Rapport n° 218 (2017-2018) de M. François-Noël BUFFET , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 janvier 2018

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N° 218

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2018

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , permettant une bonne application du régime d' asile européen ,

Par M. François-Noël BUFFET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Sébastien Leroux, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

331 , 427 et T.A. 45

Sénat :

149 et 219 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 17 janvier 2018, sous la présidence de M. Philippe Bas , la commission des lois a examiné le rapport de M. François-Noël Buffet , rapporteur, et établi son texte sur la proposition de loi n° 149 (2017-2018) , adoptée par l'Assemblée nationale le 7 décembre 2017, permettant une bonne application du régime d'asile européen .

- Le règlement « Dublin » : un seul État responsable de la demande d'asile

Le régime d'asile européen commun (RAEC) repose sur un principe cardinal : un seul État est compétent pour l'examen d'une demande d'asile.

Huit critères hiérarchisés sont prévus pour déterminer l'État responsable de l'examen de la demande (pays d'entrée dans l'espace « Dublin », localisation des membres de la famille...). En pratique, le régime « Dublin » fonctionne principalement à partir des prises d' empreintes digitales des demandeurs, enregistrées dans la base de données Eurodac .

Au total, 25 963 procédures « Dublin » ont été engagées sur le territoire française en 2016, soit une multiplication par cinq du nombre de « dublinés » par rapport à l'année 2014 .

- Un régime « Dublin » à bout de souffle

L'application du règlement « Dublin « rencontre aujourd'hui de nombreuses difficultés, tant à l'échelle européenne qu'à l'échelle nationale.

À l'échelle européenne, elle pèse particulièrement sur un nombre restreint d'États comme la Grèce, l'Italie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie.

En réaction, certains États développent des stratégies d'évitement pour ne pas être déclarés responsables de demandes d'asile. Seuls 23 % des franchissements irréguliers d'une frontière extérieure de l'Union européenne font l'objet d'un prélèvement d'empreintes digitales.

À l'échelle nationale , la jurisprudence a :

. rappelé que le droit français ne permettait pas en l'état le placement en rétention des étrangers sous procédure « Dublin » en amont de la décision de transfert , leur rétention étant seulement possible après notification de cette décision ;

. remis en cause le placement en rétention des « dublinés », même après la décision de transfert .

En 2016, sur les 14 308 procédures « Dublin » ayant reçu l'accord de l'État responsable, seules 1 320 ont abouti à un transfert, soit 9 % .

- La proposition de loi : sécuriser les procédures françaises

La proposition de loi vise à autoriser le placement en rétention d'un étranger dès le début de la procédure « Dublin » , sans devoir attendre la notification de la décision de transfert.

Elle tend, en outre, à sécuriser le placement en rétention des « dublinés » , que cette mesure soit notifiée après la décision de transfert (état du droit) ou en amont (ajout du texte transmis au Sénat).

- La position de la commission des lois

La commission considère qu'il est urgent de faire évoluer la loi pour sécuriser le placement en rétention des « dublinés » : les services de l'État sont aujourd'hui démunis face à l'augmentation du nombre de procédures « Dublin » et leur difficile mise en oeuvre.

Les moyens alloués aux centres de rétention administrative (CRA) par la loi de finances initiale pour 2018 sont toutefois insuffisants : les crédits dédiés au fonctionnement hôtelier des CRA sont inférieurs à l'exécution constatée en 2016.

Sur proposition de son rapporteur, la commission a adopté neuf amendements visant à :

. lutter plus efficacement contre les refus de prise d'empreintes digitales, qui minent l'efficacité des procédures (article 1 er ) ;

. faciliter l'organisation matérielle des visites domiciliaires , qui permettent de s'assurer de la présence d'un étranger assigné à résidence, sans avoir recours à la rétention (article 1 er ) ;

. accélérer les procédures , par la réduction de quinze à sept jours du délai de saisine du juge administratif contre une décision de transfert, en l'absence d'assignation à résidence ou de placement en rétention (article 2) .

. sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire , dont le régime a été fragilisé fin 2017 par une décision du Conseil constitutionnel afin de pouvoir continuer à contrôler la présence sur le territoire d'individus potentiellement dangereux qui, pour certains, ont été condamnés pour des actes de terrorisme (nouvel article 3) .

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Dans son récent avis budgétaire sur la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteur a rappelé l'ampleur et la persistance de la crise migratoire : alors que le nombre de demandeurs d'asile augmente de manière continue depuis dix ans, les réponses apportées par les gouvernements successifs sont restées ponctuelles et souvent insuffisantes 1 ( * ) .

Les déplacements de sept membres de votre commission à Lille et Bruxelles les 8 et 9 janvier 2018 n'ont pas remis en cause ce constat, bien au contraire.

Les difficultés observées lors de la visite du centre de rétention administrative (CRA) de Lesquin et de la rencontre avec les services préfectoraux sont claires : sursollicitation des personnels en charge des politiques migratoires, complexité extrême des procédures, taux dérisoire d'exécution des mesures d'éloignement, hausse des comportements violents à l'intérieur des centres d'accueil et des lieux de rétention, etc . Les demandeurs d'asile sont ainsi les premières victimes de dispositifs migratoires à bout de souffle.

Dès lors, la mise en oeuvre du droit d'asile doit être repensée dans sa globalité. Le projet de loi annoncé par le Gouvernement pour le printemps 2018 constituera une première étape, s'il est suffisamment ambitieux pour traiter de l'ensemble de la question migratoire et simplifier substantiellement les procédures.

À lui seul, ce projet de loi ne sera toutefois pas suffisant. Outre le manque de moyens consacrés aux politiques migratoires et les efforts diplomatiques à réaliser, il devient urgent de réformer le régime d'asile européen pour le rationaliser mais également pour prévoir davantage de solidarité entre les États membres.

Adoptée le 7 décembre 2017 par l'Assemblée nationale, la proposition de loi n° 149 (2017-2018) de notre collègue député Jean-Luc Warsmann n'a pas pour objet de régler l'ensemble des difficultés constatées en matière migratoire. Elle vise toutefois à remédier à un problème majeur pour les préfectures : la fragilisation des procédures de réadmission des demandeurs d'asile vers les États responsables du traitement de leur dossier (Allemagne, Italie, Belgique, Suisse, etc .), en application du règlement européen « Dublin III ».

Le régime d'asile européen commun s'organise autour du principe selon lequel un seul État européen devrait être compétent pour l'examen d'une demande d'asile. Le règlement « Dublin III » précise les critères permettant de déterminer quel est cet État (très généralement, le premier dont l'étranger a franchi les frontières) et prévoit les modalités de transfert des étrangers « dublinés » depuis un autre État vers celui responsable du traitement de la demande.

En France, à ce jour, seuls 9 % de ces demandeurs d'asile sont réellement transférés vers l'État responsable de leur demande. Les autres « dublinés » sont finalement admis, au bout d'une procédure de plusieurs mois, à déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ce qui engorge ce dernier et complique un peu plus son travail. Comme l'a récemment déclaré son directeur, M. Pascal Brice, « l'OFPRA subit de plein fouet les failles du système européen de l'asile » 2 ( * ) .

Votre commission a précisé et adopté les dispositions de cette proposition de loi, qu'elle juge indispensables à la mise en oeuvre efficace des procédures « Dublin ». Prenant acte d'une jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, elle a également sécurisé l'assignation à résidence des personnes faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire.

I. FORTEMENT SOLLICITÉS, LES ACCORDS DE DUBLIN SONT AUJOURD'HUI À BOUT DE SOUFLE

D'après l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), la France a enregistré 100 412 demandes d'asile en 2017. Signe de l'ampleur de la crise migratoire, ce nombre est en hausse de 17 % par rapport à 2016 et de 90 % par rapport à 2010.

Nombre de demandes d'asile enregistrées en France (flux)

Source : commission des lois du Sénat, à partir des données de l'OFPRA

Ces chiffres n'intègrent pas totalement les migrants « dublinés » , l'instruction de la demande d'asile relevant en théorie d'un autre État européen, non de l'OFPRA 3 ( * ) . Ils prennent uniquement en compte les « dublinés », dont la décision de transfert n'a pas été exécutée dans les délais impartis par le règlement « Dublin III » 4 ( * ) , non les migrants effectivement transférés vers un autre État.

Au total, 25 963 procédures « Dublin » ont été engagées sur le territoire national en 2016 : 24 643 n'ont pas abouti et sont donc prises en compte dans les chiffres de l'OFPRA, contrairement aux 1 320 qui ont été suivies d'un transfert effectif des intéressés vers un autre État.

À l'instar des autres pays européens, la France fait face à une intensification des « mouvements migratoires secondaires » , aussi qualifiés de « flux de rebond » : un nombre croissant de migrants se déplacent de l'État européen responsable du traitement de leur demande d'asile vers d'autres pays, dans lesquels ils souhaitent s'installer.

A. LES ACCORDS DE DUBLIN : DÉTERMINER L'ÉTAT COMPÉTENT POUR EXAMINER UNE DEMANDE D'ASILE

1. Les principaux objectifs des accords de Dublin

Depuis le Conseil européen de Tampere en 1999, l'Union européenne construit un régime d'asile européen commun (RAEC) , respectant les stipulations de la convention de Genève de 1951 5 ( * ) et les principes constitutionnels des États membres 6 ( * ) .

Ce régime d'asile européen commun repose sur un principe cardinal : un seul État est compétent pour l'examen d'une demande d'asile . Fixé par la convention de Dublin du 15 juin 1990, ce principe a été mis en oeuvre par trois règlements européens en 2000 7 ( * ) , 2003 (« Dublin II ») 8 ( * ) et 2013 (« Dublin III ») 9 ( * ) .

À titre d'exemple, une personne ayant déposé sa demande d'asile en Grèce avant de se rendre en France doit être « réadmise » vers la Grèce, seul pays compétent pour l'examen de sa demande d'asile .

Trente-deux États appliquent aujourd'hui les accords de Dublin : les vingt-huit pays de l'Union européenne, la Norvège, l'Islande, la Suisse et le Liechtenstein. Ces accords ne sont toutefois pas applicables dans les départements, régions et collectivités d'outre-mer, conformément à l'article 43 du règlement « Dublin III » précité.

Périmètre des accords de Dublin

Source : Commission européenne

Les accords de Dublin poursuivent deux objectifs complémentaires :

- coordonner les politiques d'asile des États européens pour s'assurer que toutes les demandes déposées sont effectivement examinées conformément au principe de non-refoulement de la convention de Genève 10 ( * ) ;

- lutter contre un éventuel « forum shopping » , c'est-à-dire éviter qu'un demandeur d'asile entre dans l'espace « Dublin » via les pays dont les frontières sont les plus poreuses avant de déposer son dossier dans l'État lui offrant la plus grande probabilité d'obtenir une protection internationale ou les meilleures conditions d'accueil.

2. Les outils des accords de Dublin : des critères hiérarchisés de détermination de l'État responsable et la base de données « Eurodac »

Pour déterminer l'État responsable du traitement de la demande d'asile, le règlement « Dublin III » fixe une liste de huit critères hiérarchisés , présentés dans le tableau ci-après et prenant en compte la situation familiale du demandeur ainsi que son parcours personnel et migratoire .

Ainsi, le pays chargé d'examiner la demande d'un mineur non accompagné est celui où se trouvent un membre de sa famille 11 ( * ) , ses frères, ses soeurs ou ses proches, pour autant que ce soit dans l'intérêt de l'enfant (critère n° 1).

En pratique, deux critères prédominent, l'État responsable étant généralement :

- celui ayant préalablement octroyé un titre de séjour ou un visa à l'étranger , ce qui inclut l'attestation de dépôt d'une demande d'asile (critère n° 5) ;

- ou celui dans lequel le demandeur a franchi irrégulièrement une frontière terrestre, maritime ou aérienne de l'espace « Dublin » (critère n° 6).

La prise ou la reprise en charge

Le règlement « Dublin III » distingue deux procédures dans l'application des critères de détermination de l'État responsable :

- la prise en charge , qui s'applique notamment aux étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace « Dublin » (articles 21 et 22 du règlement « Dublin III ») ;

- la reprise en charge , lorsque l'étranger a déjà déposé une demande d'asile dans un autre État « Dublin », que cette demande soit en cours d'examen ou ait été retirée ou rejetée (articles 23 à 25 du règlement précité).

En pratique, ces deux procédures sont relativement proches. Elles se distinguent uniquement par les délais applicables (voir infra) .

Les règles de détermination de l'État responsable connaissent toutefois deux tempéraments fixés par les articles 16 et 17 du règlement « Dublin III ».

En premier lieu, le principe des « personnes à charge » implique que tout demandeur d'asile en état de grossesse ou de vieillesse ou atteint d'une maladie ou d'un handicap graves ait le droit de déposer une demande auprès de l'État dans lequel se trouvent les membres de sa famille. La mise en oeuvre de ce principe permet ainsi de maintenir l'unité de famille d'une personne en état de dépendance 12 ( * ) .

En second lieu, la « clause discrétionnaire » permet à un État partie aux accords de « Dublin » d'instruire une demande d'asile alors même que cet examen relève d'un autre État partie en application du droit européen.

Critères du règlement « Dublin III »

Ordre hiérarchique

Personne concernée

État responsable

Article du règlement

Observations

1

Mineur non accompagné

État où se trouvent un membre de sa famille, ses frères, ses soeurs ou ses proches
(pour autant que ce soit dans l'intérêt de l'enfant)

8

Au sens du règlement, la « famille » comprend le conjoint du demandeur d'asile, ses enfants et, pour un demandeur mineur, ses parents.

Les « proches » sont sa tante, son oncle et ses grands-parents

2

Demandeur d'asile dont les membres de la famille sont protégés par un État

État protégeant les autres membres de la famille

9

Le demandeur d'asile doit exprimer par écrit le souhait que sa demande d'asile soit examinée dans cet État

3

Demandeur dont les membres de la famille ont déposé une demande d'asile dans un État

État ayant enregistré la demande d'asile des membres de la famille

10

4

Demandeurs d'une même famille et frères ou soeurs mineurs déposant simultanément une demande d'asile dans plusieurs États

État désigné responsable de la prise en charge du plus grand nombre de ces demandeurs ou responsable du plus âgé d'entre eux

11

5

Demandeur titulaire d'un titre de séjour ou d'un visa en cours de validité

État ayant délivré ce titre de séjour ou ce visa 13 ( * )

12

Ce critère s'applique également lorsque le titre de séjour est périmé depuis moins de deux ans ou que le visa est périmé depuis moins de six mois

6

Demandeur ayant franchi irrégulièrement une frontière terrestre, maritime ou aérienne

État par lequel le demandeur est entré dans l'espace « Dublin »

13

La responsabilité de cet État prend fin douze mois après le franchissement irrégulier de la frontière

En l'absence d'information sur les conditions de franchissement de la frontière : l'État dans lequel le demandeur a séjourné au moins 5 mois

7

Demandeur entré sur le territoire d'un État dans lequel il est exempté de l'obligation de visa

État ayant exempté le demandeur de visa

14

8

Demandeur présentant son dossier dans la zone de transit international d'un aéroport

État dans lequel se situe l'aéroport

15

Source : commission des lois du Sénat, à partir du règlement « Dublin III »

Pour mettre en oeuvre les huit critères du règlement « Dublin III », les États ont recours à un faisceau d'indices et de preuves dont la liste est fixée par la Commission européenne 14 ( * ) (cachets d'entrée sur un passeport, titres de séjour délivrés, documents prouvant un lien de parenté, déclarations circonstanciées et vérifiables du demandeur, etc .). Ils échangent ces informations au moyen du réseau de communication électronique européen « DubliNet » , opérationnel depuis le 1 er septembre 2003.

Dans les faits, l'essentiel des informations est recueilli à partir de la base de données dactyloscopique « Eurodac » 15 ( * ) , qui comprend les empreintes digitales des étrangers ayant déposé une demande d'asile dans l'espace « Dublin », ayant irrégulièrement franchi une frontière extérieure de ce même espace ou y séjournant illégalement.

Fonctionnement de la base de données « Eurodac »

- Les étrangers concernés et la durée de conservation des données

Catégorie 1

Catégorie 2

Catégorie 3

Étrangers concernés

Demandeurs d'asile

Étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace « Dublin »

Étrangers séjournant illégalement sur le territoire d'un État membre

Administration responsable en France

Préfectures

Direction centrale de la police aux frontières (DCPAF), uniquement à Roissy-Charles de Gaulle et Orly

DCPAF et préfectures

Durée
de conservation
des données

10 ans

18 mois

Pas de conservation

- Comparaison de données dans « EURODAC »

Source : « Biométrie : mettre la technologie au service des citoyens », rapport n° 788 (2015-2016)
fait par MM. François Bonhomme et Jean-Yves Leconte au nom de la commission des lois du Sénat 16 ( * )

3. La procédure applicable sur le territoire français

Le règlement « Dublin III » détermine la procédure applicable lorsque l'examen du dossier d'un demandeur d'asile présent en France relève d'un autre État.

Depuis 2015 17 ( * ) , ses modalités d'application sont précisées par les articles L. 742-1 à L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) . Comme l'indiquait votre rapporteur, « bien qu'il s'agisse d'un règlement, texte d'application directe, sa mise en oeuvre sur le territoire français nécessite des adaptations du droit national (...). Il implique en effet, d'une part, la vérification dès l'enregistrement de la demande de la compétence de la France pour l'examen de la demande d'asile et, d'autre part, l'instauration d'un recours effectif contre une décision de transfert » 18 ( * ) .

a) Le placement sous procédure « Dublin » et la détermination de l'État européen responsable de l'examen de la demande d'asile

Après un pré-accueil par une des plates-formes d'accueil pour demandeurs d'asile (PADA) gérées par une association, un demandeur d'asile se voit remettre une convocation en préfecture. En principe, ce rendez-vous en préfecture doit être organisé dans les trois jours. En pratique, les délais sont souvent beaucoup plus longs : environ un mois à Paris, près de deux mois à Lille.

Le dépôt formel de la demande d'asile s'effectue auprès des agents d'un guichet unique pour demandeurs d'asile (GUDA) de la préfecture dont relève le lieu de résidence de l'étranger. Il existe 34 guichets uniques répartis sur l'ensemble du territoire métropolitain 19 ( * ) , réunissant agents de la préfecture et agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII).

Il est alors procédé au relevé des empreintes digitales du demandeur d'asile 20 ( * ) , qui est également reçu pour un entretien individuel .

L'étranger est placé sous procédure « Dublin » s'il existe une probabilité, au regard de sa situation familiale ou de son parcours personnel et migratoire, que l'examen de sa demande d'asile relève d'un autre État.

Il est alors informé de ses droits par la transmission de deux brochures rédigées par la Commission européenne et intitulées : « J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ? » et « Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ? ».

Une attestation spécifique est délivrée à l'étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin ». S'il ne permet pas de circuler librement dans les autres États de l'Union européenne, ce document donne le droit de se maintenir sur le territoire français et, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État 21 ( * ) , de se voir octroyer l'allocation pour demandeurs d'asile (ADA) et une place dans un centre d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) 22 ( * ) .

Si un autre État « Dublin » a déjà enregistré les empreintes de l'étranger dans la base de données « Eurodac », la France dispose de deux mois pour saisir cet État d'une requête aux fins de prise ou de reprise en charge du demandeur. Dans le cas contraire, le délai de saisine, par la France, de l'autre l'État « Dublin » est porté à trois mois.

Pendant la procédure de détermination de l'État responsable , et dans l'attente de la réponse du pays saisi, la préfecture peut placer l'étranger sous une assignation à résidence ad hoc , spécialement prévue pour les procédures « Dublin » ( article L. 742-2 du CESEDA ). Cette assignation à résidence est prise pour une durée maximale de six mois, renouvelable une fois pour la même durée , les recours étant jugés selon les règles de droit commun applicables devant la juridiction administrative 23 ( * ) .

En pratique, cette assignation à résidence ad hoc est très peu utilisée . Elle n'est par exemple ni mise en oeuvre par la préfecture de police de Paris ni par la préfecture du Nord.

Un étranger placé sous procédure « Dublin » ne peut être placé en rétention à ce stade , c'est-à-dire tant que la préfecture n'a pas déterminé l'État chargé d'examiner sa demande d'asile et adopté une décision de transfert vers cet État 24 ( * ) .

b) La décision de transfert et la réadmission

L'État saisi par la France d'une requête « Dublin » dispose de deux semaines à un mois (reprise en charge) ou de un mois (prise en charge) 25 ( * ) pour répondre à cette requête. Son silence vaut acceptation 26 ( * ) .

Si cet État se déclare compétent pour examiner la demande d'asile de l'étranger, l'autorité administrative prend une décision de transfert vers ce pays. À l'inverse, si l'État saisi se déclare incompétent, l'étranger est autorisé à déposer sa demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Le transfert d'un « dubliné » doit être effectué dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision de transfert, délai porté à un an si l'étranger est incarcéré et à dix-huit mois s'il a pris la fuite 27 ( * ) .

Si la France ne respecte pas les délais de transfert définis par le règlement « Dublin III », l'étranger peut déposer sa demande d'asile auprès de l'OFPRA .

Une fois la décision de transfert notifiée, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que l'étranger peut être :

- assigné à résidence , selon les règles de droit commun applicables à l'ensemble des étrangers dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois (article L. 561-2 du CESEDA) . En pratique, cette assignation à résidence est souvent prononcée dans les locaux d'hébergement d'urgence ou ceux des associations ;

- placé en rétention, pour une durée maximale de 45 jours . La rétention demeure l'exception et non la règle : elle est ordonnée uniquement lorsque l'étranger ne présente pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite.

En cas de placement en rétention, le délai accordé à la France pour procéder au transfert du « dubliné » vers l'État responsable est réduit de six mois à six semaines 28 ( * ) .

En l'absence de recours, la durée d'une procédure « Dublin » peut être comprise entre 255 et 690 jours .

Les recours contre la décision de transfert sont régis par un régime contentieux particulier et exclusif de tout autre type de recours (article L. 742-4 du CESEDA).

Cette décision peut être contestée dans un délai de quinze jours devant le président du tribunal administratif, qui statue lui-même dans un délai de quinze jours. Par exception, en cas de rétention ou d'assignation à résidence , le recours doit être introduit dans un délai maximal de 48 heures et est jugé en 72 heures .

Jusqu'à la décision du juge administratif, l'introduction d'un recours interrompt le délai dont la France dispose pour procéder au transfert de l'étranger vers le pays responsable de l'examen de la demande d'asile 29 ( * ) .

Enfin, les conditions de rétention d'un « dubliné » sont contrôlées par le juge des libertés et de la détention (JLD) dans les conditions du droit commun 30 ( * ) .

Les phases de la procédure « Dublin »

Les délais impartis pour le traitement d'une procédure « Dublin »

(harmonisés en jours, et en l'absence de recours)

Saisine de l'autre État

Délai de réponse de l'autre État

Délai de transfert

(trois possibilités alternatives)

Total

Procédure normale

En cas d'emprison-nement

En cas
de fuite

Prise
en charge

Avec Eurodac

60

60*

180

360

540

Entre 300 et 660

Sans Eurodac

90

60*

180

360

540

Entre 330 et 690

Reprise
en charge

Avec Eurodac

60

15

180

360

540

Entre 255 et 615

Sans Eurodac

90

30

180

360

540

Entre 300 et 660

Si rétention (Prise ou reprise en charge)

-

(Pas de rétention en France avant la décision de transfert)

42

Entre 117 et 192

* L'État membre requérant peut solliciter une réponse en urgence (dans les cas où la demande de protection internationale a été introduite à la suite d'un refus d'entrée ou de séjour, d'une arrestation pour séjour irrégulier ou de la signification ou de l'exécution d'une mesure d'éloignement), l'autre État devant répondre dans un délai d'un mois.

NB : le total est obtenu en additionnant les délais de saisine de l'autre État, le délai de réponse de ce dernier et le délai de transfert

Source : commission des lois du Sénat, à partir du règlement « Dublin III » et du CESEDA

B. UN RÉGIME INADAPTÉ FACE À LA HAUSSE DES MOUVEMENTS SECONDAIRES DE DEMANDES D'ASILE

1. Une hausse des mouvements secondaires de demandes d'asile et un nombre de réadmissions dérisoire

Les États « Dublin » connaissent aujourd'hui une hausse des mouvements secondaires de demandes d'asile . En 2016, l'Allemagne a ainsi engagé 55 690 procédures « Dublin » (ce qui représente 8 % des demandes d'asile dans cet État), l'Italie 14 229 procédures (12 %), la Hongrie 5 619 (20 %) et la Grèce 4 886 (10 %). En Suède, plus d'un demandeur d'asile sur deux fait l'objet d'une procédure « Dublin » (12 118 procédures) 31 ( * ) .

Comme le souligne notre collègue député Jean-Luc Warsmann, auteur de la proposition de loi et rapporteur de l'Assemblée nationale, il s'agit principalement de « migrants arrivés en Europe en 2015 - 2016 et qui, après avoir déposé une demande d'asile dans un premier pays européen - et en [avoir] été déboutés - réitèrent cette demande auprès d'un autre État membre de l'Union (européenne) » 32 ( * ) . Pour la seule année 2016, les États « Dublin » ont rejeté la demande d'asile de 449 950 personnes, dont 197 180 en Allemagne, 54 570 en Italie et 29 200 en Suède 33 ( * ) .

La France n'échappe pas à cette intensification des mouvements secondaires de la demande d'asile :

- 25 963 demandeurs d'asile présents sur le territoire ont fait l'objet de la procédure « Dublin » en 2016, soit une multiplication par cinq du nombre de « dublinés » par rapport à l'année 2014 ;

- sur les dix premiers mois de l'année 2017, 34 523 procédures « Dublin » ont été engagées 34 ( * ) .

Dans le département du Nord, les procédures « Dublin » représenteraient 42 % de la demande d'asile.

L'accroissement des procédures « Dublin » :
l'exemple de la préfecture de police de Paris

Entre 2012 et 2016, le nombre annuel de procédures « Dublin » engagées par la préfecture de police de Paris oscillait entre 1 081 et 1 560, ce qui représentait environ 15 % de la demande d'asile.

Ce nombre a substantiellement augmenté en 2017 , en passant à 4 822 sur les onze premiers mois de l'année (+ 209 % par rapport à l'ensemble de l'exercice 2016) . Les procédures « Dublin » ont ainsi représenté 30 % des demandes d'asile déposées auprès de la préfecture de police.

Sur ces 4 822 personnes, 4 180 relevaient effectivement du règlement « Dublin », après vérification auprès des États compétents.

Parallèlement, le nombre de transferts effectifs vers les autres États « Dublin » reste largement insuffisant : en 2016 , sur les 25 963 demandeurs d'asile pour lesquels une procédure « Dublin » a été engagée, 14 308 ont fait l'objet d'un accord de réadmission par un autre État européen et seuls 1 320 ont été effectivement transférés, le taux de transfert s'établissant ainsi 9 % 35 ( * ) .

Cette même année 2016, la France a accueilli presque autant de « dublinés » transférés en provenance d'autres États européens : 1 257.

2. Des difficultés européennes et internes dans la mise en oeuvre des accords de Dublin

L'ensemble des États « Dublin » connaissent des difficultés dans la mise en oeuvre des procédures de réadmission : en 2016, 3 968 transferts ont été effectivement réalisés par l'Allemagne (sur 55 690 procédures engagées), 5 244 par la Suède (sur 12 118 procédures) et 61 par l'Italie (sur 14 229 procédures) 36 ( * ) .

L'efficacité des procédures françaises est toutefois fragilisée par des lacunes législatives mises en exergue par des jurisprudences récentes , ce qui a motivé le dépôt de la proposition de loi examinée par votre commission.

a) Des difficultés à l'échelle européenne : un manque de solidarité et de coordination entre les États « Dublin »

Les difficultés de mise en oeuvre des accords de Dublin s'expliquent, tout d'abord, par l'absence de dispositifs de solidarité entre les États .

Comme le souligne la Commission européenne, le système « Dublin » n'a « pas été conçu pour assurer un partage durable des responsabilités à l'égard des demandeurs d'asile dans l'ensemble de l'Union (européenne), défaut mis en évidence par la crise actuelle. Le principal critère dans la pratique permettant d'attribuer la responsabilité de l'examen de demandes d'asile est l'entrée irrégulière sur le territoire d'un État membre. (Or) l'expérience acquise ces dernières années montre que (...) le système actuel fait peser la responsabilité, en droit, à l'égard de la grande majorité des demandeurs d'asile, sur un nombre limité d'États membres, situation qui mettrait à rude épreuve les capacités de n'importe quel État membre ». Dès lors, « il est fort probable que le système actuel demeurerait intenable face à la pression migratoire persistante » 37 ( * ) .

En pratique, les accords de Dublin pèsent particulièrement sur un nombre restreint d'États comme la Grèce, l'Italie, la Hongrie, la Bulgarie et la Roumanie, ce qui remet en cause leur soutenabilité . Entre 2011 et 2017, la Commission européenne a même suspendu les procédures de réadmission en direction de la Grèce, les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays risquant de remettre en cause leurs droits fondamentaux.

Des États ont adopté des « stratégies d'évitement » pour ne pas se charger de l'examen de certaines demandes d'asile. À titre d'exemple, seuls 23 % des franchissements irréguliers d'une frontière extérieure de l'Union européenne font l'objet d'un prélèvement d'empreintes digitales 38 ( * ) , ce qui nuit gravement à l'efficacité de la base de données « Eurodac ». En conséquence, « des milliers de migrants restent invisibles en Europe , parmi lesquels des milliers de mineurs non accompagnés - une situation qui facilite les mouvements secondaires et ultérieurs non autorisés et les séjours irréguliers sur le territoire de l'Union (européenne) » 39 ( * ) .

Le système « Dublin » pâtit, en outre, d'un manque de coordination entre les États . À titre d'exemple, chaque pays détermine les conditions de transfert des « dublinés » et définit restrictivement :

- les dates et horaires , les réadmissions n'étant souvent acceptées que du lundi au jeudi, avant 14 heures, l'Italie les refusant systématiquement les cinq derniers jours ouvrés de chaque mois ;

- les lieux de réadmission , dont la localisation est parfois relativement éloignée de la frontière française, notamment dans le cas allemand 40 ( * ) .

Face à ce manque de solidarité et de coordination, la Commission européenne a lancé un programme de relocalisation des demandeurs d'asile, dont les résultats sont aujourd'hui limités .

Relocalisations et réinstallations des demandeurs d'asile :
les limites de la solidarité européenne

1° Les programmes temporaires de relocalisations destinés à soulager l'Italie et la Grèce : un premier bilan modeste et le désaccord persistant de certains États

Face à l'arrivée en Europe d'un nombre très important de migrants au cours de l' été 2015 , l'Union européenne 41 ( * ) a entrepris de « relocaliser » sur une base volontaire certains demandeurs d'asile arrivés en l' Italie et en Grèce , afin de diminuer la pression exercée sur les régimes d'asile de ces deux pays particulièrement exposés par leur situation géographique et la saturation de leurs dispositifs d'accueil.

Dérogeant temporairement aux principes du règlement « Dublin III », les États européens se sont engagés à se répartir en deux ans le traitement de 160 000 des demandes d'asile déposées dans ces deux États (objectif réduit à 98 255 demandeurs après l'accord avec la Turquie, en mars 2016, qui a nettement diminué les flux d'arrivées), et ce en se concentrant sur les candidats dont les demandes étaient manifestement fondées (ressortissants de nationalités présentant un taux de protection moyen accordé supérieur à 75 % : Syriens, Yéménites et Erythréens, notamment).

Dressant un premier bilan de ce programme, qui a pris fin deux ans plus tard, le Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO), dont votre rapporteur a rencontré le représentant à Bruxelles lors du déplacement organisé le 9 janvier 2018, refuse de parler d'échec, y voyant une preuve du potentiel de coopération et de coordination européennes et la première expérimentation à grande échelle d'un système de solidarité. Les chiffres avancés sont pourtant modestes : au 17 décembre 2017, on compte seulement 32 827 demandeurs relocalisés, 11 195 depuis l'Italie (principalement Erythréens et Syriens) et 21 632 depuis la Grèce (Irakiens et Syriens).

En outre, trois États ( la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ) refusent toujours d'accueillir des migrants dans le cadre des programmes de relocalisation . La Commission européenne a même ouvert des procédures d'infraction à leur encontre et, depuis décembre 2017, des recours devant la Cour de Justice de l'Union européenne.

2° Les programmes de réinstallation : des engagements volontaires et limités

Le programme européen de « réinstallation » a été lancé en juillet 2015 par l'Union européenne 42 ( * ) pour permettre notamment aux réfugiés les plus vulnérables d'atteindre le territoire d'un des États européens afin d'y déposer leur demande d'asile en sécurité, sans être exposés aux réseaux de passeurs.

Il s'agit d' engagements volontaires et chiffrés de chaque État européen, la Commission assurant un rôle de coordination et de financement. Au total, les États européens ont accepté de réinstaller 22 000 réfugiés sur la période 2015-2017. Près de 26 000 personnes ont déjà été réinstallées dans le cadre de ce programme et de celui établi en application de la déclaration UE-Turquie 43 ( * ) . Un nouvel objectif de 50 000 réinstallations supplémentaires a été fixé par le président Juncker en septembre 2017.

La France, qui avait offert 2 375 places de réinstallation, avait accueilli 2 283 réfugiés en novembre 2017 (3 146 au total en incluant ceux relevant de la déclaration UE-Turquie) , grâce à plusieurs missions de l'OFPRA menées notamment en Irak, en Jordanie, au Liban et en Turquie 44 ( * ) . Le 9 octobre 2017, à l'issue d'un entretien avec le président du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le Président de la République a annoncé l'accueil en France, d'ici 2019, de 10 000 personnes réinstallées (3 000 en provenance du Niger et du Tchad, et 7 000 réfugiés syriens depuis la Turquie, la Jordanie et le Liban).

Plus largement, la Commission européenne a proposé en mai 2016 une réforme globale des règlements « Dublin III » et « Eurodac » , réforme en cours de discussion à l'échelle européenne.

La réforme des règlements « Dublin III » et « Eurodac » : les propositions de la Commission européenne

- Règlement « Dublin III »

La Commission européenne propose, tout d'abord, de simplifier et de rationaliser le système « Dublin », notamment en réduisant les délais de procédure . Dans l'exemple d'une procédure de prise en charge, avec des informations « Eurodac » et en l'absence de fuite du demandeur d'asile, la durée de la procédure serait divisée par quatre : elle passerait de 300 à 72 jours 45 ( * ) .

L'État désigné responsable du traitement de la demande d'asile le resterait tout le long de la procédure alors, qu'aujourd'hui, il perd automatiquement cette responsabilité lorsque le délai d'exécution de la décision de transfert est dépassé ou lorsque le demandeur d'asile a franchi irrégulièrement sa frontière extérieure depuis plus de douze mois.

Enfin, la Commission européenne propose de créer un dispositif de solidarité, le « mécanisme d'attribution correcteur », dont le fonctionnement fait l'objet d'intenses négociations à Bruxelles .

Une « clef de référence » permettrait ainsi d'apprécier les capacités d'accueil des États « Dublin » ; elle serait calculée à partir de leur population et de leur produit intérieur brut (PIB). Le mécanisme correcteur se déclencherait automatiquement si le nombre de demandeurs d'asile enregistrés dans un État dépassait de plus de 150 % sa clef de référence .

À partir de cette date, l'État faisant face à une forte pression migratoire n'enregistrerait plus aucune demande d'asile, ses demandeurs étant répartis entre les autres pays, sur la base de leur clef de référence et sous le contrôle du Bureau européen d'appui en matière d'asile (EASO).

Un État pourrait refuser de participer à ces relocalisations pendant une durée d'un an ; il devrait toutefois s'acquitter d'une « contribution de solidarité » , que la Commission européenne propose de fixer à 250 000 euros par demandeur d'asile dont l'accueil a été refusé.

- Règlement « Eurodac »

La Commission européenne propose de renforcer « Eurodac » pour améliorer l'efficacité du système « Dublin » mais également pour mieux lutter contre l'immigration irrégulière .

La base de données « Eurodac » comprendrait un nouvel élément biométrique, l'image faciale , en prévision de l'introduction d'un logiciel de reconnaissance faciale qui complèterait les informations obtenues à partir des empreintes digitales.

Selon la proposition de la Commission, les empreintes des demandeurs d'asile seraient recueillies dès 6 ans (contre 14 ans aujourd'hui) , « d'une manière adaptée aux enfants et tenant compte de leur spécificité, par des agents spécialement formés ».

Enfin, la durée de conservation des données serait allongée : elle passerait de 18 mois à 5 ans dans l'exemple des étrangers interpellés lors du franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace « Dublin ». Les données des étrangers séjournant illégalement sur le territoire d'un État membre, qui ne font aujourd'hui l'objet d'aucune conservation, seraient enregistrées pendant une même durée.

b) Des difficultés à l'échelle interne : des lacunes législatives mises en exergue par la jurisprudence

La mise en oeuvre des procédures « Dublin » est d'une complexité juridique extrême, comme votre rapporteur a pu le constater lors de son déplacement à la préfecture du Nord le 8 janvier 2018 .

Le pôle « Dublin » de la préfecture de Lille

La direction de l'immigration et de l'intégration (DII) de la Préfecture du Nord a été renforcée en décembre 2017 d'un service de l'asile spécifique comportant un pôle dédié au suivi des procédures « Dublin », conformément aux orientations du plan « Garantir le droit d'asile, mieux maîtriser les flux migratoires » adopté par le Conseil des ministres le 12 juillet 2017 46 ( * ) .

Le service a notamment bénéficié de trois créations de postes (cadres de catégorie A). Un effort considérable a été entrepris, avec l'aide de la direction générale des étrangers en France (DGEF) du ministère de l'intérieur et en concertation avec le tribunal administratif de Lille, pour former au traitement de ces procédures des équipes c omposées pour moitié de contractuels vacataires ou disposant encore de peu d'ancienneté dans leur poste.

Les difficultés dont les agents ont fait part à votre rapporteur tiennent à l'extrême complexité juridique d'un contentieux de masse qui nécessite la rédaction d'actes de procédure dans des délais généralement contraints, aux variations difficiles à anticiper de la jurisprudence et au découragement des équipes face à l'inexécution de décisions qu'elles ont aidé à préparer.

La France rencontre également des difficultés dans l'application du règlement « Eurodac » . Certes, une peine d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende est prévue à l'encontre des demandeurs d'asile refusant le recueil de leurs empreintes 47 ( * ) . Toutefois, dans les faits, les contrevenants sont très rarement poursuivis, la mise en oeuvre de ces procédures pénales ne constituant pas une priorité pour le ministère public.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur, entre le 1 er janvier et le 18 septembre 2017, sur 5 576 présentations à la borne « Eurodac » dans le Calaisis, 3 469 refus de prélèvement d'empreintes ont été relevés (62 %) . 132 personnes ont été placées en garde à vue mais aucune n'a été poursuivie sur le plan pénal.

Surtout, les procédures françaises sont aujourd'hui fragilisées par trois lacunes législatives remettant en cause la rétention des personnes placées en procédure « Dublin » .

Mises en exergue par des jurisprudences récentes, ces lacunes ont motivé le dépôt de la proposition de loi de M. Jean-Luc Warsmann et de plusieurs de ses collègues députés du groupe UDI, Agir et Indépendants.

• Premier enjeu : le moment du placement en rétention

En premier lieu, le Conseil d'État, saisi pour avis par la cour administrative d'appel de Douai, a rappelé que le droit français ne permet pas le placement en rétention des étrangers sous procédure « Dublin » en amont de la décision de transfert , leur rétention étant seulement possible après notification de cette décision 48 ( * ) .

Cette interprétation jurisprudentielle est totalement conforme à la volonté initiale du législateur , votre rapporteur ayant précisé lors des travaux préparatoires à la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 49 ( * ) que les étrangers sous procédure « Dublin » « pourraient être assignés à résidence durant la procédure de détermination de l'État responsable, puis une fois la décision du transfert prise, faire l'objet d'un placement en rétention ou d'une assignation à résidence » 50 ( * ) .

• Deuxième enjeu : les critères du placement en rétention

En deuxième lieu, les critères justifiant le placement en rétention des « dublinés » sont aujourd'hui remis en cause, même après la décision de transfert .

À l'échelle européenne, l'article 28 du règlement « Dublin III » permet ce placement en rétention à une double condition :

- l'étranger concerné présente un « risque non négligeable de fuite », caractérisé après une évaluation individuelle de sa situation ;

- le placement en rétention est proportionnel , d'autres mesures moins coercitives, comme l'assignation à résidence, ne pouvant être mises en oeuvre pour mener à bien la procédure de réadmission vers l'État responsable de l'examen de la demande d'asile.

Dans un arrêt de mars 2017, la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) a considéré que chaque État devait compléter la première de ces deux conditions en définissant, par des « dispositions de portée générale » de leur droit interne, la notion de « risque non négligeable de fuite » .

L'arrêt du 15 mars 2017, Al Chodor, de la Cour de Justice de l'Union européenne

Dans cette affaire, M. Al Chodor, ressortissant irakien a fait l'objet d'un contrôle de police en République tchèque le 7 mai 2015.

La consultation de la base de données « Eurodac » a permis de constater que ses empreintes digitales avaient été recueillies en Hongrie et qu'une demande d'asile avait été déposée auprès de cet État. Conformément au règlement « Dublin III », la République tchèque a engagé une procédure pour transférer M. Al Chodor vers la Hongrie .

M. Al Chodor ayant déclaré son intention de poursuivre son voyage jusqu'en Allemagne, les autorités tchèques ont considéré qu'il existait un « risque non négligeable de fuite », justifiant son placement en rétention sur la base de l'article 28 du règlement « Dublin III » 51 ( * ) .

La CJUE rappelle toutefois que « la rétention des demandeurs (d'asile), constituant une ingérence grave dans le droit à la liberté de ces derniers, est soumise au respect de garanties strictes , à savoir la présence d'une base légale, la clarté, la prévisibilité, l'accessibilité et la protection contre l'arbitraire ».

Le placement en rétention des « dublinés » nécessite ainsi que la loi de chaque État précise, par des « dispositions de portée générale », la définition du « risque non négligeable de fuite » . En l'espèce, la loi tchèque ne comportait pas de critères objectifs définissant cette notion, ce qui a justifié l'annulation du placement en rétention de M. Al Chodor par la CJUE puis une modification du droit tchèque.

En France, le placement en rétention des « dublinés » après la décision de transfert est aujourd'hui régi par les critères de droit commun de la rétention de l'article L. 511-1 du CESEDA , applicables à l'ensemble des étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement 52 ( * ) .

Les critères français de placement en rétention (état du droit)

Au sens de l'article L. 511-1 du CESEDA, le risque de fuite est considéré comme établi, sauf circonstance particulière, dans les six cas suivants :

« a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

« b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

« c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

« d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

« e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ;

« f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 53 ( * ) ».

Dans un arrêt du 27 septembre 2017 54 ( * ) , la Cour de cassation a considéré que les critères de droit commun de l'article L. 511-1 du CESEDA n'étaient pas suffisants pour justifier le placement en rétention d'un « dubliné » .

Ces critères visent, en effet, à transposer l'article 8 de la directive « retour » 55 ( * ) , qui autorise, d'une manière générale, le placement en rétention d'un demandeur d'asile en présence d'un « risque de fuite ».

Or, l'article 28 du règlement « Dublin III » est plus exigeant car il subordonne la rétention d'un « dubliné » à un « risque non négligeable de fuite », notion que le CESEDA ne définit pas en l'état du droit . Selon la Cour de cassation, le droit français enfreint ainsi la jurisprudence de la CJUE en « l'absence de disposition contraignante de portée générale, fixant les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur d'une protection internationale qui fait l'objet d'une procédure de transfert » sur la base du règlement « Dublin III ».

Instrument fréquemment utilisé par les services de l'État, le placement en rétention d'un étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin » n'est donc plus possible, même après la décision de son transfert . Dans l'exemple de la préfecture de police de Paris, « environ 20 personnes étaient transférées, par semaine, avant l'arrêt de la Cour de cassation. Depuis, le nombre de personnes transférées est compris entre 5 et 10 par semaine » 56 ( * ) .

• Troisième enjeu : l'articulation avec la demande d'asile en rétention

Tout étranger placé en rétention sur le territoire français peut déposer une demande d'asile, examinée par l'OFPRA dans un délai de 96 heures (procédure dite de « l'asile en rétention ») 57 ( * ) .

L'articulation entre la procédure française de l'asile en rétention et le système « Dublin » pose toutefois des difficultés pratiques, mises en lumière par une ordonnance du juge des référés du Conseil d'État en date du 13 juin 2017 58 ( * ) .

En l'état du droit, le maintien en rétention de l'étranger y déposant une demande d'asile est prévu pour remplir un seul objectif : l'examen de cette demande par l'OFPRA. Or, comme l'office n'est pas compétent pour examiner les demandes d'asile relevant d'un autre État « Dublin » 59 ( * ) , la préfecture n'est pas autorisée à maintenir la rétention d'un « dubliné » ayant déposé sa demande d'asile en centre de rétention administrative (CRA).

Comme le souligne notre collègue député Jean-Luc Warsmann, ce vide juridique conduit les préfets, « s'ils veulent maintenir l'étranger en rétention, (à) prendre une décision de maintien en rétention emportant reconnaissance de la responsabilité de la France pour examiner la demande d'asile, quand bien même un autre État membre aurait pu être regardé comme responsable (du traitement de la demande) » 60 ( * ) . Sur ce point, le droit français n'est donc pas cohérent avec les objectifs du règlement « Dublin III » .

II. LA PROPOSITION DE LOI : AMÉLIORER, À L'ÉCHELLE INTERNE, L'EFFICACITÉ DES PROCÉDURES « DUBLIN »

La proposition de loi n° 149 (2017-2018), adoptée par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann et de plusieurs de ses collègues députés, vise à sécuriser la rétention administrative des « dublinés » présents en France , notamment en définissant la notion de « risque non négligeable de fuite ».

Elle tend, en outre, à étendre le placement en rétention des étrangers sous procédure « Dublin » avant la décision de transfert, à simplifier le régime des assignations à résidence et à garantir les droits des « dublinés ».

D'après l'exposé des motifs de la proposition de loi, il s'agit de « fixer un cadre permettant de conjuguer, dans le respect des libertés fondamentales et des textes européens, la procédure de placement en rétention, qui peut s'avérer indispensable d'un point de vue opérationnel, et la procédure de détermination de l'État responsable, qui constitue un élément central du droit européen de l'asile ».

A. ÉTENDRE ET SÉCURISER LE PLACEMENT EN RÉTENTION DES ÉTRANGERS PLACÉS SOUS PROCÉDURE « DUBLIN »

1. L'extension du placement en rétention des « dublinés »

La proposition de loi vise, tout d'abord, à autoriser le placement en rétention d'un étranger dès le début de la procédure « Dublin », sans devoir attendre la notification de la décision de transfert .

Cette mesure est autorisée par l'article 28 du règlement « Dublin III » , qui prévoit, dans cette hypothèse, des délais de procédure raccourcis : 30 jours pour transmettre la requête à l'autre État « Dublin » (contre 60 à 90 jours en l'absence de rétention), ce dernier disposant alors de 15 jours pour répondre (contre 15 à 60 jours).

D'après notre collègue Jean-Luc Warsmann, il s'agit, « au nom de l'intérêt général comme de l'efficacité » de « donner (...) au Gouvernement les moyens d'action nécessaires » pour accroître le nombre de transferts réalisés par la France vers d'autres États « Dublin » 61 ( * ) .

L'extension du placement en rétention par la proposition de loi

Source : commission des lois du Sénat

En tout état de cause, la durée de la rétention n'excéderait pas 45 jours et le juge des libertés et de la détention (JLD) serait obligatoirement saisi à l'échéance des deux premiers jours de retenue.

Le séquençage de la rétention administrative et les voies de recours

Depuis la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 précitée, la rétention administrative s'organise ainsi :

- après 48 heures de rétention (contre cinq jours auparavant), le juge des libertés et de la détention (JLD) est saisi aux fins de prolongation de la rétention ; il statue dans les 24 heures ;

- le JLD est à nouveau saisi au trentième jour de rétention (contre le vingt-deuxième jour auparavant). Il peut prolonger la rétention pour une nouvelle période de 15 jours.

Au total, la rétention peut durer jusqu'à 45 jours . En tout état de cause, une nouvelle décision de placement en rétention ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter du terme d'un premier placement en rétention 62 ( * ) .

Inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, l'article 1 er bis de la proposition de loi tend toutefois à interdire le placement en rétention d'un étranger déposant une première demande d'asile en préfecture .

Cette disposition vise à ne pas « dissuader les demandeurs de bonne foi de se présenter aux autorités administratives » 63 ( * ) pour déposer une demande d'asile.

2. La sécurisation juridique du placement en rétention des « dublinés »

L' article 1 er de la proposition de loi vise, en outre, à sécuriser le placement en rétention des « dublinés », que cette mesure soit notifiée après la décision de transfert (état du droit) ou en amont (ajout du texte transmis au Sénat).

En réponse à l'arrêt du 27 septembre 2017 de la Cour de cassation, il prévoit onze critères alternatifs permettant, sauf circonstance particulière, de caractériser un « risque non négligeable de fuite » . Six concernent le parcours migratoire du demandeur d'asile placé sous procédure « Dublin », trois les tentatives de fraude ou d'obstruction et deux les conditions d'hébergement.

Critères de placement en rétention d'un « dubliné » (proposition de loi)

Caractéristiques du « dubliné »

Alinéas correspondants (article 1 er de la PPL)

Parcours migratoire du demandeur d'asile

S'est précédemment soustrait, dans un autre État, à une procédure « Dublin »

4

A été débouté de sa demande d'asile dans un autre État « Dublin »

5

Est de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert « Dublin »

6

S'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement

7

S'est précédemment soustrait aux contraintes d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) avec délai de départ volontaire ou d'une assignation à résidence

13

A explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à la procédure « Dublin »

14

Tentative de fraude ou d'obstruction à la procédure « Dublin »

A contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage

8

A dissimulé des éléments de son identité

(l'absence de documents d'identité ou de voyage ne constituant pas, à lui seul, un critère suffisant)

9

Ne coopère pas avec l'autorité administrative, (absence aux convocations ou aux entretiens, non transmission d'informations, sauf motif légitime)

12

Conditions de d'hébergement

Ne bénéficie pas des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile et ne peut justifier du lieu de sa résidence permanente et effective

10

A refusé le lieu d'hébergement proposé par l'Office français de l'intégration et de l'immigration (OFII) et ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente

OU

A accepté l'hébergement proposé mais l'a abandonné sans motif légitime

11

Source : commission des lois du Sénat

Enfin, à l'initiative de son rapporteur, M. Jean-Luc Warsmann, nos collègues députés ont précisé l'articulation entre la procédure française de demande d'asile en rétention, d'une part, et le règlement « Dublin III », d'autre part .

Le CESEDA expliciterait désormais la possibilité pour l'autorité administrative de maintenir en rétention un étranger ayant déposé sa demande d'asile en CRA et faisant l'objet d'une procédure « Dublin ». D'une durée maximale de 45 jours, cette mesure de rétention permettrait de déterminer l'État responsable de l'examen de la demande d'asile, voire de réaliser le transfert de l'intéressé vers cet État.

B. SIMPLIFIER LE RÉGIME DES ASSIGNATIONS À RÉSIDENCE

Les articles 1 er et 2 de la proposition de loi tendent à remplacer les deux régimes actuels d'assignation à résidence de la procédure « Dublin » 64 ( * ) par un régime d'assignation unique, d'une durée de 45 jours renouvelable trois fois pour la même durée (soit un total de 180 jours) .

D'après notre collègue député Jean-Luc Warsmann, il s'agit « d'unifier le régime de l'assignation à résidence » car il semble « complexe de faire perdurer un régime de droit commun et un régime destiné aux personnes relevant du règlement Dublin » 65 ( * ) .

Cette mesure de simplification impliquerait une diminution de la durée totale possible d'assignation à résidence des personnes sous procédure « Dublin », qui passerait ainsi de 450 66 ( * ) à 180 jours, soit une réduction de 270 jours. Si votre rapporteur s'est interrogé sur cette disposition, les services centraux et déconcentrés de l'État considèrent toutefois cette durée de 180 jours comme suffisante pour mener à bien les procédures.

C. GARANTIR LES DROITS DES « DUBLINÉS »

Nos collègues députés ont souhaité compléter la proposition de loi afin de garantir le respect des droits des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin ».

En réalité, l'ensemble de ces droits sont d'ores et déjà assurés par le règlement « Dublin III », d'application directe. D'un point de vue strictement juridique, ces ajouts de l'Assemblée nationale pourraient donc paraître redondants par rapport au droit communautaire.

À l'initiative de Mme Coralie Dubost et du groupe La République En Marche, nos collègues députés ont tout d'abord prévu qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités de prise en compte de la vulnérabilité durant l'ensemble de la procédure « Dublin ». De même, la préfecture devrait évaluer « l'état de vulnérabilité » de l'étranger « dubliné » avant son placement en rétention (article 1 er de la proposition de loi) . Ces dispositions s'ajouteraient à l'examen de vulnérabilité des demandeurs d'asile déjà prévu par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La notion de « vulnérabilité »

D'origine communautaire, la notion de « vulnérabilité » est aujourd'hui transversale à l'ensemble du droit français de l'asile et de l'immigration .

Elle permet la mise en oeuvre de garanties procédurales spécifiques pour les personnes « vulnérables » , telles que « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents seuls accompagnés d'enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes ayant des troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d'autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle » 67 ( * ) .

L'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) procède ainsi à un examen de vulnérabilité fondé sur questionnaire normalisé permettant d'apprécier les besoins d'hébergement et « d'adaptation » de tous les demandeurs d'asile, « dublinés » inclus (handicap sensoriel, handicap moteur, etc .) 68 ( * ) .

Ces informations sont prises en compte dans l'ensemble des procédures administratives . L'article 10 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 69 ( * ) précise ainsi que « lorsque des personnes vulnérables sont placées en rétention, les États membres veillent à assurer un suivi régulier de ces personnes et à leur apporter un soutien adéquat, compte tenu de leur situation particulière, y compris leur état de santé ».

En application du droit communautaire, l'article L. 551-1 du CESEDA prévoit par exemple que « le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles . L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». De même, son article R. 553-8 dispose que les locaux et les moyens matériels des centres de rétention administrative « doivent permettre au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins ».

Dans la même logique, nos collègues députés ont précisé, sur proposition du Gouvernement, que l'étranger ne peut être maintenu en rétention que le « temps strictement nécessaire » à la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » (article 1 er de la proposition de loi) , disposition qui reprend l'article 28 du règlement « Dublin III ».

En outre, l'Assemblée nationale a adopté un amendement de Mme Coralie Dubost pour que les demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure « Dublin » reçoivent, « dans une langue qu'il(s) compren(nent) ou dont il est raisonnable de supposer qu'il(s) la compren(nent), une information sur (leurs) droits et obligations » (article 1 er bis de la proposition de loi) . Là encore, cette mesure est d'ores et déjà prévue par l'article 4 du règlement « Dublin III », d'application directe, que la Commission européenne a mis en oeuvre en publiant deux brochures d'information spécifiques 70 ( * ) . De même, le Conseil d'État considère depuis de nombreuses années que l'absence d'information ou son manque d'intelligibilité au cours d'une procédure « Dublin » constitue une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile » 71 ( * ) .

Enfin, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet, précisant qu'aucune procédure « Dublin » ne peut conduire à transférer un demandeur d'asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans les procédures et les conditions d'accueil des demandeurs (article 2 de la proposition de loi) .

Définie par l'article 4 du règlement « Dublin III », cette interdiction se réfère aux États dans lesquels il existe un « risque de traitement inhumain et dégradant » des demandeurs d'asile. En l'état du droit, le transfert de demandeurs vers ces États peut déjà être interdit par :

- la Commission européenne, qui a suspendu les réadmissions vers la Grèce entre 2011 et 2017 (voir supra ) ;

- chaque État, dont le ministère en charge du droit d'asile peut « activer » cette interdiction ;

- le juge, la cour administrative d'appel de Bordeaux ayant par exemple reconnu une « défaillance systémique » de la Hongrie en septembre 2016 et donc annulé une décision de transfert vers cet État 72 ( * ) .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : PRÉCISER ET COMPLÉTER UN TEXTE INDISPENSABLE À LA MISE EN oeUVRE DES PROCÉDURES « DUBLIN »

A. RÉPONDRE DE MANIÈRE URGENTE À UN VIDE JURIDIQUE

1. Un texte indispensable

Dans son récent avis budgétaire sur la mission « Immigration, asile et intégration », votre rapporteur jugeait « prioritaire de faire évoluer la partie législative du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) pour sécuriser le placement en rétention des dublinés » 73 ( * ) .

Ses auditions et déplacements ont confirmé cette nécessité : tant la préfecture de police de Paris que la préfecture du Nord sont aujourd'hui démunies face à l'augmentation du nombre de procédures « Dublin » et leur difficile mise en oeuvre.

Votre rapporteur a entendu les inquiétudes exprimées , lors de ses auditions, par le mouvement associatif et le défenseur des droits . Il rappelle toutefois que ce texte respecte intégralement le règlement « Dublin III » et que son application sera contrôlée tant par le juge administratif que par le juge des libertés et de la détention (JLD).

À son initiative et pour assurer l'intelligibilité du droit, votre commission a assuré la lisibilité d'un article central du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article L. 551-1 , qui précise les conditions de placement en rétention des étrangers . (article 1 er ) .

2. La nécessité d'un débat plus large sur l'asile et l'immigration

La proposition de loi examinée par votre commission n'épuise pas le débat sur les politiques migratoires : de nature sectorielle, elle vise à sécuriser le placement en rétention des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin » en répondant à des difficultés concrètes rencontrées par les services de l'État.

Comme l'a déclaré notre collègue député Jean-Luc Warsmann, « nous ne sommes pas là (...) pour renégocier le règlement Dublin, nous ne sommes pas là (...) pour renégocier le régime du droit d'asile, nous ne sommes pas là (...) pour renégocier les conditions d'entrée et de séjour (en France) des étrangers. Nous sommes simplement là (...) pour dire au Gouvernement quelles conséquences nous tirons de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne et de l'avis du Conseil d'État » 74 ( * ) .

Cette proposition de loi conforte donc la nécessité d'une réforme globale des politiques d'éloignement .

Votre rapporteur souligne, en outre, que ce texte pourrait conduire à augmenter significativement le nombre de placements en rétention d'étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin », notamment avant la décision de transfert .

Il renouvelle ainsi ses inquiétudes concernant les moyens alloués aux centres de rétention administrative (CRA) par la loi de finances initiale pour 2018 75 ( * ) . Aussi les crédits dédiés au fonctionnement hôtelier des CRA pour l'année 2018 sont-ils inférieurs à la dépense constatée lors de l'exercice 2016 ; de même, les sommes allouées à l'accompagnement social des personnes retenues sont très limitées.

Cette programmation budgétaire insuffisante pourrait remettre gravement en cause les droits fondamentaux des étrangers placés en rétention ainsi que les conditions de travail des personnels de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) .

Le budget des centres de rétention administrative (CRA)

(en millions d'euros et en autorisations d'engagement)

Exécution 2016

LFI pour 2017

LFI pour 2018

Fonctionnement hôtelier des CRA

(restauration, blanchisserie, maintenance, etc .)

27,09

19

26,30

Investissement immobilier

1,84

3,1

5,1

Accompagnement social des personnes retenues

6,59

6,3

6,32

Total hors prise en charge sanitaire

35,52

28,4

37,72

Prise en charge sanitaire des personnes retenues

25,85

8

8,1

Total

61,37

36,4

45,82

N.B. En matière de prise en charge sanitaire, l'exercice 2016 est caractérisé par un événement exceptionnel rendant difficile les comparaisons avec les lois de finances initiales pour 2017 et pour 2018 (création provisoire de centres d'accueil à Grande-Synthe et à Calais).

Source : avis budgétaire n° 114 (2017-2018), op. cit ., p. 41

Votre rapporteur regrette également la lenteur des négociations européennes sur la réforme du droit d'asile : lancée au premier semestre 2016, cette réforme ne devrait pas aboutir avant 2019, ce qui est préoccupant au regard des enjeux à traiter.

B. CONFORTER LES PROCÉDURES « DUBLIN » POUR LES SÉCURISER ET AMÉLIORER LEUR EFFICACITÉ

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a souhaité améliorer, sur le plan technique, l'efficacité des procédures « Dublin » .

Elle a tout d'abord complété les critères de placement en rétention des étrangers soumis à ce règlement (article 1 er ) en autorisant la rétention de l'étranger :

- refusant de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales ou les altérant volontairement pour empêcher leur enregistrement 76 ( * ) ;

- dissimulant des informations relatives à son parcours migratoire, sa situation familiale ou ses demandes antérieures d'asile .

Ces deux situations matérialisent, en effet, un défaut de coopération de la part de la personne concernée et donc un risque non négligeable de fuite . Elles nuisent également au bon déroulement des procédures, les services préfectoraux n'obtenant pas les informations nécessaires au traitement des dossiers qui leur sont soumis.

Afin d'accélérer les procédures, votre commission a également réduit de quinze à sept jours le délai de saisine du juge administratif contre une décision de transfert , en l'absence d'assignation à résidence ou de placement en rétention 77 ( * ) (article 2).

Conforme au droit communautaire en vigueur 78 ( * ) , cette disposition reprend un amendement adopté par le Sénat en 2015 79 ( * ) à l'initiative de notre collègue Valérie Létard ainsi qu'une proposition de la Commission européenne 80 ( * ) .

Enfin, votre commission a simplifié le régime des visites domiciliaires ordonnées par le juge des libertés et de la détention (JLD) pour les étrangers assignés à résidence (article 1 er ) . La durée de validité de l'ordonnance du JLD serait ainsi allongée de quatre à six jours afin que les forces de l'ordre soient en mesure d'organiser et de réaliser ces visites.

Il s'agit, par cette disposition, de renforcer l'assignation à résidence pour qu'elle devienne une alternative crédible à la rétention , ces efforts ayant vocation à être poursuivis lors de l'examen du prochain projet de loi relatif à l'asile et à l'immigration.

C. SECURISER L'ASSIGNATION À RÉSIDENCE DE PERSONNES CONDAMNÉES À UNE INTERDICTION JUDICIAIRE DU TERRITOIRE

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a tenu à sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, dont le régime a été fragilisé fin 2017 par une décision du Conseil constitutionnel 81 ( * ) .

Alors que le Conseil constitutionnel a différé sa censure et laissé sept mois au législateur pour agir, le Gouvernement n'a à ce jour proposé aucune solution au Parlement pour rapidement remédier à l'inconstitutionnalité constatée, prenant ainsi le risque que toutes les assignations prononcées sur ce fondement tombent le 30 juin 2017, faute de base juridique.

La présente proposition de loi, qui modifie par ailleurs le régime de l'assignation à résidence de droit commun, a donc semblé à votre commission constituer le véhicule législatif approprié pour répondre dans les temps à l'invitation pressante du Conseil constitutionnel.

Estimant qu'il était absolument nécessaire de contrôler la présence sur le territoire de personnes potentiellement dangereuses qui, pour certaines, ont été condamnées pour des actes de terrorisme , votre commission a ainsi souhaité pérenniser le recours à ces assignations en encadrant et en précisant les conditions de leur maintien au-delà de cinq ans (nouvel article 3 de la proposition de loi).

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er (art. L. 551-1, L. 552-3, L. 553-6, L. 554-1, L. 556-1, L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Conditions de placement en rétention et d'assignation à résidence des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin »

L'article 1 er de la proposition de loi a un double objet : étendre et sécuriser le placement en rétention des « dublinés », d'une part, et simplifier leur régime d'assignation à résidence, d'autre part.

1. Étendre et sécuriser le placement en rétention des « dublinés »

1.1. Étendre la rétention : le placement en rétention en amont de la décision de transfert

Avant la décision de transfert , un demandeur d'asile présent sur le territoire français et faisant l'objet d'une procédure « Dublin » 82 ( * ) peut être assigné à résidence 83 ( * ) , mais ne peut pas être placé en rétention, comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son avis n° 408919 du 19 juillet 2017 .

Après notification de la décision de transfert , l'assignation à résidence demeure le principe selon le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) 84 ( * ) . Par exception, le « dubliné » peut être placé en rétention pour une durée maximale de 45 jours 85 ( * ) lorsqu'il ne présente pas les garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite .

La proposition de loi vise à étendre les possibilités de placement en rétention des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin » : si certains critères étaient réunis, la rétention serait autorisée après la décision de transfert (état du droit français) mais également en amont de cette décision (articles L. 551-1 et L. 561-2 du CESEDA, tels que modifiés par la proposition de loi).

Une telle disposition est rendue possible par l'article 28 du règlement « Dublin III », qui prévoit, dans cette hypothèse, des délais de procédure raccourcis 86 ( * ) .

D'après notre collègue Jean-Luc Warsmann, auteur de la proposition de loi et rapporteur de l'Assemblée nationale, il s'agit, « au nom de l'intérêt général comme de l'efficacité » de « donner (...) au Gouvernement les moyens d'action nécessaires » pour accroître le nombre de réadmissions assurées par la France vers d'autres États « Dublin » 87 ( * ) .

1.2. Sécuriser la rétention : la définition de critères pour objectiver le « risque non négligeable de fuite »

a) La fragilisation du droit en vigueur

Conformément à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), les étrangers peuvent être placés en rétention lorsqu'ils remplissent l'un des sept critères caractérisant un risque de fuite 88 ( * ) .

Transposant l'article 8 de la directive « retour » de 2013 89 ( * ) , ces critères s'appliquent aujourd'hui aux procédures d'éloignement de droit commun
- obligations de quitter le territoire français (OQTF) notamment - mais aussi aux procédures « Dublin ».

Dans sa décision n° 2011-631 DC du 9 juin 2011, le Conseil constitutionnel les a jugés conformes à la Constitution en considérant que « le législateur a retenu des critères objectifs qui ne sont pas manifestement incompatibles avec la directive que la loi a pour objet de transposer ; que, par suite, les dispositions contestées ne méconnaissent pas l'article 88-1 de la Constitution ».

Se fondant sur un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) 90 ( * ) , la Cour de cassation a toutefois considéré le 27 septembre dernier que les critères de l'article L. 511-1 du CESEDA n'étaient pas suffisants pour caractériser le « risque non négligeable de fuite » exigé par l'article 28 du règlement « Dublin III » pour placer en rétention un « dubliné » 91 ( * ) .

Depuis lors, ce type de placement en rétention n'est plus autorisé, ce qui fragilise les procédures « Dublin » engagées par les préfectures et nuit à leur efficacité .

b) Les critères de la proposition de loi

Dans ce contexte, la proposition de loi vise à sécuriser le placement en rétention des « dublinés » , qu'il soit ordonné en amont ou en aval de la décision de transfert (article L. 551-1 du CESEDA).

Elle tend, tout d'abord, à rappeler les deux conditions cumulatives à réunir, conformément à l'article 28 du règlement « Dublin III », pour ordonner ce placement en rétention .

Concrètement, un étranger sous procédure « Dublin » peut être placé en rétention uniquement :

- s'il présente un « risque non négligeable de fuite », examiné sur la base d'une « évaluation individuelle » (première condition cumulative) ;

- et si ce placement en rétention s'avère proportionnel , notamment face à l'impossibilité de mettre effectivement en oeuvre le régime de l'assignation à résidence (seconde condition cumulative).

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a souhaité assurer la lisibilité et la clarté de cet article L. 551-1 du CESEDA , article central dans le droit des libertés publiques car précisant les conditions de placement en rétention des étrangers ( amendement COM-4 ).

La proposition de loi vise, ensuite, à énumérer onze critères alternatifs permettant de caractériser un « risque non négligeable de fuite » au sens du règlement « Dublin III ». L'autorité administrative garderait toutefois une marge d'appréciation : elle pourrait prendre en compte des « circonstances particulières » empêchant le placement en rétention d'un « dubliné ».

Six critères concernent le parcours migratoire du demandeur d'asile, trois les éventuelles tentatives de fraude ou d'obstruction et deux ses conditions d'hébergement . Votre rapporteur considère que ces critères respectent la jurisprudence du Conseil constitutionnel dans la mesure où ils ne sont pas manifestement incompatibles avec le règlement « Dublin III » et permettent de caractériser de manière objective un « risque non négligeable de fuite ».

• Critères relatifs au parcours migratoire du demandeur d'asile

Sauf circonstances particulières, le risque non négligeable de fuite serait constitué lorsqu'un étranger s'est précédemment soustrait à une procédure « Dublin » ou a été débouté de sa demande d'asile dans un autre État membre.

De même, l'autorité administrative pourrait placer en rétention un étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin » et qui :

- aurait « explicitement déclaré son intention » de ne pas se conformer à cette procédure 92 ( * ) ;

- ou serait de nouveau présent sur le territoire français après l'exécution effective d'une mesure de transfert vers un autre État « Dublin » ;

- ou se serait soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement , critère qui inclurait les transferts « Dublin » mais également les obligations de quitter le territoire français (OQTF), les interdictions de retour sur le territoire français, les interdictions de circulation sur le territoire français et les expulsions pour motif d'ordre public ;

- ou se serait précédemment soustrait aux contraintes d'une OQTF ou d'une assignation à résidence (obligation de se présenter périodiquement devant l'autorité administrative ou les services de police et de répondre aux demandes d'information, remise de son passeport ou d'un justificatif d'identité).

• Critères relatifs à des tentatives de fraude ou d'obstruction

Les trois critères relatifs à des tentatives de fraude ou d'obstruction s'inspirent de l'article L. 511-1 du CESEDA, qui régit le droit commun de l'éloignement des étrangers en situation irrégulière.

Sauf circonstances particulières, présenterait un risque non négligeable de fuite l'étranger placé sous procédure « Dublin » et ayant contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage .

De même, l'autorité administrative pourrait ordonner le placement en rétention d'un « dubliné » ayant dissimulé des éléments de son identité .

Sur proposition de son rapporteur, votre commission a étendu ce critère à la dissimulation par l'étranger d'éléments de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile , ces informations étant indispensables à la bonne mise en oeuvre des procédures « Dublin » (amendement COM-6) .

À elle seule, la simple absence de documents d'identité ne pourrait pas suffire à établir une telle dissimulation . Cette précision, ajoutée par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet, s'inspire de l'article 25 de la convention de Genève de 1951 . Elle prend en compte la difficulté, pour les demandeurs d'asile, d'obtenir ou de conserver des documents d'identité délivrés par un pays qui les persécute.

Enfin, un étranger pourrait être placé en rétention s'il ne coopérait pas suffisamment avec l'autorité administrative dans la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » (non présentation aux convocations ou aux entretiens et absence de réponse aux demandes d'information), sauf s'il justifiait d'un motif légitime 93 ( * ) .

• Critères relatifs aux conditions d'hébergement

La proposition de loi tend à autoriser également le placement en rétention d'un étranger sous procédure « Dublin » à partir de critères relatifs à ses conditions d'hébergement. Concrètement, pourraient être placés en rétention :

- le demandeur d'asile qui a accepté le lieu d'hébergement proposé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mais l'a abandonné sans motif légitime ;

- celui qui a refusé ce lieu d'hébergement et ne peut justifier d'un lieu de résidence effective ou permanente .

En séance publique, l'Assemblée nationale a également adopté un amendement du Gouvernement visant à prévoir l'hypothèse où l'étranger ne serait pas éligible au programme d'hébergement de l'OFII et ne pourrait pas justifier du lieu de sa résidence effective ou permanente . Cette disposition vise principalement les étrangers « se maintenant en situation irrégulière sur le territoire sans s'y engager dans une démarche d'asile » 94 ( * ) .

• Le recueil des empreintes digitales : un critère supplémentaire ajouté par votre commission

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a ajouté un douzième critère permettant de caractériser un risque non négligeable de fuite : le refus de se conformer à l'obligation de donner ses empreintes digitales ou l'altération volontaire de ces dernières pour empêcher leur enregistrement (amendement COM-5).

En effet, d'après les informations recueillies par votre rapporteur, entre le 1 er janvier et le 18 septembre 2017, sur 5 576 présentations à la borne «Eurodac » dans le Calaisis, 3 469 refus de prélèvement d'empreintes ont été relevés (62 %). 132 personnes ont été placées en garde à vue mais aucune n'a été poursuivie sur le plan pénal.

De même, les altérations volontaires d'empreintes digitales sont fréquentes, ce qui nuit à l'efficacité du règlement « Dublin » et peut attester un risque non négligeable de fuite.

Dès lors, votre commission propose de permettre à la préfecture de placer en rétention un étranger soumis au règlement « Dublin » et refusant de donner ses empreintes ou les altérant volontairement, ce qui permet d' exclure du champ de la disposition les demandeurs d'asile de bonne foi dont les empreintes ont été altérées involontairement par accident .

1.3. La prise en compte de la vulnérabilité

En séance publique, nos collègues députés ont adopté, avec l'avis favorable du Gouvernement, deux amendements de Mme Coralie Dubost et du groupe La République En Marche pour prendre en compte les besoins particuliers des étrangers se trouvant en situation de vulnérabilité et placés en procédure « Dublin » (personnes handicapées, femmes enceintes, etc .) 95 ( * ) .

Un décret en Conseil d'État devrait préciser les modalités concrètes de cette prise en compte de la vulnérabilité durant l'ensemble de la procédure « Dublin » , de la saisine de l'État potentiellement responsable jusqu'à la mesure de réadmission vers ce dernier (article L. 553-6 du CESEDA).

De même, l'autorité administrative devrait « prendre en compte l'état de vulnérabilité de l'intéressé » avant de décider son éventuel placement en rétention (article L. 551-1 du CESEDA).

D'un point de vue strictement juridique, ces dispositions ont une portée limitée , l'article 28 du règlement « Dublin III » prévoyant déjà une évaluation individuelle de la situation des « dublinés » placés en rétention. Dans la même logique, l'article 10 de la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 96 ( * ) précise que « lorsque des personnes vulnérables sont placées en rétention, les États membres veillent à assurer un suivi régulier de ces personnes et à leur apporter un soutien adéquat, compte tenu de leur situation particulière, y compris de leur état de santé ».

En droit interne, l'article L. 551-1 du CESEDA prévoit, à titre d'exemple, que « le placement en rétention d'un étranger accompagné d'un mineur n'est possible que dans un lieu de rétention administrative bénéficiant de chambres isolées et adaptées, spécifiquement destinées à l'accueil des familles. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ». Son article R. 553-8 dispose que les locaux et les moyens matériels des centres de rétention administrative « doivent permettre au personnel de santé de donner des consultations et de dispenser des soins ».

1.4. La fin de la rétention

En séance publique, nos collègues députés ont souhaité préciser, sur proposition du Gouvernement, les conditions dans lesquelles il est mis fin à la rétention d'un étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin » (article L. 554-1 du CESEDA) :

- l'étranger ne pourrait être placé ou maintenu en rétention « que pour le temps strictement nécessaire » à la mise en oeuvre de la procédure « Dublin » ;

- si l'État « Dublin » saisi par la France refusait de prendre ou de reprendre en charge l'étranger, il serait « immédiatement mis fin » à sa rétention, « sauf si une demande de réexamen est adressée à cet État dans les plus brefs délais ou si un autre État peut être requis » ;

- si l'État saisi acceptait de prendre ou de reprendre en charge l'étranger, la préfecture devrait lui notifier sa décision de transfert « dans les plus brefs délais », notion certes peu précise mais déjà utilisée par le CESEDA 97 ( * ) .

En réalité, ces mesures reprennent plusieurs dispositions déjà en vigueur du droit communautaire et du droit interne ; leurs conséquences juridiques sont donc difficiles à cerner .

D'application directe, l'article 28 du règlement « Dublin III » prévoit ainsi que « le placement en rétention (d'un dubliné) est d'une durée aussi brève que possible et ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnablement nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises avec toute la diligence voulue jusqu'à l'exécution du transfert ».

De même, l'article L. 554-1 du CESEDA rappelle que tout étranger « ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet ».

1.5. Le cas particulier de la demande d'asile en rétention

Tout étranger placé en rétention peut déposer une demande d'asile. Le traitement de cette dernière relève d'une procédure spécifique, dite de « l'asile en rétention », définie par l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

L'asile en rétention : aspects généraux

Pendant sa rétention (d'une durée maximale de 45 jours), un étranger peut déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

Une fois la demande d'asile déposée, la préfecture doit mettre fin à la rétention. Elle peut toutefois prendre une décision écrite et motivée de maintien en rétention « si elle estime, sur le fondement de critères objectifs, que cette demande (d'asile) est présentée dans le seul but de faire échec à l'exécution de la mesure d'éloignement » 98 ( * ) .

La rétention est alors maintenue « le temps strictement nécessaire » à l'examen de la demande d'asile par l'OFPRA et, en cas de décision de rejet ou d'irrecevabilité, dans l'attente de l'éloignement de l'étranger.

En cas de demande d'asile en rétention, l'OFPRA statue en procédure accélérée dans un délai de 96 heures. La préfecture met immédiatement fin à la rétention si l'office ne respecte pas ce délai d'instruction, s'il reconnaît la qualité de réfugié à l'étranger ou lui accorde la protection subsidiaire.

Une difficulté d'articulation a récemment été constatée entre la demande d'asile en rétention, d'une part, et la procédure « Dublin », d'autre part.

En mai 2017, Mme A., ressortissante nigérienne, a déposé une demande d'asile alors qu'elle était retenue au centre de rétention administrative (CRA) de Cornebarrieu (Haute-Garonne).

Il est apparu, après consultation de la base de données « Eurodac », que Mme A. avait précédemment demandé l'asile en Italie et qu'une procédure « Dublin III » devait être engagée en vue de son transfert vers cet État.

Alors qu'elle interrogeait l'Italie dans le cadre de la procédure « Dublin », la préfecture de Haute-Garonne n'a pas mis fin à la rétention de Mme A. Elle n'a pas, non plus, pris de décision écrite et motivée justifiant son maintien en rétention. Le juge des référés l'a toutefois enjoint à réexaminer le dossier et à prendre une décision de maintien en rétention de Mme A., conformément à l'article L. 556-1 du CESEDA.

Or, en l'état du droit français, le maintien en rétention de l'étranger ayant déposé une demande d'asile est prévu pour un seul motif : que l'OFPRA puisse examiner cette demande. Comme l'office n'est pas compétent pour les demandes d'asile relevant du règlement « Dublin III », la préfecture ne peut pas, en l'état du droit, maintenir la rétention d'un « dubliné » ayant déposé sa demande d'asile en centre de rétention administrative.

Pour remédier à ce vide juridique, la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé , sur proposition de son rapporteur, que la préfecture pouvait maintenir en rétention un étranger ayant déposé sa demande d'asile en CRA et faisant l'objet d'une procédure « Dublin » (article L. 556-1 du CESEDA).

Ce maintien en rétention pourrait être utilisé, à la fois, pour déterminer l'État responsable de la demande d'asile et pour mener à bien le transfert de l'étranger vers cet État. La préfecture n'aurait ni à saisir l'OFPRA ni à émettre une décision de maintien en rétention. Conformément au droit commun, la durée globale de la rétention ne pourrait dépasser 45 jours.

2. Simplifier le régime d'assignation à résidence des « dublinés »

• Le droit en vigueur : deux régimes d'assignation à résidence distincts

En l'état du droit, deux régimes d'assignation à résidence sont applicables aux étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin » :

- avant la décision de transfert vers l'État responsable du traitement de leur demande d'asile, ils peuvent se voir appliquer une assignation à résidence ad hoc pour une durée de 180 jours, renouvelable une fois pour la même durée (article L. 742-2 du CESEDA) . En pratique, cette assignation à résidence ad hoc est peu, voire pas, utilisée 99 ( * ) ;

- après la décision de transfert , la préfecture peut les assigner à résidence pendant une durée de 45 jours, renouvelable une fois, selon les règles de droit commun applicables aux étrangers dont l'éloignement « demeure une perspective raisonnable » (article L. 561-2 du CESEDA) .

Au total, l'étranger placé sous procédure « Dublin » peut être assigné à résidence pendant 450 jours 100 ( * ) .

Sur le fond, ces deux régimes d'assignation à résidence sont comparables : dans les deux cas, l'étranger a l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie.

Le régime ad hoc de l'article L. 742-2 du CESEDA est toutefois plus précis sur un point : l'étranger a l'obligation de coopérer avec les services de la préfecture pour les aider à déterminer l'État responsable de sa demande d'asile.

En toute hypothèse, les étrangers assignés à résidence peuvent être contraints de remettre leur passeport ou tout document d'identité et peuvent être placés en rétention lorsqu'ils ne présentent plus les garanties de représentation suffisantes.

De même, la préfecture peut requérir le juge des libertés et de la détention (JLD) pour organiser une visite domiciliaire dans l'hypothèse où l'étranger placé sous procédure « Dublin » ne se montrerait pas suffisamment coopératif.

Les visites domiciliaires applicables aux étrangers sous procédure « Dublin »

Le CESEDA prévoit deux types de visites domiciliaires pour les « dublinés » :

- avant la décision de transfert , une visite peut être ordonnée lorsque l'étranger ne défère pas, sauf motif légitime, aux convocations de l'autorité administrative et aux entretiens prévus pour la détermination de l'État responsable de sa demande d'asile. Cette visite domiciliaire vise à s'assurer de la présence de l'étranger, à le conduire de force pour réaliser les démarches administratives nécessaires et, le cas échéant, à lui notifier une décision de placement en rétention ou de transfert (article L. 742-2) ;

- après la décision de transfert , une visite domiciliaire peut être ordonnée s'il s'avère impossible d'exécuter d'office la mesure d'éloignement du fait de « l'obstruction volontaire » de l'étranger. L'objectif de cette visite est de s'assurer de sa présence et de le reconduire à la frontière ou, si son départ n'est pas possible immédiatement, de lui notifier une décision de placement en rétention ( article L. 561-2) .

Dans ces deux hypothèses, les visites domiciliaires sont autorisées par le juge des libertés et de la détention (JLD) , qui statue dans un délai de 24 heures. Exécutoire pendant 96 heures, l'ordonnance du JLD est notifiée sur place à l'étranger dans une langue qu'il comprend.

Les visites ne peuvent commencer ni avant 6 heures ni après 21 heures. Elles font l'objet d'un procès-verbal transmis au JLD, copie ayant été remise à l'étranger.

• L'objectif de la proposition de loi : unifier le régime des assignations à résidence applicables aux « dublinés »

L'article 1 er de la proposition de loi, complété par l'article 2, vise à remplacer les deux régimes actuels d'assignation à résidence de la procédure « Dublin » 101 ( * ) par un régime d'assignation unique, d'une durée de 45 jours, renouvelable trois fois pour la même durée (articles L. 561-2 et L. 742-2 du CESEDA).

L'étranger sous procédure « Dublin » assigné à résidence aurait, comme aujourd'hui, l'obligation de se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie, voire de remettre son passeport ou un document d'identité.

Des visites domiciliaires pourraient être autorisées par le juge des libertés et de la détention (JLD) dans un double objectif : obtenir les informations nécessaires à la détermination de l'État compétent pour l'examen de la demande d'asile ou mettre en oeuvre la procédure de transfert vers cet État. Les garanties procédurales prévues en l'état du droit seraient maintenues : les visites ne pourraient commencer ni avant 6 heures ni après 21 heures ; elles feraient l'objet d'un procès-verbal transmis au JLD, etc .

De même, le « dubliné » assigné à résidence mais présentant un risque non négligeable de fuite pourrait être placé en rétention .

Enfin, son obligation de coopération avec l'autorité administrative 102 ( * ) couvrirait explicitement l'ensemble de la procédure « Dublin », de la détermination de l'État responsable à la réadmission effective de l'étranger.

L'unification du régime de l'assignation à résidence pendant la procédure « Dublin »

Source : commission des lois du Sénat

D'après notre collègue député Jean-Luc Warsmann, il s'agit « d' unifier le régime de l'assignation à résidence » car il semble « complexe de faire perdurer un régime de droit commun et un régime destiné aux personnes relevant du règlement Dublin » 103 ( * ) .

Cette mesure de simplification implique une diminution de la durée globale de l'assignation à résidence des personnes placées en procédure « Dublin » , qui passerait ainsi de 450 à 180 jours, soit une réduction de 270 jours. Les services de l'État entendus en audition par votre rapporteur considèrent toutefois cette durée de 180 jours comme suffisante pour mener à bien les procédures.

• L'apport de votre commission : simplifier les procédures de visite domiciliaire

En l'état du droit, l'assignation à résidence d'un étranger, y compris lorsqu'il est soumis au règlement « Dublin III », est le principe, la rétention l'exception.

En pratique, l'assignation à résidence est sous-utilisée , les préfectures la jugeant souvent trop peu efficace : en 2016, 44 086 étrangers ont été placés en rétention et 4 687 sous assignation à résidence 104 ( * ) .

Il convient donc de renforcer le régime de l'assignation à résidence pour que cette dernière devienne une alternative crédible à la rétention .

Dès lors, votre commission a souhaité conforter l'un des outils de l'assignation à résidence : les visites domiciliaires permettant de s'assurer de la présence de l'étranger à son lieu d'assignation à résidence et de le conduire, le cas échéant, à ses rendez-vous administratifs (amendement COM-8) .

Dans les faits, ces visites restent peu mobilisées par les préfectures car trop complexes à mettre en oeuvre et nécessitant la mise à disposition rapide de forces de l'ordre , comme l'ont démontré les auditions de votre rapporteur.

Dès lors, il est proposé de simplifier les visites domiciliaires, tout en garantissant les droits des étrangers concernés. Concrètement, la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention serait allongée de quatre à six jours .

Cette disposition concernerait les personnes soumises au règlement « Dublin III » (article L. 742-2 du CESEDA) mais également l'ensemble des étrangers placés en assignation à résidence sur le fondement de l'article L. 561-2 du même code. Elle ne remettrait pas en cause l'ensemble des garanties accordées aux personnes concernées (autorisation du JLD, encadrement des horaires des visites domiciliaires, etc. ).

Votre commission a adopté l'amendement rédactionnel COM-7 ainsi que l'article 1 er ainsi modifié.

Article 1er bis (art. L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Information et conditions de placement en rétention des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin »

L'article 1 er bis de la proposition de loi, inséré par la commission des lois de l'Assemblée nationale sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, tend d'abord à interdire le placement en rétention d'un étranger « dubliné » lors du dépôt de sa première demande d'asile en préfecture .

En outre, l'Assemblée nationale a adopté en séance un amendement, déposé par Mme Coralie Dubost et les membres du groupe La République En Marche, visant à garantir le droit à l'information des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure « Dublin ».

1. Interdiction du placement en rétention d'un étranger déposant une première demande d'asile en préfecture

L'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) fixe les conditions générales d'enregistrement des demandes d'asile en France (présentation de la demande, détermination de l'État responsable en application du règlement « Dublin III », délai d'enregistrement, obligation de coopérer et de produire tout document nécessaire, conditions de délivrance d'une attestation de demande d'asile). Les candidats à l'asile doivent, en particulier, se présenter « en personne » pour faire enregistrer leur demande en préfecture.

Le 2° de l'article 1 er bis de la proposition de loi complète ces dispositions pour prévoir, qu'au moment de sa présentation en préfecture en vue de l'enregistrement d'une première demande d'asile en France, « l'étranger ne peut être regardé comme présentant le risque non négligeable de fuite défini aux a à j de l'article L. 551-1 ».

Se trouve interdit, en conséquence, le placement en rétention d'un étranger se rendant à la préfecture pour y déposer une première demande d'asile au motif que le traitement de la demande relèverait d'un autre État européen en application du règlement « Dublin III » . Il s'agit, selon l'auteur de cet ajout, de ne pas « dissuader les demandeurs de bonne foi de se présenter aux autorités administratives » 105 ( * ) pour déposer une demande d'asile.

Votre rapporteur comprend l'objectif de cet amendement et a pu constater lors de ses auditions un large consensus autour de ce principe. Il s'interroge néanmoins sur l'utilité réelle d'inscrire dans la loi une règle qui découle déjà de la jurisprudence protectrice de la Cour de cassation sur les « exigences de loyauté » de la procédure de traitement des demandeurs d'asile 106 ( * ) .

Votre rapporteur note également que, paradoxalement, tel qu'il est rédigé, le principe ainsi inscrit dans le CESEDA ne concernerait que les seuls demandeurs d'asile « dublinés », et non les autres demandeurs dont le dossier relève de l'OFPRA.

2. Information des demandeurs d'asile faisant l'objet d'une procédure « Dublin »

L'article 4 (« droit à l'information ») du règlement « Dublin III » prévoit, « dès qu'une demande de protection internationale est introduite », qu'un demandeur d'asile soit informé de l'application de ce règlement et que soit aussi portée à sa connaissance toute une série d' informations relatives à la procédure (objectifs du règlement, critères de détermination de l'État responsable, entretien individuel, contestation de la décision de transfert, échange de données et droit d'accès et de rectification).

Ces dispositions sont d'application directe et ont été mises en oeuvre par la Commission européenne qui a publié deux brochures d'information apportant ces informations et systématiquement remises aux « dublinés » 107 ( * ) . Le juge administratif considère d'ailleurs que l'absence d'information ou son manque d'intelligibilité pour un « dubliné » constitue une « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale que constitue le droit d'asile » 108 ( * ) susceptible d'entacher d'irrégularité la procédure.

Le 1° de l'article 1 er bis de la proposition de loi complète l'article L. 741-1 du CESEDA pour prévoir que tout demandeur reçoive, dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, une information sur ses droits et obligations en application du règlement « Dublin III », dans les conditions prévues à son article 4.

Votre rapporteur s'interroge, ici encore, sur l'utilité réelle d'un tel ajout , qui se borne à prévoir des garanties figurant déjà dans un règlement d'application directe et dont les demandeurs d'asile bénéficient systématiquement aujourd'hui en pratique.

Votre commission a adopté l'amendement de coordination COM-9 et l'article 1 er bis ainsi modifié .

Article 2 (art. L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, et L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) - Coordinations - Interdiction de transférer un demandeur d'asile dans un État « Dublin » faisant preuve de « défaillances systémiques » - Délai de saisine du juge administratif

L'article 2 de la proposition de loi a un double objectif : procéder à des coordinations légistiques et interdire la réadmission d'un demandeur d'asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans les procédures et les conditions d'accueil des demandeurs.

À l'initiative de son rapporteur, votre commission des lois a également réduit le délai de saisine du juge administratif à l'encontre d'une décision de transfert.

1. Coordinations

L'article 2 vise, tout d'abord, à procéder à diverses coordinations pour tirer les conséquences de l'unification du régime d'assignation à résidence des « dublinés » et de la possibilité, pour les préfectures, de les placer en rétention avant la décision de transfert.

Coordinations de l'article 2 de la proposition de loi

Alinéas de la PPL transmise au Sénat

Motifs de coordination

Articles du CESEDA 109 ( * ) concernés

1 à 16

Unification du régime d'assignation à résidence des étrangers sous procédure « Dublin »

L. 742-2

18 et 19

Possibilité de notifier une décision de transfert à un étranger déjà placé en rétention ou assigné à résidence

L. 742-4 et L. 742-5

Source : commission des lois du Sénat

2. Interdiction des transferts vers les États faisant preuve de « défaillances systémiques »

L'article 2 vise, en outre, à rappeler qu'une procédure « Dublin » ne peut conduire à transférer un demandeur d'asile vers un pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans les procédures et les conditions d'accueil des demandeurs .

Insérée à l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), cette disposition est issue d'un amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, sur proposition de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet.

La notion de « défaillances systémiques » est définie par l'article 4 du règlement « Dublin III » de 2013 110 ( * ) ; elle se réfère aux États dans lesquels il existe un « risque de traitement inhumain et dégradant » des demandeurs d'asile.

Aussi la France n'est-elle pas autorisée à transférer un demandeur d'asile vers un État « Dublin » présentant des « défaillances systémiques » . Elle doit, à l'inverse, établir si un autre État peut être considéré responsable de l'examen de la demande d'asile et, dans le cas contraire, procéder elle-même à cet examen.

Les « défaillances systémiques » peuvent être constatées :

- à l'échelle européenne, la Commission européenne ayant par exemple interdit les réadmissions vers la Grèce entre 2011 et 2017 ;

- par chaque État, dont le ministère en charge du droit d'asile peut refuser de procéder à des transferts « Dublin » vers certains pays ;

- par le juge, la Cour administrative d'appel de Bordeaux ayant par exemple reconnu une « défaillance systémique » de la Hongrie en septembre 2016 et annulé, de ce fait, une procédure de réadmission 111 ( * ) .

Un exemple de « défaillances systémiques » au sens du règlement « Dublin III » 112 ( * )

Début 2009 , M. M.S.S, ressortissant afghan, dépose une demande d'asile en Belgique. La base de données « Eurodac » permet d'établir qu'il a déposé une première demande en Grèce. La Belgique engage, en conséquence, une procédure « Dublin » et interroge la Grèce . Cette dernière confirme être l'État responsable de l'examen de cette demande d'asile par un courrier en date du 4 juin 2009.

Le 15 juin 2009, M. M.S.S est transféré vers la Grèce.

À son arrivée, il est détenu pendant plusieurs jours dans le centre de rétention attenant à l'aéroport international d'Athènes. La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) observe que « les détenus n'avaient pas accès à la fontaine d'eau située à l'extérieur et devaient boire l'eau des toilettes . Dans le secteur destiné aux personnes arrêtées, il y avait 145 détenus pour une surface de 110 m 2 . Dans plusieurs cellules, il n'y avait qu' un lit pour 14 à 17 personnes ».

À sa sortie du centre de rétention, M. M.S.S a « vécu pendant des mois dans le dénuement le plus total » et n'a pu faire face à « aucun de ses besoins les plus élémentaires : se nourrir, se laver et se loger. À cela s'ajoutait l'angoisse permanente d'être attaqué et volé ainsi que l'absence totale de perspective de voir sa situation s'améliorer ».

Au regard de ces différents éléments, la CEDH considère que M. M.S.S a subi un traitement inhumain et dégradant , du fait :

- de la Grèce, condamnée à 5 725 euros de dommages et intérêts ;

- mais également de la Belgique, condamnée à 32 250 euros de dommages et intérêts pour avoir transféré un demandeur d'asile vers un État faisant preuve de « défaillances systémiques » dans l'accueil des demandeurs.

D'un point de vue strictement juridique, l'ajout de cette disposition à l'article L. 742-7 du CESEDA ne semble donc pas indispensable : d'application directe, le règlement « Dublin III » interdit déjà les transferts vers des pays faisant preuve de « défaillances systémiques » dans l'accueil des demandeurs, sans qu'il soit nécessaire de le préciser en droit français.

Sans remettre en cause la disposition votée par l'Assemblée nationale, votre commission a adopté l'amendement COM-11 de son rapporteur afin de la préciser et d' éviter certaines confusions . Elle a rappelé que c'est bien le transfert des étrangers vers ces pays « défaillants » qui est interdit, non l'engagement de l'ensemble de la procédure « Dublin ».

3. Réduction de délai de saisine du juge contre la décision de transfert

D'après le règlement « Dublin III », une décision de transfert peut être contestée « dans un délai raisonnable ».

En droit français, cette décision peut être contestée dans un délai de quinze jours devant le juge administratif (délai réduit à 48 heures en cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention) 113 ( * ) .

En 2015, lors du débat sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, le Sénat avait souhaité réduire ce délai de saisine à sept jours, sur proposition de notre collègue Valérie Létard.

Cette proposition est aujourd'hui reprise par la Commission européenne dans son projet de refonte du règlement « Dublin III » 114 ( * ) .

Par cohérence, votre commission a souhaité réduire le délai de contestation d'une décision de transfert de quinze à sept jours, ce qui permettrait d'accélérer les procédures tout en préservant le droit au recours des personnes concernées (amendement COM-10).

Votre commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.

Article 3 (nouveau) (art. L. 561-1, L. 561-2 et L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, art. 39 de l'ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna, art. 41 de l'ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française et art. 41 de l'ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie) - Sécurisation juridique des assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire

Issu de l'adoption de l'amendement COM-12 de votre rapporteur, l'article 3 de la proposition de loi vise à sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, dont le régime a été fragilisé fin 2017 par une censure partielle du dispositif prononcée par le Conseil constitutionnel lors de l'examen d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Alors que le Conseil constitutionnel avait différé sa censure et laissé sept mois au législateur pour agir, votre rapporteur regrette que le Gouvernement n'ait proposé aucun texte au Parlement pour remédier rapidement à l'inconstitutionnalité constatée : le Gouvernement prend ainsi le risque que toutes les assignations prononcées sur ce fondement tombent le 30 juin 2018, faute de base juridique.

Votre rapporteur s'inquiète en particulier du sort réservé aux personnes actuellement concernées par ces assignations , qui sont pourtant parfois toujours potentiellement dangereuses, ayant été pour certaines condamnées pour des actes de terrorisme . Désigné par la presse comme un « vétéran du jihad », Kamel D., à l'origine de la QPC précitée, inexpulsable vers l'Algérie, a été condamné fin 2005 en appel à six ans de prison ainsi qu'à une interdiction définitive du territoire pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Cet individu réside ainsi toujours en France, sous un régime juridique désormais fragile.

La présente proposition de loi, qui modifie également le régime de l'assignation à résidence de droit commun, a donc semblé à votre commission constituer le véhicule législatif approprié (cet article additionnel présente ainsi un lien avec ces disposition initiales du texte) pour répondre dans les temps à l'invitation pressante du Conseil constitutionnel (le présent article vise à remédier à une inconstitutionnalité dans le CESEDA).

1. L'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire

L' article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) autorise, dans certains cas, l'assignation à résidence d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement s'il justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français, de regagner son pays d'origine ou de se rendre dans aucun autre pays .

Ces dispositions permettent, en particulier, à l'autorité administrative d'assigner à résidence, sans limite de durée, les étrangers ayant été condamnés à une interdiction judiciaire du territoire, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de l'obligation de quitter le territoire (dernière phrase du huitième alinéa de l'article L. 561-1 du CESEDA).

L'interdiction judiciaire du territoire (article 131-30 d u code pénal)

La juridiction répressive a la faculté de prononcer une interdiction du territoire, à titre de peine complémentaire , lorsqu'un étranger majeur commet un crime ou un délit pour lequel le code pénal ou d'autres textes prévoient cette peine. Lorsqu'un délit est puni de l'interdiction du territoire, la juridiction de jugement peut ne prononcer que cette peine à titre principal (article 131-11 du code pénal).

Le code pénal réserve toutefois certains cas dans lesquels la juridiction correctionnelle ou criminelle ne peut infliger l'interdiction du territoire en raison de la situation personnelle de l'intéressé (article 131-30-2 du code pénal) et, d'autres, en matière correctionnelle, dans lesquels l'interdiction du territoire ne peut être prononcée que par une décision spécialement motivée au regard de la gravité de l'infraction et de la situation personnelle et familiale de l'étranger (article 131-30-1 du code pénal).

La peine d'interdiction du territoire peut être prononcée à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus (article 131-30 du code pénal). Elle entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière , le cas échéant à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. L'interdiction du territoire prononcée à titre de peine principale et assortie d'une exécution provisoire entraîne, de plein droit, le placement de l'étranger en rétention.

L'étranger condamné à la peine complémentaire d'interdiction du territoire peut demander à en être relevé, en tout ou partie, y compris en ce qui concerne la durée, sauf lorsque l'interdiction du territoire a été prononcée à titre principal.

L'assignation à résidence permet à l'étranger, qui n'a aucun droit au séjour en France, de pouvoir néanmoins se maintenir temporairement sur le territoire, dans un lieu choisi par l'autorité administrative, aussi longtemps qu'il n'a pas trouvé un pays de destination qui serait prêt à l'accueillir . Il n'existe donc pas de durée maximale pour ce type d'assignation à résidence.

L'assignation à résidence d'un étranger comprend plusieurs contraintes 115 ( * ) , certaines plus rigoureuses étant spécifiques aux étrangers sous interdiction judiciaire du territoire, dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée :

- l'étranger doit résider dans un lieu qui peut être choisi sur l'ensemble du territoire de la République, quel que soit l'endroit où il se trouve ;

- il doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (le nombre de présentations quotidiennes pouvant être fixé à quatre, au plus) ;

- il peut se voir désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il est assigné à résidence (dans la limite de dix heures consécutives par vingt-quatre heures) ;

- il doit, lorsque l'autorité administrative le lui demande, se présenter aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage (laissez-passer consulaire).

2. La censure à effet différé du Conseil constitutionnel

Par sa décision n° 2017-674 QPC, M. Kamel D. , du 30 novembre 2017 [Assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion], le Conseil constitutionnel a partiellement censuré ces dispositions.

Il a d'abord jugé qu'il était certes loisible au législateur de ne pas fixer de durée maximale à l'assignation à résidence afin de permettre à l'autorité administrative d'exercer un contrôle sur l'étranger compte tenu de la menace à l'ordre public qu'il représente ou afin d'assurer l'exécution d'une décision de justice,

Mais il a considéré qu'il était porté une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, estimant que « (...) si le placement sous assignation à résidence après la condamnation à l'interdiction du territoire français peut toujours être justifié par la volonté d'exécuter la condamnation dont l'étranger a fait l'objet, le législateur n'a pas prévu qu'au-delà d'une certaine durée, l'administration doive justifier de circonstances particulières imposant le maintien de l'assignation aux fins d'exécution de la décision d'interdiction du territoire ».

3. Les précisions apportées par votre commission pour répondre à la décision du Conseil constitutionnel

Introduit par votre commission, l'article 3 de la proposition de loi entend, dès lors, sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire, en prévoyant que le maintien sous assignation à résidence au-delà d'une durée de cinq ans fasse désormais l'objet d' une décision expresse spécialement motivée, qui énonce les circonstances particulières justifiant cette prolongation au regard, notamment, de l'absence de garanties suffisantes de représentation de l'étranger ou si sa présence constitue une menace grave pour l'ordre public .

La rédaction adoptée se conforme strictement en cela aux orientations esquissées par le commentaire aux Cahiers de la décision QPC précitée, aux termes duquel :

« [Dans le cas d'une interdiction judiciaire du territoire,] le maintien de l'intéressé sous assignation à résidence doit (...) être motivé par des circonstances particulières, qu'il appartient au législateur de définir, qui justifient la prorogation de cette mesure restrictive de liberté aux fins d'assurer l'éloignement de l'étranger. Celles-ci peuvent, par exemple, correspondre à l'absence de garanties suffisantes de représentation de l'étranger, ce qui justifie le maintien de la mesure d'assignation à résidence afin d'assurer son éloignement dès qu'une perspective raisonnable apparaîtra. Il pourrait également être exigé la démonstration d'une dangerosité particulière de la personne en cause, qui renforce la nécessité d'exécuter la décision d'interdiction du territoire. »

Interrogé par votre rapporteur, le ministère de l'intérieur approuve la fixation à cinq ans de la durée au-delà de laquelle l'administration doit justifier par des circonstances particulières le maintien de l'assignation, la jugeant équilibrée et adéquate pour permettre à ses services d'apprécier sur une période significative les garanties de représentation de l'étranger et sa dangerosité.

Une telle durée est d'ailleurs parfaitement cohérente avec l'état du droit existant pour certaines mesures administratives d'effet comparable : réexamen obligatoire tous les cinq ans des motifs de l'interdiction administrative du territoire (article L. 214-6 du CESEDA) et réexamen obligatoire tous les cinq des motifs de l''arrêté d'expulsion (article L. 524-2 du CESEDA). En pratique, un délai moindre imposerait un rythme excessif à l'administration et pourrait nuire à la qualité du suivi des dossiers. Il pourrait inciter certains individus à faire échec à la mise à exécution de leur peine pendant la mesure d'assignation à résidence (par exemple en ne coopérant pas aux démarches engagées en vue de l'obtention d'un laissez-passer consulaire).

Votre commission a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

*

* *

Votre commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

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(MERCREDI 17 JANVIER 2018)

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Cette proposition de loi de notre collègue député Jean-Luc Warsmann vise à résoudre un problème ponctuel mais urgent lié au statut des demandeurs d'asile soumis au règlement européen dit de Dublin. Il ne s'agit pas ici de résoudre l'ensemble de la problématique migratoire. Elle sera l'objet d'un projet de loi dont la présentation au Conseil d'État est annoncée pour le mois de février, et que nous n'examinerons sûrement pas avant le printemps, après l'Assemblée nationale.

Le régime d'asile européen commun résulte des accords de Tampere de 1999, le Conseil retenant comme principe cardinal qu'un seul État soit compétent pour gérer l'examen de chaque demande d'asile. Les accords de Dublin sont appliqués dans 32 États, les membres de l'Union européenne ainsi que l'Islande, la Norvège, la Suisse et le Lichtenstein. Un migrant qui fait une demande d'asile est enregistré dans la base de données Eurodac, il est autorisé à rester dans le pays où il a présenté sa demande, mais pas à se déplacer. Une personne qui, par exemple, a fait sa demande en Grèce et qui serait contrôlée en Allemagne doit être renvoyée en Grèce pour que sa demande d'asile soit traitée, l'objectif étant d'éviter un « forum shopping » de l'asile, et de développer la solidarité entre États parties aux accords.

Lorsqu'un étranger est contrôlé en France ou qu'il fait une demande d'asile, nous devons nous assurer que le traitement de sa demande ne relève pas d'un autre État, et en particulier qu'il n'a pas fait de demande ailleurs en Europe auparavant. Si c'est le cas, nous adressons une demande d'autorisation de transfert au pays qui a reçu la première demande, puis nous le renvoyons. Huit critères bien définis et hiérarchisés permettent à l'administration d'apprécier la situation de ces étrangers et de déterminer le pays responsable.

Ce système « Dublin » fonctionne tant que les flux migratoires ne sont pas trop importants, pas en cas de crise.

Depuis quelque temps, nous rencontrons des difficultés liées à l'augmentation des flux migratoires et à la volonté d'évitement de ces enregistrements. Par exemple, il a pu arriver que, de manière volontaire ou non, des entrées en Grèce, en Italie ou ailleurs ne soient pas enregistrées dans Eurodac.

Or, au bout d'un certain délai, si le pays d'arrivée n'a pu être identifié, la France redevient responsable et c'est à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) d'examiner la demande d'asile. Sur les 100 412 demandes faites à l'Ofpra en 2017, 22 000 relèveraient ainsi de ce cas.

Le droit français actuel ne permet pas le placement en rétention des étrangers sous procédure « Dublin » avant l'obtention d'une autorisation de transfert - conformément à la volonté initiale du législateur -, comme l'a rappelé le Conseil d'État, saisi pour avis par la cour administrative d'appel de Douai.

Après une décision de transfert, et pour préparer celui-ci, la préfecture peut placer l'étranger sous assignation à résidence ou en rétention. L'article 28 du règlement Dublin III précise les conditions requises pour décider d'une rétention après l'obtention de l'autorisation de transfert : un risque non négligeable de fuite, caractérisé après un examen individuel de la situation et respectant le principe de proportionnalité, étant entendu que d'autres mesures, comme l'assignation à résidence, peuvent être préférées. Mais un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), en mars 2017, a considéré que le placement en rétention d'un étranger « dubliné » ne pouvait être mis en oeuvre par un État que si celui-ci avait défini, par des dispositions de portée générale, les critères établissant le risque non négligeable de fuite.

La Cour de cassation a suivi le même raisonnement et jugé que les critères figurant dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour autoriser la rétention de droit commun n'étaient pas suffisants, faute de définition explicite du risque non négligeable de fuite. Aujourd'hui, nos préfectures n'ont donc plus la possibilité de placer en rétention une personne, même si elle a fait l'objet d'une autorisation de transfert.

Nos auditions et nos déplacements le confirment : nos services de préfecture considèrent la situation comme intenable, l'exécution de la décision de transfert dans le pays de première demande est impossible dans bien des cas, faute de pouvoir recourir désormais à la rétention.

La proposition de loi vise, en réponse à ce problème, d'une part à sécuriser juridiquement la possibilité de placement en rétention après la décision de transfert en précisant la définition du « risque non négligeable de fuite », et d'autre part à autoriser, dans certains cas, le placement en rétention avant l'obtention d'une autorisation de transfert.

Le texte de l'Assemblée nationale ne pose pas de problème sur le fond, mais je vous proposerai plusieurs améliorations : préciser les modalités de la prise d'empreintes digitales, ramener à sept jours le délai de recours contre la décision de transfert et allonger de quatre à six jours la durée de validité de l'ordonnance autorisant les visites domiciliaires par les forces de l'ordre en cas d'assignation à résidence ; cela sécurise cette procédure et est de nature à éviter le choix systématique d'un placement en rétention.

Je propose en outre d'insérer un article additionnel : une question prioritaire de constitutionnalité a donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel, en novembre dernier, fragilisant l'assignation à résidence des étrangers condamnés à une interdiction de territoire national mais qui ne peuvent être éloignés. Le Conseil constitutionnel exige que la loi fixe une durée à l'issue de laquelle l'administration doit motiver à nouveau la décision de maintien sous assignation à résidence.

Le Conseil constitutionnel a laissé au Gouvernement jusqu'à la fin juin 2018 pour régler ce problème, mais ce dernier n'a rien entrepris pour l'instant, considérant sans doute qu'il pourrait régler la question dans le futur projet de loi sur l'asile et l'immigration. Il paraît plus prudent de régler cette question dès à présent, d'autant qu'elle concerne souvent des personnes condamnées pour terrorisme, dont on ne doit pas perdre la trace.

La crise migratoire met à mal le règlement de Dublin. Voyez les difficultés auxquelles se heurtent la Grèce, l'Italie, à telle enseigne que l'Union européenne a dû mettre en place en 2015 un dispositif dérogatoire de relocalisation. Les services de la Commission nous ont dit que des discussions étaient en cours pour faire évoluer le règlement de Dublin sans remettre en cause son principe, mais cela prendra du temps. Il faut donc traiter le point particulier dont il est question aujourd'hui, tout en ayant conscience de la nécessité de faire évoluer le règlement dans son ensemble
- mais cela nous échappe largement.

Je ne suis pas hostile, vous le savez, à l'efficacité de la lutte contre l'immigration irrégulière. Mais nous devrons aussi veiller aux moyens matériels et humains accordés aux centres de rétention. Un effort supplémentaire sera nécessaire en 2018.

M. Philippe Bas , président . - Merci pour cette présentation limpide. C'est un texte modeste mais qui ne manque pas d'importance. Il tire les conséquences de plusieurs décisions de justice qui ont influé sur l'état du droit.

M. Jean-Yves Leconte . - Je partage votre description objective, même si je diffère sur vos conclusions. Dublin est une conséquence de Schengen, où il a été décidé que chaque pays serait responsable de sa partie de frontière extérieure. Depuis 2015, cela ne fonctionne plus, compte tenu du nombre des arrivées. On n'y remédiera pas en mettant une rustine sur une chambre à air complètement déchirée ! Depuis deux ans, nous avons fait de grands progrès grâce à Frontex et au Bureau européen d'appui en matière d'asile, qui a un rôle de plus en plus important, comme dans les prises d'empreintes digitales en Grèce et Italie. Ces pays ont accepté que ces agences enregistrent des étrangers qui ne l'étaient pas auparavant.

Il faudrait éviter qu'un étranger ait des chances différentes d'obtenir l'asile selon le pays où il le demande. C'est une première condition pour que le règlement de Dublin fonctionne. Mais le problème, au-delà, c'est que dans les conditions actuelles, un pays comme le Luxembourg n'est pas concerné au même niveau que la Grèce ou l'Italie. Il y a de plus en plus d'étrangers en France qui ont été enregistrés dans Eurodac mais, si nous respections le règlement de Dublin à la lettre, l'Italie devrait prendre en charge la moitié des demandeurs d'asile européens ! Ce n'est pas sérieux !

Vous parlez des relocalisations, mais elles ne concernent que 30 000 personnes, soit trois jours d'arrivées en 2015. C'est infime ! Quant à la rustine que vous proposez, elle sera inefficace et moralement loin d'être satisfaisante.

Les « dublinés » sont de deux types : certains, déboutés en Allemagne, tentent leur chance ailleurs - la logique voudrait qu'on les éloigne. Mais renvoyer les autres, arrivés par l'Italie et la Grèce, vers ces pays, équivaut à un non-respect de nos engagements en termes de droit d'asile. Il y a par ailleurs un problème d'efficacité : sinon pour faire du chiffre, quel est l'effet d'un éloignement de Lille vers Cologne ? Le demandeur revient deux jours après ! Même chose pour l'Italie, mais dans les conditions que l'on connaît...

Rappelons-nous que le séjour d'un demandeur d'asile sur le territoire est régulier le temps de l'instruction de sa demande. Pour la première fois de notre histoire, nous placerions en rétention des personnes séjournant régulièrement sur le territoire !

Notons enfin que le fait de passer par une proposition de loi et non par un projet de loi évite une étude d'impact qui montrerait l'inefficacité des mesures proposées et un examen par le Conseil d'État qui aurait révélé son caractère incompatible avec les engagements internationaux de la France. C'est pourquoi le groupe socialiste et républicain proposera la suppression de chacun des articles de ce texte.

M. Pierre-Yves Collombat . - À vos voeux liminaires de bonne santé, monsieur le président, je veux en ajouter un, pour souhaiter une bonne santé morale à notre pays ! Car j'avoue que la compétition que l'on observe entre les promoteurs de textes de plus en plus répressifs en matière d'immigration a de quoi effrayer.

Il s'agirait, ici, selon l'intitulé du texte, de permettre une bonne application du régime d'asile européen. Mais comme l'a rappelé Jean-Yves Leconte, ce n'est plus le problème. Le régime de Dublin ne fonctionne pas, il est injuste - la Grèce et l'Italie en font les frais, malgré les pseudo-aides qu'on leur accorde. Il trahit une approche insuffisante du problème de l'immigration, que l'on ne peut plus traiter, ainsi que le soulignait le rapporteur, comme une simple question juridique ni même d'ordre public, parce que les flux ne sont plus les mêmes.

Non seulement ce texte n'apporte pas de solution, mais il retarde le moment où l'on prendra le problème à bras le corps, pour se doter d'une politique globale de l'immigration au niveau européen. Si, sur un tel sujet, on ne peut apporter de réponse au niveau européen, alors, à quoi sert l'Europe ? Il ne s'agit pas de placer un système moribond sous soins palliatifs, mais bien de revoir totalement les fondements de cette politique.

M. Dany Wattebled . - Je suis étonné d'apprendre qu'un étranger condamné et interdit de séjour puisse éviter d'être renvoyé dans son pays d'origine, pourtant prêt à l'accueillir, sans qu'il ne se passe rien.

M. Philippe Bas , président . - Notre rapporteur y reviendra peut-être. Il s'agit d'un cas d'espèce, mais qui peut avoir des conséquences importantes. Le Conseil constitutionnel a simplement jugé que l'assignation à résidence d'un ancien détenu interdit du territoire national ne peut être prolongée ad vitam aeternam sans réexamen de la motivation de la mesure. Il y a là un motif tout à fait légitime en ce qu'il touche aux libertés publiques, mais cela pose problème lorsque ne sont pas réunies toutes les conditions juridiques pour un renvoi vers le pays d'origine en cas de risques de torture, par exemple. D'où la proposition de notre rapporteur.

M. Alain Richard . - Je rends hommage à la clarté et aux orientations de ce rapport. La proposition de loi vise à éviter que le système de protection des réfugiés soit détourné. Elle concerne des personnes qui, bien qu'informées d'avoir à déposer leur demande d'asile dans le pays par lequel elles sont entrées dans l'Union européenne, essayent délibérément de se déplacer pour éviter une reconduite.

À ceux qui jugent qu'il ne faut pas faire ce travail de mise en ordre et de recherche réaliste des moyens de reconduire, au motif que la solution passe par un système global au niveau européen, je fais remarquer que l'application du droit d'asile est de compétence nationale, et qu'il est peu vraisemblable qu'un accord entre tous les États membres de l'Union européenne en viennent à court terme à transférer cette compétence. Nous sommes donc dans un schéma de coopération entre États souverains, et il faudra bien continuer à procéder par accords internationaux...

M. Pierre-Yves Collombat . - Il s'agit de les transformer.

M. Alain Richard . - ... comme les accords de Dublin, et à les appliquer de façon plus rigoureuse et plus méthodique. C'est pourquoi je soutiens cette proposition de loi.

M. Philippe Bonnecarrère . - Merci de votre présentation, monsieur le rapporteur, sur un sujet complexe qui appelle à éviter tout manichéisme. Cette proposition de loi répond aux conséquences de décisions de justice, non pour les contourner ou les infirmer, mais pour prendre acte que la loi de 2015 présente des insuffisances, puisqu'à défaut d'un certain nombre de critères objectifs, elle ne permet pas de tirer des conséquences qui avaient pourtant été souhaitées. Ce texte de bon aloi corrige, en somme, des insuffisances rédactionnelles, et notre groupe n'y voit pas de difficulté.

Il est difficile de déconnecter ce débat de celui qui se profile, avec le projet de loi à venir. Notre pays est celui qui, en Europe, écarte le moins les personnes qui viennent sur notre territoire - ce qui décrédibilise le système européen - en même temps que celui qui accueille le moins bien les personnes en situation régulière. C'est cumuler les déficiences et c'est pourquoi un projet de loi est indispensable.

Comme l'a rappelé Alain Richard, il n'y a pas eu, sur le droit, d'asile, de transfert complet de souveraineté, si bien que la question n'est pas, à proprement parler, de compétence européenne, même si des solutions techniques sont possibles, qui restent à mettre en place : reconnaissance mutuelle des décisions en matière de droit d'asile, alignement des critères
- ce qui éviterait, par exemple, que les Afghans déboutés en Allemagne se précipitent en France pour tenter une nouvelle fois leur chance.

Je suis fort marri de constater qu'aucun accord ne se dessine entre les États européens, qui permettrait d'envisager un règlement de Dublin IV. On peut le regretter, de fait, car quelle que soit la qualité des dispositions nationales que nous prendrons, nous peinerons, en l'absence d'un accord européen, à trouver des solutions efficaces.

Dernière observation, enfin. Un amendement de notre rapporteur concerne le relevé des empreintes digitales, indispensable pour suivre les réfugiés dans leur parcours européen. Il me semble cependant nécessaire de vérifier si cette disposition est conforme à nos règles constitutionnelles et, s'il était tranché dans un sens défavorable, de songer à ce point à l'occasion de la prochaine révision constitutionnelle, tant il est important pour la suite des opérations.

Mme Brigitte Lherbier . - Je remercie notre rapporteur de son travail mené sans a priori . Cette proposition de loi apporte une réponse objective aux insuffisances constatées, d'autant que la France, comme le soulignait M. Bonnecarrère, se doit d'affiner son accueil des étrangers en situation régulière.

J'insiste sur le problème des étrangers ayant commis des actes délictueux, soulevé par M. Wattebled. Le Président de la République a fait une différence entre les uns et les autres, en déclarant qu'une attention particulière devait être portée à ceux qui ont troublé l'ordre public. Existe-t-il des fichiers européens permettant de repérer ceux qui ont commis des actes délictueux en Europe ? Les autres pays européens ont-ils la même réaction que nous ? Car s'il est des pays d'origine qui acceptent de voir revenir leurs ressortissants, il en est aussi qui n'en veulent plus. Que fait-on dans ce cas ?

Vous avez pu constater qu'au centre de rétention de Lesquin, près des trois quarts des personnes retenues sortaient de prison. Il est regrettable de ne pas avoir recherché de solution en amont, en traitant ce problème en prison. Notre rapporteur a donc bien fait d'en proposer une ; et il faudra encore affiner, au niveau européen.

M. Alain Marc . - Existe-t-il des études sur les différences de traitement des demandeurs d'asile selon les pays ? Les pays réputés plus accueillants ont-ils un effet de « pompe aspirante » pour les demandeurs d'asile ? Existe-t-il un référentiel commun à tous les pays pour le statut de Dublin ? Ne doit-on pas, tout en préservant la compétence nationale, y travailler ?

M. André Reichardt . - Nous convenons tous que le dispositif de Dublin ne fonctionne plus, compte tenu de l'importance des flux migratoires, et qu'il convient de le modifier. Mais c'est affaire de coopération internationale, ce qui prendra beaucoup de temps. En l'attente, cette proposition de loi se justifie amplement pour appliquer le seul dispositif existant. J'y suis donc favorable.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Il faut avoir à l'esprit que le migrant qui arrive, en Grèce ou ailleurs, et se fait enregistrer comme demandeur d'asile acquiert l'autorisation de rester sur le territoire du pays d'arrivée, mais pas celle de se déplacer sur l'ensemble du territoire européen. Lorsqu'il va dans un autre pays, il est en situation irrégulière. Que les choses soient claires sur ce point. Sans vous abreuver de chiffres à l'excès, je rappelle qu'à la préfecture du Nord, 42 % des demandeurs d'asile relèvent du statut de Dublin. C'est dire la situation.

M. Bonnecarrère a insisté sur le relevé d'empreintes digitales. À l'heure actuelle, quelqu'un qui refuse de donner ses empreintes peut être poursuivi pénalement. Autant dire que l'efficacité est nulle. Nous proposons donc de prévoir qu'en cas de refus, l'administration puisse se prévaloir de cet élément pour placer l'intéressé en rétention. C'est conforme au règlement de Dublin. Nous avons également ajouté, parmi les critères d'appréciation, des éléments relatifs aux documents d'identité - selon qu'ils ont été perdus ou détruits, par exemple, l'appréciation ne saurait être la même.

Le problème des étrangers condamnés à une peine d'emprisonnement et que l'on ne peut renvoyer dans leur pays d'origine est récurrent. Sur l'affaire qui a donné lieu à QPC, je précise qu'elle concerne un étranger condamné dont le tribunal a jugé qu'à l'issue de sa peine, il ne pouvait rester sur le territoire national. L'intéressé, assigné à résidence, a déposé plusieurs recours et se retrouve inexpulsable en raison des risques qu'il encourt dans son pays. Le Conseil constitutionnel n'a fait que juger que l'on ne pouvait assigner quelqu'un à résidence ad vitam aeternam , sans réexaminer la motivation de cette décision, parce que ce serait contraire à la liberté d'aller et venir. Il a donc demandé au législateur de fixer un délai au terme duquel la décision doit être remotivée. Ce qui n'est pas une interdiction de reconduite.

Lors des entretiens que nous avons eus à Bruxelles, il est clairement apparu que l'idée d'une agence européenne de l'asile destinée à unifier les décisions n'était pas à l'ordre du jour, pour des raisons politiques. Pour être plus précis encore, j'ajoute que la question se poserait de son statut : serait-elle indépendante ou dépendante des États, sachant qu'en Europe, seule la France et la Belgique laissent les mains libres à leur organisme en charge de l'asile. Ailleurs, c'est l'État qui pilote, en direct.

En revanche, il y a bien volonté de faire converger d'un État à l'autre les critères de protection utilisés par les organismes nationaux chargés de l'asile, et d'harmoniser les jurisprudences, pour trouver des solutions équilibrées sur l'ensemble du territoire. C'est là un travail important, qui est engagé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'amendement de suppression COM-3 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-4 , rédactionnel, vise à assurer la lisibilité de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux conditions de placement en rétention des étrangers.

L'amendement COM-4 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-5 vise à introduire, dans les critères d'appréciation du « risque non négligeable de fuite » permettant le placement en rétention d'un « dubliné », le refus de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales ou l'altération volontaire de celles-ci.

L'amendement COM-5 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-6 fait des dissimulations relatives au parcours migratoire, à la situation familiale et aux demandes antérieures d'asile un critère d'appréciation du risque non négligeable de fuite.

L'amendement COM-6 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-7 est adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-8 vise à allonger de quatre à six jours la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires chez un étranger assigné à résidence. C'est une demande de la police aux frontières.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 1 er bis

L'amendement de suppression COM-1 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-9 est adopté.

Article 2

L'amendement de suppression COM-2 n'est pas adopté.

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-10 vise à ramener de 15 à 7 jours le délai de contestation d'une décision de transfert. Le Sénat avait adopté une disposition identique en 2015, à l'initiative de notre collègue Valérie Létard.

L'amendement COM-10 est adopté.

L'amendement de précision COM-11 est adopté.

Article additionnel après l'article 2

M. François-Noël Buffet , rapporteur . - Mon amendement COM-12 vise à sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire. Il s'agit, en réponse à la décision du Conseil constitutionnel du 30 novembre 2017, de disposer d'un texte clair avant la date limite du 30 juin 2018. Je m'en suis expliqué.

L'amendement COM-12 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Conditions de placement en rétention et d'assignation à résidence
des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin »

M. LECONTE

3

Suppression de l'article 1 er

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

4

Rédactionnel et coordination

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

5

Ajout du refus de se soumettre au relevé de ses empreintes digitales et de l'altération de celles-ci dans la liste des critères permettant de caractériser un risque non négligeable de fuite

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

6

Ajout des dissimulations relatives au parcours migratoire, à la situation familiale et aux demandes antérieures d'asile comme critères permettant de caractériser un risque non négligeable de fuite

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

7

Rédactionnel

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

8

Allongement de quatre à six jours de la durée de validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention autorisant les visites domiciliaires d'un étranger assigné à résidence

Adopté

Article 1 er bis
Information et conditions de placement en rétention
des étrangers faisant l'objet d'une procédure « Dublin »

M. LECONTE

1

Suppression de l'article 1 er bis

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

9

Coordination

Adopté

Article 2
Coordinations - Interdiction de transférer un demandeur d'asile vers un État « Dublin »
faisant preuve de « défaillances systémiques » - Délai de saisine du juge administratif

M. LECONTE

2

Suppression de l'article 2

Rejeté

M. BUFFET, rapporteur

10

Réduction de 15 à 7 jours du délai de contestation d'une décision de transfert

Adopté

M. BUFFET, rapporteur

11

Interdiction du transfert vers les pays à défaillances systémiques mais maintien de la possibilité d'engager la procédure « Dublin »

Adopté

Article additionnel après l'article 2

M. BUFFET, rapporteur

12

Sécurisation juridique, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, des assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES DÉPLACEMENTS EFFECTUÉS

AUDITIONS

M. Jean-Luc Warsmann , député, auteur de la proposition de loi

Direction générale des étrangers en France

M. Raphaël Sodini , directeur de l'asile

M. Guillaume Toutias , chargé de mission juridique

Direction centrale de la police aux frontières

M. Patrick Hamon , contrôleur général, sous-directeur de l'immigration irrégulière et des services territoriaux

Mme Béatrice Gonthier , commissaire de police, cheffe de la division des affaires européennes et internationales

Défenseur des droits

M. Jacques Toubon , Défenseur des droits

Mme Elsa Alasseur , juriste au pôle droits fondamentaux des étrangers

Mme France de Saint-Martin , attachée parlementaire

Préfecture de police

M. Michel Delpuech , préfet de police

M. Yann Drouet , chef de cabinet du Préfet de police

M. Julien Marion , directeur de la Police Générale (DPG)

M. Philippe Brugnot , adjoint au sous-directeur de l'administration des étrangers à la DPG

Office français de protection des réfugiés et apatrides

M. Pascal Brice , directeur général

M. Michel Revel , juge des libertés et de la détention

Association service social familial migrants

Mme Christelle Mézières , directrice

Mme Céline Guyot , responsable du pôle juridique

La Cimade

M. Gérard Sadik , coordinateur national asile

Mme Maryse Boulard , chargée du soutien et des actions juridiques - Plateforme rétention

Ligue des droits de l'homme

Mme Mylène Stambouli , coresponsable du groupe de travail « étrangers et immigrés »

Ordre de Malte

M. Mathias Venet , responsable national, coordination CRA

Mme Clotilde Giner , directrice adjointe, chargée du pôle migrants

Union syndicale des magistrats administratifs (USMA)

Mme Sophie Tissot , présidente

DÉPLACEMENTS

Lundi 8 janvier 2018

Lille

Visite du centre de rétention administrative de Lesquin

M. Patricio Martin , commissaire divisionnaire, directeur zonal Nord de la police de l'air et des frontières

Entretien avec M. Michel Lalande, Préfet de région

Rencontre avec :

- des représentants du barreau de Lille

M. Stéphane Dhonte , bâtonnier

M. Jean-Baptiste Dubrulle , bâtonnier élu

Mme Ève Thieffry , avocat

- des agents de la Préfecture du Nord et de sa direction de l'intégration et de l'immigration (DII)

M. Olivier Jacob , secrétaire général

M. Thierry Mailles , secrétaire général adjoint

M. Christophe Debeyer , directeur DII

Mme Hélène Debruge , adjointe DII

Mme Zohra Bouattou , chef du bureau de l'asile

Mme Audrey Vanhersecke , chef du pôle régional Dublin

- des magistrats du tribunal administratif

M. Olivier Couvert-Castera , président

M. Thierry Trottier , premier vice-président

M. Denis Perrin , premier conseiller

- des représentants d'associations

Cimade

Collectif des sans-papiers 59

Emmaüs

Ligue des droits de l'homme

MRAP

Secours catholique

Voix de Nanas

Mardi 9 janvier 2018

Bruxelles

Entretien avec :

- Bureau européen d'appui en matière d'asile (European Asylum Support Office - EASO)

M. François Bienfait , représentant auprès des institutions européennes

- Commission européenne

M. Mathias Ruete , directeur général affaires intérieures

M. Olivier Bergeau , conseiller du commissaire Avramopoulos (commissaire européen aux affaires intérieures)

- Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes « FRONTEX »

M. Fabrice Leggeri , directeur général

AMENDEMENTS NON ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

ARTICLE 1ER

Amendement n° COM-3 présenté par

M. LECONTE et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

Cet amendement vient signifier l'opposition du groupe socialiste et républicain à la philosophie de cette proposition de loi.

Cette proposition de loi est examinée à quelques semaines de l'examen d'un projet de loi du gouvernement, privant ainsi les dispositions proposées d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État pouvant mettre en évidence une contradiction avec nos obligations conventionnelles et constitutionnelles, et d'une perspective d'ensemble sur les enjeux liés à l'asile et à l'adéquation des procédures "Dublin" avec la situation de l'asile en Europe.

Au prétexte de considérations techniques résultant d'une décision de la CJUE, les auteurs de cette PPL initient un bouleversement complet de la logique de la rétention, en l'instaurant pour des personnes séjournant régulièrement sur notre territoire, ce qui est le cas des demandeurs d'asile sous procédure "Dublin".

Ainsi que le soulignent de nombreux observateurs, en particulier le Défenseur des droits, l'enfermement devient préventif et les préfectures pourront désormais priver de liberté des personnes - y compris des mineurs!- qui n'ont pas reçu de mesure d'éloignement, le temps pour elles d'examiner leur situation. Les intéressés seraient ainsi privés de liberté le temps de déterminer l'État européen responsable de leur demande d'asile, afin qu'ils puissent être à disposition de l'autorité administrative dans le but qu'elle puisse ensuite procéder à leur éloignement.

Ce basculement inédit et disproportionné ne sert en rien une politique d'éloignement effectif : éloignées vers le pays européen responsable de leur demande d'asile, les personnes concernées reviennent très souvent quelques jours plus tard en France, comme le démontre les observations. Il constitue une mesure de confort pour l'autorité administrative en vue de servir une politique du chiffre. Or, jamais une privation de liberté ne peut ni ne pourra être justifié par des mesures de confort.

ARTICLE 1ER BIS (NOUVEAU)

Amendement n° COM-1 présenté par

M. LECONTE et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

Outre un désaccord profond sur la philosophie même de ce texte, cet amendement de suppression se justifie par le caractère factice de la "garantie" affichée à l'article 1er bis, qui a pour seul objet de faire accepter le renoncement intolérable opéré à l'article 1er et qui lui est bien réel.

ARTICLE 2

Amendement n° COM-2 présenté par

M. LECONTE et les membres du groupe socialiste et républicain

Supprimer cet article.

OBJET

Amendement de suppression par coordination avec les amendements de suppression proposés aux articles 1er et 1er bis.


* 1 Avis budgétaire n° 114 (2017-2018) sur le projet de loi de finances pour 2018 (asile, immigration, intégration et nationalité), fait au nom de la commission des lois du Sénat, et consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a17-114-2/a17-114-21.pdf.

* 2 Interview donnée au journal Le Monde le 8 janvier 2018.

* 3 Article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), voir infra .

* 4 Dans cette hypothèse, l'étranger concerné est autorisé à déposer une demande d'asile en France, auprès de l'OFPRA.

* 5 Convention relative au statut des réfugiés.

* 6 À titre d'exemple, l'article 53-1 de la Constitution française dispose que la France peut accorder l'asile à « tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif », même si les critères de protection fixés par le régime d'asile européen commun ou la convention de Genève ne seraient pas remplis.

* 7 Règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 concernant la création du système « Eurodac » pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin.

* 8 Règlement CE n° 343/2003 du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

* 9 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

* 10 L'article 33 de la convention de Genève stipule qu'aucun « des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ».

* 11 Le terme de « famille » étant entendu au sens du règlement « Dublin III » précité. Voir le tableau ci-après pour plus de précisions.

* 12 Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE), 6 novembre 2012, K contre Bundesasylamt , affaire C-245/11.

* 13 Si plusieurs État ont délivré un titre de séjour ou un visa, l'État responsable est celui ayant accordé le titre ou le visa le plus long ou, si leur durée de validité est identique, le titre ou le visa dont l'expiration est la plus lointaine.

* 14 Règlement d'exécution (UE) n° 118 /2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers.

* 15 Base de données régie par le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relatif à la création d'Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace du règlement (UE) n° 604/2013.

* 16 Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r15-788/r15-7881.pdf.

* 17 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 18 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, p. 23.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf.

* 19 Article R. 741-1 du CESEDA et arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement.

* 20 Le recueil d'empreintes est toutefois interdit pour les étrangers de moins de 14 ans (article 9 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 précité).

* 21 Le Conseil d'État ayant considéré comme contraire au droit communautaire le fait d'exclure les étrangers placés en procédure « Dublin » des dispositifs d'accueil des demandeurs d'asile (Conseil d'État, 17 avril 2013, Cimade-Gisti, n° 335924).

* 22 Articles L. 744-1, L. 744-9 et R. 742-2 du CESEDA. À l'inverse, les étrangers placés sous procédure « Dublin » ne peuvent pas être hébergés dans un centre d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) (article L. 348-1 du code de l'action sociale et des familles).

* 23 Conseil d'État, 28 décembre 2017, avis n° 411820.

* 24 Conseil d'État, 19 juillet 2017, avis n° 408919. Voir infra pour plus de précisions.

* 25 Une procédure d'urgence est toutefois prévue pour les prises en charge. Si elle est enclenchée, le pays saisi dispose d'une semaine à un mois pour se déclarer ou non compétent sur la demande d'asile (article 21 du règlement « Dublin III »).

* 26 Articles 22 et 25 du règlement « Dublin III ».

* 27 Articles 29 et 30 du règlement « Dublin III ».

* 28 Article 28 du règlement « Dublin III » précité.

* 29 Conseil d'État, 8 novembre 2017, n°  415178

* 30 Voir infra l'encadré sur le séquençage de la rétention.

* 31 Source : European Council on Refugees and Exiles (ECRE), base de données « Asylum information database » (AIDA).

* 32 Rapport n° 427 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi et déposé le 29 novembre 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0427.pdf.

* 33 Source : Eurostat.

* 34 Source : ministère de l'intérieur.

* 35 Source : ministère de l'intérieur.

* 36 Source : European Council on Refugees and Exiles (ECRE), base de données « Asylum information database » (AIDA).

* 37 Commission européenne, « Vers une réforme du régime d'asile européen commun et une amélioration des voies d'entrée légale en Europe », communication COM (2016) 197 du 6 avril 2016, p. 4. Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2016/FR/1-2016-197-FR-F1-1.PDF.

* 38 Commission européenne, « Rapport semestriel sur le fonctionnement de l'espace Schengen », communication COM (2015) 675 du 15 décembre 2015, p. 4.

Ce document est consultable à l'adresse suivante :

https://ec.europa.eu/transparency/regdoc/rep/1/2015/FR/1-2015-675-FR-F1-1.PDF.

* 39 Commission européenne, proposition COM (2016) 272 de modification du règlement Eurodac, 4 mai 2016, p. 2 et 3.

* 40 L'Allemagne n'accepte de réadmettre qu'à Berlin (et non à la frontière française) des étrangers placés sous procédure « Dublin » par la France.

* 41 Plusieurs décisions ont été adoptées par le Conseil de l'Union européenne sur le fondement de l'article 78, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE), qui stipule : « (au) cas où un ou plusieurs États membres se trouvent dans une situation d'urgence caractérisée par un afflux soudain de ressortissants de pays tiers, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut adopter des mesures provisoires au profit du ou des États membres concernés. Il statue après consultation du Parlement européen ».

* 42 Conclusions des représentants des gouvernements des États membres, réunis au sein du Conseil, concernant la réinstallation, au moyen de mécanismes multilatéraux et nationaux, de 20 000 personnes ayant manifestement besoin d'une protection internationale, 20 juillet 2015.

* 43 La déclaration UE-Turquie du 18 mars 2016 donne lieu à un régime de réinstallation spécifique (pour tout Syrien renvoyé en Turquie au départ de l'une des îles grecques, un autre Syrien est réinstallé dans l'UE depuis la Turquie)

* 44 Source : Commission européenne, Progress report on the European Agenda on Migration - Resettlement , novembre 2017, COM (2017) 669 final, Annexe 7.

* 45 Concrètement, l'État « Dublin » devrait être saisi en deux semaines (au lieu de deux mois aujourd'hui) ; il devrait formaliser sa réponse en un mois (contre deux mois actuellement) et le transfert devrait être exécuté en quatre semaines (contre six mois).

* 46 Pour mémoire, la proposition du Gouvernement était la suivante : « créer des pôles spécialisés dans la mise en oeuvre de la procédure Dublin, dotés de moyens renforcés, au sein de certaines préfectures pour améliorer l'efficacité de cette procédure. Ils seront adossés à des capacités d'hébergement dédiées, où les personnes concernées pourront être assignées à résidence dans la préparation de leur transfert ».

* 47 Article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 48 L'autorité administrative peut toutefois, en amont de la décision de transfert, assigner à résidence les étrangers concernés (voir supra) .

Conseil d'État, 19 juillet 2017, avis n° 408919 (avis rendu sur le fondement de l'article L. 113-1 du code de justice administrative).

* 49 Loi relative à la réforme du droit d'asile.

* 50 Rapport n° 425 (2014-2015) fait au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à la réforme de l'asile, p. 25.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/l14-425/l14-4251.pdf.

* 51 Article du règlement « Dublin III » qui dispose notamment que « les États membres peuvent placer les personnes concernées en rétention en vue de garantir les procédures de transfert conformément au présent règlement lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite de ces personnes, sur la base d'une évaluation individuelle et uniquement dans la mesure où le placement en rétention est proportionnel et si d'autres mesures moins coercitives ne peuvent être effectivement appliquées ».

* 52 Conformément aux renvois opérés par les articles L. 551-1, L. 561-2 et L. 742-4 du CESEDA.

* 53 Soit, principalement, les obligations prévues par le régime de l'assignation à résidence.

* 54 Cour de cassation, première chambre civile, 27 septembre 2017, affaire 17-15.160.

* 55 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 56 Source : contribution écrite transmise au rapporteur.

* 57 Article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 58 Conseil d'État, 13 juin 2017, Mme A. , ordonnance n° 410812.

* 59 Sauf lorsque les délais de transfert des « dublinés » sont dépassés (voir supra ).

* 60 Rapport n° 42, op. cit. , p. 32.

* 61 Compte rendu intégral de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du jeudi 7 décembre 2017.

* 62 Article L. 551-1 du CESEDA.

* 63 Rapport n° 427, op. cit. , p. 41.

* 64 Soit l'assignation à résidence ad hoc d'une durée de six mois, renouvelable une fois, avant la décision de transfert (article L. 742-2 du CESEDA), et l'assignation de droit commun, d'une durée de 45 jours, renouvelable une fois, après la décision de transfert (article L. 561-2 du CESEDA).

* 65 Rapport n° 427, op.cit. , p. 16.

* 66 Soit 360 jours (deux fois six mois) au titre de l'assignation à résidence ad hoc avant la décision de transfert, plus 90 jours au titre de l'assignation de droit commun après la décision de transfert.

* 67 Article 20 de la directive 2011/95/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.

* 68 Arrêté du 23 octobre 2015 relatif au questionnaire de détection des vulnérabilités des demandeurs d'asile prévu à l'article L. 744-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 69 Directive du Parlement et du Conseil établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 70 Voir supra pour plus de précision.

* 71 Conseil d'État, 30 juillet 2008, M. Khizir A , affaire n° 313767.

* 72 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 septembre 2016, affaire n° 16BX00997.

* 73 Avis budgétaire n° 114 (2017-2018), op. cit ., p. 40.

* 74 Compte rendu intégral de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du jeudi 7 décembre 2017.

* 75 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

* 76 Cette disposition ne serait pas applicable aux demandeurs d'asile de bonne foi dont les empreintes ont été altérées involontairement par accident.

* 77 En cas d'assignation à résidence ou de placement en rétention, le délai de saisine du juge administratif resterait fixé à 48 heures.

* 78 L'article 27 du règlement « Dublin III » permet de contester la décision de transfert « dans un délai raisonnable ».

* 79 Amendement adopté en première lecture lors de l'examen du projet de loi relatif à la réforme de l'asile, devenu la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 80 Commission européenne, projet COM (2016) 270 final, modifiant le règlement « Dublin III », mai 2016.

* 81 Conseil constitutionnel, 30 novembre 2017, M. Kamel D [Assignation à résidence de l'étranger faisant l'objet d'une interdiction du territoire ou d'un arrêté d'expulsion] , décision n° 2017-674 QPC,

* 82 Sur le fondement du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (dit règlement « Dublin III »).

* 83 Assignation à résidence ad hoc prévue par l'article L. 742-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 84 Assignation à résidence de droit commun prévue par l'article L. 561-2 du CESEDA.

* 85 Voir l'exposé général pour plus de précisions sur le séquençage de la rétention.

* 86 Voir l'exposé général pour plus de précisions.

* 87 Compte rendu intégral de la deuxième séance de l'Assemblée nationale du jeudi 7 décembre 2017.

* 88 Voir l'exposé général pour consulter la liste de ces critères.

* 89 Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 90 Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), 15 mars 2017, Al Chodor , affaire C-528/15.

* 91 Cour de cassation, première chambre civile, 27 septembre 2017, affaire 17-15.160.

Voir l'exposé général pour plus de précisions sur cet arrêt.

* 92 Dans la proposition de loi initiale, l'application de ce critère était automatique : la préfecture avait l'obligation de placer en rétention un étranger faisant l'objet d'une procédure « Dublin » et déclarant son intention de ne pas s'y conformer. À l'initiative de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet, la commission des lois de l'Assemblée nationale a souhaité conserver la marge d'appréciation de la préfecture, en prévoyant qu'elle aurait la faculté (et non l'obligation) de prononcer ce placement en rétention « sauf circonstances particulières ».

* 93 Ce critère a été ajouté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, à l'initiative de sa présidente, Mme Yaël Braun Pivet.

* 94 Source : objet de l'amendement du Gouvernement adopté en séance publique par l'Assemblée nationale.

* 95 Voir l'exposé général pour plus de précisions sur la notion de « vulnérabilité » au sens du droit communautaire et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA).

* 96 Directive du Parlement et du Conseil établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale.

* 97 Notamment pour le délai de délivrance de certains titres de séjour (article L. 552-7 du CESEDA).

* 98 Outre le contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD) sur la décision de placement en rétention ou sa prolongation, l'étranger peut contester, dans les 48 heures, la légalité de la décision de maintien en rétention devant le tribunal administratif, qui statue en 72 heures.

* 99 Voir l'exposé général pour plus de précisions sur les exemples de la préfecture de police de Paris et de la préfecture du Nord.

* 100 Soit 360 jours au titre de l'assignation à résidence ad hoc (d'une durée de 180 jours renouvelable une fois) avant la décision de transfert et 90 jours au titre de l'assignation de droit commun (d'une durée de 45 jours renouvelable une fois) après la décision de transfert.

* 101 Soit l'assignation à résidence ad hoc de l'article L. 742-2 du CESEDA (avant la décision de transfert) et l'assignation à résidence de droit commun (après la décision de transfert). Voir supra pour plus de précisions.

* 102 Obligation qui est aujourd'hui explicitement prévue pour l'assignation à résidence avant la décision de transfert (pour déterminer l'État responsable de la demande d'asile) mais pas après la décision de transfert.

* 103 Rapport n° 427, op.cit. , p. 16.

* 104 Ces chiffres concernent l'ensemble de la politique migratoire, pas uniquement les étrangers soumis au règlement « Dublin III ».

* 105 Rapport n° 427 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi et déposée le 29 novembre 2017, p. 41. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r0427.pdf.

* 106 L'administration ne peut utiliser la convocation à la préfecture d'un étranger faisant l'objet d'une mesure de départ forcé et qui sollicite l'examen de sa situation pour faire procéder à son interpellation en vue de son placement en rétention. Ces conditions d'interpellation déloyales sont contraires à l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Cour de cassation, 1 re civ., 28 septembre 2011, n° 10-19.354).

En revanche, l'interpellation en préfecture d'un étranger n'est pas irrégulière dès lors que sa convocation mentionne la possibilité qu'il soit placé en rétention administrative (Cour de cassation, 1 re civ., 1 er juin 2017, n° 16-20.054).

* 107 Voir supra .

* 108 Conseil d'État, 30 juillet 2008, M. Khizir A , affaire n° 313767 (pour une obligation d'information similaire figurant dans le règlement « Dublin II »).

* 109 Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

* 110 Règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (dit règlement « Dublin III »).

* 111 Cour administrative d'appel de Bordeaux, 27 septembre 2016, affaire n° 16BX00997.

* 112 Cour européenne des droits de l'homme, 21 décembre 2011, M.S.S c. Belgique et Grèce , affaire C-411/10.

* 113 Voir l'exposé général pour plus de précisions sur ce régime contentieux.

* 114 Commission européenne, projet COM (2016) 270 final, modifiant le règlement « Dublin III », mai 2016.

* 115 Articles L. 561-1 et R. 561-2 et R. 561-3 du CESEDA

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