EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 18 JANVIER 2017

M. Philippe Bas , président . - Nous examinons le rapport de M. Hugues Portelli et les amendements qu'il nous propose sur le projet de loi ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse. Je vous rappelle que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée et que nous avons délégué au fond à la commission des finances l'examen de l'ordonnance n° 2016-1561 sur le rapport pour avis de notre collègue Charles Guené.

M. Hugues Portelli , rapporteur . - L'article 30 de la loi NOTRe, en complément des dispositions régissant la collectivité unique de Corse qu'elle a créée en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des deux départements de la Corse du Sud et de la Haute-Corse a prévu une série d'ordonnances relatives à des questions institutionnelles, électorales, budgétaires et financières. Il s'agit d'assurer la transition vers le nouveau système issu de la loi NOTRe, qui doit entrer en vigueur au 1 er janvier 2018.

Lors de la création des départements en 1790, la Corse constitua un seul département, bientôt divisé en deux. Puis Napoléon rétablit l'unité départementale en 1811. Celle-ci a perduré jusqu'en 1975. La Corse a été séparée de la région Provence-Côte d'Azur en 1970 avec la création de la région Corse. Pour éviter qu'elle soit monodépartementale, on a cru devoir la diviser en deux départements, en 1975 donc.

En 1982, une nouvelle phase s'est engagée, jusqu'en 1991. La région Corse était certes équivalente aux autres sur le plan statutaire mais pas tout à fait puisque des élections régionales s'y sont déroulées dès 1982, alors qu'il a fallu partout ailleurs attendre 1986. Ces élections se sont mal passées en raison du système proportionnel sans seuil. L'assemblée élue étant ingouvernable, elle a dû être dissoute au bout de deux ans et il a fallu modifier une deuxième fois la loi électorale en 1985. Bref, sur le plan institutionnel, la vie de l'île est un peu chaotique !

Par ailleurs, la région Corse avait plus de compétences que les autres régions métropolitaines, notamment en matière d'éducation puisque les collèges sont passés des départements à la région.

Ce régime a fonctionné tant bien que mal de 1982 à 1991. En 1991, la loi a créé la collectivité territoriale de Corse, dotée d'un statut original. Les institutions de la collectivité se différencient des autres institutions régionales par l'instauration d'un véritable régime parlementaire : création d'un gouvernement de Corse - le conseil exécutif - responsable devant l'Assemblée de Corse, le tout fonctionnant avec une relative séparation des pouvoirs, les membres de l'exécutif ne pouvant pas être membres de l'Assemblée.

Par ailleurs, un nouveau transfert de compétences départementales ou de l'État vers la collectivité territoriale de Corse a été opéré en matière d'éducation, de langue, de culture, d'environnement, de tourisme, etc.

Le système mis en place en 1991 a été modifié en 2002 à la suite du « processus de Matignon », qui a introduit la négociation directe entre l'Assemblée de Corse et le gouvernement dirigé par Lionel Jospin, et a élargi les compétences de la collectivité ainsi que son pouvoir réglementaire. Le législateur de l'époque voulait aller plus loin, mais la censure du Conseil constitutionnel a opéré, notamment sur le dialogue direct entre le Premier ministre et l'Assemblée de Corse.

En 2003, les électeurs corses ont été consultés sur le projet de loi relatif au statut de la Corse. Le ministre de l'intérieur était Nicolas Sarkozy. Le projet de loi prévoyait la création d'une collectivité unique, les départements devenant des conseils territoriaux, établissements publics de la collectivité. Les électeurs se sont prononcés contre ce projet, qui a été enterré.

Entre-temps, les esprits ont mûri. En 2010, en Martinique et en Guyane, les électeurs ont choisi par référendum la fusion de la région et du département et la création d'une collectivité unique, élue à la représentation proportionnelle avec une prime majoritaire de 20 %. Ces deux collectivités ont été mises en place à la suite des élections de décembre 2015.

L'Assemblée de Corse a donc pris l'initiative de relancer la réflexion sur la réforme des institutions. Elle s'est ralliée à l'idée d'une collectivité unique, motivée en cela par l'annonce, en 2014, de la suppression des départements, programmée pour 2017. Ce projet fut ensuite abandonné.

C'est dans ces conditions que le Gouvernement a introduit le projet de collectivité unique par voie d'amendement de séance au cours de l'examen, par le Parlement, de la loi NOTRe. Son article 30 supprime les deux départements, modifie l'organisation de la collectivité territoriale, en augmentant l'effectif de l'Assemblée, et fixe des dispositions de transition en conséquence de la fusion des trois collectivités préexistantes pour les transferts de service, les ressources budgétaires, etc.

Le Sénat, le Parlement ont voté la loi NOTRe et son article 30. Les ordonnances devaient être prises avant le 8 février 2017, elles ont été signées le 21 novembre 2016, le présent texte propose de les ratifier.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, évoquera l'ordonnance sur les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables, tandis que je me concentrerai sur les ordonnances touchant les adaptations institutionnelles et électorales.

Sur le plan institutionnel, l'effectif de l'Assemblée a été porté de 51 à 63 membres par la loi NOTRe et l'effectif du conseil exécutif augmente mathématiquement en conséquence, ainsi que le prévoit l'ordonnance. En ce qui concerne le fonctionnement des institutions, rien de bien neuf. Lors des auditions, nous avons néanmoins attiré l'attention du directeur général des collectivités locales ainsi que des acteurs politiques sur un certain nombre de points. Quid des pouvoirs du président du conseil exécutif ? La vie politique en Corse est dense, agitée, il y a parfois des dissensions : l'Assemblée de Corse doit pouvoir voter une motion de censure contre le conseil exécutif. En sens inverse, si des membres du conseil exécutif démissionnent à la demande du président du conseil, ainsi que le prévoit l'ordonnance, il serait bon que l'Assemblée de Corse puisse également se prononcer par parallélisme des formes puisque c'est elle qui désigne les membres du conseil exécutif.

Par ailleurs, le collège pour l'élection des sénateurs au sein de chaque département de Corse ne comprendra plus de conseillers départementaux. À partir de quand cette règle entrera-t-elle en vigueur ? Une disposition transitoire règle l'hypothèse où une élection partielle pour l'élection d'un sénateur de Corse serait nécessaire après le renouvellement sénatorial de septembre 2017, jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau statut au 1 er janvier 2018.

Je n'ai pas grand-chose à dire en ce qui concerne la partie administrative. On additionne les personnels des trois collectivités existantes, il faut donc prévoir des régimes transitoires classiques.

Le maintien de deux services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) ne fait pas l'unanimité. Les présidents des conseils départementaux n'approuvent pas cette solution. En revanche, les services d'archives départementales sont fusionnés en un seul service.

En conclusion, je dirai un mot sur la conférence de coordination des collectivités territoriales. Faut-il avoir une représentation des territoires infra-insulaires ? La structure créée par la loi NOTRe est appelée « la chambre des territoires » par l'ordonnance, remake de la conférence de coordination des collectivités territoriales. Cette chambre n'aura aucun pouvoir, faute de consensus.

Dans la mesure où les ordonnances ne changent pas grand-chose à l'article 30 de la loi NOTRe tel que nous l'avons voté au mois de novembre 2015, les amendements que je vous proposerai sont tous rédactionnels. Au final, je vous demanderai, dans un souci de cohérence comme de rapidité, de vous prononcer par un vote positif sur le projet de loi de ratification.

M. Charles Guené , rapporteur pour avis de la commission des finances . - Le principe retenu par la loi NOTRe est celui de la création de la collectivité de Corse dans une parfaite neutralité financière et fiscale. L'ordonnance complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de procède à des adaptations quasi rédactionnelles et reprend des dispositifs classiques en cas de fusion de collectivités. Elle adapte les règles budgétaires et comptables applicables à la collectivité de Corse, notamment pour l'année 2018. Elle apporte également des précisions sur le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA).

Pour autant, cette ordonnance n'épuise pas les questions financières résultant de la création de la collectivité de Corse. En effet, la loi de finances pour 2017 prévoit des mesures favorables pour la collectivité de Corse. Elle a notamment diminué de 3,2 millions d'euros la contribution au redressement des finances publiques et la dotation générale de décentralisation (DGD) de la collectivité territoriale de Corse a été remplacée par une part de la TVA, ressource plus dynamique.

Cette ordonnance n'aborde pas la question de la péréquation et de la répartition des concours de l'État, alors que, selon les choix qui seront faits, les conséquences seront très différentes et auront des répercussions sur l'ensemble des collectivités. L'Assemblée de Corse a émis le souhait que ces opérations ne minorent pas les ressources de l'île, ni n'instaurent des mécanismes de calcul défavorables. Cette discussion a été reportée au projet de loi de finances pour 2018.

L'ordonnance qui nous est présentée pour ratification est donc neutre financièrement et fiscalement. C'est la raison pour laquelle, à l'exception d'un amendement tendant à réparer une erreur de référence, la commission des finances est favorable à son adoption.

M. Christian Favier . - Le groupe communiste républicain et citoyen n'ayant pas voté la loi NOTRe, il n'approuvera pas non plus ce projet de loi de ratification des ordonnances relatives à la Corse. Sur le fond, nous contestons ce processus, parfaitement antidémocratique. Une telle transformation institutionnelle impliquerait au moins de consulter les Corses, comme cela a été fait en 2003.

Sur le plan politique, il s'agit d'une nouvelle étape du « détricotage » de la République. Nul n'ignore les intentions des nationalistes, qui visent l'indépendance. Nous sommes en désaccord complet avec cette démarche. Ce n'est pas en cédant à leurs pressions que nous préparerons un avenir sérieux pour ce territoire.

Ce texte signe aussi le recul de la démocratie de proximité. Nous savons tous que les départements ont une compétence sociale. Or, il s'agit d'un territoire où le niveau de vie moyen est très faible. Une collectivité unique mettra davantage l'accent sur les enjeux économiques, au détriment des préoccupations sociales. Nous ne sommes donc pas favorables à la disparition des collectivités de proximité.

Les élus communistes en Corse ont été les seuls à s'opposer à ce dispositif. Nous avons d'ailleurs été surpris par le revirement de certains, qui étaient jusqu'à présent plutôt attachés à une tradition républicaine.

M. Philippe Kaltenbach . - Je félicite notre collègue Hugues Portelli , qui a réalisé un travail remarquable. Le groupe socialiste et républicain votera pour ce projet de loi de ratification des ordonnances, car nous étions favorables à l'article 30 de la loi NOTRe.

Il existe en Corse une demande très large de la part des élus pour aller vers une collectivité unique. Il y a certes des réticences ici ou là, mais elles sont très minoritaires. Deux départements et une collectivité territoriale à statut particulier pour moins de 400 000 habitants, c'était trop. Il s'agit d'être plus efficace tout en faisant des économies et en apportant plus de lisibilité dans les institutions.

Le fait de tenir compte des spécificités des territoires ne va pas à l'encontre de l'unité de la République. La Corse est un très bon exemple de ce qui pourrait se développer en métropole, en région parisienne par exemple, où s'empilent cinq niveaux de responsabilité. Il convient de trouver dans chaque territoire des architectures adaptées aux réalités locales, à l'histoire et à la volonté des élus, et des populations.

M. Favier regrette que la population n'ait pas été consultée. Mais il y a un large consensus ! Le débat dure depuis vingt ans ; il était important d'aboutir. Je suis favorable à l'idée d'accélérer le processus pour adopter ces ordonnances avant le 8 février 2017.

Le groupe socialiste et républicain votera ce texte et les amendements techniques proposés par les rapporteurs.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'amendement COM-5, visant à corriger une erreur de référence, est adopté.

Article 2

M. Hugues Portelli , rapporteur . - L'amendement COM-1 est un amendement de conséquence de la modification de l'article 53 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale par la loi du 27 décembre 2016 relative aux sapeurs-pompiers professionnels et aux sapeurs-pompiers volontaires qui a fonctionnalisé les emplois de directeur et directeur-adjoint des Sdis.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'amendement COM-2 de précision et de cohérence rédactionnelles est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-4 est adopté.

M. Philippe Bas , président . - Avant de procéder au vote sur ce projet de loi, je précise que le groupe Les Républicains ne prendra pas part au scrutin aujourd'hui, faute de consensus entre nous. Nous nous interrogeons du reste sur l'existence ou non d'un consensus en Corse sur l'application des ordonnances, alors même que l'article 30 de la loi NOTRe avait été adopté dans des conditions qui paraissaient bien augurer de sa mise en oeuvre.

M. Jean-Pierre Sueur . - Heureusement que le groupe socialiste et républicain se prononcera. Si tout le monde suivait l'exemple du groupe Les Républicains, ce texte ne serait pas voté !

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Ratification de l'ordonnance budgétaire, financière, fiscale et comptable

M. GUENÉ

5

Correction d'une erreur de référence

Adopté

Article 2
Ratification de l'ordonnance institutionnelle

M. PORTELLI, rapporteur

1

Rectification d'une référence

Adopté

M. PORTELLI, rapporteur

2

Précision et cohérence rédactionnelles

Adopté

M. PORTELLI, rapporteur

3

Rédactionnel

Adopté

M. PORTELLI, rapporteur

4

Précision rédactionnelle

Adopté

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