EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 5 JUIN 2019

- Présidence de Mme Catherine Di Folco, présidente -

M. François Bonhomme , rapporteur . - La proposition de loi visant à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales a été déposée en juillet 2018 par notre collègue Nathalie Delattre. Observant que plusieurs dizaines de médiateurs avaient déjà été institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, et constatant une attente renouvelée de plus de proximité de la part de nos concitoyens, Mme Delattre a voulu par ce texte encourager le développement de ce mode alternatif de règlement des litiges.

L'objectif est double. D'une part, il s'agit d'imposer l'institution d'un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales et établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. D'autre part, ce texte crée un cadre juridique propre à cette catégorie de médiation.

La médiation a pour objet principal de prévenir la judiciarisation des litiges. Elle fait intervenir un tiers, le médiateur, qui s'efforce de proposer aux deux parties une solution de leur différend, qu'elles sont ensuite libres d'accepter ou non. Le médiateur n'est pas investi du pouvoir d'imposer sa décision comme l'est le juge.

Les collectivités territoriales sont libres de mettre en place des médiateurs institutionnels pour résoudre à l'amiable les différends avec leurs administrés. L'association des médiateurs des collectivités territoriales estime à soixante le nombre de médiateurs existant aujourd'hui, et leur action est ressentie plutôt positivement.

Pour autant, dans le silence des textes, leurs modalités de nomination diffèrent : ils peuvent être nommés pour une durée qui coïncide avec la durée du mandat électoral, certains élus ou fonctionnaires sont médiateurs de leur propre collectivité... La plupart des médiateurs subordonnent en outre leur saisine à l'exercice préalable d'un recours gracieux ou hiérarchique auprès de l'administration.

Le droit en vigueur offre aussi plusieurs autres formes de médiation pour prévenir la judiciarisation des litiges entre les collectivités territoriales et leurs administrés. Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, peut être saisi pour tout litige résultant du fonctionnement des collectivités territoriales portant atteinte aux droits et libertés d'une personne. La médiation administrative, rénovée en 2016, offre aussi aux collectivités territoriales un moyen alternatif de règlement de leurs litiges. Enfin, le régime de la médiation de la consommation, issu du droit de l'Union européenne, est également applicable aux collectivités territoriales pour la mise en oeuvre d'un service public industriel et commercial considéré comme un service marchand.

Considérant l'attente de proximité de la part de nos concitoyens, mais aussi compte tenu du droit en vigueur, j'ai cherché, avec Nathalie Delattre, à trouver un consensus sur ce texte. Nous sommes convaincus que les collectivités territoriales ont tout intérêt, lorsqu'elles en ont la possibilité, à instituer un médiateur territorial. Nous voyons ce dernier comme le régulateur bienveillant, et parfaitement adapté au niveau local, des aléas de la vie administrative.

Dès lors, en accord avec Nathalie Delattre, nous souhaitons encourager le recours aux médiateurs territoriaux sans l'imposer, tout en clarifiant le cadre juridique dans lequel ils opèrent. Je vous propose neuf amendements à cet effet, dont sept à l'article 1 er , qui est le coeur de la proposition de loi.

Je ne souhaite pas accroître inutilement les charges des collectivités territoriales, et préfère leur laisser la liberté de choisir ou non d'instituer un médiateur territorial. Je vous propose donc de supprimer l'obligation prévue dans le texte initial.

Je vous propose ensuite de saisir l'opportunité de créer un socle de règles communes facilitant l'action du médiateur territorial, tout en l'articulant mieux avec le droit en vigueur. La proposition de loi donne compétence au médiateur territorial pour les litiges relevant des domaines de compétence de la collectivité territoriale ou du groupement qui l'a institué, ce qui est logique. Je vous propose toutefois d'exclure de son champ de compétences les litiges avec une autre personne publique, les litiges de nature contractuelle et les litiges internes relevant de la gestion des ressources humaines. Le texte initial n'excluait que cette dernière catégorie de litiges. L'exception contractuelle permet d'exclure formellement les litiges relevant des dispositions du code de la commande publique et ceux relevant de la médiation de la consommation, ce qui est plus avisé et plus clair. Le texte inclurait bien les litiges entre un usager et une personne chargée d'une mission de service public par la collectivité territoriale ou le groupement, lorsqu'ils ne relèveraient d'aucune des catégories précédemment exclues. Enfin, je vous propose de faire du médiateur territorial le correspondant du Défenseur des droits, pour assurer la complémentarité de leur action sur le terrain.

Je vous propose ensuite de compléter les garanties entourant la nomination et l'exercice des fonctions du médiateur territorial. La proposition de loi rend incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec celles d'élu ou d'agent de la même collectivité territoriale, ou du même groupement. Un de mes amendements complète ce régime en prévoyant une incompatibilité identique pour les élus ou agents des groupements dont serait membre une collectivité territoriale qui nommerait un médiateur.

Je vous propose aussi de compléter le principe d'indépendance du médiateur territorial fixé par le texte initial en soumettant l'exercice de ses fonctions aux conditions prévues à l'article L. 213-2 du code de justice administrative : impartialité, compétence, diligence - et confidentialité de la médiation, tant pour lui que pour les parties.

Je vous propose également de clarifier le régime procédural de la médiation territoriale, en donnant notamment à la saisine du médiateur territorial les mêmes effets juridiques que ceux prévus à l'article L. 213-6 du code de justice administrative : interruption des délais de recours contentieux et suspension des prescriptions.

Dans le même esprit, seraient rendus applicables à l'accord résultant de la médiation territoriale d'autres principes prévus dans le code de justice administrative, notamment celui selon lequel le juge peut toujours homologuer un tel accord et lui donner force exécutoire. Serait toutefois supprimée la faculté d'auto-saisine du médiateur territorial. J'estime en effet inopportun que ce dernier se prononce sur des litiges individuels sans même avoir l'accord de l'administré ou de l'administration en cause.

Je vous propose aussi de supprimer le renvoi au pouvoir réglementaire, considérant que, le législateur définissant les principes de l'action du médiateur territorial dans la loi, il est souhaitable de laisser aux collectivités la liberté de prendre ensuite les mesures qu'elles jugeront utiles pour la mettre en oeuvre.

Enfin, faisons preuve de souplesse dans l'application de la loi dans le temps en adoptant des dispositions transitoires pour les médiateurs déjà en place : je vous propose qu'ils disposent de quatre années pour se conformer à la loi.

- Présidence de M. Philippe Bas , président -

Mme Nathalie Delattre . - Ce texte a fait un long chemin depuis son dépôt, aux côtés de M. Pillet, qui n'est plus avec nous dans cette commission. Notre intention était d'interpeller sur le rôle de la médiation territoriale pour rapprocher l'administration de ses administrés, en nous fondant sur les exemples existants. Cette proposition de loi a trouvé un écho avec le mouvement des gilets jaunes et le Grand débat national, pendant lequel le sujet de la médiation a été beaucoup évoqué. Les quelque 700 facilitateurs de parole du Grand débat ont, en quelque sorte, joué le rôle de médiateurs sur le terrain. J'avais d'ailleurs invité le Gouvernement à poursuivre dans cette voie en soutenant le développement de la médiation dans les collectivités territoriales, où elle peut aider au règlement des litiges.

Les ministères de la Justice et des collectivités territoriales ont manifesté leur intérêt, car les médiateurs territoriaux peuvent être le maillon manquant entre les administrations locales et les citoyens, dont l'institution permettrait de prévenir les actions contentieuses et de rétablir le dialogue. Cela pourrait aussi compenser la déception parfois ressentie par nos concitoyens du fait de certaines décisions défavorables de l'administration.

Nous avons aussi été destinataires de nombreuses contributions des médiateurs actuels pour l'amélioration de ce texte. Le caractère obligatoire avait pour objectif d'aider les collectivités territoriales à s'emparer de ce dispositif. Mais, à la réflexion, nous ne souhaitons pas leur imposer une charge supplémentaire, et le respect de leur libre administration nous a conduits à privilégier un caractère optionnel.

Il était important de définir un socle commun à la lumière de l'expérience des médiateurs territoriaux existants. Il existe déjà des textes régissant d'autres catégories de médiation, épars, avec lesquels cette proposition de loi s'articule. Aujourd'hui, le médiateur territorial peut être un élu de la majorité. Nous avons tranché et introduit une incompatibilité, pour éviter qu'on puisse être juge et partie. Nous avons aussi résolu un dysfonctionnement en découplant le mandat du médiateur du mandat électif, et en le fixant à cinq ans. Nous spécifions aussi son indépendance et sa neutralité.

Comme le médiateur de Paris passe beaucoup de temps à régler des problèmes de ressources humaines à l'Opéra de Paris, nous avons clarifié le champ de compétences. Nous avons aussi introduit le caractère interruptif du délai de recours de la saisine du médiateur territorial. Les deux parties doivent accepter la médiation. C'est l'un de ses principes fondamentaux. Et nous avons ajouté la diligence parmi les exigences requises pour le médiateur. Si les collectivités territoriales estiment que la médiation est abusive, elles pourront toujours refuser cette médiation. Dès lors, le délai de recours contentieux recommencera à courir.

En tous cas, le ministère de la Justice nous a encouragés à faire de ce médiateur un outil de déjudiciarisation.

Mme Brigitte Lherbier . - Quand j'ai lu ce texte, je n'étais pas sûre de la ligne de partage entre les compétences du médiateur territorial et celles du délégué du Défenseur des droits. Comment se répartissent-elles ?

Mme Laurence Harribey . - Ce texte arrive après d'autres sur le même sujet déposés depuis 2014, mais le contexte actuel met en lumière la nécessité de la médiation. Il existe déjà des médiateurs, et on observe une pratique volontaire des collectivités territoriales. En Europe, la Suisse dispose déjà de cet outil. Mais, s'il doit être facultatif, pourquoi l'inscrire dans la loi ? Nous comprenons qu'il s'agit d'un texte d'appel, et il est vrai qu'il n'est pas inutile de l'aborder. Il est vrai aussi que le principe de libre administration des collectivités territoriales doit être respecté, ce qui plaide pour un caractère facultatif. Pour autant, il est important de poser un cadre juridique commun aux pratiques volontaires qui émergent ici et là. Nous avons donc déposé des amendements constructifs.

Nous sommes d'accord avec la formulation des compétences, mais il nous semble qu'il faut rendre officielle la communication du rapport devant la collectivité. Il faut aussi préciser qui peut être médiateur. Les contractuels, dont le nombre va augmenter, doivent être mentionnés, et nous irions plus loin sur l'incompatibilité avec un mandat électif, en l'étendant à toute collectivité. Nous précisons les garanties minimales relatives aux qualités attendues. Sur les règles de déontologie, nous proposons de soumettre les médiateurs à l'obligation de déclaration d'intérêt et de situation patrimoniale auprès de la Haute autorité. Dans les grandes collectivités territoriales, la médiation peut aussi toucher des domaines sensibles... Sur l'indépendance, il est bon de découpler le mandat du médiateur du mandat électoral, mais le fixer à cinq ans est une solution imparfaite, car après l'élection il faut toujours un peu de temps pour que la collectivité s'installe. La procédure de sélection, enfin, doit être parfaitement transparente.

M. André Reichardt . - Ce texte, à l'origine, ne me faisait pas bondir de joie ! Merci au rapporteur de l'avoir amélioré, notamment en rendant la chose facultative. Et il faut entourer l'intervention du médiateur territorial de garanties pour les parties. Quelles seront les règles déontologiques ?

M. Alain Richard . - Le caractère obligatoire nous paraissait également excessif : il faut laisser la collectivité apprécier. Comme il a disparu, nos réticences sont levées. Un de mes collègues du Conseil d'État m'avait alerté sur le fait que chacun peut se dire médiateur. Il faut donc fixer des conditions précises, sans aller jusqu'à créer un statut - même si c'est difficile en France ! C'est une fonction d'intermédiaire amiable, à laquelle il faut laisser des marges de manoeuvre, et qu'il faut laisser préciser par la pratique. Comment le médiateur peut-il ne pas être agent de la collectivité, s'il est rémunéré par celle-ci ? Il faut introduire sur ce point une réserve : vu la charge de travail que ces fonctions représentent, elles ne sauraient être bénévoles, et il faudra articuler l'indépendance et la rémunération.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Mme Harribey a parlé de la Suisse, mais nous avons des exemples au sein de notre République avec les Cadis à Mayotte. Ce sont des notables qui, avant la départementalisation, étaient chargés d'une triple compétence d'officier d'état civil, de notaire et de juge de paix. La départementalisation leur a retiré ces compétences, mais ils sont restés sur place comme agents du département. On s'aperçoit depuis que leur rôle essentiel était la médiation : ils recevaient les citoyens et participaient à la cohésion sociale. Le fait qu'ils n'exercent plus ce rôle est l'une des causes des difficultés actuelles de Mayotte, où l'on réfléchit à la manière de les faire revenir sur le devant de la scène, notamment en leur confiant des fonctions de médiateurs - et ce texte pourra y aider.

M. Pierre-Yves Collombat . - En lisant cette proposition de loi, je me suis gratté la tête, sans doute parce que mon expérience provient surtout de petites collectivités territoriales, où ce texte ne semble pas nécessaire, car ce sont souvent les élus qui jouent le rôle de médiateur. Il est vrai que dans les collectivités territoriales plus grandes il en va autrement - et notamment dans les intercommunalités, où il n'est pas toujours simple de comprendre qui fait quoi. Je comprends qu'une fois l'accord conclu avec le médiateur, il devient opposable : dans ce cas, c'est un office de juge ! La mise en place des médiateurs est facultative, mais ceux qui existent déjà devront obligatoirement se mettre en conformité. N'est-ce pas contradictoire ?

Mme Françoise Gatel . - Le caractère obligatoire m'a rebutée. Mais cette proposition de loi reconnaît des fonctions existantes et très utiles, dans la mesure où les rapports entre nos concitoyens et l'administration sont parfois frontaux et teintés d'incompréhension. Gardons-nous toutefois, comme nous le faisons trop souvent, de statufier les choses. Le caractère facultatif s'appuiera sur l'esprit de liberté et de responsabilité des élus. Un cadre général suffit : les collectivités territoriales sauront construire le modèle qui leur convient.

Mme Muriel Jourda . - La médiation n'est pas obligatoire. La décision du médiateur peut-elle avoir force obligatoire ? C'est l'accord trouvé qui doit devenir obligatoire, pas le jugement du médiateur. Celui-ci ne peut que rapprocher les parties, il ne saurait trancher.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Il y a des recoupements avec le Défenseur des droits, en effet. Le médiateur territorial, dont ce texte encourage le développement, favorise un lien de proximité. S'il y a doublon, nous prévoyons que le médiateur territorial se fait correspondant du Défenseur des droits, qu'il informe.

Je partage globalement la position de Mme Harribey sur les incompatibilités électives, bien que je préfère à ce stade les circonscrire au niveau local ; mais imposer aux médiateurs territoriaux une déclaration d'intérêt et de patrimoine auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique serait sans doute excessif, puisque nous avons exclu du champ de compétences les litiges susceptibles de créer des conflits d'intérêt.

La proposition de loi ne crée pas de statut. En vertu du principe de libre administration, nous laissons à la collectivité territoriale le soin de s'assurer de l'intérêt, ou non, de créer un médiateur territorial. Les élus locaux connaissent tous l'importance de la médiation !

Le médiateur territorial pourra être recruté sous forme contractuelle, mais il peut aussi bénéficier d'un simple remboursement de frais selon des modalités auxquelles nous pouvons réfléchir. Il ne faut pas figer les choses sur ce point. L'accord résultant de la médiation sera-t-il opposable ? S'il est trouvé entre les parties, il les oblige l'une envers l'autre. Mais le médiateur n'est pas un juge, et il ne peut imposer un accord. De plus, celui-ci ne saurait avoir force exécutoire, sauf homologation par le juge.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. François Bonhomme , rapporteur . - Les amendements COM-8 et COM-7 suppriment l'obligation d'instituer un médiateur territorial. L'amendement COM-7 est satisfait par l'amendement COM-8.

L'amendement COM-8 est adopté. L'amendement COM-7 est retiré.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-9 exclut du champ de compétences les litiges avec une autre personne publique, les litiges de nature contractuelle et les litiges internes relevant de la gestion des ressources humaines.

M. Alain Richard . - Je comprends qu'on exclue la relation contractuelle au titre de la commande publique, mais beaucoup de situations relevant typiquement de la médiation sont contractuelles...

M. Philippe Bas , président . - Les autorisations d'occupation temporaire du domaine public ne sont pas des situations contractuelles. Il n'est pas certain non plus qu'un litige en matière de cantines scolaires serait écarté de la médiation parce qu'il serait de nature contractuelle.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Je rappelle aussi qu'il existe déjà un médiateur de l'eau et que de nombreux litiges relatifs à l'exécution d'un contrat de prestation de services entrent dans le champ de la médiation de la consommation. Quant à l'occupation du domaine public, le caractère contractuel reste à préciser...

M. Alain Richard . - Les autorisations d'occupation temporaire du domaine public ont un caractère contractuel si elles sont assorties de conditions.

M. Philippe Bas , président . - La ligne de partage entre le contractuel et le non-contractuel est complexe. Il faut aussi savoir si certains litiges indiscutablement de nature contractuelle ne gagneraient pas à être réglés par une procédure de médiation.

M. Alain Richard . - Il faut exclure les litiges avec des prestataires ou des fournisseurs.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Il s'agit justement de litiges qui relèvent du code de la commande publique.

M. Jacques Bigot . - Dès lors que nous avons adopté l'amendement précisant que l'instauration du médiateur est une faculté pour les collectivités, pourquoi ne pas les laisser décider des missions qu'elles entendent confier au médiateur ? Laissons de la souplesse aux collectivités. Par exemple, si la compétence de l'eau est exercée en régie, la collectivité pourra préférer recourir à un médiateur territorial plutôt qu'au médiateur de l'eau.

M. Philippe Bas , président . - Au lieu des litiges liés à une « relation contractuelle », nous pourrions exclure les litiges relevant de la commande publique.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Il faut y réfléchir ; je vous propose de le faire d'ici la séance publique.

M. Philippe Bas , président . - Qu'en pense l'auteure de la proposition de loi ?

Mme Nathalie Delattre . - Les collectivités attendent de nous que nous les aidions à définir le champ de compétences des médiateurs. La grande majorité ne veut pas confier au médiateur les litiges internes relevant de la gestion des ressources humaines. À l'inverse, les litiges de cantines doivent faire partie du champ de la médiation territoriale. Beaucoup de collectivités territoriales ont un règlement relatif à la facturation de la cantine. Les médiateurs ont d'ailleurs constaté qu'ils étaient souvent saisis des mêmes questions à ce sujet et ils ont pu proposer aux maires une évolution de leurs règlements.

M. Pierre-Yves Collombat . - N'est-il pas quelque peu contradictoire de créer un médiateur puis de limiter aussitôt ses compétences ? Son avis ne sera que consultatif et la collectivité sera toujours libre de le suivre ou non.

Mme Nathalie Delattre . - France Stratégie est en train de recenser les formes de médiation. La proposition de loi n'a pas vocation à embrasser tout son champ, qui est vaste, mais vise les collectivités territoriales. Elle est volontairement restrictive afin de définir des procédures encadrées et simples. Les litiges internes relèvent d'une autre logique et n'ont pas vocation à être traités par le médiateur territorial. Les collectivités ont toujours la possibilité de créer un médiateur interne si elles le souhaitent. Essayons de cadrer les tâches du médiateur territorial, cela répond aux demandes des médiateurs comme des collectivités territoriales.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - La ville de Paris comme la région Ile-de-France ont institué des médiateurs et j'ai été médiatrice. S'il est utile d'exclure les litiges avec d'autres personnes publiques, je ne vois pas l'intérêt d'exclure les litiges de nature contractuelle et les litiges internes. La médiation relève de l'informel et reste facultative. Si les collectivités veulent un médiateur social, elles pourront le créer. Exclure a priori des compétences me parait sans grand intérêt.

M. Philippe Bas , président . - Il existe déjà des médiateurs spécialisés dans les domaines exclus par l'amendement. Le médiateur territorial est un généraliste. Je propose de voter cet amendement et de réfléchir, avant l'examen en séance, à propos de la commande publique et de la consommation pour éviter que les médiateurs territoriaux ne soient absorbés par des dossiers très techniques.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - La proposition de loi vise à fixer un régime d'incompatibilités des fonctions de médiateur territorial. On ne pourrait pas cumuler les fonctions de médiateur territorial avec celles d'élu ou d'agent de la collectivité territoriale, ou du groupement instituant ledit médiateur. Mon amendement COM-10 complète ce régime en prévoyant une incompatibilité identique pour les élus ou agents des groupements dont serait membre une collectivité territoriale qui nommerait un médiateur. L'amendement COM-2 de Mme Harribey va plus loin et rend incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec tout mandat électif. C'est trop contraignant et l'on risque d'assécher le vivier des médiateurs. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement COM-1 sur l'exclusion des agents contractuels qui serait satisfait par la rédaction de mon amendement COM-10 .

M. Alain Richard . - Le médiateur ne doit pas être un agent de la collectivité mais il doit percevoir une indemnité.

M. Philippe Bas , président . - Absolument. Pour éviter tout lien de subordination le médiateur, qui est indépendant, devrait à mon sens percevoir une indemnité. Mais il faut y réfléchir.

L'amendement COM-10  est adopté et l'amendement COM-1 devient sans objet.

L'amendement COM-2  n'est pas adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-4 précise que le médiateur territorial est nommé à l'issue d'une procédure de sélection garantissant les principes d'égal accès et de publicité. Avis défavorable : cela me paraît trop contraignant pour les collectivités et ne semble pas adapté à l'objet des fonctions de médiateur. Attention là encore à ne pas réduire le vivier potentiel.

L'amendement COM-4  n'est pas adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-3 inscrit dans la loi les qualités attendues du médiateur territorial, défini comme une « personnalité qualifiée dont les compétences en matière de défense des droits et libertés et l'expérience de l'administration territoriale sont reconnues ». Je trouve là encore que c'est trop contraignant, on ne recrute ni un juge ni le Défenseur des droits qui a des pouvoirs quasi-juridictionnels. Les collectivités auraient du mal à trouver un médiateur répondant à de tels critères... Faisons confiance aux élus.

M. Alain Richard . - Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante qui cherche à étendre ses ramifications territoriales. Je ne suis pas sûr qu'il voie d'un bon oeil la nomination de correspondants locaux territoriaux qu'il n'aurait pas choisis, comme nous l'avons adopté tout à l'heure...

L'amendement COM-3  n'est pas adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-11 vise à clarifier le régime procédural de la médiation territoriale. Il donne notamment à la saisine du médiateur territorial les mêmes effets juridiques que ceux prévus à l'article L. 213 6 du code de justice administrative : interruption des délais de recours contentieux et suspension des prescriptions.

M. Alain Richard . - Le juge peut surseoir à statuer en attendant le résultat de la médiation. Comme la collectivité peut arrêter la médiation lorsqu'elle le souhaite, alors il ne faut pas craindre des manoeuvres dilatoires abusives.

L'amendement COM-11  est adopté, ainsi que l'amendement rédactionnel COM-12 .

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-6 impose la présentation du rapport du médiateur territorial devant l'assemblée délibérante. Nous avons réfléchi avec Nathalie Delattre et avons préféré laisser la collectivité libre de le prévoir ou non. De toutes les façons, dans la mesure où il s'agirait d'un document administratif, le rapport du médiateur serait potentiellement consultable par le public. Certains élus craignent aussi une instrumentalisation de l'action du médiateur territorial par leurs adversaires via les informations qu'ils pourraient trouver dans son rapport à l'approche des élections. Sagesse.

Mme Nathalie Delattre . - Ce sujet constitue un frein à la création du médiateur. La crainte d'une instrumentalisation est forte. Pour que le médiateur territorial puisse prospérer, ne rendons pas cette communication obligatoire.

Mme Laurence Harribey . - Notre amendement s'inscrivait dans une logique constructive. Il s'agit de porter à la connaissance de l'assemblée délibérante les conclusions du rapport. La communication figurera dans le compte rendu et contribuera à la transparence et à la confiance entre les élus et les citoyens.

M. Alain Richard . - Il ne faudrait pas que la loi, par l'implicite de sa rédaction, puisse être interprétée comme faisant obligation au médiateur de présenter une communication. Il faut permettre à la collectivité, lorsqu'elle crée un médiateur, de choisir si elle opte ou non pour un rapport annuel.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'intérêt de la médiation est aussi de faciliter les retours d'expérience ; la proposition de loi prévoit bien un rapport. Mais si l'on formalise cette obligation avec un cadre trop contraignant, on risque d'aboutir au résultat inverse de celui qui est escompté. Il faut y réfléchir.

M. Alain Richard . - Au moins, si le médiateur est tenu de faire un rapport annuel, celui-ci doit être communiqué à l'assemblée délibérante.

M. Philippe Bas , président . - Il faut aussi prendre en compte la question de la protection des données personnelles. Quoi qu'il en soit, l'usage veut que l'on n'amende pas une proposition de loi sans l'accord de ses auteurs, ce qui n'est pas le cas ici.

L'amendement COM-6  n'est pas adopté.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-13 supprime un renvoi au pouvoir réglementaire. Les éventuelles mesures nécessaires à l'application de la loi pourront être prises au niveau local, ce qui parait plus adapté.

L'amendement COM-13 est adopté.

M. Alain Richard . - Une précision, le texte prévoit simplement que « le médiateur territorial est désigné par la collectivité ». Mais comment sera-t-il nommé concrètement : est-ce un pouvoir du maire ? L'assemblée délibérante devra-t-elle voter ? La rédaction actuelle sous-entend les deux. Le plus simple serait une nomination par le président de l'exécutif.

M. François Bonhomme , rapporteur . - On a voulu laisser le choix aux collectivités.

M. Philippe Bas , président . - Nous voulons en effet que les collectivités soient libres. Il faudra vérifier si la rédaction actuelle n'implique pas une délibération automatique du conseil municipal.

M. Jean-Pierre Sueur . - Il serait pertinent que le médiateur soit nommé par le maire ou le président de l'exécutif. Une assemblée délibérante n'est pas un jury de concours. Imaginez la nature du débat en séance publique si elle a à examiner plusieurs candidatures... Il serait bon de clarifier la rédaction.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Nous allons réfléchir à ce point. L'essentiel est de garantir la confiance entre l'organe exécutif et le médiateur.

Mme Brigitte Lherbier . - Lorsque le conseil municipal choisit un avocat pour le représenter à l'occasion d'un litige, cela ne pose pas de problème...

M. Jacques Bigot . - Il ne s'agit dans ce cas que d'une simple communication au conseil, non d'une délibération !

M. Yves Détraigne . - Le conseil municipal peut toujours donner une délégation de pouvoir au maire s'il le souhaite.

M. Philippe Bas , président . - Je vous propose de maintenir la rédaction actuelle pour le moment, et d'y réfléchir en vue de la séance publique.

Article additionnel après l'article 1 er

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-5 impose aux médiateurs territoriaux de remettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts. Cette obligation me semble très lourde et peu adaptée pour les médiateurs territoriaux, d'autant plus que, par l'adoption de l'amendement COM-9, nous avons exclu de leur champ de compétences les litiges contractuels, qui comprennent tous ceux relevant de la commande publique. Les risques de conflit d'intérêts sont donc limités. Avis défavorable.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

Article 2

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-14 comporte des dispositions transitoires nécessaires.

L'amendement COM-14 est adopté.

Article 3

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-15 prévoit l'application outre-mer de la proposition de loi.

L'amendement COM-15est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-16 met en cohérence l'intitulé de la proposition de loi avec son objet.

L'amendement COM-16 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

M. BONHOMME, rapporteur

8

Suppression de l'obligation d'instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales ou intercommunalités

Adopté

Mme HARRIBEY

7

Suppression de l'obligation d'instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales ou intercommunalités

Retiré

M. BONHOMME, rapporteur

9

Définition du champ de compétences et des fonctions du médiateur territorial

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

10

Renforcement des obligations déontologiques du médiateur territorial

Adopté

Mme HARRIBEY

1

Extension de l'incompatibilité des fonctions de médiateur territorial avec celles d'agent contractuel de l'autorité de nomination

Satisfait ou sans objet

Mme HARRIBEY

2

Incompatibilité des fonctions de médiateur territorial avec tout mandat électif

Rejeté

Mme HARRIBEY

4

Procédure de sélection du médiateur territorial

Rejeté

Mme HARRIBEY

3

Qualités attendues du médiateur territorial

Rejeté

M. BONHOMME, rapporteur

11

Clarification du régime procédural de la médiation territoriale

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

12

Amendement rédactionnel

Adopté

Mme HARRIBEY

6

Présentation du rapport du médiateur territorial devant l'assemblée délibérante

Rejeté

M. BONHOMME, rapporteur

13

Suppression du renvoi au pouvoir réglementaire

Adopté

Article additionnel après l'article 1 er

Mme HARRIBEY

5

Obligation de remise à la HATVP d'une déclaration de situation patrimoniale et d'une déclaration d'intérêts par les médiateurs territoriaux

Rejeté

Article 2

M. BONHOMME, rapporteur

14

Dispositions transitoires

Adopté

Article 3

M. BONHOMME, rapporteur

15

Application outre-mer de la proposition de loi

Adopté

Intitulé de la proposition de loi

M. BONHOMME, rapporteur

16

Mise en cohérence de l'intitulé de la proposition de loi avec son objet

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page