B. ...ALORS QU'IL APPARAÎT AUJOURD'HUI PEU PROBABLE QUE L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ACCÉLÈRE SUFFISAMMENT POUR ATTEINDRE UN TAUX DE CROISSANCE ANNUEL DE 1,7 %

Si l'économie française a retrouvé un peu de dynamisme au troisième trimestre (+ 0,4 %), après deux trimestres particulièrement décevants (+ 0,2 %), la reprise est plus faible qu'escompté .

Croissance du PIB de trimestre à trimestre depuis 2016

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Le rythme de croissance au troisième trimestre est ainsi inférieur de 0,1 point à l'hypothèse sous-jacente au scénario de croissance de l'Insee pour l'année 2018 - et ce alors même que la prévision de croissance annuelle de l'Insee, fixée à 1,6 %, est inférieure de 0,1 point à celle du Gouvernement.

Comparaison des prévisions et de l'exécution pour le troisième trimestre 2018

(taux d'évolution en volume)

Prévision du point de conjoncture de l'Insee
du 4 octobre

Première estimation Insee
(30 octobre)

Croissance du PIB

0,5

0,4

Consommation des ménages

0,7

0,5

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données de l'Insee)

Aussi, il paraît aujourd'hui peu probable que l'économie française accélère suffisamment pour permettre d'atteindre un taux de croissance annuel de 1,7 % sur l'ensemble de l'année , ainsi que le prévoit pourtant le scénario gouvernemental .

En effet, compte tenu de l'acquis de croissance après trois trimestres, le scénario du Gouvernement suppose que l'économie française retrouve au dernier trimestre un rythme de croissance comparable à ceux observés l'an dernier (entre 0,6 % et 0,8 %).

Croissance annuelle 2018 en fonction de l'hypothèse
de croissance au cours du dernier trimestre

(taux d'évolution en volume)

Source : commission des finances du Sénat (calculs à partir de la première estimation de l'Insee pour le troisième trimestre 2018)

Or, un tel rebond apparaît difficilement compatible avec l'orientation actuelle des enquêtes de conjoncture .

S'agissant de la consommation, les ménages ne semblent pas avoir anticipé la hausse de leur pouvoir d'achat au dernier trimestre , en lien avec la réduction de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers et la suppression du reliquat de cotisations d'assurance chômage. L'indicateur de confiance des ménages s'est ainsi établi en octobre à un niveau (95) quasi-identique à celui enregistré en septembre (96) et en tout état de cause bien inférieur à sa moyenne historique (100) et au niveau atteint à la mi-2017 (108).

Indicateur de confiance des ménages

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'enquête mensuelle de conjoncture de l'Insee auprès des ménages d'octobre 2018)

En outre, il ne peut être exclu que les inquiétudes grandissantes concernant l'augmentation des prix du carburant et la mise en place du prélèvement à la source ne prolongent l'attentisme des ménages.

À ces incertitudes sur la consommation se sont ajoutées des inquiétudes concernant la dynamique de l'investissement des entreprises .

Si le climat des affaires s'est établi en octobre à un niveau relativement élevé (104) par rapport à sa moyenne historique (100), il perd néanmoins un point par rapport à septembre 1 ( * ) .

Surtout, l'enquête menée auprès des chefs d'entreprise dans l'industrie manufacturière fait état d'une forte baisse des prévisions d'investissement pour 2018 (- 5 points) par rapport à l'estimation de juillet dernier 2 ( * ) . La nouvelle prévision s'élève ainsi à - 1,0 %, contre + 4,0 % précédemment.

Prévisions d'investissement des chefs d'entreprise dans
l'industrie manufacturière

(taux d'évolution en valeur)

Source : commission des finances du Sénat (d'après l'enquête de l'Insee sur les investissements dans l'industrie d'octobre 2018)

En dépit de ces signaux conjoncturels défavorables, l'hypothèse gouvernementale de croissance du PIB pour 2018 est donc maintenue à 1,7 % dans le cadre du présent projet de loi, ainsi que cela a été précédemment rappelé.

Sans surprise, celle-ci se situe dès lors dans la partie haute de la fourchette des prévisions des organisations internationales et des instituts de conjoncture.

Comparaison des prévisions de croissance pour l'année 2018

(taux d'évolution du PIB en volume)

Source : commission des finances du Sénat

Le Haut Conseil des finances publiques qualifie de ce fait l'hypothèse gouvernementale d'« un peu élevée » et considère qu'une croissance de 1,6 % est « plus vraisemblable » 3 ( * ) .

L'enjeu n'apparaît toutefois pas très significatif sur le plan budgétaire , dans la mesure où une croissance inférieure de 0,1 point à la prévision augmenterait le déficit de 0,06 point de PIB environ, toutes choses égales par ailleurs 4 ( * ) .


* 1 Insee, indicateurs de climat des affaires et de retournement conjoncturel, octobre 2018.

* 2 Insee, enquête sur les investissements dans l'industrie, octobre 2018.

* 3 Avis du Haut Conseil des finances publiques n° HCFP-2018-4 du 31 octobre 2018 relatif au projet de loi de finances rectificative pour 2018, p. 1.

* 4 Ce résultat correspond à la valeur de semi-élasticité budgétaire retenue par la Commission européenne (0,603) à partir de l'estimation économétrique de l'élasticité individuelle des recettes et des dépenses sensibles à la conjoncture et de leur poids moyen dans le PIB. Intuitivement, il s'explique par le fait que les postes sensibles à la conjoncture représentent un peu plus de la moitié du PIB.

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