EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Dans son récent avis budgétaire sur la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteur a rappelé l'ampleur et la persistance de la crise migratoire : alors que le nombre de demandeurs d'asile augmente de manière continue depuis dix ans, les réponses apportées par les gouvernements successifs sont restées ponctuelles et souvent insuffisantes 1 ( * ) .

Les déplacements de sept membres de votre commission à Lille et Bruxelles les 8 et 9 janvier 2018 n'ont pas remis en cause ce constat, bien au contraire.

Les difficultés observées lors de la visite du centre de rétention administrative (CRA) de Lesquin et de la rencontre avec les services préfectoraux sont claires : sursollicitation des personnels en charge des politiques migratoires, complexité extrême des procédures, taux dérisoire d'exécution des mesures d'éloignement, hausse des comportements violents à l'intérieur des centres d'accueil et des lieux de rétention, etc . Les demandeurs d'asile sont ainsi les premières victimes de dispositifs migratoires à bout de souffle.

Dès lors, la mise en oeuvre du droit d'asile doit être repensée dans sa globalité. Le projet de loi annoncé par le Gouvernement pour le printemps 2018 constituera une première étape, s'il est suffisamment ambitieux pour traiter de l'ensemble de la question migratoire et simplifier substantiellement les procédures.

À lui seul, ce projet de loi ne sera toutefois pas suffisant. Outre le manque de moyens consacrés aux politiques migratoires et les efforts diplomatiques à réaliser, il devient urgent de réformer le régime d'asile européen pour le rationaliser mais également pour prévoir davantage de solidarité entre les États membres.

Adoptée le 7 décembre 2017 par l'Assemblée nationale, la proposition de loi n° 149 (2017-2018) de notre collègue député Jean-Luc Warsmann n'a pas pour objet de régler l'ensemble des difficultés constatées en matière migratoire. Elle vise toutefois à remédier à un problème majeur pour les préfectures : la fragilisation des procédures de réadmission des demandeurs d'asile vers les États responsables du traitement de leur dossier (Allemagne, Italie, Belgique, Suisse, etc .), en application du règlement européen « Dublin III ».

Le régime d'asile européen commun s'organise autour du principe selon lequel un seul État européen devrait être compétent pour l'examen d'une demande d'asile. Le règlement « Dublin III » précise les critères permettant de déterminer quel est cet État (très généralement, le premier dont l'étranger a franchi les frontières) et prévoit les modalités de transfert des étrangers « dublinés » depuis un autre État vers celui responsable du traitement de la demande.

En France, à ce jour, seuls 9 % de ces demandeurs d'asile sont réellement transférés vers l'État responsable de leur demande. Les autres « dublinés » sont finalement admis, au bout d'une procédure de plusieurs mois, à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce qui engorge ce dernier et complique un peu plus son travail. Comme l'a récemment déclaré son directeur, M. Pascal Brice, « l'OFPRA subit de plein fouet les failles du système européen de l'asile » 2 ( * ) .

Votre commission a précisé et adopté les dispositions de cette proposition de loi, qu'elle juge indispensables à la mise en oeuvre efficace des procédures « Dublin ». Prenant acte d'une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, elle a également sécurisé l'assignation à résidence des personnes faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire.

I. FORTEMENT SOLLICITÉS, LES ACCORDS DE DUBLIN SONT AUJOURD'HUI À BOUT DE SOUFLE

D'après l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la France a enregistré 100 412 demandes d'asile en 2017. Signe de l'ampleur de la crise migratoire, ce nombre est en hausse de 17 % par rapport à 2016 et de 90 % par rapport à 2010.

Nombre de demandes d'asile enregistrées en France (flux)

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données de l'OFPRA

Ces chiffres n'intègrent pas totalement les migrants « dublinés » , l'instruction de la demande d'asile relevant en théorie d'un autre État européen, non de l'OFPRA 3 ( * ) . Ils prennent uniquement en compte les « dublinés », dont la décision de transfert n'a pas été exécutée dans les délais impartis par le règlement « Dublin III » 4 ( * ) , non les migrants effectivement transférés vers un autre État.

Au total, 25 963 procédures « Dublin » ont été engagées sur le territoire national en 2016 : 24 643 n'ont pas abouti et sont donc prises en compte dans les chiffres de l'OFPRA, contrairement aux 1 320 qui ont été suivies d'un transfert effectif des intéressés vers un autre État.

À l'instar des autres pays européens, la France fait face à une intensification des « mouvements migratoires secondaires » , aussi qualifiés de « flux de rebond » : un nombre croissant de migrants se déplacent de l'État européen responsable du traitement de leur demande d'asile vers d'autres pays, dans lesquels ils souhaitent s'installer.

A. LES ACCORDS DE DUBLIN : DÉTERMINER L'ÉTAT COMPÉTENT POUR EXAMINER UNE DEMANDE D'ASILE

1. Les principaux objectifs des accords de Dublin

Depuis le Conseil européen de Tampere en 1999, l'Union européenne construit un régime d'asile européen commun (RAEC) , respectant les stipulations de la convention de Genève de 1951 5 ( * ) et les principes constitutionnels des États membres 6 ( * ) .

Ce régime d'asile européen commun repose sur un principe cardinal : un seul État est compétent pour l'examen d'une demande d'asile . Fixé par la convention de Dublin du 15 juin 1990, ce principe a été mis en oeuvre par trois règlements européens en 2000 7 ( * ) , 2003 (« Dublin II ») 8 ( * ) et 2013 (« Dublin III ») 9 ( * ) .

À titre d'exemple, une personne ayant déposé sa demande d'asile en Grèce avant de se rendre en France doit être « réadmise » vers la Grèce, seul pays compétent pour l'examen de sa demande d'asile .

Trente-deux États appliquent aujourd'hui les accords de Dublin : les vingt-huit pays de l'Union européenne, la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein. Ces accords ne sont toutefois pas applicables dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer, conformément à l'article 43 du règlement « Dublin III » précité.

Périmètre des accords de Dublin

Source : Commission européenne

Les accords de Dublin poursuivent deux objectifs complémentaires :

- coordonner les politiques d'asile des États européens pour s'assurer que toutes les demandes déposées sont effectivement examinées conformément au principe de non-refoulement de la convention de Genève 10 ( * ) ;

- lutter contre un éventuel « forum shopping » , c'est-à-dire éviter qu'un demandeur d'asile entre dans l'espace « Dublin » via les pays dont les frontières sont les plus poreuses avant de déposer son dossier dans l'État lui offrant la plus grande probabilité d'obtenir une protection internationale ou les meilleures conditions d'accueil.

2. Les outils des accords de Dublin : des critères hiérarchisés de détermination de l'État responsable et la base de données « Eurodac »

Pour déterminer l'État responsable du traitement de la demande d'asile, le règlement « Dublin III » fixe une liste de huit critères hiérarchisés , présentés dans le tableau ci-après et prenant en compte la situation familiale du demandeur ainsi que son parcours personnel et migratoire .

Ainsi, le pays chargé d'examiner la demande d'un mineur non accompagné est celui où se trouvent un membre de sa famille 11 ( * ) , ses frères, ses soeurs ou ses proches, pour autant que ce soit dans l'intérêt de l'enfant (critère n° 1).

En pratique, deux critères prédominent, l'État responsable étant généralement :

- celui ayant préalablement octroyé un titre de séjour ou un visa à l'étranger , ce qui inclut l'attestation de dépôt d'une demande d'asile (critère n° 5) ;

- ou celui dans lequel le demandeur a franchi irrégulièrement une frontière terrestre, maritime ou aérienne de l'espace « Dublin » (critère n° 6).

La prise ou la reprise en charge

Le règlement « Dublin III » distingue deux procédures dans l'application des critères de détermination de l'État responsable :

- la prise en charge , qui s'applique notamment aux étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace « Dublin » (articles 21 et 22 du règlement « Dublin III ») ;

- la reprise en charge , lorsque l'étranger a déjà déposé une demande d'asile dans un autre État « Dublin », que cette demande soit en cours d'examen ou ait été retirée ou rejetée (articles 23 à 25 du règlement précité).

En pratique, ces deux procédures sont relativement proches. Elles se distinguent uniquement par les délais applicables (voir infra) .

Les règles de détermination de l'État responsable connaissent toutefois deux tempéraments fixés par les articles 16 et 17 du règlement « Dublin III ».

En premier lieu, le principe des « personnes à charge » implique que tout demandeur d'asile en état de grossesse ou de vieillesse ou atteint d'une maladie ou d'un handicap graves ait le droit de déposer une demande auprès de l'État dans lequel se trouvent les membres de sa famille. La mise en oeuvre de ce principe permet ainsi de maintenir l'unité de famille d'une personne en état de dépendance 12 ( * ) .

En second lieu, la « clause discrétionnaire » permet à un État partie aux accords de « Dublin » d'instruire une demande d'asile alors même que cet examen relève d'un autre État partie en application du droit européen.

Critères du règlement « Dublin III »

Ordre hiérarchique

Personne concernée

État responsable

Article du règlement

Observations

1

Mineur non accompagné

État où se trouvent un membre de sa famille, ses frères, ses soeurs ou ses proches
(pour autant que ce soit dans l'intérêt de l'enfant)

8

Au sens du règlement, la « famille » comprend le conjoint du demandeur d'asile, ses enfants et, pour un demandeur mineur, ses parents.

Les « proches » sont sa tante, son oncle et ses grands-parents

2

Demandeur d'asile dont les membres de la famille sont protégés par un État

État protégeant les autres membres de la famille

9

Le demandeur d'asile doit exprimer par écrit le souhait que sa demande d'asile soit examinée dans cet État

3

Demandeur dont les membres de la famille ont déposé une demande d'asile dans un État

État ayant enregistré la demande d'asile des membres de la famille

10

4

Demandeurs d'une même famille et frères ou soeurs mineurs déposant simultanément une demande d'asile dans plusieurs États

État désigné responsable de la prise en charge du plus grand nombre de ces demandeurs ou responsable du plus âgé d'entre eux

11

5

Demandeur titulaire d'un titre de séjour ou d'un visa en cours de validité

État ayant délivré ce titre de séjour ou ce visa 13 ( * )

12

Ce critère s'applique également lorsque le titre de séjour est périmé depuis moins de deux ans ou que le visa est périmé depuis moins de six mois

6

Demandeur ayant franchi irrégulièrement une frontière terrestre, maritime ou aérienne

État par lequel le demandeur est entré dans l'espace « Dublin »

13

La responsabilité de cet État prend fin douze mois après le franchissement irrégulier de la frontière

En l'absence d'information sur les conditions de franchissement de la frontière : l'État dans lequel le demandeur a séjourné au moins 5 mois

7

Demandeur entré sur le territoire d'un État dans lequel il est exempté de l'obligation de visa

État ayant exempté le demandeur de visa

14

8

Demandeur présentant son dossier dans la zone de transit international d'un aéroport

État dans lequel se situe l'aéroport

15

Source : commission des lois du Sénat, à partir du règlement « Dublin III »

Pour mettre en oeuvre les huit critères du règlement « Dublin III », les États ont recours à un faisceau d'indices et de preuves dont la liste est fixée par la Commission européenne 14 ( * ) (cachets d'entrée sur un passeport, titres de séjour délivrés, documents prouvant un lien de parenté, déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur, etc .). Ils échangent ces informations au moyen du réseau de communication électronique européen « DubliNet » , opérationnel depuis le 1 er septembre 2003.

Dans les faits, l'essentiel des informations est recueilli à partir de la base de données dactyloscopique « Eurodac » 15 ( * ) , qui comprend les empreintes digitales des étrangers ayant déposé une demande d'asile dans l'espace « Dublin », ayant irrégulièrement franchi une frontière extérieure de ce même espace ou y séjournant illégalement.

Fonctionnement de la base de données « Eurodac »

- Les étrangers concernés et la durée de conservation des données

Catégorie 1

Catégorie 2

Catégorie 3

Étrangers concernés

Demandeurs d'asile

Étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace « Dublin »

Étrangers séjournant illégalement sur le territoire d'un État membre

Administration responsable en France

Préfectures

Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), uniquement à Roissy-Charles de Gaulle et Orly

DCPAF et préfectures

Durée
de conservation
des données

10 ans

18 mois

Pas de conservation

- Comparaison de données dans « EURODAC »

Source : « Biométrie : mettre la technologie au service des citoyens », rapport n° 788 (2015-2016)
fait par MM. François Bonhomme et Jean-Yves Leconte au nom de la commission des lois du Sénat 16 ( * )

3. La procédure applicable sur le territoire français

Le règlement « Dublin III » détermine la procédure applicable lorsque l'examen du dossier d'un demandeur d'asile présent en France relève d'un autre État.

Depuis 2015 17 ( * ) , ses modalités d'application sont précisées par les articles L. 742-1 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) . Comme l'indiquait votre rapporteur, « bien qu'il s'agisse d'un règlement, texte d'application directe, sa mise en oeuvre sur le territoire français nécessite des adaptations du droit national (...). Il implique en effet, d'une part, la vérification dès l'enregistrement de la demande de la compétence de la France pour l'examen de la demande d'asile et, d'autre part, l'instauration d'un recours effectif contre une décision de transfert » 18 ( * ) .

a) Le placement sous procédure « Dublin » et la détermination de l'État européen responsable de l'examen de la demande d'asile

Après un pré-accueil par une des plates-formes d'accueil pour demandeurs d'asile (PADA) gérées par une association, un demandeur d'asile se voit remettre une convocation en préfecture. En principe, ce rendez-vous en préfecture doit être organisé dans les trois jours. En pratique, les délais sont souvent beaucoup plus longs : environ un mois à Paris, près de deux mois à Lille.

Le dépôt formel de la demande d'asile s'effectue auprès des agents d'un guichet unique pour demandeurs d'asile (GUDA) de la préfecture dont relève le lieu de résidence de l'étranger. Il existe 34 guichets uniques répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain 19 ( * ) , réunissant agents de la préfecture et agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Il est alors procédé au relevé des empreintes digitales du demandeur d'asile 20 ( * ) , qui est également reçu pour un entretien individuel .

L'étranger est placé sous procédure « Dublin » s'il existe une probabilité, au regard de sa situation familiale ou de son parcours personnel et migratoire, que l'examen de sa demande d'asile relève d'un autre État.

Il est alors informé de ses droits par la transmission de deux brochures rédigées par la Commission européenne et intitulées : « J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ? » et « Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ? ».

Une attestation spécifique est délivrée à l'étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin ». S'il ne permet pas de circuler librement dans les autres États de l'Union européenne, ce document donne le droit de se maintenir sur le territoire français et, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État 21 ( * ) , de se voir octroyer l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et une place dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) 22 ( * ) .

Si un autre État « Dublin » a déjà enregistré les empreintes de l'étranger dans la base de données « Eurodac », la France dispose de deux mois pour saisir cet État d'une requête aux fins de prise ou de reprise en charge du demandeur. Dans le cas contraire, le délai de saisine, par la France, de l'autre l'État « Dublin » est porté à trois mois.

Pendant la procédure de détermination de l'État responsable , et dans l'attente de la réponse du pays saisi, la préfecture peut placer l'étranger sous une assignation à résidence ad hoc , spécialement prévue pour les procédures « Dublin » ( article L. 742-2 du CESEDA ). Cette assignation à résidence est prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois pour la même durée , les recours étant jugés selon les règles de droit commun applicables devant la juridiction administrative 23 ( * ) .

En pratique, cette assignation à résidence ad hoc est très peu utilisée . Elle n'est par exemple ni mise en oeuvre par la préfecture de police de Paris ni par la préfecture du Nord.

Un étranger placé sous procédure « Dublin » ne peut être placé en rétention à ce stade , c'est-à-dire tant que la préfecture n'a pas déterminé l'État chargé d'examiner sa demande d'asile et adopté une décision de transfert vers cet État 24 ( * ) .

b) La décision de transfert et la réadmission

L'État saisi par la France d'une requête « Dublin » dispose de deux semaines à un mois (reprise en charge) ou de un mois (prise en charge) 25 ( * ) pour répondre à cette requête. Son silence vaut acceptation 26 ( * ) .

Si cet État se déclare compétent pour examiner la demande d'asile de l'étranger, l'autorité administrative prend une décision de transfert vers ce pays. À l'inverse, si l'État saisi se déclare incompétent, l'étranger est autorisé à déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Le transfert d'un « dubliné » doit être effectué dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de transfert, délai porté à un an si l'étranger est incarcéré et à dix-huit mois s'il a pris la fuite 27 ( * ) .

Si la France ne respecte pas les délais de transfert définis par le règlement « Dublin III », l'étranger peut déposer sa demande d'asile auprès de l'OFPRA .

Une fois la décision de transfert notifiée, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'étranger peut être :

- assigné à résidence , selon les règles de droit commun applicables à l'ensemble des étrangers dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois (article L. 561-2 du CESEDA) . En pratique, cette assignation à résidence est souvent prononcée dans les locaux d'hébergement d'urgence ou ceux des associations ;

- placé en rétention, pour une durée maximale de 45 jours . La rétention demeure l'exception et non la règle : elle est ordonnée uniquement lorsque l'étranger ne présente pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite.

En cas de placement en rétention, le délai accordé à la France pour procéder au transfert du « dubliné » vers l'État responsable est réduit de six mois à six semaines 28 ( * ) .

En l'absence de recours, la durée d'une procédure « Dublin » peut être comprise entre 255 et 690 jours .

Les recours contre la décision de transfert sont régis par un régime contentieux particulier et exclusif de tout autre type de recours (article L. 742-4 du CESEDA).

Cette décision peut être contestée dans un délai de quinze jours devant le président du tribunal administratif, qui statue lui-même dans un délai de quinze jours. Par exception, en cas de rétention ou d'assignation à résidence , le recours doit être introduit dans un délai maximal de 48 heures et est jugé en 72 heures .

Jusqu'à la décision du juge administratif, l'introduction d'un recours interrompt le délai dont la France dispose pour procéder au transfert de l'étranger vers le pays responsable de l'examen de la demande d'asile 29 ( * ) .

Enfin, les conditions de rétention d'un « dubliné » sont contrôlées par le juge des libertés et de la détention (JLD) dans les conditions du droit commun 30 ( * ) .

Les phases de la procédure « Dublin »

Les délais impartis pour le traitement d'une procédure « Dublin »

(harmonisés en jours, et en l'absence de recours)

Saisine de l'autre État

Délai de réponse de l'autre État

Délai de transfert

(trois possibilités alternatives)

Total

Procédure normale

En cas d'emprison-nement

En cas
de fuite

Prise
en charge

Avec Eurodac

60

60*

180

360

540

Entre 300 et 660

Sans Eurodac

90

60*

180

360

540

Entre 330 et 690

Reprise
en charge

Avec Eurodac

60

15

180

360

540

Entre 255 et 615

Sans Eurodac

90

30

180

360

540

Entre 300 et 660

Si rétention (Prise ou reprise en charge)

-

(Pas de rétention en France avant la décision de transfert)

42

Entre 117 et 192

* L'État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence (dans les cas où la demande de protection internationale a été introduite à la suite d'un refus d'entrée ou de séjour, d'une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l'exécution d'une mesure d'éloignement), l'autre État devant répondre dans un délai d'un mois.

NB : le total est obtenu en additionnant les délais de saisine de l'autre État, le délai de réponse de ce dernier et le délai de transfert

Source : commission des lois du Sénat, à partir du règlement « Dublin III » et du CESEDA


* 1 Avis budgétaire n° 114 (2017-2018) sur le projet de loi de finances pour 2018 (asile, immigration, intégration et nationalité), fait au nom de la commission des lois du Sénat, et consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf.

* 2 Interview donnée au journal Le Monde le 8 janvier 2018.

* 3 Article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), voir infra .

* 4 Dans cette hypothèse, l'étranger concerné est autorisé à déposer une demande d'asile en France, auprès de l'OFPRA.

* 5 Convention relative au statut des réfugiés.

* 6 À titre d'exemple, l'article 53-1 de la Constitution française dispose que la France peut accorder l'asile à « tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif », même si les critères de protection fixés par le régime d'asile européen commun ou la convention de Genève ne seraient pas remplis.

* 7 Règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin.

* 8 Règlement CE n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

* 9 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 10 L'article 33 de la convention de Genève stipule qu'aucun « des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

* 11 Le terme de « famille » étant entendu au sens du règlement « Dublin III » précité. Voir le tableau ci-après pour plus de précisions.

* 12 Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), 6 novembre 2012, K contre Bundesasylamt , affaire C-245/11.

* 13 Si plusieurs État ont délivré un titre de séjour ou un visa, l'État responsable est celui ayant accordé le titre ou le visa le plus long ou, si leur durée de validité est identique, le titre ou le visa dont l'expiration est la plus lointaine.

* 14 Règlement d'exécution (UE) n° 118 /2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

* 15 Base de données régie par le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013.

* 16 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r15-788/r15-7881.pdf.

* 17 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 18 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, p. 23.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf.

* 19 Article R. 741-1 du CESEDA et arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement.

* 20 Le recueil d'empreintes est toutefois interdit pour les étrangers de moins de 14 ans (article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précité).

* 21 Le Conseil d'État ayant considéré comme contraire au droit communautaire le fait d'exclure les étrangers placés en procédure « Dublin » des dispositifs d'accueil des demandeurs d'asile (Conseil d'État, 17 avril 2013, Cimade-Gisti, n° 335924).

* 22 Articles L. 744-1, L. 744-9 et R. 742-2 du CESEDA. À l'inverse, les étrangers placés sous procédure « Dublin » ne peuvent pas être hébergés dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) (article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles).

* 23 Conseil d'État, 28 décembre 2017, avis n° 411820.

* 24 Conseil d'État, 19 juillet 2017, avis n° 408919. Voir infra pour plus de précisions.

* 25 Une procédure d'urgence est toutefois prévue pour les prises en charge. Si elle est enclenchée, le pays saisi dispose d'une semaine à un mois pour se déclarer ou non compétent sur la demande d'asile (article 21 du règlement « Dublin III »).

* 26 Articles 22 et 25 du règlement « Dublin III ».

* 27 Articles 29 et 30 du règlement « Dublin III ».

* 28 Article 28 du règlement « Dublin III » précité.

* 29 Conseil d'État, 8 novembre 2017, n°  415178

* 30 Voir infra l'encadré sur le séquençage de la rétention.

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