III. LES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE : LE PROGRAMME 345 « SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE » ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « TRANSITION ÉNERGÉTIQUE »

Dans le cadre de la réforme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) , l'article 5 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a créé le programme 345 « Service public de l'énergie » au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ainsi que le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique » pour retracer l'ensemble des charges de service public de l'énergie qui contribuent à la transition énergétique de la France.

Le montant total de ces charges, évalué par la Commission de régulation de l'énergie (CRE), a atteint près de 7,5 milliards d'euros en 2018, dont 68 % sont portées par le CAS et 32 % par le programme 345.

Les dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques concentrent une partie importante des charges de service public.

Or, si leur montant a légèrement reculé de - 2,3 % en 2018 pour atteindre 4 ,8 milliards d'euros , ces dépenses devraient augmenter de 35 % d'ici 2020 en raison d'engagements hérités du passé, ce qui nécessite un suivi particulièrement attentif .

Dans ce contexte, votre rapporteur spécial, à l'instar de la Cour des comptes 128 ( * ) , considère qu'il est indispensable que le Gouvernement procède rapidement à une évaluation des coûts des différentes filières de production d'énergies renouvelables , de sorte que les dispositifs de soutien puissent être mieux adaptés et représentent une charge financière moins importante pour les comptes publics.

Comme il l'a déjà écrit les années précédentes, il lui paraît également nécessaire de prévoir que le Parlement puisse se prononcer en amont sur les montants engagés en faveur de ces dispositifs de soutien , au lieu d'être systématiquement placé devant le fait accompli.

1. Un programme 345 « Service public de l'énergie » marqué en 2018 par la généralisation du chèque énergie

Le programme 345 « Service public de l'énergie » regroupe :

- les charges liées à la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées ;

- les crédits du chèque énergie destiné à protéger les ménages en situation de précarité énergétique ;

- le soutien à la cogénération ;

- le budget du médiateur de l'énergie ;

- la compensation du déficit accumulé par l'ancien mécanisme de la contribution au service public de l'électricité (CSPE).

2 976,8 millions d'euros ont été consommés au titre de ce programme en 2018, ce qui représente 22 % des crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » .

Cette somme est en forte augmentation de +17,0 % par rapport aux 2 543,9 millions d'euros consommés en 2018, en raison de la généralisation du chèque énergie à l'ensemble du territoire (voir infra ).

Le taux d'exécution des crédits est de 97,8 % .

Exécution des crédits votés du programme 345 « Service public de l'énergie » en 2018 (CP)

(en euros)

2017
(exécuté)

2018

(LFI)

2018

(exécuté)

Exécution 2018 / exéc. 2017

(en %)

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

01- Solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain

1 490 784 466

1 506 778 171

1 516 242 177

+ 1,1 %

+ 0,5 %

02- Protection des consommateurs en situation de précarité énergétique

470 787 736

753 639 487

669 467 680

+ 42,2 %

- 11,2 %

03- Soutien à la cogénération

456 530 547

691 467 824

698 949 021

+ 53,1 %

+ 1,1 %

05- Frais de support

120 756 889

87 238 970

87 220 196

- 27,8 %

-

06- Médiateur de l'énergie

5 000 000

4 796 000

4 796 000

- 4,0 %

-

07- Fermeture de la centrale de Fessenheim

-

-

-

-

-

Total programme

2 543 859 638

3 043 920 452

2 976 675 074

+ 17,0 %

- 2,2 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Comme indiqué supra , l'exécution du programme 345 en 2018 a surtout été marquée par l'extension du chèque énergie à l'ensemble du territoire , après deux années d'expérimentation dans quatre départements pilotes.

Pour mémoire, le chèque énergie, qui a été créé par l'article 201 de la loi n° 2015-992 du 17 août 2018 relative à la transition énergétique et pour la croissance verte, est une aide sociale attribuée automatiquement sur la base d'un critère fiscal unique qui tient compte à la fois du niveau du revenu fiscal de référence (RFR) et de la composition des ménages (nombre d'unités de consommation, UC). Il remplace les tarifs sociaux de l'électricité et du gaz .

En 2018, le coût total du dispositif du chèque énergie a représenté 557,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 437,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), en incluant les frais de gestion versés à l'Agence de services et de paiement (ASP).

Sur cette somme, 539,7 millions d'euros correspondent aux 3,6 millions de chèques qui ont été émis et envoyés à leurs bénéficiaires au mois d'avril 2018. Environ 2,5 millions de chèques ont été utilisés et payés en 2018 par l'ASP pour un montant d'environ 384 millions d'euros . Le montant moyen du chèque perçu par les ménages bénéficiaires a atteint 152,2 euros , sachant que cette somme pouvant varier de 48 euros à 227 euros en fonction du revenu et de la composition du ménage.

Au 7 mars 2019, le taux d'usage du chèque énergie s'élevait à 75,33 % . Si ses destinataires se sont plutôt approprié ce nouveau dispositif, le taux réalisé demeure inférieur au taux de 82 % d'utilisation atteint lors de l'expérimentation du chèque énergie : des marges de progrès subsistent donc.

Le poste majeur de dépenses du programme 345 demeure la solidarité avec les zones non interconnectées au réseau métropolitain , qui permet d'offrir aux consommateurs qui vivent dans ces territoires des prix de l'électricité comparables à ceux de la France métropolitaine. Si les crédits consacrés à ce mécanisme de péréquation ont connu une hausse limitée de 1,1 % entre 2017 et 2018, passant de 1 490,8 millions d'euros à 1 516,2 millions d'euros , ces dépenses devraient augmenter rapidement pour atteindre 1 594,9 millions d'euros dès 2019 et 1 775 millions d'euros en 2022.

S'il est difficile d'agir sur certains paramètres de ces dépenses (prix des combustibles, taux de recours aux installations thermiques, etc.), il est en revanche nécessaire, comme le propose la Commission de régulation de l'énergie (CRE), de procéder rapidement à une baisse de la rémunération des capitaux investis dans les ZNI , aujourd'hui fixée à 11 % par un arrêté du 23 mars 2006, ce qui paraît excessif dans le contexte actuel.

Les dépenses relatives au soutien à la cogénération ont considérablement augmenté puisqu'elles sont passées de 456,5 millions d'euros en 2017 à 698,9 millions d'euros en 2018, soit une hausse de +53,1 % en un an.

Cette rapide augmentation devrait se poursuivre en 2019 et les dépenses relatives au soutien à la cogénération représenter quelque 919 millions d'euros en 2020. Elles devraient toutefois diminuer après cette date avec l'arrivée à échéance de contrats coûteux qui prévoyaient un tarif d'achat, alors qu'est désormais prévu un dispositif de complément de rémunération limité aux installations de moins de 1 mégawatt (MW).

2. Les crédits consommés du compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » ont poursuivi leur progression en 2018

Le compte d'affectation spéciale, dont les dépenses relèvent exclusivement du titre 6 « Dépenses d'intervention », comporte deux programmes.

L e programme 764 « Soutien à la transition énergétique » , d'une part, finance :

- le soutien aux énergies renouvelables électriques , c'est-à-dire la compensation aux opérateurs du service public de l'électricité des charges imputables à leurs missions de service public, liées aux contrats d'obligation d'achat ou de complément de rémunération conclus avec des installations de production électrique à partir d'une source renouvelable ;

- le soutien à l'effacement de consommation électrique , c'est-à-dire les primes d'effacement versées aux entreprises lauréates d'appels d'offres incitant au développement des effacements de consommation ;

- le soutien à l'injection de bio-méthane , soit la compensation des charges imputables aux obligations de service public assignées aux fournisseurs de gaz naturel au titre de l'obligation d'achat de biogaz.

Le programme 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique » , d'autre part, finance :

- le remboursement du déficit de compensation des charges de service public de l'électricité accumulé auprès d'EDF au 31 décembre 2015 ;

- les versements au profit de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) correspondant à des demandes de remboursement partiel au profit des entreprises qui bénéficiaient du plafonnement de l'« ancienne » CSPE 129 ( * ) au titre de leurs consommations pour les années 2013 à 2015.

Le compte d'affectation spéciale est principalement financé par une fraction de la taxe intérieure sur les produits énergétiques (TICPE) . La loi de finances initiale avait prévu d'affecter au CAS 7 166,3 millions d'euros de TICPE mais ce montant a été abaissé à 6 588,7 millions d'euros en loi de finances rectificative pour tenir compte d'une consommation de crédits inférieure aux prévisions.

Comme prévu, le CAS a perçu 1 million d'euros au titre d'une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes, dite « taxe charbon ».

Il n'a en revanche pas perçu les 17 millions d'euros de revenus tirés de la mise aux enchères de garanties d'origine, les premières mises aux enchères n'étant prévues qu'à compter de 2019.

Les dépenses du CAS ont représenté en 2018 quelques 6 571,2 millions d'euros , soit une hausse de 182,6 millions d'euros (+ 2,9 %) par rapport aux 6 388,6 millions d'euros de dépenses de 2017.

S'il est en augmentation par rapport à l'année précédente, le montant des dépenses du CAS est toutefois inférieur de 613,1 millions d'euros aux 7 184,3 millions d'euros qui avaient été prévus en loi de finances initiale, ce qui correspond à un taux d'exécution de 91,5 %, analogue à celui qui avait été constaté pour l'exercice 2017.

Exécution des crédits votés du compte d'affectation spéciale
« Transition énergétique » par programme en 2018 (AE = CP)

(en euros)

2017

(exécuté)

2018

(LFI)

2018

(exécuté)

Exécution 2018 / exéc. 2017

(en %)

Exécution 2018 / LFI 2018

(en %)

Soutien aux énergies renouvelables électriques

4 993 562 556

5 424 947 056

4 844 966 070

-3,0 %

-10,7 %

Soutien à l'effacement de consommation électrique 130 ( * )

-

17 900 000

16 408 337

-

-8,4 %

Soutien à l'injection de bio-méthane

52 337 058

99 470 167

82 038 729

+56,8 %

-17,5 %

Total programme 764

5 045 093 376

5 542 317 223

4 943 204 324

-2,0 %

-10,8 %

Désendettement vis-à-vis des opérateurs supportant des charges de service public de l'électricité

1 228 513 919

1 622 000 000

1 622 000 000

+32,1 %

-

Remboursement et dégrèvements de CSPE

-

-

-

-

-

Remboursements d'anciens plafonnements de CSPE

114 980 963

20 000 000

5 992 004

-94,8 %

-70,5 %

Total programme 765

1 343 494 882

1 642 000 000

1 627 992 004

+21,1 %

-0,1 %

TOTAL CAS

6 388 588 258

7 184 317 223

6 571 196 328

+2,9 %

-8,5 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette forte diminution par rapport à la prévision de la loi de finances initiale s'explique avant tout par une réévaluation à la baisse des charges de service public de l'électricité pour 2018 et pour 2017 par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération n° 2018-156 du 12 juillet 2018.

Cette baisse est directement liée à la hausse des prix de marchés de gros de l'électricité . En outre, les coûts d'achat prévisionnels des filières photovoltaïque, biomasse et biogaz ont également été revus à la baisse .

En conséquence, 594,6 millions d'euros ont été annulés en loi de finances rectificative sur les crédits du programme 764, ce qui explique que son taux d'exécution ne soit que de 89,2 % .

Au total, on constate même une baisse des dépenses de soutien aux énergies renouvelables électriques , qui ont diminué en 2018 de - 3,0 % à 4,8 milliards d'euros .

Ces dépenses ont accompagné la poursuite de la montée en puissance de la production d'électricité renouvelable , avec une hausse de + 30 % pour la filière hydraulique (l'année 2017 avait été marquée par une pluviométrie défavorable) mais surtout des hausses de + 15,1 % pour la filière éolienne et de + 11,3 % pour la filière solaire .

À la fin de l'année 2018, la part des énergies renouvelables dans la production d'électricité avait atteint 22,7 % , soit un objectif proche de celui qui était fixé dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).

Les crédits de soutien à l'injection de bio-méthane ont également fortement augmenté de + 56,8 % , passant de 52,3 millions d'euros en 2017 à 82,0 millions d'euros en 2018. Si les résultats obtenus sont inférieurs aux prévisions, le volume de bio-méthane injecté a néanmoins fortement crû de + 76 % en 2018.

Les crédits du programme 765, et en particulier les versements au titre du désendettement vis-à-vis d'EDF, ont été exécutés conformément aux prévisions, avec un taux de consommation de 99,1 % .


* 128 Cour des comptes, mars 2018, communication au Sénat sur « Le soutien aux énergies renouvelables ».

* 129 Ces dispositifs étaient prévus à l'article L. 121-21 du code de l'énergie.

* 130 Les appels d'offres visant à développer les capacités d'effacement de consommation électrique seront organisés à partir de 2018, d'où un montant nul pour 2016 et 2017. L'ancien dispositif de soutien aux effacements, financé par le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), perdure en 2017.

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