AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les proches aidants représentent actuellement près de 8,3 millions de nos concitoyens. N'appartenant à aucune catégorie spécifique, ils désignent les personnes qui font le sacrifice d'une partie, ou de la totalité, de leur vie personnelle ou de leur vie professionnelle pour apporter à un proche en perte d'autonomie l'appui que son état nécessite.

L'action de ces proches aidants, qu'on avait l'habitude de considérer comme relevant du cadre de la simple solidarité familiale, a récemment attiré l'attention du législateur. L'usure prématurée, l'interruption des activités professionnelles, la fragilité de l'équilibre personnel des aidants rendant désormais nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur leur situation et prévoient des dispositifs aménagés.

La loi du 18 décembre 2015 portant adaptation de la société au vieillissement 1 ( * ) (ASV) a franchi ce premier pas en instituant le congé de proche aidant et en imaginant les premières modalités de répit. Les termes d'une réponse spécifique étaient ainsi posés. Plusieurs initiatives parlementaires se sont depuis succédé pour enrichir le contenu de ces droits nouveaux, posant les jalons d'un modèle dont on ne peut plus reporter la construction.

La proposition de loi de notre collègue député Paul Christophe, relative à la possibilité de faire don de ses jours de congés payés non pris à un collègue proche aidant, avait donné lieu à l'examen détaillé par notre collègue Jocelyne Guidez des lacunes actuelles de la protection sociale des aidants, ainsi que d'inexplicables disparités entre l'aidant intervenant auprès d'une personne âgée ou d'une personne handicapée.

Cet examen est à l'origine de la présente proposition de loi, dont le grand nombre de cosignataires atteste l'intérêt. Ce texte touche l'ensemble des volets de la protection sociale des aidants : leur intégration au champ de la négociation collective, les droits liés à la prise du congé de proche aidant, leur affiliation à l'assurance vieillesse du régime général et leur accès à l'information. Il propose dans chacun de ces domaines d'importantes avancées qui ne manqueront pas d'améliorer la situation de ces acteurs désormais incontournables de l'accompagnement des personnes âgées et des personnes handicapées.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LA PROPOSITION DE LOI : POURSUIVRE L'ENGAGEMENT PARLEMENTAIRE EN FAVEUR DES AIDANTS MALGRÉ DES CONTRAINTES CALENDAIRES

A. LE CONTEXTE D'EXAMEN : ÉVITER UN TRAITEMENT ÉCLATÉ DU DOSSIER DES PROCHES AIDANTS

La présente proposition de loi, dont l'auteure et première signataire est notre collègue Jocelyne Guidez, rapporteure de la proposition de loi créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap 2 ( * ) . Les conclusions de ce rapport 3 ( * ) ont inspiré le texte aujourd'hui soumis à l'examen de la commission des affaires sociales du Sénat. Le court délai qui sépare l'adoption de la proposition de loi relative au don de jours de repos de l'examen du présent texte s'explique par une demande sociale croissante exprimée par les proches aidants , dont la situation et les conditions de vie sortent peu à peu de la stricte sphère familiale ou personnelle pour atteindre enfin le domaine du débat public.

De très nombreux textes se sont récemment emparés de ce sujet. C'est d'abord la loi portant adaptation de la société au vieillissement 4 ( * ) (ASV), qui reconnaît l'action du proche aidant en lui donnant une définition et en lui reconnaissant des droits. Sortant peu à peu de la discrétion où le devoir de solidarité familiale le cantonnait, l'aidant s'est ainsi trouvé revêtu d'une qualité spécifique : il continue d'être prioritairement défini par le lien qui l'unit à la personne aidée et ne se substitue en rien à l'intervention des professionnels susceptibles d'entourer cette dernière, mais son action propre est reconnue et le rend éligible à certains droits . Outre le droit au répit, dont l'effectivité dépend fortement des structures et des modalités d'accueil de la personne aidée, la loi ASV a précisé les contours d'un nouveau congé social non rémunéré, le congé de proche aidant .

La loi ASV a également installé auprès du Premier ministre un Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge (HCFEA), dont l'une des formations, le Conseil de l'âge, mène des études de plus en plus nombreuses sur le thème des aidants 5 ( * ) , dont un rapport adopté le 1 er décembre 2017 sur la prise en charge des situations de perte d'autonomie et son incidence sur la qualité de vie des personnes âgées et de leurs proches aidants.

Le 8 mars 2018, était discutée en première lecture à l'Assemblée nationale une proposition de loi de notre collègue député Pierre Dharéville dont la principale disposition prévoyait une indemnisation du congé de proche aidant.

Plusieurs grands chantiers politiques récemment ouverts entendent traiter séparément la question des proches aidants :

- la stratégie quinquennale de l'évolution de l'offre médico-sociale à destination des personnes handicapées élaborée en mai 2017 comporte un volet spécifique relatif à la « stratégie nationale de soutien aux aidants », qui porte notamment sur le développement d'une offre de répit adaptée ;

- la stratégie nationale pour l'autisme , dévoilée le 6 avril 2018, comporte un engagement visant particulièrement les personnes aidantes ;

- dans le cadre du lancement de la mission relative à la réforme de la dépendance pilotée par Dominique Libault, les conditions de travail des aidants ont été identifiées comme l'un des thèmes des différents ateliers thématiques ;

- enfin, dans le cadre de la réforme des retraites , le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a lancé une vaste consultation sur le thème de la retraite complémentaire des aidants.

Bien que votre rapporteur se réjouisse de l'intérêt croissant des pouvoirs publics pour le sujet, il ne peut que manifester une certaine inquiétude à l'idée qu'il fasse l'objet d'un traitement aussi éclaté . L'importance de la question mérite, à son sens, qu'elle soit considérée de façon indépendante et non en corollaire de politiques sociales plus larges auxquelles elle se rattache de façon incidente.

Votre rapporteur a ainsi constaté que le dispositif de la proposition de loi recevait un assentiment global sur le fond de la part des personnes auditionnées mais qu'une réticence apparaissait en raison de considérations purement calendaires et des chevauchements qu'une éventuelle adoption pourrait entraîner avec les chantiers engagés par le Gouvernement.

La présente proposition de loi est le premier texte exclusivement consacré aux droits sociaux de l'aidant pris dans leur globalité, et constituant, aux yeux de votre rapporteur, un vecteur bien plus efficace d'amélioration de leurs conditions de vie que la conduite dispersée de chantiers thématiques qui n'aborderont ce thème que subsidiairement.


* 1 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 2 Loi n° 2018-84 du 13 février 2018 créant un dispositif de don de jours de repos non pris au bénéfice des proches aidants de personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap.

* 3 Rapport n° 234 (2017-2018) de Mme Jocelyne GUIDEZ, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 24 janvier 2018.

* 4 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

* 5 Même si, sur les 88 membres que comprend le Conseil de l'âge, seul un membre représente les aidants (au titre de l'Association nationale des aidants).

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page