C. LE RISQUE DE NOTATION

La France se trouve en permanence sous le regard scrutateur des agences de notation .

Elles ne s'intéressent pas seulement aux grands indicateurs macroéconomiques comme la croissance ou le déficit public mais observent dans le détail la solidité des institutions et les réformes sectorielles proposées par le Gouvernement . À titre d'exemple, l'agence Moody's évalue les émetteurs souverains sur quatre « piliers » : solidité de l'économie, solidité institutionnelle, solidité des finances publiques et susceptibilité au risque d'évènement (c'est-à-dire résilience en cas de choc). Les politiques sectorielles ont donc un impact sur la notation française : par exemple, la question de la formation apparaît cruciale dans la mesure où elle a une incidence forte sur le fonctionnement du marché du travail. La note de la dette française dépend donc pour partie des orientations des politiques publiques sectorielles, qui sont traduites dans chacune des missions du budget de l'État.

L'approche est également comparative : les pays sont mis au regard de leurs « pairs ». Pour la France, les « pairs » retenus par l'agence Moody's sont par exemple la Finlande, l'Autriche, le Royaume-Uni, la Belgique ou encore, hors de l'Europe, la Corée ou Taiwann.

La France est considérée comme étant très robuste d'un point économique et institutionnel et présente, selon l'agence, une forte résilience au risque de choc, mais - comparativement à ses pairs - c'est la solidité des finances publiques qui pèche. La faiblesse des efforts de consolidation budgétaire constituerait donc le principal facteur expliquant que la note de la France soit, depuis plusieurs années AA et non plus triple AAA ou AA+. Ainsi, la deuxième dégradation de la note de la France par l'agence Standard & Poor's en 2013, de AA+ à AA, était justifiée pour partie par le fait que « la marge de manoeuvre budgétaire de la France s'est réduite ».

Une dégradation de la note de la France, si elle était suivie par les acteurs financiers, pourrait évidemment avoir des conséquences sur nos conditions de financement et conduire à une augmentation de la charge de la dette.

D. LE TRAITEMENT PRUDENTIEL DE LA DETTE SOUVERAINE

Le risque souverain bénéficie pour l'heure d'un traitement prudentiel particulièrement favorable , dont la principale justification réside dans l'affirmation que le risque souverain est, dans le cas général, très faible, à la fois dans l'absolu (peu de difficultés de paiement) et en termes relatifs, par rapport aux autres classes d'actifs.

Le traitement prudentiel des titres souverains depuis 1998

Pour le ratio de solvabilité (qui mesure les fonds propres par rapport aux risques pondérés), dans les accords de Bâle (ratio Cooke - ou Bâle 1, en 1988), les créances sur les administrations centrales étaient pondérées à 0 % au dénominateur du ratio de solvabilité dès lors que ces administrations étaient membres de pays de l'OCDE.

Les règles de Bâle 2 ont ouvert la possibilité pour les banques d'estimer elles-mêmes leurs risques à partir de modèles internes et, pour la méthode dite standard (fixée par la réglementation), seules les administrations centrales bénéficiant d'une notation de crédit de très haute qualité (AAA à AA-) pouvaient toujours bénéficier de la pondération à 0 %.

Les règles de Bâle 3 n'ont pas modifié ce traitement favorable à ce stade. Il a même été appliqué aux règles de liquidité introduites par Bâle 3, puisque pour le ratio de liquidité à court terme (qui mesure la capacité d'une banque à faire face à une crise de liquidité dans une période de 30 jours), le risque souverain bénéficie d'un cadre avantageux puisque la dette souveraine, incluse dans les actifs bénéficient du traitement le plus favorable au sein du portefeuille d'actifs liquides de haute qualité (portefeuille HQLA ou coussin de liquidité) avec une décote nulle.

Source : réponse de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution au rapporteur spécial

Cependant, la crise récente a été, en partie, une crise de la dette souveraine et le dispositif prudentiel doit être sensible aux risques. Or le risque souverain, s'il est très faible, n'est pas inexistant et peut être renforcé par la concentration de titres souverains d'un même pays au sein d'un établissement bancaire. Comme l'a souligné l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans ses réponses au rapporteur spécial, « dans certains cas, les risques auxquels ont été exposées certaines banques ont été amplifiés par une détention excessive de titres souverains à leur bilan ».

Des évolutions quant au traitement prudentiel de la dette souveraine peuvent donc être attendues - et leur impact sur le coût de financement de l'État ne doit pas être négligé .

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