EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 6 DÉCEMBRE 2017

M. Philippe Bas , rapporteur . - Le Président de la République a souhaité que la loi soit davantage adoptée en commission. Il devait savoir que le Sénat avait pris les devants puisqu'après son élection à la présidence du Sénat en 2014, M. Gérard Larcher avait mis en place un groupe de réflexion, dont les rapporteurs étaient MM. Alain Richard et Roger Karoutchi, à l'issue duquel la procédure d'examen en commission a été expérimentée à partir de 2015, avant de devenir caduque au dernier renouvellement du Sénat. C'est pour conforter l'avance du Sénat dans la modernisation du travail législatif que le président Larcher propose cette résolution, nécessaire pour pérenniser la procédure d'examen en commission, renommée procédure de législation en commission.

La procédure de législation en commission permet à la conférence des présidents de décider que le droit d'amendement sur un projet de loi ou une proposition de loi ou de résolution s'exercera uniquement au sein de la commission saisie au fond, celle-ci pouvant accueillir les sénateurs qui n'en sont pas membres, ses travaux étant rendus publics comme en séance publique. Les amendements adoptés par la commission saisie au fond permettront l'établissement d'un texte qui ne sera pas examiné article par article en séance, mais fera l'objet d'une présentation courte et d'explications de vote des groupes, le vote portant sur l'ensemble du texte uniquement, sans droit d'amender. Pour que cette procédure reste l'exception et non la règle, des garde-fous ont été établis. Ainsi, chaque président de groupe disposera d'un droit de veto, qui pourra être opposé initialement lors de la réunion de la conférence des présidents, mais également après l'adoption du texte de la commission selon la nouvelle procédure, si l'un des présidents de groupe souhaite le retour à la procédure normale pour la suite des travaux.

Si les travaux de la commission sont ouverts aux sénateurs qui n'en sont pas membres, je précise que ceux-ci ne votent pas. La décision reste à la commission. Ils peuvent néanmoins défendre leurs amendements et participer aux débats.

Si la proposition de résolution est adoptée, cette procédure deviendra permanente.

Je précise qu'une innovation est introduite, qui permet de n'appliquer la nouvelle procédure qu'à une partie seulement d'un texte, sur décision de la conférence des présidents. Quant à la séance, seuls des amendements de coordination ou tendant à assurer le respect de la Constitution ou la correction d'une erreur matérielle pourraient être présentés, si nécessaire.

Cette proposition de résolution a fait l'objet d'une concertation très approfondie par le Président du Sénat, mais aussi par moi-même, puisque j'ai entendu tous les présidents de groupe et tous les présidents de commission. C'est pourquoi je suis convaincu que nous pouvons l'adopter sans changement substantiel, sous réserve de quelques aménagements.

M. François Pillet , président . - Merci de ce propos introductif qui rafraîchit la mémoire des sénateurs présents depuis au moins trois ans et qui présente cette procédure particulière aux nouveaux sénateurs. Le double veto est de nature à rassurer tout le monde, car il sera toujours possible de revenir à la procédure normale.

M. Pierre-Yves Collombat . - J'ai noté les premiers mots du rapporteur : « Le Président de la République a souhaité ». Quel curieux régime démocratique, dans lequel le Président de la République peut souhaiter influencer le fonctionnement du Parlement. Aux États-Unis, il aurait été renvoyé dans ses buts !

Les problèmes de fonctionnement de notre système sont-ils le fait du caractère bavard de nos interventions ou de l'encombrement de l'ordre du jour par des propositions de loi ? Il me semble que les projets de loi représentent pourtant 95 % de nos travaux. C'est par ce flux intarissable qu'il faudrait commencer. Un vice-président du Conseil d'État disait, il est vrai, que la loi était le moyen le moins onéreux de répondre à un problème...

La distinction entre textes techniques et textes politiques me paraît douteuse. Derrière des formulations techniques se cachent parfois des choix fondamentaux. Il ne faudrait pas que l'on aille vers une adoption d'amendements en catimini.

Notre expérimentation est réduite. Celle que j'ai vécue m'a parue satisfaisante, mais parce qu'un consensus s'était dégagé.

S'agissant de la proposition de résolution, je note les évolutions positives de sa rédaction, qui apportent des garanties de nature à calmer les débats. En revanche, il est malvenu de réduire le temps de parole des explications de vote en séance de sept à cinq minutes. Il faut qu'il y ait au moins un endroit où l'on puisse expliquer la position de chaque groupe. Si celle-ci est technique, elle ne peut pas être bien expliquée en cinq minutes.

M. Jean-Pierre Sueur . - Notre groupe avait voté en faveur de l'expérimentation. De manière générale, il est bon de donner plus de pouvoir aux commissions, comme c'est le cas dans nombre de parlements étrangers. Cela n'enlève rien à nos futurs débats constitutionnels.

Faisons attention à ce que le coeur du travail parlementaire soit préservé, avec la navette, ce qui n'est pas antinomique d'une place accrue du travail en commission. Le dispositif présente toutes garanties, avec le droit d'opposition des groupes, et nous avons aujourd'hui sept groupes. La liberté des groupes est intégralement préservée. D'ailleurs, l'ensemble des groupes ont plusieurs fois été favorables à la procédure de législation en commission.

Il est également important que la séance d'examen en commission soit publique, comme la séance publique.

Nous avons déposé trois amendements d'ordre technique.

Mme Françoise Gatel . - Il est positif d'expérimenter et de s'interroger sur la procédure législative, qui nécessite de temps en temps une révision. L'expérimentation favorise un avis motivé sur la proposition de résolution. D'aucuns critiqueront une législation en catimini, mais parfois, à une heure du matin, bien que nous soyons dans l'hémicycle, nos échanges, si intéressants soient-ils, se font devant un auditoire confidentiel...

L'ouverture de la réunion à tous les sénateurs et la publicité des débats sont des éléments de sécurité primordiaux, de même que l'exclusion de certains textes de la possibilité de faire l'objet de cette procédure.

Nous pouvons nous engager dans une modernisation de la procédure législative et une revalorisation des commissions sereinement, puisque la liberté des groupes est tout à fait garantie. La grande sagesse du Sénat me pousse à être favorable à cette procédure, qui sera mise en oeuvre avec discernement. Cela n'aurait pas été le cas dans d'autres instances...

Mme Agnès Canayer . - Le constat de la nécessité d'améliorer le travail parlementaire est partagé. La procédure de législation en commission a été testée. Au sein du Bureau du Sénat, sous la houlette de Mme Valérie Létard, un groupe réfléchit à ces questions et notamment à cette proposition de résolution. Des garde-fous garantissent les droits de l'opposition et de l'ensemble des groupes, dans une vision équilibrée.

Plus prosaïquement, il faut aussi dédier à cette procédure un lieu plus solennel que nos salles de commissions exiguës.

M. François Pillet , président . - Rassurez-vous, les salles Clemenceau ou Médicis seront privilégiées.

Mme Josiane Costes . - Le groupe RDSE est tout à fait d'accord avec cette proposition de résolution, compte tenu de ces garde-fous, qui nous conviennent.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-8 est de clarification rédactionnelle.

L'amendement rédactionnel COM-8 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-4 , qui prévoit que l'auteur de la proposition de loi puisse demander lui-même son examen selon la procédure de législation en commission. Cette décision est prise en conférence des présidents. Il appartiendra à l'auteur de la proposition de loi de convaincre son président de groupe ou de commission que celle-ci mérite l'examen selon cette procédure.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je suis réservé à l'égard de l'amendement COM-1 . Si nous faisons l'inventaire des catégories de textes qui ne feront pas l'objet de cette procédure d'examen, nous devrons longuement réfléchir à une énumération limitative. Je suis d'accord que jamais une révision constitutionnelle ne doive faire l'objet de cette procédure, mais j'ai suffisamment confiance en la conférence des présidents pour ne pas appliquer la procédure de législation en commission à une proposition de révision constitutionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur . - Le texte en vigueur prévoit cette limitation pour les projets de loi constitutionnelle. Si l'on a cru devoir l'écrire, il est logique d'adopter la même attitude pour les propositions de loi.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Monsieur Sueur, je reconnais que votre position n'est pas inacceptable. J'en ai pris une autre. La procédure garantit qu'il n'y aura pas de révision constitutionnelle ainsi.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Avis défavorable à l'amendement COM-5 , qui accorde le droit de veto à soixante sénateurs. Le droit de veto, notamment, de chaque président de groupe est suffisant, d'autant qu'il suffit d'être dix pour constituer un groupe.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Il n'y a pas de raison de distinguer les textes déposés d'abord au Sénat ou d'abord à l'Assemblée nationale pour appliquer cette procédure. Avis défavorable à l'amendement COM-6 .

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je souhaite interroger le rapporteur sur l'alinéa 9 de la proposition de résolution. Que comprenez-vous de la non-obligation de présence du Gouvernement ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Nous avons seulement repris la règle appliquée pendant l'expérimentation. Lors des débats qui ont eu lieu selon cette procédure, la faculté de présence du Gouvernement s'est transformée en présence automatique d'un ministre.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je me réjouis de l'attitude constante de la commission des lois sur ce sujet. Dans la procédure normale, aucun ministre n'est venu en commission pour l'établissement du texte, sauf à deux ou trois reprises. Nous avons montré que nous n'avions pas apprécié cette venue. Cela permet un travail plus serein en commission. Le pouvoir exécutif est déjà omniprésent en séance publique, c'est suffisant.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-9 précise que seules les motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité et la question préalable peuvent être présentées en commission, à l'exception de la motion tendant au renvoi en commission et des motions préjudicielles et incidentes. Il s'agit également de préciser la suite de la procédure, dès lors que la commission rejette un texte : elle aura bien statué sur le texte, conformément à l'article 42 de la Constitution et ce sera un retour à la procédure normale.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Mon amendement COM-10 est de simplification.

L'amendement COM-10 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-2 ajoute l'obligation de réunir la conférence des présidents en cas de retour à la procédure normale après l'examen en commission. Ce n'est pas nécessaire.

M. Jean-Pierre Sueur . - C'était un scrupule. Je souhaitais que le passage de la procédure en commission à la procédure normale ne se traduise pas par une restriction du délai de dépôt des amendements en séance publique. La sagesse y pourvoira.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je le pense aussi.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Les amendements rédactionnels COM-11 et COM-12 sont adoptés.

Article additionnel après l'article unique

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-3 limite le nombre de textes susceptibles d'être inscrits par un groupe dans son espace réservé. Nous sortons de notre sujet. Demande de retrait.

M. Jean-Pierre Sueur . - Nous nous sommes mis d'accord pour que deux projets ou propositions de loi au maximum soient inscrits, dans la mesure où un seul texte a déjà du mal à être voté, surtout si un groupe qui s'y oppose dépose de nombreux amendements, ce qui est son droit. Nous avions envisagé cette question à la lumière nouvelle de la procédure de législation en commission, qui permettrait d'examiner plus de textes. Néanmoins j'accepte de le retirer.

L'amendement COM-3 est retiré.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM- 7 est satisfait par les dispositions actuelles de notre règlement sur le mécanisme de retenue financière et l'interprétation qui en a été faite dès ses débuts en cas d'absences en commission. Cet amendement veut prendre en compte la procédure de législation en commission dans ce mécanisme. Il n'y a pas de retenue si l'absence est provoquée par la participation à une autre commission, en l'espèce en cas d'examen d'un texte selon la procédure de législation en commission. J'espère apaiser nos collègues sur ce point.

L'amendement COM- 7 n'est pas adopté.

M. Pierre-Yves Collombat . - Le groupe CRCE votera contre cette proposition de résolution dans la mesure où nous ne pouvons pas laisser croire que le dysfonctionnement de la procédure législative est imputable au Parlement. Nous ne pouvons pas accepter d'intérioriser ces accusations.

La proposition de résolution est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BAS, rapporteur

8

Clarification rédactionnelle

Adopté

M. GRAND

4

Possibilité pour l'auteur d'une proposition de loi de demander son examen selon la procédure de législation en commission

Rejeté

M. LECONTE

1

Impossibilité d'appliquer la procédure de législation en commission aux propositions de loi constitutionnelle

Rejeté

M. GRAND

5

Possibilité pour soixante sénateurs de s'opposer à la procédure de législation en commission

Rejeté

M. GRAND

6

Impossibilité d'appliquer la procédure de législation en commission pour la première lecture des textes déposés en premier lieu au Sénat

Rejeté

M. BAS, rapporteur

9

Motions susceptibles d'être présentées en commission et suite de la procédure en cas de rejet du texte en commission

Adopté

M. BAS, rapporteur

10

Simplification

Adopté

M. LECONTE

2

Obligation de réunir la conférence des présidents en cas de retour à la procédure normale

Rejeté

M. BAS, rapporteur

11

Rédactionnel

Adopté

M. BAS, rapporteur

12

Rédactionnel

Adopté

Articles additionnels après l'article unique

M. LECONTE

3

Nombre de textes susceptibles d'être inscrits par un groupe dans son espace réservé

Retiré

M. GRAND

7

Prise en compte de la procédure de législation en commission dans le mécanisme de retenue financière en cas d'absences en commission

Rejeté

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