CHAPITRE II - MODERNISER LES PROCÉDURES D'ÉVACUATION DES STATIONNEMENTS ILLICITES

Section 1 - Améliorer l'efficacité des procédures (Division et intitulé supprimés)

À l'initiative de son rapporteur, et par coordination avec la création d'un chapitre III relatif au renforcement des sanctions pénales, votre commission a supprimé cette section et son intitulé ( amendement COM-20 ).

Article 4 (art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) - Police spéciale du stationnement des résidences mobiles

L'article 4 de la proposition de loi a pour objet d'étendre aux maires des communes dotées d'une aire d'accueil conforme aux prescriptions du schéma départemental le pouvoir d'interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil, même si l'EPCI auquel elles appartiennent n'a pas rempli toutes ses obligations. Il vise également à adapter la rédaction des dispositions relatives à ce pouvoir de police spéciale à la nouvelle répartition des compétences entre les communes et leurs groupements.

1. La faculté donnée aux maires des communes qui remplissent leurs obligations d'interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires prévues à cet effet

La loi n° 90-449 du 31 mai 1990, puis la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 sont venues préciser l'étendue du pouvoir de police dont disposent les maires pour réglementer le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage .

Jusqu'alors, le maire pouvait se fonder, pour réglementer le stationnement des gens du voyage sur le territoire de sa commune, sur son pouvoir de police générale, ainsi que sur son pouvoir de police spéciale du stationnement, qui l'autorise, « eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement » , à réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux 54 ( * ) . La jurisprudence avait confirmé que le maire était en droit de réglementer les conditions de stationnement des gens du voyage afin d'éviter qu'elles ne créent un danger pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique. En revanche, les mesures prises ne pouvaient aboutir à une interdiction totale de stationnement et de séjour , ni limiter la durée du stationnement autorisé en-deçà d'une durée minimale 55 ( * ) .

Par ailleurs, le code de l'urbanisme reconnaissait au maire certaines prérogatives pour réglementer le stationnement des caravanes.

Afin d'inciter à la réalisation d'aires d'accueil et de garantir un juste équilibre des droits et des devoirs, l'article 28 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 a reconnu aux maires des communes qui, seules ou à plusieurs, s'étaient dotées d'une aire d'accueil, la faculté d'interdire le stationnement des gens du voyage sur le reste du territoire communal 56 ( * ) . La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 a repris ces dispositions tout en en modifiant la rédaction, afin de s'assurer que les communes concernées respectent l'ensemble des obligations résultant du schéma départemental , qui peuvent notamment comprendre la mise aux normes d'une aire existante.

Selon l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, dans sa rédaction actuelle, le maire d'une commune peut interdire le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage sur le territoire de la commune, en dehors des aires d'accueil aménagées, si l'une des conditions suivantes est remplie :

1°  la commune remplit les obligations qui lui incombent en application du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage ;

2°  la commune ne s'est pas acquittée de ses obligations, mais bénéficie du délai supplémentaire légal de deux ans, ou dispose d'un emplacement provisoire agréé par le préfet ;

3°  la commune, sans y être obligée par le schéma départemental, s'est dotée d'une aire d'accueil ou a décidé de contribuer au financement d'une telle aire ;

4°  la commune appartient à un EPCI compétent pour mettre en oeuvre le schéma départemental.

Lorsqu'une commune est membre d'un EPCI compétent en matière d'aménagement, d'entretien et de gestion des aires et terrains destinés aux gens du voyage, ce qui est aujourd'hui le cas de la quasi-totalité des communes, ce pouvoir de police spéciale est transféré de plein droit au président de l'EPCI, sauf opposition du maire 57 ( * ) .

En outre, lorsqu'une commune appartient à un EPCI compétent, le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage ne peut être interdit sur tout ou partie du territoire de l'EPCI qu'à la condition que celui-ci remplisse l'intégralité des obligations qui lui incombent en application du schéma départemental. Telle est du moins l'interprétation que l'administration fait de la loi 58 ( * ) , et qui, selon les informations recueillies par votre rapporteur, n'a jamais encore reçu confirmation par la jurisprudence.

Comme le notait la Cour des comptes en 2012, « cette situation suscite l'incompréhension de la part des communes membres de l'EPCI sur le territoire desquelles une aire d'accueil a été implantée 59 ( * ) ». La Cour appelait à examiner de manière spécifique le cas des communes ayant rempli entièrement leurs obligations d'accueil préalablement au transfert de compétence au profit d'une intercommunalité : en l'état du droit, il n'est pas possible d'interdire le stationnement des résidences mobiles hors des aires prévues à cet effet sur le territoire de ces communes, qui ont pourtant fait la preuve de leur bonne volonté.

2. La rédaction proposée : tirer les conséquences de la nouvelle répartition des compétences et conforter le pouvoir de police des maires des communes qui remplissent leurs obligations

L'article 4 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) tend à remanier la rédaction du I de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, afin de tenir compte de la nouvelle répartition des compétences entre communes et EPCI issue des dernières réformes territoriales, et de conforter le pouvoir de police des maires des communes qui remplissent leurs obligations d'accueil des gens du voyage.

Plus précisément, le dispositif proposé prévoit que, dès lors qu'un EPCI remplit les obligations qui lui incombent en application du schéma départemental, « son président, le maire de la commune concernée ou, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté, interdire le stationnement sur le territoire de la commune des résidences mobiles mentionnées à l'article 1 er en dehors des aires d'accueil aménagées ».

Disposeraient du même pouvoir les maires des « communes qui remplissent, à leur échelle, les obligations qui leur incombent » en application du schéma départemental, même si l'EPCI auxquelles elles appartiennent n'a pas rempli l'ensemble de ses obligations .

Les mêmes dispositions resteraient applicables aux communes non inscrites au schéma départemental mais dotées d'une aire d'accueil, à celles qui décident, sans y être tenues, de contribuer au financement d'une telle aire, ainsi qu'aux communes bénéficiant du délai supplémentaire prévu au III de l'article 2 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ou disposant d'un emplacement provisoire agréé par le préfet.

3. L'approbation de principe de votre commission

Votre commission, souscrivant à l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi, a néanmoins revu la rédaction proposée afin d'en assurer la parfaite cohérence avec la nouvelle répartition des compétences et des obligations entre communes et ECPI et de lever quelques incertitudes juridiques ( amendement COM-21 de son rapporteur).

En premier lieu, il convient de compléter la mise à jour de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 pour tenir compte de la nouvelle répartition des compétences entre communes et EPCI, en transposant aux EPCI les divers cas où le maire d'une commune se voit reconnaître le droit d'interdire le stationnement des résidences mobiles de gens du voyage hors des aires prévues à cet effet . Disposeraient ainsi de ce pouvoir de police spéciale les maires de communes membres d'EPCI soumis aux prescriptions du schéma départemental et bénéficiant d'un délai supplémentaire de deux ans ou disposant d'un emplacement provisoire, mais aussi les maires de communes membres d'EPCI qui, sans y être tenus, se sont dotés d'une aire d'accueil ou ont contribué au financement d'une telle aire. Il est également nécessaire de réserver le cas des communes isolées qui pourraient être assujetties aux prescriptions du schéma départemental.

En deuxième lieu, il n'a pas paru envisageable à votre commission de confier le même pouvoir de police spéciale à deux autorités différentes , le président de l'EPCI et le maire ou, à Paris, le préfet de police. Une telle dualité, qui n'existe dans aucun autre domaine de notre droit administratif, pourrait conduire à des situations inextricables en cas de désaccord entre les deux titulaires du pouvoir de police. En outre, on ne sait à qui incomberait, le cas échéant, la responsabilité pour faute dans l'exercice de ce pouvoir. Votre commission a préféré s'en tenir sur ce point au droit en vigueur : un transfert de plein droit du pouvoir de police spéciale au président de l'EPCI, sauf opposition du maire.

En troisième lieu, votre commission a précisé la rédaction de l'alinéa visant à étendre ce pouvoir aux maires des communes dotées d'une aire d'accueil , même si l'EPCI auquel ces communes appartiennent n'a pas rempli l'ensemble des obligations mises à sa charge par le schéma départemental.

Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .

Article 5 (art. 9 et 9-1, art. 9-1-1 et 9-1-2 [nouveaux] de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage) - Évacuation des campements illicites

L'article 5 de la proposition de loi traite de l'évacuation des résidences mobiles irrégulièrement stationnées. Dans la rédaction adoptée par votre commission, cet article a pour objet, d'une part, de renforcer la procédure administrative d'évacuation d'office, d'autre part, d'assouplir les procédures juridictionnelles ouvertes dans les cas où l'évacuation d'office est impossible.

1. Les procédures existantes pour faire évacuer les campements illicites

La loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance , modifiant les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, a créé une procédure administrative d'évacuation d'office et forcée des résidences mobiles de gens du voyage en cas de stationnement illicite. Cette procédure peut être engagée dans les communes et aux conditions récapitulées dans le tableau ci-dessous 60 ( * ) .

Communes concernées

Cause de l'évacuation

Texte applicable

Communes inscrites au schéma départemental...

... ayant rempli leurs obligations

Violation d'un arrêté pris sur le fondement du I de l'art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

II de l'art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

... membres d'un EPCI compétent qui a rempli ses obligations

... bénéficiant d'un délai supplémentaire
de deux ans

... disposant d'un emplacement provisoire agréé par le préfet

Communes non inscrites au schéma départemental...

... dotées d'une aire d'accueil

... qui décident,
sans y être tenues,
de contribuer au financement d'une aire d'accueil

Autres communes
non inscrites

Stationnement non autorisé

Art. 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

Source : commission des lois du Sénat.

Les étapes de la procédure sont les suivantes :

• à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain occupé, le préfet peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux, la mise en demeure étant assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures ; cette mise en demeure reste applicable si, dans un délai de sept jours suivant sa notification, la résidence mobile se retrouve à nouveau en stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l'EPCI ;

• lorsque la mise en demeure n'a pas été suivie d'effets dans le délai imparti et n'a pas fait l'objet d'un recours, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage du terrain ;

• les destinataires de la mise en demeure, ainsi que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain, peuvent demander son annulation au tribunal administratif, dans un délai de recours égal au délai d'exécution. Le recours suspend l'exécution de la mise en demeure. Le président du tribunal administratif ou son délégué statue dans un délai de quarante-huit heures.

DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE D'ÉVACUATION

Source : commission des lois du Sénat

Cette procédure déroge au principe selon lequel les actes administratifs ne sont pas susceptibles d'exécution d'office 61 ( * ) . Il est néanmoins admis que l'administration a le droit d'exécuter d'office ses décisions en cas d'urgence, lorsqu'aucune autre voie de droit n'existe ou lorsque la loi l'autorise expressément . De telles habilitations légales ne manquent pas. En revanche, il est plus rare que l'administration soit autorisée à recourir à la fmontiorce publique pour assurer l'exécution de ses décisions : une telle prérogative se rencontre principalement en droit des étrangers, en matière d'hospitalisation d'office, ou en cas d'urgence.

Par ailleurs, cette procédure d'évacuation d'office étant susceptible de porter atteinte à la liberté d'aller et venir, elle est réservée par la loi aux cas où « le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Le Conseil constitutionnel considère en effet, selon une jurisprudence constante, que « les mesures de police administrative susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garanties (...) doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public et proportionnées à cet objectif 62 ( * ) ».

Indépendamment de cette procédure spéciale d'évacuation d'office réservée à certaines communes, et comme l'a récemment confirmé la jurisprudence, le maire de toute commune conserve la faculté de faire évacuer d'office un campement sur le fondement de son pouvoir de police générale, en cas de risque grave pour l'ordre public et si l'urgence le justifie 63 ( * ) .

Enfin, ces possibilités d'évacuation d'office coexistent avec les procédures juridictionnelles de droit commun , ainsi qu'avec une procédure civile spéciale applicable au stationnement illicite de résidences mobiles sur un terrain affecté à une activité économique.

Les autres voies de droit

Pour obtenir l'évacuation de résidences mobiles irrégulièrement stationnées, outre l'évacuation d'office réservée aux cas de troubles à l'ordre public, il est possible de recourir à d'autres voies de droit.

1° Les procédures juridictionnelles administratives d'expulsion

Une commune, comme toute personne publique, peut demander au juge administratif l'expulsion des occupants sans titre d'une dépendance du domaine public non routier, le cas échéant en référé. Cette voie est ouverte même en l'absence de tout trouble à l'ordre public.

2° Les procédures civiles

a) Les procédures civiles d'expulsion de droit commun

Toute personne privée, propriétaire d'un immeuble bâti ou non bâti, peut demander au juge civil l'expulsion d'occupants sans titre, le cas échéant en référé ou sur requête. Ces procédures sont également ouvertes aux personnes publiques en cas d'occupation d'une dépendance de leur domaine privé ou de leur domaine public routier.

b) Une procédure d'urgence en cas d'entrave à une activité économique

La loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 prévoit, à côté de la procédure administrative d'évacuation d'office, une procédure civile spéciale destinée à protéger les activités économiques. En cas d'occupation par des résidences mobiles, en violation d'un arrêté du maire ou du président de l'EPCI, d'un terrain privé affecté à une activité économique, et dès lors que cette occupation est de nature à entraver ladite activité, son propriétaire ou le titulaire d'un droit réel d'usage peut demander au président du tribunal de grande instance d'ordonner leur évacuation. Le juge statue « en la forme des référés » 64 ( * ) .

3° La procédure pénale

Le stationnement non autorisé de résidences mobiles peut enfin faire l'objet de poursuites pénales, puisqu'il est constitutif du délit prévu à l'article 322-4-1 du code pénal, puni de six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Les véhicules automobiles utilisés peuvent être saisis puis confisqués, sauf lorsqu'ils servent d'habitation.

2. Le renforcement proposé des procédures d'évacuation

L'article 5 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017), dans sa rédaction initiale, vise principalement à renforcer la procédure d'évacuation d'office des campements illicites et à mieux protéger les activités agricoles.

a) De nouveaux cas de recours à la procédure administrative d'évacuation d'office

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent que la procédure administrative spéciale d'évacuation d'office puisse être engagée, non plus seulement si le stationnement irrégulier de résidences mobiles est de nature à porter atteinte à l'ordre public, mais dans deux autres cas :

si le préfet propose aux occupants un nombre suffisant d'emplacements dans une aire ou sur un terrain d'accueil situé à moins de cinquante kilomètres ;

en cas d'occupation d'un terrain affecté à une activité économique, y compris agricole , lorsque cette occupation est de nature à entraver ladite activité.

La première condition reprend, en y apportant quelques modifications, une disposition adoptée en 2013 par votre commission des lois, lors de l'examen d'une proposition de loi présentée par notre ancien collègue Pierre Hérisson et notre collègue Jean-Claude Carle. À l'initiative de son rapporteur, notre collègue Jean-Yves Leconte, votre commission avait alors prévu que la procédure administrative d'évacuation d'office pourrait être engagée si le préfet proposait un nombre suffisant d'emplacements dans une aire d'accueil située à moins de trente kilomètres 65 ( * ) .

La seconde condition est celle à laquelle est aujourd'hui subordonnée l'ouverture de la procédure civile spéciale prévue au IV de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000. En cas d'occupation d'un terrain affecté à une activité économique qui s'en trouverait affectée, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain conserverait le droit de saisir le président du tribunal de grande instance pour en faire ordonner l'évacuation forcée, mais il pourrait aussi, de même que le maire, demander au préfet de mettre en demeure les occupants d'évacuer les lieux et engager ainsi la procédure d'évacuation d'office 66 ( * ) .

b) L'encadrement du délai de recours

Alors que le délai de recours est, en l'état du droit, égal au délai d'exécution de la mise en demeure, lui-même fixé librement par le préfet sans pouvoir être inférieur à vingt-quatre heures, il est proposé de limiter le délai de recours à quarante-huit heures . Ainsi :

- dans le cas où le préfet assortirait sa mise en demeure d'un délai d'exécution inférieur ou égal à quarante-huit heures, le délai de recours resterait identique au délai d'exécution ;

- si le préfet estimait opportun d'accorder plus de deux jours aux occupants pour évacuer les lieux, le délai de recours serait néanmoins limité à quarante-huit heures et, partant, dissocié du délai d'exécution.

c) Une procédure accélérée en cas de stationnement illicite répété

L'article 5 de la proposition de loi prévoit aussi de limiter à un maximum de six heures le délai d'exécution de la mise en demeure du préfet, dans le cas où les mêmes personnes auraient déjà fait l'objet d'un constat de stationnement illicite sur le territoire de la même commune ou du même EPCI au cours de l'année écoulée. Par voie de conséquence, le délai de recours contre la mise en demeure se trouverait également réduit à six heures ou moins.

d) Précisions rédactionnelles visant à assurer l'effectivité des procédures

Enfin, deux précisions rédactionnelles visent à garantir l'effectivité des procédures administrative et civile instituées par la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000.

Il est d'abord proposé de préciser que le préfet peut mettre en demeure les occupants irréguliers d' évacuer « le territoire de la commune ou, le cas échéant, de l'établissement public de coopération intercommunale compétent , à l'exception des aires et terrains » qui leur sont destinés. Cette nouvelle rédaction, plus explicite, ne modifie cependant pas le droit en vigueur, puisque l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 prévoit que la mise en demeure « d'évacuer les lieux » (selon la rédaction actuelle) reste applicable en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la commune ou de l'EPCI dans un délai de sept jours.

En outre, il est expressément prévu que le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage d'un terrain privé affecté à une activité agricole puisse, en cas d'occupation illicite de ce terrain de nature à porter atteinte à cette activité, saisir le président du tribunal de grande instance pour en faire ordonner l'évacuation forcée. La rédaction actuelle visant les activités économiques, les auteurs de la proposition de loi souhaitent s'assurer que les terrains agricoles en jachère sont aussi concernés 67 ( * ) .

3. La position de votre commission : garantir l'évacuation rapide des terrains irrégulièrement occupés, par la voie administrative ou juridictionnelle

Votre commission partage l'objectif poursuivi par les auteurs de la proposition de loi : garantir l'évacuation rapide des résidences mobiles de gens du voyage des terrains où elles stationnent irrégulièrement , dans des conditions souvent insalubres, et au détriment de la sécurité publique comme de la tranquillité des riverains. Les progrès réalisés au cours des dernières années dans la construction d'aires et de terrains d'accueil doivent permettre d'éviter de telles situations.

À titre préliminaire, votre rapporteur tient cependant à souligner que, d'après les informations qu'elle a recueillies, les difficultés rencontrées pour faire évacuer des campements illicites tiennent moins à la nature des procédures existantes qu'à l'insuffisance des moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Les préfets, en particulier, ne mobilisent qu'avec parcimonie la force publique pour faire évacuer d'office des campements ou faire exécuter une décision de justice, à l'heure où policiers et gendarmes sont fortement sollicités sur d'autres terrains.

Cela n'interdit pas au législateur de rechercher les voies et moyens pour rendre les procédures plus opérantes et plus rapides. Votre commission s'est efforcée de compléter le texte proposé et de lever certaines difficultés juridiques.

a) Renforcer la procédure administrative d'évacuation d'office en tenant compte des exigences constitutionnelles et conventionnelles

Votre commission a jugé souhaitable de réformer la procédure administrative d'évacuation d'office pour en accroître l'efficacité.

Elle a approuvé la limitation à quarante-huit heures du délai de recours contre la mise en demeure d'évacuer les lieux délivrée par le préfet. Un tel délai de recours contre une décision administrative existe déjà dans notre droit, et ne méconnaît pas le droit à un recours effectif garanti par la Constitution et par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme l'a confirmé le Conseil d'État 68 ( * ) .

Toutefois, votre commission n'a pas cru possible de réduire à six heures le délai d'exécution de la mise en demeure et, partant, le délai de recours contre cette décision, dans le cas où les mêmes personnes auraient déjà stationné illicitement sur le territoire de la commune ou de l'EPCI au cours de l'année écoulée. Outre qu'une mise en demeure doit, par nature, être assortie d'un délai d'exécution suffisant - il convient de laisser aux personnes concernées le soin de prendre connaissance de la mise en demeure et d'organiser leur départ vers un emplacement autorisé - la réduction à six heures du délai de recours méconnaîtrait le droit à un recours effectif . Il n'en est pas moins inadmissible de voir certains groupes violer de manière répétée les interdictions de stationnement prononcées par des maires ou des présidents d'intercommunalité qui se sont par ailleurs acquittés de leurs obligations en matière d'accueil des gens du voyage. De tels comportements méritant une réponse ferme et rapide, votre commission a adopté l' amendement COM-24 de son rapporteur, qui tend à fixer à 24 heures le délai d'exécution et de recours dans cette éventualité.

En outre, afin d'empêcher que des campements illicites ne se reconstituent à proximité dans les jours qui suivent leur démantèlement, votre commission a adopté l' amendement COM-25 de son rapporteur, qui porte de sept à quinze jours la durée d'applicabilité de la mise en demeure en cas de nouveau stationnement illicite sur le territoire de la même commune ou du même EPCI. Cet amendement reprend les dispositions de l'article 7 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) présentée par M. Loïc Hervé et plusieurs de nos collègues.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a également étendu aux présidents d'EPCI la faculté de demander au préfet de mettre en demeure les occupants d'évacuer les lieux où ils stationnent irrégulièrement ( amendement COM-22 rectifié ).

DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE D'ÉVACUATION (PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION)

Source : commission des lois du Sénat

Au vu de la jurisprudence précitée du Conseil constitutionnel, votre rapporteur s'est interrogée sur la constitutionnalité des dispositions tendant à créer deux nouveaux cas de recours à la procédure d'évacuation d'office , en l'absence de trouble à l'ordre public. Elle a néanmoins observé que ces dispositions avaient déjà été adoptées par le Sénat, dans une rédaction très proche, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté 69 ( * ) . Soucieuse de répondre aux préoccupations légitimes ainsi exprimées, elle a proposé une rédaction susceptible d'écarter le risque d'inconstitutionnalité , parce qu'elle met en balance la liberté d'aller et venir - à laquelle des mesures de police administrative telles que l'interdiction de stationnement, la mise en demeure d'évacuer et l'évacuation forcée sont de nature à porter atteinte - avec d'autres principes d'égale valeur constitutionnelle. Votre commission a adopté cet amendement COM-23 , qui prévoit que la procédure d'évacuation d'office peut être engagée si le stationnement illicite est de nature, soit à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, soit « à porter une atteinte d'une exceptionnelle gravité au droit de propriété, à la liberté d'aller et venir, à la liberté du commerce et de l'industrie ou à la continuité du service public ».

b) L'assouplissement des procédures juridictionnelles

D'autres voies de droit sont ouvertes, comme cela a été rappelé, lorsque l'engagement de la procédure d'évacuation d'office se heurte à une impossibilité juridique. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, les procédures juridictionnelles tendant à l'expulsion d'occupants sans titre fonctionnent convenablement et sont régulièrement utilisées en cas de stationnement « sauvage » de caravanes. C'est tout particulièrement le cas de la procédure sur requête devant le juge civil , procédure d'urgence qui, à la différence du référé, n'est pas contradictoire. En effet, les propriétaires des terrains sont le plus souvent dans l'incapacité d'obtenir l'identité des occupants, ce qui ne permet pas de les assigner en justice et justifie que la décision du juge soit prise non contradictoirement.

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a néanmoins jugé utile d' assouplir les procédures du référé administratif, du référé civil et de la requête civile en cas de stationnement illicite de résidences mobiles sur le territoire de communes ou d'EPCI qui respectent leurs obligations d'accueil des gens du voyage, ou qui ne sont pas assujetties à de telles obligations. Serait ainsi écartée ou présumée remplie la condition d'urgence à laquelle est soumis, en règle générale, l'engagement de ces procédures ( amendement COM-26 ). De telles dispositions ne sont pas sans précédent dans notre droit positif 70 ( * ) .

Tous les propriétaires, publics et privés, bénéficieraient ainsi d'une protection accrue contre les campements illicites. Dès lors, il n'a pas été jugé utile par votre commission de prévoir des dispositions ad hoc pour les terrains agricoles.

Enfin, dans un souci de simplification, votre commission a choisi de supprimer la procédure civile spéciale « en la forme des référés » prévue au IV de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000. Une telle procédure, contradictoire, n'est pas la plus adaptée au cas des campements illicites, dont les responsables ne peuvent généralement pas être identifiés.

Votre commission a adopté l'article 5 ainsi modifié .

CHAPITRE III - RENFORCER LES SANCTIONS PÉNALES

À l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté l 'amendement COM-27 qui transforme la section 2 du chapitre II en un chapitre III intitulé « Renforcer les sanctions pénales ».

Votre commission a adopté l'intitulé de cette division ainsi modifié .

Article 6 (art. 322-4-1 du code pénal) - Renforcement des sanctions pénales en cas d'occupation en réunion sans titre d'un terrain

L'article 6 de la proposition de loi vise à modifier l'article 322-4-1 du code pénal, réprimant l'occupation sans titre et en réunion d'un terrain.

1. Le droit actuel : le délit d'occupation illicite en réunion d'un terrain, prévu par l'article 322-4-1 du code pénal

L'occupation en réunion sans titre d'un terrain , en vue d'y établir une habitation, fait l'objet d'une répression pénale spécifique depuis la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure , qui a inséré un article 322-4-1 au sein du chapitre II du titre II du livre III du code pénal consacré aux destructions, dégradations et détériorations. Ce délit est puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende .

En application des articles 322-15 et 322-15-1 du code pénal, ce délit peut également être sanctionné par une ou plusieurs peines complémentaires , telle que l'interdiction des droits civiques et de famille, l'interdiction de détenir ou de porter une arme pour une durée de cinq ans au plus, la suspension du permis de conduire pour une durée de trois ans au plus et la confiscation des véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation.

L'incrimination pénale de l'occupation d'un terrain sans titre « sans être en mesure de justifier de son autorisation ou de celle du titulaire du droit d'usage du terrain » exige la réunion de plusieurs éléments constitutifs et apparaît d'une portée plus limitée que la notion civiliste « d'occupation sans droit et sans titre ».

En premier lieu, l'infraction n'est commise qu'en cas d'une pluralité d'auteurs de l'infraction : seule l'occupation en réunion est réprimée pénalement.

Lorsque le terrain appartient à un particulier, le délit est constitué en cas d'absence d'autorisation du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage.

En cas d'occupation illicite d'un terrain appartenant à une commune, cette infraction peut être constituée dans deux hypothèses :

- soit la commune s'est conformée aux obligations lui incombant en vertu du schéma départemental d'accueil et d'habitat des gens du voyage 71 ( * ) s'agissant de la création, de l'aménagement et de l'entretien d'aires d'accueil ;

- soit la commune n'est pas inscrite au schéma départemental.

2. Les évolutions proposées pour un renforcement de l'efficacité du dispositif pénal

L'article 6 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017), ainsi que les articles 1 er et 4 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017), visent à modifier l'article 322-4-1 du code pénal afin de renforcer la répression de cette infraction.

a) L'aggravation des peines encourues

L'article 6 de la proposition de loi n° 557 vise à doubler les peines encourues en cas d'occupation illicite en réunion d'un terrain : ce délit serait désormais puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende.

Article

Année

Infractions ayant donné lieu à condamnation (dont infraction unique)

Taux d'emprisonnement (taux d'emprisonnement ferme)

Quantum d'emprisonnement ferme moyen
(en mois)

Taux d'amende ferme

Montant moyen de l'amende

Mesures de substitution ou dispense de peine

322-4-1 du code pénal

2015

128 (74)

35,1 % (5,4 %)

1

25,7 %

584

10

2016

89 (60)

30 % (8,3 %)

2,2

43,3 %

504

6

Source : casier judiciaire national

Selon les statistiques communiquées par la chancellerie qui concernent toutes les installations illicites, il apparaît que les peines d'emprisonnement ferme sont rarement prononcées : en 2016, parmi les 60 condamnations prononcées pour ce seul délit, seules cinq constituaient des peines d'emprisonnement ferme. En moyenne, la peine prononcée est de 2,2 mois.

Sans répondre nécessairement à un besoin des juridictions, le doublement des peines encourues est destiné à renforcer l'effet dissuasif de ces sanctions.

b) La contraventionnalisation de cette infraction

L'article 1 er de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) vise à transformer le délit d'occupation illicite en réunion d'un terrain appartenant à autrui en une contravention de quatrième classe.

Cette contraventionnalisation de l'infraction a pour but de lui appliquer la procédure de l'amende forfaitaire qui permet une répression immédiate.

L'amende forfaitaire est une procédure simplifiée très utilisée en matière contraventionnelle, qui permet au justiciable de s'acquitter sur-le-champ, auprès de l'agent verbalisateur ou dans un court délai, d'une amende pénale fixe, en cas d'infraction flagrante. Cette procédure permet un meilleur recouvrement des amendes et de ne recourir au juge qu'en cas de contestation. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique et n'est pas assimilé à une condamnation. Pour une contravention de quatrième classe, l'amende forfaitaire est de 135 euros, 90 euros lorsqu'elle est minorée et 375 euros lorsqu'elle est majorée.

Néanmoins, cette proposition présente plusieurs difficultés.

En premier lieu, elle ferait disparaître le caractère délictuel de cette infraction et ne permettrait plus l'application de certains actes de procédure réservés aux délits : par exemple, aucune garde à vue 72 ( * ) ne pourrait être réalisée en cas d'occupation illicite d'un terrain d'autrui.

En second lieu, en application des articles 34 et 37 de la Constitution, la détermination des contraventions relève du seul pouvoir réglementaire et non du législateur.

En conséquence, à l'initiative de votre rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-28 visant à conserver un fondement délictuel à l'infraction d'occupation illicite en réunion d'un terrain appartenant à autrui, tout en permettant d'appliquer à cette infraction la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle . Au regard du montant moyen des amendes prononcées, l'amende forfaitaire serait fixée à 500 euros, 400 euros lorsqu'elle est minorée, 1 000 euros lorsqu'elle est majorée.

Créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle est prévue par les articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale.

Comme en matière contraventionnelle, cette procédure permet de sanctionner immédiatement la personne en faute qui doit s'acquitter sur-le-champ, ou dans un délai maximal de 45 jours, d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi . Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique.

Cette procédure est une faculté et ne peut s'appliquer en cas de récidive légale. En cas de circonstances particulières qui peuvent justifier des réquisitions à des fins d'emprisonnement par exemple, le ministère public conserve la possibilité de poursuivre cette infraction devant le tribunal correctionnel .

Enfin, votre rapporteur souligne, qu'en application de l'article 41-1-1 du code de procédure pénale, il peut être recouru à la procédure de transaction par officier de police judiciaire pour les délits punis d'une peine d'un an d'emprisonnement au plus : cette procédure simplifiée permet également une sanction rapide.

c) La saisie, la confiscation et le transfert des véhicules

La peine complémentaire de confiscation est définie à l'article 131-21 du code pénal. Encourue de plein droit pour les crimes et les délits punis d'une peine d'emprisonnement d'une durée supérieure à un an, elle peut également être applicable aux délits punis d'une peine inférieure en cas de mention expresse de la loi ou du règlement.

Les biens concernés par la peine complémentaire de confiscation

La confiscation, qui peut être ordonnée en valeur, peut concerner :

- tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, ayant servi à commettre l'infraction ou qui étaient destinés à la commettre , et dont le condamné est propriétaire ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition ;

- tous les biens qui sont l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction , à l'exception des biens susceptibles de restitution à la victime ;

- tout bien meuble ou immeuble défini par la loi ou le règlement qui réprime l'infraction ;

- tout objet qualifié de dangereux ou de nuisible par la loi ou le règlement, ou dont la détention est illicite, que ces biens soient ou non la propriété du condamné ;

- tout ou partie des biens appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, quelle qu'en soit la nature, meubles ou immeubles, divis ou indivis, lorsque la loi le prévoit ;

- pour les crimes et les délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement ayant procuré un profit direct ou indirect à l'auteur des faits, tous les biens meubles ou immeubles, quelle qu'en soit la nature, divis ou indivis, appartenant au condamné ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont il a la libre disposition, lorsque ni le condamné, ni le propriétaire, mis en mesure de s'expliquer sur les biens dont la confiscation est envisagée, n'ont pu en justifier l'origine.

Afin de garantir l'exécution de la peine de confiscation, le juge des libertés et de la détention, le procureur de la République, le juge d'instruction ou, avec leur autorisation, l'officier de police judiciaire peuvent ordonner la saisie de tout bien dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal 73 ( * ) .

En application de l'article 322-15-1 du code pénal, peuvent être confisqués, et donc saisis, les véhicules automobiles utilisés pour commettre l'infraction, à l'exception des véhicules destinés à l'habitation. Cette disposition a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel 74 ( * ) .

Entre 2012 et 2016, aucune mesure de confiscation n'a été prononcée en cas de condamnation uniquement pour l'infraction d'occupation illicite d'un terrain 75 ( * ) .

L'article 6 de la proposition de loi n° 557 tend à supprimer la protection accordée aux véhicules destinés à l'habitation contre les saisies et les confiscations.

Selon la jurisprudence constitutionnelle, la saisie ou l'immobilisation pénale d'un domicile est soumis à un contrôle de proportionnalité entre les exigences constitutionnelles de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et la garantie du droit de propriété ainsi que l'exercice des libertés constitutionnellement garanties telles que la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile.

Votre commission a considéré que la saisie et la confiscation d'un bien ayant servi à commettre une infraction punie d'une peine d'emprisonnement d'un an procédait d'une conciliation équilibrée entre la sauvegarde de l'ordre public et les autres droits et libertés.

De plus, l'article 6 de la proposition de loi n° 557 et l'article 4 de la proposition de loi n° 680 visent à permettre le transfert des véhicules destinés à l'habitation sur une aire ou un terrain aménagé dans le ressort du département.

Votre rapporteur relève qu'il est peu probable que cette peine complémentaire soit effectivement prononcée : en effet, la sanction pénale juridictionnelle intervient généralement après le départ des occupants sans titre. De plus, le transfert de véhicules nécessiterait l'engagement de frais de justice et la mobilisation de forces de l'ordre qui sont, tous deux, soumis à une hiérarchisation des priorités.

Sous ces réserves, votre commission a approuvé cette disposition : elle a adopté l' amendement COM-28 de votre rapporteur lui apportant une modification rédactionnelle et permettant l'application de ce transfert à tout véhicule.

d) La possibilité pour le juge pénal de prononcer une astreinte

L'article 6 de la proposition de loi n° 557 (2016-2017) tend à permettre au juge pénal, dans le cadre de la répression du délit d'occupation en réunion sans titre d'un terrain, de prescrire aux occupants de quitter les lieux, sous astreinte. Le montant maximal de l'astreinte serait fixé à 1 000 euros par jour et par véhicule.

Le mécanisme de l'astreinte, s'il est usuel pour le juge civil, ne relève pas de la procédure pénale. En l'espèce, lorsque le délit est effectivement jugé par une juridiction, les auteurs de l'infraction ont en réalité d'ores et déjà quitté les lieux.

En revanche, le juge agissant en matière civile, lorsqu'il est saisi d'une demande d'expulsion pour occupation sans droit ni titre, peut accompagner son ordre d'expulsion d'une astreinte en application des articles L. 131-1 et L. 421-1 du code des procédures civiles d'exécution. En application de l'article L. 421-2 du même code, le montant maximal de l'astreinte dépend du préjudice causé par l'occupation sans droit ni titre.

Il apparaît donc inutile de prévoir à nouveau un tel mécanisme, a fortiori dans le code pénal. En conséquence, par l'adoption du même amendement COM-28 de votre rapporteur, votre commission l'a supprimé.

Votre commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

Article 7 (nouveau) (art. 322-3 du code pénal) - Renforcement des sanctions pénales
en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien d'autrui

Issu de l' amendement COM-6 de notre collègue Loïc Hervé, l'article 7 de la proposition de loi, qui s'inspire de l'article 3 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) de M. Loïc Hervé et plusieurs de nos collègues, vise à renforcer les peines encourues en cas de destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui, à la suite ou au cours d'une installation illicite sur un terrain appartenant à autrui.

Les destructions, dégradations ou détériorations d'un bien appartenant à autrui peuvent être sanctionnées, en application de l'article 322-1 du code pénal, d'une peine de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Ces peines peuvent être aggravées dans plusieurs hypothèses décrites dans le tableau ci-après :

Sanctions applicables aux destructions, dégradations ou détériorations
d'un bien appartenant à autrui

Article

Infraction

Peine

322-1 du code pénal

Destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui (hors dommage léger)

Deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende

322-2 du code pénal

322-1 du code pénal lorsque le bien concerné est un registre, une minute ou un acte original de l'autorité publique

Trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende

322-3 du code pénal

322-1 du code pénal lorsque l'infraction est commise :

- par plusieurs personnes ;

- au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public ou de ses proches, en vue d'influencer son comportement dans l'exercice de ses fonctions ou de sa mission ;

- au préjudice d'un témoin, d'une victime ou d'une partie civile, soit pour l'empêcher de dénoncer le fait, de porter plainte ou de déposer en justice, soit en raison de sa dénonciation, de sa plainte ou de sa déposition ;

- dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade ;

- à l'encontre d'un lieu classifié au titre du secret de la défense nationale ;

- par une personne dissimulant volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifiée ;

322-1 du code pénal lorsque :

- l'infraction est facilitée par l'état d'une personne dont la particulière vulnérabilité est apparente ou connue de son auteur ;

- le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public.

Cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende

322-3 du code pénal, dernier alinéa

322-1 du code pénal lorsque l'infraction est commise dans deux des circonstances précitées.

Sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende

L'article 7 introduit par votre commission vise à modifier l'article 322-3 du code pénal pour ajouter une nouvelle circonstance : lorsque les faits de destruction, dégradation ou détérioration sont commis au cours d'une installation sur un terrain constitutive de l'infraction prévue à l'article 322 -4-1 du code pénal.

Les peines encourues seraient alors de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

En application du dernier alinéa de l'article 322-3 du code pénal, si les faits de destruction, dégradation ou détérioration étaient commis au préjudice d'un bien destiné à l'utilité publique appartenant à une personne publique et au cours d'une installation illicite, les peines encourues seraient portées à sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.

En application de l'article 132-10 du code pénal, les peines seraient doublées en cas de récidive.

Votre commission a adopté l'article 7 ainsi rédigé.

Article 8 (nouveau) (art. 322-4-2 [nouveau] du code pénal) - Création d'un délit d'occupation habituelle d'un terrain sans titre

Issu de l' amendement COM-5 de notre collègue Loïc Hervé, l'article 8 de la proposition de loi, qui reprend les dispositions de l'article 2 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017), vise à créer un délit d'occupation habituelle en réunion sans titre d'un terrain.

Ce délit serait puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. L'habitude serait caractérisée dès lors que la personne concernée s'est acquittée de quatre amendes forfaitaires sur une période inférieure ou égale à 24 mois.

Ce délit s'inspire du délit de fraude habituelle dans les transports en commun. L'article L. 2242-6 du code des transports sanctionne de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende le fait de voyager habituellement sans titre de transport valable. L'habitude est caractérisée dès cinq contraventions édictées sur une période de douze mois.

La création de ce délit est destinée à compléter l'arsenal pénal et à décourager la réitération de ces infractions.

Votre commission a adopté l'article 8 ainsi rédigé.

Article 9 (nouveau) (art. 322-15 et 322-15-1 [abrogé] du code pénal) - Peines complémentaires applicables au délit d'occupation en réunion sans titre d'un terrain

Issu de l' amendement COM-7 de notre collègue Loïc Hervé, l'article 9 de la proposition de loi, qui reprend les dispositions de l'article 5 de la proposition de loi n° 680 (2016-2017), vise à permettre l'application de la peine complémentaire d'interdiction de séjour en cas d'infraction d'occupation en réunion sans titre d'un terrain.

L'interdiction de séjour est une peine complémentaire prévue par l'article 131-31 du code pénal qui emporte défense de paraître dans certains lieux déterminés par la juridiction, par exemple le territoire d'une commune, pendant une durée maximale de cinq ans.

Actuellement, elle est encourue d'ores et déjà pour les infractions criminelles de destructions, dégradations et détériorations dangereuses pour les personnes en application de l'article 322-15 du code pénal, mais également pour certains délits .

Par exemple, l'interdiction de séjour est applicable (article 312-13 du code pénal) au délit de demande de fonds sous contrainte, prévu par l'article 312-12-1 du code pénal, puni d'une peine de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende 76 ( * ) . Aussi l'application de cette peine complémentaire à un délit désormais puni d'un an d'emprisonnement 77 ( * ) apparaît-elle proportionnée.

Par l'adoption d'un sous-amendement COM-29 de coordination de votre rapporteur, votre commission a également déplacé les dispositions de l'article 322-15-1 du code pénal, spécifiques à l'article 322-4-1, au sein de l'article 322-15 qui rassemble l'ensemble des peines complémentaires applicables aux infractions définies au chapitre II du titre II du livre III du code pénal.

Par coordination avec l'article 6 qui supprime la protection accordée aux véhicules destinés à l'habitation contre les saisies, l'adoption de ce même sous-amendement COM-29 permet la confiscation des véhicules automobiles destinés à l'habitation utilisés pour commettre l'infraction.

Votre commission a adopté l'article 9 ainsi rédigé.

Article 10 (nouveau) (art. 711-1 du code pénal) - Application en outre-mer

Issu de l' amendement COM-30 de votre rapporteur, l'article 10 de la proposition de loi vise à permettre l'application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, des dispositions modifiant le code pénal.

À cet effet, il actualise le « compteur outre-mer », cette technique du « compteur » consistant à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

Votre commission a adopté l'article 10 ainsi rédigé.

Intitulé de la proposition de loi

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur ( COM-31 ) tendant à modifier l'intitulé de la proposition de loi afin de prendre en compte les articles insérés, qui reprennent les dispositions de la proposition de loi n° 680 (2016-2017) de M. Loïc Hervé et de plusieurs de nos collègues. Elle a retenu l'intitulé suivant : « proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites ».

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.


* 54 Article L. 2313-2 du code général des collectivités territoriales.

* 55 CE, 12 décembre 1983, Ville de Lille, n° 13205.

* 56 Article 28 (abrogé) de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement .

* 57 Article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales. Ces dispositions ont été introduites par la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales , qui faisait toutefois de ce transfert une simple faculté reconnue au maire. Le transfert s'opère de plein droit, sauf opposition du maire, depuis la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales .

* 58 Voir la réponse du ministre de l'intérieur à la question écrite n° 01479 de notre ancien collègue Joël Billard ( J.O. Sénat du 31 octobre 2013).

* 59 « L'accueil et l'accompagnement des gens du voyage », rapport précité, p. 76.

* 60 Voir également la circulaire n° NOR INT/D/07/00080/C du 10 juillet 2007 du ministre de l'intérieur.

* 61 TC, 2 décembre 1902, Société immobilière de Saint-Just , concl. Romieu. Dans le cas des résidences mobiles de gens du voyage, le maire devait jusqu'en 2007 recourir au juge civil pour obtenir le respect de son arrêté d'interdiction de stationnement.

* 62 Décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010. Par cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d'évacuation d'office instituée par les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 était assortie de garanties suffisantes et, partant, conforme à la Constitution. Il a en revanche censuré, par sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, la création d'une procédure similaire à l'encontre des « squats extérieurs ».

* 63 CE, 5 avril 2011, n° 347949.

* 64 Article 9, paragraphe IV de la loi n° 2000-614 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage .

* 65 Article 2 de la proposition de loi n° 198 (2013-2014) visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage (texte de la commission).

* 66 Par coordination avec l'ajout, à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000, de ces deux nouvelles conditions de mise en oeuvre de la procédure d'évacuation d'office, le présent article tend à supprimer la condition d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique à l'article 9-1 de la même loi (qui étend cette procédure aux communes non inscrites au schéma départemental et non mentionnées à l'article 9).

* 67 La même rédaction est proposée à l'alinéa 6 de l'article 5 de la proposition de loi, qui tend à faire de l'entrave à une activité économique, y compris agricole, un nouveau cas d'ouverture de la procédure d'évacuation d'office (voir ci-dessus).

* 68 CE, 14 février 1996, n° 150604. Le même délai de quarante-huit heures est aujourd'hui applicable aux recours formés par un étranger contre une obligation de quitter le territoire français sans délai, un placement en rétention ou une assignation à résidence (art. L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile). Le Conseil d'État, dans la décision précitée, a jugé légal le délai de recours de vingt-quatre heures contre les décisions de reconduite à la frontière, institué par l'article 22 bis de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 (abrogé depuis).

* 69 Projet de loi n° 828 (2015-2016) relatif à l'égalité et à la citoyenneté (texte de la commission), article 33 quindecies .

* 70 S'agissant du référé administratif prévu à l'article L. 521-3 du code de justice administratif, dit référé « mesures utiles », la condition d'urgence est écartée, en outre-mer, en cas de requête relative à une occupation non autorisée de la zone des cinquante pas géométriques (article L. 521-3-1 du même code). S'agissant du référé civil, il est généralement admis que le président du tribunal de grande instance peut, sans condition d'urgence, prendre une ordonnance visant à mettre fin à un trouble manifestement illicite, sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile. S'agissant de la requête civile, les lois spéciales qui autorisent à recourir à cette procédure ne la conditionnent pas systématiquement à l'urgence de la requête.

* 71 Votre rapporteur renvoie au commentaire de l'article 1 er pour de plus amples développements sur le schéma départemental et les obligations des communes.

* 72 En application de l'article 62-2 du code de procédure pénale, seules les infractions passibles d'une peine d'emprisonnement peuvent justifier une garde à vue.

* 73 En application des dispositions du titre XXIX du livre IV du code de procédure pénale.

* 74 Décision du Conseil constitutionnel n° 2003-467 DC du 13 mars 2003, loi pour la sécurité intérieure .

* 75 Trois mesures de confiscation ont été prononcées en 2014 dans le cadre de concours d'infractions, comprenant l'installation illicite sur un terrain : ces mesures ne concernaient pas nécessairement des véhicules. Aucune mesure n'a été prononcée en 2015 et 2016.

* 76 L'article 312-12-1 du code pénal, créé par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure , a été déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003.

* 77 En application de la modification proposée par l'article 6 de la proposition de loi.

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