B. LE STATUT DE 2004 : UNE LARGE AUTONOMIE

Après la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, la Polynésie française devint une « collectivité d'outre-mer » régie par l'article 74 de la Constitution. Le constituant ayant distingué, au sein de cette catégorie des collectivités d'outre-mer, celles disposant de l'autonomie, la Polynésie française fut rangée dans cette sous-catégorie par la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française , qui la définit comme un « pays d'outre-mer au sein de la République » .

À l'exclusion de la Nouvelle-Calédonie, qui dispose d'un statut constitutionnel sui generis , la Polynésie française est aujourd'hui la collectivité territoriale française dotée de la plus large autonomie à l'égard de l'État .

Article 74 de la Constitution du 4 octobre 1958
(modifié par la loi constitutionnelle n° 2003-276 du 28 mars 2003)

« Les collectivités d'outre-mer régies par le présent article ont un statut qui tient compte des intérêts propres de chacune d'elles au sein de la République .

« Ce statut est défini par une loi organique , adoptée après avis de l'assemblée délibérante, qui fixe :

« - les conditions dans lesquelles les lois et règlements y sont applicables ;

« - les compétences de cette collectivité ; sous réserve de celles déjà exercées par elle, le transfert de compétences de l'État ne peut porter sur les matières énumérées au quatrième alinéa de l'article 73, précisées et complétées, le cas échéant, par la loi organique ;

« - les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions de la collectivité et le régime électoral de son assemblée délibérante ;

« - les conditions dans lesquelles ses institutions sont consultées sur les projets et propositions de loi et les projets d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions particulières à la collectivité, ainsi que sur la ratification ou l'approbation d'engagements internationaux conclus dans les matières relevant de sa compétence.

« La loi organique peut également déterminer, pour celles de ces collectivités qui sont dotées de l'autonomie , les conditions dans lesquelles :

« - le Conseil d'État exerce un contrôle juridictionnel spécifique sur certaines catégories d'actes de l'assemblée délibérante intervenant au titre des compétences qu'elle exerce dans le domaine de la loi ;

« - l'assemblée délibérante peut modifier une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de la collectivité, lorsque le Conseil constitutionnel, saisi notamment par les autorités de la collectivité, a constaté que la loi était intervenue dans le domaine de compétence de cette collectivité ;

« - des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d'accès à l'emploi, de droit d'établissement pour l'exercice d'une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier ;

« - la collectivité peut participer, sous le contrôle de l'État, à l'exercice des compétences qu'il conserve, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques.

« Les autres modalités de l'organisation particulière des collectivités relevant du présent article sont définies et modifiées par la loi après consultation de leur assemblée délibérante. »

1. La répartition des compétences entre l'État et le pays

La Polynésie française est dotée par le statut de 2004 d'une compétence de principe sur son territoire , c'est-à-dire qu'elle est compétente dans tous les domaines qui ne sont pas expressément réservés à l'État par la loi organique ou aux communes par les lois et règlements applicables en Polynésie française.

Les compétences de l'État sont donc limitativement énumérées à l'article 14 de la loi organique statutaire, et ne concernent plus guère que les domaines régaliens tels que la nationalité et les droits civiques, les garanties des libertés publiques, la justice, le droit pénal et la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l'ordre publics, la monnaie, etc .

La Polynésie française, comme les autres collectivités régies par l'article 74 de la Constitution et dotées de l'autonomie, dispose désormais des moyens de faire respecter son domaine de compétence en cas d'empiètement du législateur national . En effet, dans l'hypothèse où ils estimeraient qu'une loi promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur du statut de 2004 serait intervenue dans le domaine de compétence de la Polynésie française, son président, le président de l'assemblée territoriale, ainsi que le Premier ministre et les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat peuvent saisir le Conseil constitutionnel. Si celui-ci leur donne raison, l'assemblée de la Polynésie française peut modifier la loi contestée.

En outre, la Polynésie française est habilitée, dans le respect des garanties accordées sur l'ensemble du territoire national pour l'exercice des libertés publiques et sous le contrôle de l'État , à participer à l'exercice des compétences conservées par celui-ci dans les domaines suivants :

- état et capacité des personnes, autorité parentale, régimes matrimoniaux, successions et libéralités ;

- recherche et constatation des infractions, dispositions de droit pénal en matière de jeux de hasard ;

- entrée et séjour des étrangers, à l'exception de l'exercice du droit d'asile, de l'éloignement des étrangers et de la circulation des citoyens de l'Union européenne ;

- communication audiovisuelle ;

- services financiers des établissements postaux.

En raison de ses larges compétences, qui excèdent de très loin celles des autorités administratives métropolitaines, la Polynésie française est amenée à fixer des règles qui relèvent du domaine de la loi , tel qu'il est défini à l'article 34 de la Constitution. Les actes pris par la Polynésie française dans le domaine de la loi, dénommés « lois du pays » , demeurent des actes administratifs mais sont soumis à un contrôle juridictionnel spécifique exercé par le Conseil d'État.

2. Le principe de spécialité législative

Dans les matières qui ressortissent à la compétence de l'État, les lois et règlements ne sont applicables en Polynésie française que s'ils comportent une mention expresse à cette fin, sauf dans les domaines énumérés à l'article 7 de la loi organique statutaire. Cet article est venu donner une première définition partielle des « lois de souveraineté », dont la jurisprudence avait déjà admis qu'elles dérogeaient au principe de spécialité législative.

3. Les institutions de la Polynésie française

Les institutions de la Polynésie française s'apparentent à celles d'un régime parlementaire.

L'assemblée de la Polynésie française règle par ses délibérations les affaires de la compétence du pays et exerce dans ces matières une compétence de principe. Elle adopte à cet effet des actes qui prennent le nom de délibérations ou, lorsqu'ils relèvent du domaine de la loi, de « lois du pays ». Elle vote le budget et les comptes de la Polynésie française et contrôle l'action du président et du gouvernement.

L'assemblée est composée de 57 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct, selon des modalités qui ont évolué au fil des modifications du statut 8 ( * ) .

Les attributions exécutives sont partagées entre le président de la Polynésie française et le gouvernement qu'il dirige.

Le président de la Polynésie française , élu par l'assemblée parmi ses membres, est chargé de l'exécution des lois du pays et autres délibérations de l'assemblée. Il dirige l'administration et nomme à tous les emplois publics, certains emplois devant toutefois être pourvus en conseil des ministres. Il prend les actes non réglementaires nécessaires à l'application des lois du pays, des délibérations et des règlements, et signe tout contrat au nom de la Polynésie française. Il est l'ordonnateur du budget du pays, et il est son représentant légal. Il exerce par ailleurs certaines attributions dans le domaine international, notamment en négociant des accords avec tout État, territoire ou organisme international dans les domaines de compétence de la Polynésie française, et en représentant celle-ci auprès des organisations internationales du Pacifique auxquelles elle peut être autorisée à adhérer.

Le président nomme les membres du gouvernement de la Polynésie française , sans que la loi organique lui fasse obligation de les choisir parmi les représentants à l'assemblée de la Polynésie française. Le gouvernement arrête les projets de loi du pays et les projets de délibération qui doivent être soumis à l'assemblée. Il prend les règlements nécessaires à leur application. En outre, le gouvernement dispose d'un pouvoir réglementaire autonome dans les domaines énumérés aux articles 90 et 91 de la loi organique statutaire. Certaines décisions du président de la Polynésie française sont soumises à son approbation préalable : délégations de services publics, concessions du droit d'exploration et d'exploitation des ressources maritimes naturelles, prises de participations au capital de sociétés commerciales, octroi d'aides financières et de garanties d'emprunt, etc .

Le gouvernement est responsable devant l'assemblée de la Polynésie française , qui peut adopter à son encontre une mention de défiance, ce qui entraîne la cessation de plein droit des fonctions du président et des autres membres du gouvernement. Il en va de même, depuis 2007, lorsque l'assemblée vote une mention de renvoi d'un projet de budget 9 ( * ) .

Le pays est également doté d'un conseil économique, social et culturel , composé de représentants des groupements professionnels, syndicats, associations et autres organismes qui concourent à la vie économique, sociale et culturelle. Il est obligatoirement saisi pour avis des projets de loi du pays à caractère économique ou social, et il peut l'être sur tout autre projet de loi du pays ou de délibération ainsi que sur toute question à caractère économique, social ou culturel.


* 8 Voir ci-dessous.

* 9 Articles 156 et 156-1 de la loi organique statutaire.

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