmes budgétaires seraient-ils derrière nous ? Je suis très surpris que cette mission bénéficie d'une augmentation significative de 4 % alors qu'il ne s'agit pas d'une priorité extrême et que ce budget est un budget de crise. Pourquoi créer une chaîne publique d'information, alors qu'il en existe déjà un certain nombre dans le privé ? Le secteur public n'a donc pas à combler un manque. Par ailleurs, cela va coûter, contrairement à ce que dit la ministre. Alors que les médias sont en pleine évolution, rien n'a bougé depuis cinq ans dans le secteur public en France. Je comprends que le Gouvernement ait envie d'augmenter les crédits en période électorale, mais ce n'est pas justifié. Je m'associerai à l'avis défavorable de notre rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier . - Comme tous les orateurs qui m'ont précédé, j'estime que Franceinfo n'était probablement pas une bonne idée. Quelle initiative pourrions-nous prendre pour les contraindre à nous présenter un budget sincère et véritable, le coût réel à deux ans lorsqu'une entité juridique spécifique aura été créée, et pas seulement le coût additionnel des entités existantes ? Augmenter encore la redevance, la taxe sur les opérateurs de télécommunications, tout cela me semble déraisonnable !

M. François Marc - Je n'ai pas compris la conclusion de notre rapporteur spécial : le rejet est-il motivé par un excès ou un manque de moyens ? Je me félicite que les médias de communication sociale de proximité, qui contribuent à créer du lien social, bénéficient de deux fonds ad hoc . À la suite des attentats de 2015, c'était nécessaire pour l'éducation et l'apport d'informations utiles aux citoyens. Je me réjouis également que les moyens accordés à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi) incluent une dotation pour l'identification des contrevenants sur internet. Le chantier est en effet considérable.

Les dépenses fiscales augmentent de façon très importante, puisque de 41 %. Les débats que nous avions eus lors de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2014 et de la loi de finances pour 2016 légitimaient la nécessité de conforter ces niches fiscales pour accroître notre capacité à attirer les investisseurs. L'effet de levier est-il mesurable ?

M. Jean-Claude Requier . - Le fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ), alimenté par une contribution due par les gestionnaires des réseaux publics de distribution, permet d'abonder les moyens des syndicats d'électrification. C'est un excellent système puisque les communes urbaines contribuent plus que les rurales, ce qui a permis d'électrifier les campagnes. J'aurais été partisan d'utiliser la taxe sur les communications électroniques pour combler le déficit numérique, tant pour la téléphonie mobile que le haut débit. Mais pour quelle raison la TOCE serait-elle versée à France Télévisions ? Quant à Franceinfo, pourquoi l'avoir créée alors que ce secteur est déjà saturé ? Comme l'a dit André Gattolin, il va y avoir des morts.

M. Francis Delattre . - Le cinéma est le principal bénéficiaire des dépenses fiscales. Le Gouvernement vient de prendre des « mesurettes » pour améliorer l'attractivité des centres-villes, que les salles de cinéma ont largement désertés. Nous aurions l'occasion de pouvoir les réimplanter maintenant. Mais nous avons des commissions départementales dans lesquelles le CNC fait sa loi et privilégie les grosses implantations régionales. Pour avoir trois écrans et 500 sièges, le coût du dossier est le même que pour un multiplexe de 2 000 sièges aux portes de l'agglomération. Les aides accordées aux communes quand elles ont un projet autorisé en centre-ville me semblent trop faibles. Ceci est contradictoire avec la politique en faveur des centres-villes que déclare mener le Gouvernement. Dans ces conditions, je trouve que les crédits accordés au CNC sont trop importants. Par ailleurs, les procédures pour les projets de centres villes ne pourraient-elles pas être allégées ? Cela représente trois ans de procédure pour faire autoriser une salle de trois écrans et 500 sièges.

M. Éric Doligé . - Je constate que plus il y a de manquements, plus on accorde de crédits. Curieuse conception... Ne faudrait-il pas créer une haute autorité de contrôle des médias, du livre et de l'industrie culturelle pour clarifier la situation de l'audiovisuel ? Je trouve scandaleux de récompenser les structures déficitaires qui ne respectent pas leurs engagements. Nous devrions non seulement rejeter les crédits de cette mission, mais aussi en proposer une baisse drastique. Peut-être cela permettrait de faire comprendre qu'on ne peut continuer à créer des activités déficitaires quand on n'a pas d'argent.

M. Michel Bouvard . - Je me suis intéressé au volet immobilier du rapport. L'opération du Quadrilatère Richelieu, qui concerne la Bibliothèque nationale de France (BnF), a retenu mon attention. Cette opération est passée de 149 millions d'euros en 2006 à 232 millions d'euros en 2016. Outre le fait que les opérations de désamiantage et de déplombage n'avaient pas pu être anticipées, ce qui a entraîné des retards, des modifications ont renchéri les coûts du projet. Je m'interroge d'ailleurs sur le rapatriement rue Richelieu de l'École nationale des chartes initialement partenaire du Campus Condorcet, ce qui pose la question du pilotage des opérateurs par l'État. Surtout, l'opération de la BnF est confiée à l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers du ministère de la culture (OPPIC), ce qui démontre le démantèlement de l'État en matière de stratégie immobilière. Comment s'y retrouver entre la société anonyme SOVAFIM que nous avons rencontrée tout à l'heure, là cet établissement public administratif, l'OPPIC, ailleurs, des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC) et derrière tout ça, la Direction immobilière de l'État qui conserve certaines compétences ? Nous manquons d'une stratégie d'ensemble pour les biens de l'État. Ce morcellement et la lenteur des opérations immobilières, qui a un coût très élevé, sont inacceptables. Dans ce paysage sinistre, il y a une bonne nouvelle, mais qui peut aussi être sujet d'inquiétude. Les cessions immobilières du CNC, qui ont été gérées par des opérateurs privés, vont rapporter 30 % de plus que prévu par France Domaine, soit 91 millions d'euros. Je m'en félicite, mais je m'inquiète aussi de la qualité des estimations de France Domaine, devenue depuis la Direction immobilière de l'État.

M. Vincent Capo-Canellas . - Quelles conséquences retirer du rapport de la Cour des comptes sur France Télévisions ? Partagez-vous les conclusions du rapport et quel type de réforme pourrait-en découler utilement selon vous ?

Mme Michèle André , présidente . - Philippe Dallier a demandé ce que pouvait faire la commission des finances : l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, modifiée par la loi du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, dispose que les contrats d'objectifs et de moyens (COM) et les avenants sont transmis, avant signature, aux commissions de la culture, des finances et, dans le cas de France Médias Monde, des affaires étrangères du Parlement. Ces commissions peuvent formuler des avis sur ces COM, ce que la commission de la culture fait régulièrement. En outre, les présidents de France Télévisions, de Radio France, de France Médias Monde présentent chaque année devant ces mêmes commissions un rapport sur l'exécution du COM par leur société. Nous avons donc les moyens de nous emparer de ce sujet. Le COM de France Médias Monde va bientôt nous être transmis, nous pouvons envisager de l'examiner de cette manière.

M. François Baroin , rapporteur spécial . - Sur ce point, je pense qu'il faut qu'il y ait une évolution. Le rapport de la Cour des comptes sur France Télévisions est à la fois détaillé et très sévère : les promesses de l'entreprise unique n'ont pas été tenues, la réduction des effectifs a été insuffisante, France Télévisions n'a pas assez de droits sur les oeuvres financées, il y a des risques incontestables de dérapage sur la chaîne d'information. Je ne vois que des avantages à ce que la commission des finances puisse avoir à connaître, avant la signature définitive, des accords et des discussions entre l'État et le service public de l'audiovisuel. À la suite de ce rapport, le Parlement, et en particulier notre commission des finances, doit pleinement jouer son rôle.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur Franceinfo. Il est intéressant de voir comment le service public peut optimiser son savoir-faire et offrir une chaîne d'information, sachant que le terrain de l'accès à l'information ne peut être laissé exclusivement à la puissance privée. Mais ne pas fixer un cadre juridique, ne pas affecter d'enveloppe budgétaire, ne faire reposer l'édifice que sur la bonne volonté des dirigeants, c'est faire prendre un très grand risque. Le succès ou l'échec de la mission de service public en matière d'information ne repose que sur les épaules des rédacteurs en chef, des directeurs d'information, et la bonne volonté des journalistes de la radio et de la télévision. Compte tenu des moyens et du cadre général, le lancement est plutôt réussi, mais que se passera-t-il dans la durée ? Il est urgent dans l'année 2017 de fixer un cadre, un budget, des objectifs, de définir l'affectation de moyens et d'obtenir une mutualisation des moyens du service public.

Pour répondre à François Marc, il y a des zones de lumières et des zones d'ombre dans ce budget, mais les zones d'ombre justifient pleinement le rejet des crédits.

L'augmentation significative de 41 % des dépenses fiscales est due à l'élargissement des conditions d'octroi des crédits d'impôt cinéma en 2014 et en 2015. Nous passerons de 164 millions d'euros en 2016 à 303 millions en 2017. Le plafond est augmenté de 4 à 30 millions d'euros par film. Le cadre dérogatoire au droit commun en matière fiscale crée un effet d'aubaine et peut avoir une certaine efficacité. Je ne peux me prononcer sur la pertinence de cette niche fiscale, mais c'est un outil au service du financement du cinéma, en plus des moyens affectés au CNC qui bénéficie d'une taxe affectée non plafonnée, avec un potentiel de recettes de l'ordre de 675 millions d'euros. Le cinéma peut donc désormais financer sa production et son développement.

M. François Marc . - Très bien !

M. François Baroin , rapporteur spécial . - Les mesures d'élargissement du crédit d'impôt cinéma sont trop récentes pour en connaître le retour sur investissement. De manière générale, le CNC considère que pour 1 euro de crédit d'impôt versé, il y a près de 3 euros de retombées pour l'État.

Éric Doligé propose de créer une haute autorité de contrôle. Je vois bien la nécessité qu'il y a à fixer un cadre règlementaire qui permette d'assurer un meilleur contrôle du Parlement. Il y a dans ce budget des raisons d'améliorer notre fonctionnement sur le contrôle de l'affectation des moyens publics pour des missions de service public.

Le CNC a effectivement un rôle à jouer dans la redynamisation des centres-villes. Je prendrai attache avec la présidente du CNC pour envisager des conventionnements.

Le Quadrilatère Richelieu est une nouvelle expression des dérapages et de la non-maîtrise par l'État de chantiers d'envergure. Certes, il y a la découverte de l'amiante et du plomb, mais il y a quand même eu neuf avenants qui ont augmenté significativement les demandes initiales.

Un bon budget n'est pas un budget en augmentation, mais un budget qui répond aux missions qu'on lui confie. En la matière, elles ne sont pas pleinement atteintes, d'où ma proposition de rejet.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles », ni ceux du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 24 novembre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a décidé de proposer au Sénat d'opposer la question préalable au projet de loi de finances pour 2017 .

ANNEXE - LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

- M. Martin AJDARI, directeur général ;

- M. Nicolas GEORGES, directeur chargé du livre et de la lecture ;

- M. Fabrice CASADEBAIG, sous-directeur de la presse écrite et des métiers de l'information ;

- M. Fabrice de BATTISTA, chargé de mission pour la coordination et la synthèse budgétaire.

France Médias Monde (FMM)

- Mme Marie-Christine SARAGOSSE, présidente-directrice générale ;

- M. Victor ROCARIES, directeur général délégué en charge du pôle Ressources ;

- M. Marc SAIKALI, directeur de la rédaction de France 24.

France Télévisions

- Mme Delphine ERNOTTE, présidente-directrice générale ;

- M. Francis DONNAT, secrétaire général ;

- M. Germain DAGOGNET, directeur délégué Franceinfo pour France Télévisions.

Institut national de l'audiovisuel (INA)

- M. Laurent VALLET, président ;

- M. Jean-Marc BOERO, secrétaire général ;

- Mme Agnès CHAUVEAU, directrice déléguée aux contenus.

Radio France

- M. Mathieu GALLET, président-directeur général ;

- Mme Maïa WIRGIN, secrétaire générale ;

- M. Laurent GUIMIER, directeur de France Info.


* 1 Hors un reliquat de 237 139 euros en faveur de France Télévisions.

* 2 Article 302 bis KH du code général des impôts.

* 3 En projet de loi de finances pour 2015, le programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » a déjà été supprimé. La mission passe de quatre à deux programmes en l'espace de deux ans.

* 4 Bibliothèque nationale de France (BnF) et Bibliothèque publique d'information (Bpi).

* 5 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Les montants ont été retraités par le ministère pour prendre en compte les transferts.

* 6 Pour mémoire, en 2016, cinq dépenses fiscales ont été rattachées à titre principal au programme 334 « Livre et industries culturelles », soit les crédits d'impôts en faveur de la production cinématographique, audiovisuelle et phonographique et des SOFICA.

* 7 Voir le rapport n° 164 (2015-2016), tome III - Annexe 19, page 15.

* 8 Article 111 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016. Cet article a lui-même modifié l'article 77 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014

* 9 Article 298 septies du code général des impôts, tel que modifié par loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne.

* 10 Audition devant la commission des finances du Sénat le 26 septembre 2016 : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20160926/fin.html#toc8

* 11 Article 278-0 bis du code général des impôts, modifié par l'article 28 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 12 Voir « Évaluation des voies et moyens », Tome II « Dépenses fiscales », annexé au projet de loi de finances pour 2017, page 10.

* 13 Et à 67,5 millions d'euros pour l'année 2013, première année de son application, lorsque le taux intermédiaire était de 7 %.

* 14 Signalé par « å » dans le tableau.

* 15 Loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

* 16 Loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse

* 17 Ou aux fonds de dotation conduisant les mêmes actions ; voir l'article 200 f bis ) et g) du code général des impôts.

* 18 Voir « Évaluations des voies et moyens », Tome 1 « Les évaluations des recettes », annexé au projet de loi de finances pour 2017.

* 19 Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 20 Loi n° 2014-1653 du 29 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019. Les taxes affectées devraient toutes être plafonnées à compter du 1 er janvier 2016.

* 21 Amendement n° I-302 (Rect).

* 22 Loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse.

* 23 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 24 L'AFP est tenue de rembourser à l'État l'éventuelle surcompensation en année n+1.

* 25 Pour une meilleure appréhension des aides à la presse, ce tableau recense également les aides au transport postal de la presse, qui représentent 48 % des aides et sont rattachées depuis 2014 au programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie ».

* 26 « Presse et numérique - L'invention d'un nouvel écosystème », Jean-Marie Charon, juin 2015.

* 27 Ces aides existent depuis 2014 et étaient précédemment de la compétence du FSDP.

* 28 Rapport de la mission de réflexion sur la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, Laurence Franceschini, assistée de Samuel Bonnaud-Le Roux, juillet 2016.

* 29 Voir le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse et réformant les aides à la presse.

* 30 Création des quatrième et cinquième sections du FSDP par décret n° 2015-1440 du 6 novembre 2015 relatif au soutien de l'État au pluralisme de la presse.

* 31 Décret n° 2014-1080 du 24 septembre 2014 portant réforme du fonds d'aide au portage de la presse.

* 32 Il s'agit de radios hertziennes, autorisées de manière non temporaire par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, éditées par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité lorsque leurs ressources commerciales sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total.

* 33 665 en 2015.

* 34 462 projets avaient été reçus, pour une demande de subventions atteignant un total de 12,5 millions d'euros, principalement portés par des structures associatives.

* 35 Décret n° 2016-511 du 26 avril 2016 relatif au fonds de soutien aux médias d'information sociale de proximité.

* 36 Cession de 30 % du capital de Médi 1 Sat.

* 37 Notamment liés à la rénovation des façades, l'aménagement muséographique, l'installation de l'École nationale des chartes ou encore aux travaux de désamiantage et de déplombage. Sept avenants ont ainsi été signés entre juillet 2011 et juillet 2015.

* 38 Cf. Réponse au questionnaire budgétaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

* 39 31,5 millions d'euros inscrits en PLF 2016 (AE = CP) .

* 40 Arrêt CE n° 383110 du 23 décembre 2015 (Société Bouygues Télécom)

* 41 Source : rapport d'activité Hadopi 2014-2015

* 42 Article 302 bis KH du code général des impôts.

* 43 Dans le projet de loi initial, une hausse de 1 euro hors inflation était proposée.

* 44 Montants toutes taxes comprises (TTC) tels que prévus dans le projet de loi initial.

* 45 Ex-redevance audiovisuelle.

* 46 Discours du Président de la République devant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, le 3 octobre 2014.

* 47 Rapport n° 709 (2014-2015) « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de "France Médias" en 2020 ».

* 48 Après augmentation de son taux de 0,9 à 1,3 %.

* 49 Amendement I-836.

* 50 Voir le rapport « France Télévisions 2020 : le chemin de l'ambition », février 2015.

* 51 Projet de COM 2016-2020 de France Télévisions.

* 52 Source : réponse de FMM au rapporteur spécial.

* 53 Alourdissement mécanique des charges (inflation, masses salariale...) et parallèlement, érosion de ses ressources (suppression de la publicité après 20 heures, fragmentation du marché publicitaire...)

* 54 Rapport public thématique « France Télévisions, mieux gérer l'entreprise, accélérer les réformes », octobre 2016.

* 55 La répartition est la suivante : en prenant 2015 comme année de référence, + 5 millions en 2016, + 10 millions d'euros en 2017 et 2018.

* 56 La hausse observée était alors de 0,9 %.

* 57 Pour FMM, en plus des commissions chargées des affaires culturelles et des finances, le projet de COM est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères.

* 58 Elle n'était jusqu'à présent disponible sur la TNT qu'en Île-de-France.

* 59 Montant TTC.

* 60 Le financement des « frais communs » est partagé selon la clé de répartition suivante : 6/9 e pour la France, 1/9 e pour la Suisse, 1/9 e pour la Fédération Wallonie-Bruxelles et 1/9 e partagé entre le Québec et le Canada. La France verse une contribution additionnelle pour compenser le retour sur investissement induit par la localisation du siège de TV5 Monde à Paris et compenser la taxe sur les salaires.

* 61 Les dotations financières des gouvernements bailleurs de fonds autres que Français, seront connues fin 2016 lors de la Conférence des ministres responsables de TV5 Monde.

* 62 Montant TTC.

* 63 Estimées à 30 millions en 2017.

* 64 Pour mémoire, la réalisation avait été de 37,6 millions d'euros en 2015.

* 65 Il a été de 0,8 million d'euros en 2015.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page