N° 108

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 28b

SÉCURITÉS

(PROGRAMME 207 « SÉCURITÉ ET ÉDUCATION ROUTIÈRES »)

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : CONTRÔLE DE LA CIRCULATION ET DU STATIONNEMENT ROUTIERS

Rapporteur spécial : M. Jean-Marc GABOUTY

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 et 109 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1) Les courbes de l'accidentalité et de la mortalité routières ne s'inversent pas.

Certes l'augmentation du nombre de tués et d'accidents tend à décélérer en 2015 et 2016, mais la « reprise en main » de 2015  n'a pas encore permis d'inverser la courbe de l'accidentalité. Dans ces conditions, il est permis de douter que l'objectif de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées en 2020, puisse être atteint.

En effet, après douze années de baisse , la France a vu, depuis 2014, le nombre de morts sur les routes repartir à la hausse . La situation a continué de se dégrader en 2016 (3 655 tués en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer (DOM) , soit 39 décès de plus par rapport à 2015) : pour la première fois depuis 45 ans , la France a connu trois années consécutives de hausse de la mortalité routière.

Pour l'année 2017, le bilan provisoire de l'insécurité routière pour la France métropolitaine, sur les neuf premiers mois, s'élève à 2 563 personnes tuées , soit une hausse de + 0,2 % - soit 5 tués de plus - par rapport à la même période en 2016 .

Ces résultats sont d'autant plus préoccupants que le Gouvernement Valls s'était engagé à respecter l'objectif, initié par l'Union européenne, de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020 .

De même, le nombre de blessés hospitalisés, après avoir reflué jusqu'à
26 895 en 2013, a augmenté ces trois dernières années pour atteindre 28 376 en 2016 (soit une augmentation de 5,5 % par rapport à 2013). En outre, le nombre d'accidents qui, en 2013, était parvenu à son niveau le plus bas (58 397), s'avère en 2016 toujours supérieur (59 432, soit 1,77 % de plus).

Certes, il importe de relativiser cette dégradation de l'accidentalité et de la mortalité routières dans le temps et l'espace. D'une part, il faut souligner qu'elles ont considérablement régressé depuis les années 1970 et que plus elles se réduisent, plus il devient ardu de les réduire encore. En 1972, on déplorait en effet plus de 18 000 décès et plus de 386 000 blessés sur nos routes - soit respectivement 5 et 13 fois plus qu'en 2016. D'autre part, la remontée de l'accidentalité routière est un phénomène observé dans quasiment tous les pays européens depuis 2014 et n'est donc pas spécifique à la France 1 ( * ) .

Toutefois, si l'on rapporte la mortalité routière au nombre de kilomètres parcourus par les véhicules dans chaque État membre, la France se situe cette fois-ci en-deçà de la moyenne de l'Union européenne. En 2014, la France comptait en effet 6 tués par milliard de kilomètres parcourus alors que cette moyenne se situe à 5. Plusieurs des voisins de la France - l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse - affichent des résultats inférieurs à cette moyenne, tandis que la Suède, la Norvège et Malte affichent les meilleures performances du continent avec 3 tués par milliard de kilomètres parcourus.

2) La politique du nouveau gouvernement pour lutter contre l'insécurité routière s'inscrit dans la droite ligne du plan arrêté par le Gouvernement Valls en 2015 (poursuite de la stratégie de déploiement de nouveaux radars, augmentation de la part des équipements mobiles et déplaçables et multiplication des itinéraires sécurisés afin de renforcer l'imprévisibilité des contrôles) auquel seraient toutefois apportées quelques inflexions. Un nouveau comité interministériel de la sécurité routière (CISR) devrait se tenir avant la fin 2017 , ce qui mérite d'être salué dans la mesure où depuis 2011 seuls deux comités ont été réunis. Les orientations qu'il donnera sont en cours de définition et de validation au niveau interministériel.

3) Les dépenses de communication, supportées par les programmes 207 de la mission « Sécurités » et 751 le CAS « Radars » et font l'objet d'un effort de sincérité budgétaire . Sous-budgétées depuis 2014, elles sont portées à 16 millions d'euros en 2018.

Cette augmentation doit s'accompagner d'une rigoureuse évaluation de leur efficacité, notamment concernant la lutte contre l'alcool au volant, dont l'évaluation a été critiquée par la Cour des comptes dans un récent rapport.

Sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières »

4) Les crédits inscrits sur le programme 207 « Sécurité et éducation routières » de la mission « Sécurités » sont en légère hausse : ils augmentent de + 2 ,3 % par rapport à 2017 pour s'établir à 39,94 millions d'euros .

5) Le ralentissement de l'opération « permis à un euro par jour », observé l'an passé, semble se confirmer.

99 470 nouveaux prêts ont été souscrits sur les douze derniers mois, un résultat nettement inférieur à l'estimation de 186 500 prêts sur laquelle était fondé le budget 2017. Le montant total des intérêts payés par l'État aux établissements de crédit s'élève à 54,74 millions d'euros tandis que la charge financière de l'État au titre du « permis à un euro par jour » est en baisse de 17 % en 2018 (4,98 millions d'euros en AE et en CP), cette baisse étant principalement expliquée par la baisse des taux d'intérêt et le nombre de prêts souscrits, inférieur à l'objectif fixé.

6) La réforme du permis de conduire , initiée en 2015, continue de porter ses fruits : le délai d'attente moyen aux examens est encore réduit de 6 jours cette année passant de 63 jours en 2016 à 57 jours en 2017, ce qui permet d'espérer d'atteindre l'objectif de 45 jours inscrit dans la loi. De même, la réduction du coût unitaire d'obtention du permis de conduire pour l'administration se poursuit (59,50 euros en 2017 contre 61,30 euros en 2016).

Sur le compte d'affectation spéciale
« Contrôle de la circulation et du stationnement routiers »

7) Après avoir été estimé à un niveau record dans le précédent projet loi de finances, le produit total des amendes de la circulation et du stationnement est évalué à un niveau légèrement inférieur - 1,833 milliard d'euros (- 0,87 % par rapport à 2017) - auquel contribue fortement le dynamisme des amendes forfaitaires radars. Sur cette somme, 1,337 milliard d'euros sont inscrits en dépenses sur le « CAS Radars » (- 3,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017).

Trois facteurs sont avancés pour justifier cette tendance :

« - une augmentation des recettes d'amendes forfaitaires issues du contrôle automatisé à hauteur de + 10 %. Cette évolution est liée à l'augmentation du parc radars ainsi qu'au déploiement de nouveaux dispositifs de contrôle plus performants ;

- une forte diminution (- 28 %) des recettes d'amendes forfaitaires hors contrôle automatisé qui s'explique par la mise en oeuvre de la décentralisation du stationnement payant ;

- une augmentation des amendes forfaitaires majorées (+ 15 %), qui s'explique par la forte augmentation des avis de contravention issues du contrôle automatisé et du procès-verbal électronique en 2017. »

8) L'architecture du CAS, déjà complexe, est encore compliquée. L'enveloppe de 170 millions d'euros, issue du contrôle sanction automatisé qui jusqu'à l'an dernier, bénéficiait exclusivement aux collectivités locales, est désormais répartie entre ces collectivités - à hauteur de 75 millions d'euros transférés au programme 754 - et à l'État - pour 95 millions d'euros, qui sont versées au programme 755 - Désendettement de l'État. En outre, et comme l'a souligné la Cour des comptes dans sa dernière note d'exécution budgétaire , le CAS ne répond toujours pas au principe de spécialité défini à l'article 21 de la LOLF.

Le programme 751

9) Le programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière » - qui représente environ le quart des dépenses du CAS et couvre les coûts relatifs au développement et au maintien en condition opérationnelle des radars et une partie de la subvention à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) voit son budget augmenter de 23,6 %.

Les moyens dévolus à trois premières actions (276,25 millions d'euros) sont en hausse de plus de 25 % en 2018 - soit 55,85 millions - afin de financer l'extension du parc de dispositifs de contrôle automatisé. Le nombre d'équipements progressera de 238 unités (4 700 au 31 décembre 2018 au lieu de 4 462 au 31 décembre 2017) et 100 nouveaux parcours sécurisés seront créés.

Ces dépenses s'inscrivent dans le cadre du plan d'action décidé lors du comité interministériel de la sécurité routière (CISR) du
2 octobre 2015
et destiné à remédier à la dégradation de la sécurité routière.

10) Afin de couvrir ce besoin de financement, l' article 21 du projet de loi de finances augmente le plafond de recettes de la première section du compte d'affectation spéciale (CAS), ainsi que le plafond des recettes issues des amendes forfaitaires radars affectées au CAS .

11) L'agence nationale de traitement automatique des infractions (ANTAI) bénéficie d'un budget stable par rapport à 2017.

L'action 02 « Centre national de traitement » du programme 751 « Structures et dispositifs de sécurité routière », qui porte principalement la subvention pour charges de service public accordée à l'ANTAI, est dotée en 2018 de 67 millions d'euros, contre 70 millions d'euros en 2017, soit une baisse de 4,3 %. L'enveloppe globale allouée à l'ANTAI sera donc complétée par une dotation en fonds propres s'élevant à 15 millions d'euros, dont la contribution au budget de l'établissement augmente nettement (13,8 % contre 11,1 % en 2017).

Le fonds de roulement de l'ANTAI demeure à un niveau élevé - 37,8 millions d'euros au 31 décembre 2016 - supérieur à celui qui avait été recommandé.

Dans son rapport de 2013, mon prédécesseur indiquait déjà que l'ANTAI disposait alors de 16,7 millions euros de fonds de roulement, alors que son niveau optimal était estimé à 14,5 millions, soit « 40-45 jours de dépenses de fonctionnement ». Il concluait que le « confort » budgétaire de l'ANTAI « [devait] donc amener à une vigilance accrue en matière de gestion des deniers publics afin de minimiser le ratio dépenses de l'Agence/ produit des amendes. »

Bien qu'en 2016, le pilotage et les capacités techniques de l'agence aient été nettement renforcés et qu'un nouveau contrat d'objectifs ait été signé entre l'ANTAI et l'État couvrant la période 2016-2019 , l'évolution de ce fonds de roulement, censé financer un décalage de trésorerie, appelle à la plus grande vigilance. Votre rapporteur propose un amendement destiné à réduire le budget alloué à l'ANTAI.

12) S'agissant de la gestion du permis à points dont mon prédécesseur a souvent déploré le recours systématique à l'envoi de lettres pour informer le conducteur du retrait ou de la restitution de points, il est à noter que pour la première fois, 10 % des crédits sont prévus pour la communication de ces informations par voie dématérialisée.

Si cet effort mérite d'être salué, il doit être soutenu ces prochaines années, dans la mesure où le nombre de lettres atteint un nouveau record. En 2018, il est en effet prévu que plus de 22 millions de lettres soient adressées aux automobilistes dans le cadre de la gestion du permis à points, pour une dépense estimée à 17,5 millions d'euros .

Le programme 753 « PVé »

13) Le procès-verbal électronique (PVé), qui remplace le carnet à souches pour la constatation des infractions de la circulation et du stationnement routiers, après avoir été complètement déployé dans les forces de l'ordre au sein de l'État, poursuit sa diffusion au sein des collectivités territoriales. Fin 2016, 3 164 communes avaient intégré le PVé soit une hausse de 22,4 % par rapport à 2015) parmi lesquelles l'ensemble des villes de plus de 100 000 habitants (incluant Paris) et 95 % des villes de 50 000 à 100 000 habitants.

Ce déploiement a été facilité par le fonds d'amorçage mis en place par l'État pour inciter les collectivités territoriales à se doter d'une solution de verbalisation électronique et permettant le remboursement des équipements de verbalisation dans la limite de 50 % de leur coût et à hauteur de 50 euros par équipement. La prorogation de ce fonds a fait l'objet d'un amendement devenu l' article additionnel 67 au projet de loi de finances, adopté par l'Assemblée nationale.

Le PVe représente une dotation de 26,2 millions d'euros en 2018 , soit un montant inchangé par rapport aux crédits demandés dans la loi de finances initiale pour 2017.

Le programme 754 et le versement à l'AFITF

14) L'information du Parlement sur l'utilisation des recettes versées à l'agence de financement des infrastructures de transports de France (AFITF) et aux collectivités territoriales a été considérablement améliorée , conformément à ce qui avait été décidé lors dernier comité interministériel de la sécurité routière (CISR).

Pour la première fois, un « jaune budgétaire », prévu par l'article 160 de la loi de finances pour 2017, sur l'« utilisation par l'agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et par les collectivités territoriales du produit des recettes qui leur est versé par le compte d'affectation spéciale », a été annexé au projet de loi de finances.

En effet, jusqu'à l'an dernier, aucune information n'était transmise au Parlement sur l'utilisation du produit des amendes de police par les collectivités territoriales et l'AFITF.

Selon ce rapport annexé au projet de loi de finances, la quasi-totalité des « amendes radars » - incluant les amendes forfaitaires et les amendes majorées - (91,8 %, soit 845,2 millions d'euros) a bien été consacrée à la lutte contre l'insécurité routière, notamment à travers l'amélioration du réseau routier, contre 8,2 % (75,1 millions d'euros) affectés au désendettement de l'État .

15) Le montant affecté au programme 754 « Collectivités territoriales » est en forte baisse de 22,3 % par rapport à 2017 , justifiée par la réduction du produit des amendes « hors radars », conséquence de la dépénalisation du stationnement payant . Cette réforme, prévue par l'article 63 de la loi « MAPTAM » et qui entrera en vigueur le 1 er janvier 2018, permettra aux communes et à leurs groupements de fixer le montant du nouveau forfait post-stationnement (FPS) et de recueillir son produit.

16) En revanche, la dotation du programme « Désendettement de l'État » , en progression de 10,9 % , n'est pas affectée par la décentralisation du stationnement payant. En effet la réduction du produit des amendes forfaitaires hors contrôle automatisé - dont font partie les amendes de stationnement et qui l'alimentaient exclusivement jusqu'à l'an passé - est largement compensée par une fraction du produit des amendes forfaitaires perçues par la voie des systèmes de contrôle automatisé.

Au 10 octobre 2017, date limite fixée par la loi organique relative aux lois de finances, 95,6 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial.

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LA POLITIQUE DE SÉCURITÉ ROUTIÈRE

A. UNE MORTALITÉ ROUTIÈRE EN HAUSSE POUR LA TROISIÈME ANNÉE CONSÉCUTIVE : UNE PREMIÈRE DEPUIS 45 ANS

Même si la hausse de la mortalité tend à décélérer en 2016, la politique de sécurité routière affiche des résultats préoccupants en matière de mortalité qui font douter de l'efficacité de notre politique de sécurité routière.

1. 2013 demeure l'année où la mortalité routière a atteint son plus bas niveau

De 2008 à 2013, la mortalité routière a diminué constamment. Un minimum historique a même été atteint fin 2013, avec 3 427 tués, soit une baisse de 10,8 % par rapport à 2012.

Or, depuis 2014, la mortalité ne cesse d'augmenter , une nouvelle hausse du nombre de tués sur les routes ( + 1,7 %, soit 3 655 décès et 39 de plus par rapport à 2015) a été enregistrée en 2016 , pour la troisième année consécutive.

Dans les départements d'outre-mer, après avoir décru en 2015, le nombre de tués 2 ( * ) a de nouveau augmenté l'an dernier (178 décès, soit 23 de plus qu'en 2015), et s'avère désormais 20 % plus élevé que son niveau le plus bas, atteint en 2011 (148 tués).

Dans l'Hexagone, en revanche, le nombre de morts augmente pour la troisième année de suite (+ 16 tués, soit 0,5 % de plus par rapport à 2016).

Enfin les collectivités et pays d'outre-mer n'échappent pas à cette évolution à la hausse : la mortalité, qui s'élève à 83 tués, a augmenté de 17 % en 2016 par rapport à 2015.

Il est à noter qu'en 2015, selon le document de politique transversale (DPT) « Sécurité routière », le nombre de tués augmente aussi bien en zone « Gendarmerie » (2 713 morts en 2016 contre 2 623 en 2015) qu'en zone « Police » (1 014 tués en 2016 contre 988).

Selon les données provisoires recueillies en 2016, ces résultats situent la France (métropole et DOM) au quatorzième rang de l'Union européenne : 54 personnes ont en effet été tuées par million d'habitants, 54 en métropole et 81 dans les départements d'outre-mer alors que la moyenne de l'UE se situe à 50 . En métropole, sur la période 2012-2016, 32 départements - soit environ le tiers - sont en-dessous de la moyenne nationale.

Évolution du nombre de tués à 30 jours en France
de 2005 à 2016

Source : bilan de l'Observatoire interministériel de la sécurité routière (ONISR)

Si l'on rapporte la mortalité routière au nombre de kilomètres parcourus par les véhicules dans chaque État membre, la France se situe cette fois-ci en-deçà de la moyenne de l'Union européenne . En 2014, la France comptait en effet 6 tués par milliard de kilomètres parcourus alors que cette moyenne se situe à 5. Plusieurs des voisins de la France -l'Allemagne, l'Espagne, le Royaume-Uni et la Suisse - affichent des résultats inférieurs à cette moyenne, tandis que la Suède, la Norvège et Malte affichent les meilleures performances du continent avec 3 tués par milliard de kilomètres parcourus 3 ( * ) .

2. L'évolution du nombre d'accidents et de blessés à 30 jours demeure également préoccupante

Ce constat concerne également le nombre d'accidents qui, en 2015 - et contrairement à la mortalité - avait nettement reflué : en 2016, cet indicateur repart à la hausse ( 59 432 accidents en France métropolitaine et dans les DOM, soit + 1,3 % par rapport à 2015) et s'avère désormais supérieur de 1,8 % au plancher atteint en 2013 (58 397).

De même, le nombre de blessés hospitalisés , après avoir reflué jusqu'à 26 895 en 2013, a augmenté ces trois dernières années pour atteindre, en métropole et dans les DOM, 28 376 en 2016 (soit une augmentation de 5,5 % par rapport à 2013). Il convient d'observer que dans les départements d'outre-mer, le nombre de blessés hospitalisés a, pour la seconde année consécutive, de nouveau dépassé le seuil de 1 000 (1 189) qu'il n'avait pas franchi depuis 2009 (1 183).

Évolution du nombre d'accidents routiers et de blessés
en France métropolitaine et dans les DOM de 2005 à 2016

Source : bilans de l'ONISR

Répartition de la mortalité routière


Selon la catégorie d'usagers

En 2016, en métropole, 1 760 usagers de véhicules de tourisme ont été tués. Bien que leur nombre ait régressé de 2 % par rapport à 2015, ils représentent - comme l'année précédente - plus de la moitié (50,6 %) de la mortalité routière . Ils demeurent cependant la catégorie - après celle des cyclomotoristes - dont la mortalité a le plus baissé depuis 2010
(- 16,9 %).

De même, si le nombre d'usagers de deux-roues motorisés tués sur la route diminue de 4,6 % par rapport à 2015, cette catégorie représente plus de 21 % 4 ( * )

des décès avec 613 motocyclistes et 121 cyclomotoristes tués en 2016. Les motocyclistes est l'une des catégories d'usagers dont la mortalité a stagné en 2016 (613 tués contre 614 en 2015). Depuis 2010, la diminution de sa mortalité se situe désormais au même niveau que celle de l'ensemble des usagers (- 12,9 %). Quant à la mortalité des cyclomotoristes - 121 morts en 2016 - elle connaît une forte baisse (- 24 tués, soit une baisse de 21,9 % par rapport à 2015), cette catégorie ayant connu la plus forte régression de la mortalité depuis 2010 (- 51,2 % en 6 ans).

Piétons et cyclistes constituent 21 % 5 ( * ) de la mortalité 2016 avec respectivement 569 et 162 personnes tuées, en nette hausse par rapport à 2015 (+ 19,4 % et + 8,7 %). Ces deux catégories d'usagers constituent désormais, avec les transports en commun, les trois seules dont la mortalité s'est accrue entre 2010 et 2016 (+ 15,3 % pour les piétons, + 10,2 % pour les cyclistes.).

La mortalité des usagers de véhicules utilitaires légers (130 personnes tuées, soit 4 % du total) est en augmentation par rapport à 2015 (+ 8,3 %).

Enfin la catégorie des transports en commun est marquée par une forte baisse de la mortalité (12 morts, soit - 72,1 % par rapport à 2015), le bilan de l'année précédente ayant été fortement alourdi l'accident de Puisseguin, en Gironde, où 43 passagers d'un autocar avaient perdu la vie.

Enfin, 55 personnes - soit une de moins qu'en 2015 - ont été tuées à bord d'un poids lourds.


• Selon les classes d'âge

La catégorie des 18-24 ans est la plus affectée par les accidents de la route, en nombre de personnes tuées et de blessées et hospitalisées.

Comme en 2014 et 2015, la majorité des classes d'âge connaissent une augmentation de leur mortalité.

Les classes d'âge les plus âgées (35-49 ans, 50-64 ans, 65-74 ans, 75 ans et plus) ont vu en 2016 leur mortalité augmenter (respectivement de 39, 12, 3 et 9 %), tandis que les classes les plus jeunes, à l'exception des 0 à 14 ans (+ 7 %), observent une décrue, particulièrement marquée pour les 25 à 34 ans (- 28 %).

En outre, il est à noter que depuis 2010, les trois classes d'âges les plus âgées enregistrent, depuis 2016, un accroissement de la mortalité , qui culmine pour la tranche de 65 à 74 % (+ 21 %).

Sur la même période 2010-2016, la baisse la plus forte concerne les 15 à 17 ans
(- 40 %) tandis qu'elle est la plus faible chez les 0 à 14 ans (- 17 %) et les 25 à 34 ans (- 18 %).

Rapportés à leur population, les jeunes de 18 à 24 ans restent les plus touchés en 2016 : 108 jeunes tués pour un million d'habitants. En comparaison, la proportion chez les enfants (0 à 14 ans) est de 9 tués pour un million d'habitants, et constitue le ratio le plus faible.

De même, les plus de 75 ans connaissent une mortalité
nettement plus élevée (95 tués par million d'habitants) que la moyenne nationale (54 tués par million d'habitants).


• Selon les réseaux routiers

63 % des personnes tuées le sont sur des routes hors agglomération , 8 % sur autoroute et 29 % en agglomération, soit une répartition quasiment identique à 2015.

Après avoir considérablement augmenté en 2015 (+ 23 % par rapport à 2014 contre 0,7 % sur les autres réseaux), la mortalité sur les autoroutes a réduit de 9,4 % en 2016 . Cette évolution est d'autant plus remarquable que la mortalité a progressé en moyenne de 0,5 % sur l'ensemble des réseaux, et de plus de 3 % en agglomération.

En revanche, par rapport à 2010, le nombre de décès a été réduit de 10,1 % en agglomération et de 17 % sur les routes hors agglomération, alors qu'il a augmenté de 13 % sur les autoroutes.


• Selon les régions

L' évolution de la mortalité s'avère contrastée selon les régions : elle régresse nettement, entre 2015 et 2016, en Nouvelle-Aquitaine et en Ile-de-France, et dans une moindre mesure en Centre-Val de Loire, Occitanie et Corse.

A l'inverse, les régions Bretagne et Bourgogne-Franche-Comté connaissent une forte hausse de leur mortalité pendant la même période.

Par rapport à 2010, la région des Hauts-de-France est la seule à connaître une augmentation du nombre de décès supérieure à 5 %.

Sur la période 2012-2016, la mortalité en région métropolitaine, par million d'habitants et par an, varie de 26 pour l'Île-de-France , puis 49 pour les Hauts-de-France, à 73 pour l'Occitanie et la Bourgogne-Franche-Comté et 99 pour la Corse .

Au cours de la même période, 4 nouvelles régions sur 13 ont un taux inférieur à la moyenne nationale de 53, toutes situées dans la moitié nord du pays.

Entre 2010 et 2016, l'ensemble des nouvelles régions connaissent une baisse de la mortalité, à l'exception des Hauts-de-France (+ 9 %), la réduction la plus forte étant observée dans le Centre-Val de Loire (- 28 %).


• Selon les facteurs comportementaux

La vitesse excessive ou inadaptée demeure la cause principale de près de 31 % des accidents mortels selon les forces de l'ordre. Elle est particulièrement meurtrière pour les classes d'âge des 18-24 ans (45 %) et des 25-34 ans (43 %).

Parmi les conduites addictives, l'alcool serait la cause principale de près de 19 % des accidents mortels pour lesquels ces éléments sont renseignés : 29 % des décès interviennent alors qu'au moins un des conducteurs impliqués avait un taux d'alcool dépassant 0,5 g/l de sang. Enfin, l'alcoolémie affecte enfin particulièrement les mêmes classes d'âge que la vitesse, mais l'ordre est inversé : les 25-34 ans (26 %) puis les 18-24 ans (24 %).

Les stupéfiants seraient la cause principale de plus de 9 % des accidents mortels, mais 22 % des décès routiers interviennent lors d'un accident impliquant au moins un conducteur testé positif aux stupéfiants.

Le refus de priorité serait la cause principale d'au moins 13 % des accidents mortels, l'« inattention ou téléphone », de 7 %.

Enfin, le non-port de la ceinture est encore fréquent : le fichier BAAC enregistre 354 conducteurs ou passagers tués en 2016 qui n'étaient pas ou mal ceinturés (20 % des usagers tués des véhicules avec le critère « ceinture » renseigné).


• Selon le sexe

En 2016, trois fois plus d'hommes (2 639) que de femmes (838) sont décédées . Les tranches d'âges des 15-29 ans, 30-44 ans et 44-59 ans concentrent 81 % de la mortalité masculine. Toutefois la mortalité masculine des autres classes d'âge demeure également bien supérieure à celle des femmes, alors que la part de ces dernières dans la population augmente.

Les hommes tués sont à 76 % des conducteurs , à 13 % des piétons et à 11 % des passagers. Cette répartition est très différente de celle observée chez les femmes  tuées dont 45 % sont des conductrices , 31 % des passagères et 24 % des piétonnes. Enfin 82 % des auteurs présumés d'accidents mortels (APAM) sont des hommes.

La vitesse et l'alcool sont des facteurs plutôt masculins (34 % de facteur « vitesse excessive ou inadaptée » et 23 % de facteur « alcool » chez les hommes APAM) alors que chez les femmes, le facteur « vitesse excessive ou inadaptée » figure dans 22 % des accidents, devant le refus de priorité (19 %) et l'inattention (11 %). En outre, les dépassements dangereux sont plus signalés chez les hommes (4 % contre 2 % chez les femmes).

Source : réponse au questionnaire budgétaire

3. Les résultats des dix premiers mois de l'année 2017 laissent entrevoir une stabilisation de la mortalité routière

Pour l'année 2017, le bilan provisoire de l'insécurité routière en France métropolitaine, sur les neuf premiers mois, s'élève à 2 563 personnes tuées, soit une baisse 0,2 % - 4 tués de moins - par rapport à la même période en 2016. Au cours des trois derniers mois (juillet, août, septembre) la mortalité n'a cessé de baisser, tandis qu'en octobre, 315 personnes ont perdu la vie, soit un résultat stable par rapport à octobre 2016.

Si ces chiffres laissent espérer une stabilisation du nombre de tués cette année, l'objectif fixé par le Gouvernement Valls de réduire à moins de 2 000 le nombre de personnes tuées sur les routes en 2020 semble difficilement atteignable .

Par ailleurs, cette amélioration ne doit pas occulter l'évolution des autres indicateurs qui connaissent des hausses plus ou moins marquées. Ainsi le nombre de blessés hospitalisés pendant les trois premiers trimestres 2017 est supérieur de 568 (+ 2,8 %) à celui enregistré les trois premiers trimestres 2016, tandis que le nombre d'accidents croît de 3,8 % (43 578 contre 41 570).


* 1 Il convient cependant d'observer que selon les chiffres recueillis pour l'année 2016, 18 des 28 États membres ont vu leur mortalité baisser, la France - bien que cette hausse soit faible - appartenant au groupe des 10 pays où elle a augmenté.

* 2 Le nombre annuel de tués est le premier indicateur de performances (1.1) de l'objectif n° 1 « Mobiliser l'ensemble de la société sur la sécurité routière pour réduire le nombre d'accidents et de tués sur la route » du programme 207 « Sécurité et éducation routières » et du document de politique transversale (DPT) « Sécurité routière » du projet de loi de finances pour 2018.

* 3 Source : IRTAD, FIT, ONISR, ministères nationaux des transports, estimations et traitements URF.

* 4 Cette proportion augmente à 36 % dans les DOM.

* 5 Cette proportion augmente à 31 % dans les DOM.

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