VI. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL »

La mission « Développement agricole et rural » correspond au compte d'affectation spéciale éponyme, dit « CAS-DAR » .

Elle a pour objet le financement d'opérations de développement agricole et rural intégrant des innovations culturales et leur diffusion.

Le CAS s'articule autour de deux programmes correspondant à ces objectifs : le programme 775 « Développement et transfert en agriculture » et le programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

A. UNE GESTION FINANCIÈRE CRITIQUABLE

Les recettes du CAS proviennent de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, prévue par l'article 302 bis MB du Code général des impôts (CGI), qui est auto-liquidée par les redevables.

L'assiette de la taxe est constituée d'une partie forfaitaire (90 euros) et d'une partie proportionnelle au chiffre d'affaires des exploitations agricoles (0,19 % jusqu'à 370 000 euros de chiffre d'affaires et 0,05 % au-delà) de l'année n-1. Les opérateurs de l'aval de la filière agro-alimentaire ne sont pas soumis à cette taxe.

Cette exclusion est justifiée par le ministère au nom des principes des comptes d'affectation spéciale, qui supposent que les recettes soient ajustées à la nature des dépenses. Le ministère considère que les entreprises d'aval n'étant pas bénéficiaires des dépenses du CAS, elles n'ont pas à en assumer le financement. Cette affirmation n'est pas complètement exacte. À travers les instituts techniques, des entreprises de l'aval bénéficient des crédits du CAS. Surtout, compte tenu des bénéfices indirects que les dépenses du CAS peuvent engendrer pour certaines de ces structures, cette position, qui traduit une interprétation excessivement littérale de la loi organique relative aux lois de finances, peut être jugée très contestable.

Les moyens théoriques du CAS ont été accrus à partir de 2015 mais tendent à être surévalués en prévision.

De leur côté, les crédits de paiement paraissent systématiquement sous employés. Finalement, le solde du CAS apparaît particulièrement élevé.

1. Une mission dont les moyens, renforcés depuis 2015, tendent à être surévalués en loi de finances initiale

Les recettes du CAS-DAR étaient jusqu'en 2014 constituées de 85 % du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles prévue à l'article 302 bis MB du code général des impôts. Ce taux est passé à 100 % en 2015, et c'est désormais l'intégralité du produit de la taxe qui est affectée au compte.

Vos rapporteurs spéciaux ont régulièrement exposé leurs doutes sur la crédibilité des prévisions de recettes du compte d'affectation spéciale faisant valoir une tendance à en surévaluer le montant.

La loi de finances initiale pour 2015 les avait estimées à 147,5 millions d'euros alors que le montant du produit de la taxe affectée au CAS-DAR avait atteint 117,1 millions d'euros en 2014 . Finalement, l'exécution budgétaire a conduit à constater une moins-value de recettes par rapport aux prévisions de 10,4 millions d'euros. L'évolution de l'assiette de la taxe a, à nouveau, apporté une déconvenue en 2016. L'estimation de loi de finances initiale (147,5 millions d'euros de recettes) s'est trouvée supérieure de près de 17 millions d'euros au montant finalement recouvré (130,8 millions d'euros). En 2017, la moins-value a été réduite mais une surestimation a été à nouveau constatée. La recette du CASDAR a été de 133, 4 millions d'euros pour une valeur de la production agricole 2016 hors subvention estimée par l'INSEE à 70,7 milliards d'euros.

Un correctif a été apporté dans la programmation du CAS pour 2018, allant dans le sens des réserves de vos rapporteurs spéciaux. Les prévisions ont été ajustées à la baisse (136 millions d'euros). À ce stade de l'année, compte tenu d'un léger relèvement de la production agricole en 2017 (+ 0,4 milliard d'euros), la prévision d'encaissement est proche de la prévision initiale (135 millions d'euros).

Le présent projet de loi de finances pour 2019 indique qu'en l'absence d'une prévision suffisamment fiable du chiffre d'affaires de l'agriculture 2018 à ce stade de l'année, la prévision de recettes retenue est celle de la prévision pour 2018, assise elle-même sur le chiffre d'affaires estimé de 2017. Dans ces conditions, les recettes restent budgétées à 136 millions d'euros.

Cette prévision paraît conservatrice. Le redressement de la conjoncture agricole devrait se traduire par un certain dynamisme des recettes de sorte qu'il est probable qu'en exécution celles-ci dépassent l'estimation initiale.

2. Une réserve mobilisable pour de nouvelles dépenses

En toute hypothèse, la surévaluation des prévisions de recettes du CAS-DAR n'a pas empêché de constater des soldes d'exécution positifs , la consommation effective des crédits étant généralement très en-deçà des ouvertures calées sur des prévisions de recettes surestimées.

Exécution et prévision des recettes et des dépenses
du CAS-DAR

(en millions d'euros)

Année

Recettes

Dépenses (CP)

Écart

2006

146,00

99,70

+ 46,30

2007

102,00

101,35

0,65

2008

106,84

98,47

8,37

2009

113,50

110,55

2,95

2010

105,06

108,50

- 3,44

2011

110,45

108,38

2,07

2012

116,75

114,35

2,40

2013

120,47

106,98

13,49

2014

117,10

132,40

- 15,30

2015

137,10

131,20

5,90

2016

130,80

129,20

1,60

2017

133,4

128, 9

4,5

2018 LFI

136,00

136,00

0,00

2019 (prévision)

136,00

136,00

0, 00

Source : commission des finances

On relève le haut niveau atteint par le solde en 2017.

Cet historique a contribué à l'accumulation de ressources susceptibles d'être mobilisées pour financer les dépenses du compte dont la forte augmentation, du moins en prévision, doit être relevée.

Dans le passé, la régulation budgétaire sur les crédits ouverts n'a pas manqué de s'exercer.

Ainsi, 8,8 millions d'euros, soit plus de 10 % des dotations initiales, avaient été annulés en 2015 sur le programme 775. Le programme 776 a fait l'objet la même année de mesures de régulation très fortes. Plus de 34 millions d'euros de crédits ont été annulés en cours d'exercice. Ces annulations contribuent à limiter le déficit budgétaire.

Elle représente une affectation des recettes prélevées sur les agriculteurs pour financer les interventions du CAS qui ne coïncide pas avec l'objet du prélèvement.

Malgré ces régulations, les reports successifs de crédits ont entraîné la constitution d'un potentiel de dépenses qui excède largement les dépenses annuelles.

La dotation pour 2019 en crédits de paiement permettait d'ouvrir des dépenses excédant de plus de 47 % celles réalisées en 2017. S'il faut tenir compte des autorisations d'engagement consommées, ce potentiel excédentaire, qui, au demeurant, concerne aussi les autorisations d'engagement, ressort comme excessif au vu des autorisations d'engagement restant à couvrir (49,6 millions d'euros, dont 25,3 millions d'euros en 2019).

Crédits (1)

Exécution

Solde

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2015

138 958 426

180 206 929

137 346 485

131 320 500

1 611 941

48 886 429

2016

132 423 401

179 697 888

126 045 839

129 207 058

6 377 562

50 490 830

2017

154 000 000

198 490 830

131 669 146

129 000 000

22 330 854

69 490 830

2018 (prévision)

138 000 000

188 490 830

136 000 000

136 000 000

2 000 000

52 490 830

2019 (prévision)

144 128 728

190 961 255

136 000 000

136 000 000

8 128 728

54 961 255

(1) Les crédits en AE et CP correspondent à la recette du CASDAR majorés des reports de crédits de l'année n-1 sur l'année n.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial Alain Houpert, qui se rallie pleinement à l'objectif de progresser dans l'innovation agricole, s'interroge sur les conséquences de la mécanique d'affectation mise en oeuvre, qui outre qu'elle pourrait favoriser une certaine inertie des programmes ainsi financés, suppose une charge excessive sur les exploitations agricoles dans un contexte économique et budgétaire particulièrement contraint et mouvant.

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