II. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le niveau des créations de postes est mieux maitrisé en 2018 mais demeure supérieur à la cible

L'exécution 2018 se caractérise par le fort ralentissement des créations de postes par rapport aux années antérieures . En effet, alors qu'en 2017 (hors programme 143) la mission avait enregistré une hausse de 9 665 emplois équivalents temps plein, ce niveau a été ramené à +839 en 2018 .

Évolution du nombre de création de postes depuis 2012
(hors programme 143)

(en ETP)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Ce résultat a été rendu possible essentiellement par la contraction du nombre d'emplois relevant du programme « Enseignement scolaire public du second degré » (programme 141). En effet, ce dernier a connu une diminution de 2 490 emplois permettant de compenser une part importante de l'augmentation de 3 684 emplois réalisée au titre du programme « Enseignement scolaire public du premier degré » (programme 140).

Contribution des différents programmes au solde de création de postes en 2018 (hors programme 143)

(en ETP)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

On relève que l'objectif du schéma d'emploi (+144 EPT) n'a pas été respecté . L'écart à la cible (+657 ETP) s'explique par plusieurs facteurs . En premier lieu, le programme « Enseignement scolaire du premier degré » (programme 140) a connu une hausse des emplois créés (+884) plus importante que prévue. Cette situation résulte, en majorité, du recrutement des psychologues de l'Éducation nationale et d'un volume des départs moindre qu'escompté. En second lieu , le programme « Soutien à la politique de l'éducation nationale » (programme 214) a connu, à l'inverse, une contraction du niveau des emplois moins intense que prévu . Un nombre d'entrées de personnels d'encadrement et administratifs supérieur à la prévision semble expliquer ce résultat.

Votre rapporteur spécial salue, néanmoins, cet effort de maitrise du nombre des créations de postes qui rompt avec une logique inflationniste inadaptée et insoutenable du point de vue budgétaire . Il espère que le Gouvernement saura le poursuivre alors qu'il s'est engagé, en loi de finances pour 2019, à supprimer 1 850 emplois équivalents temps plein. Il rappelle, également, au Gouvernement la demande qu'il a formulée - dans le prolongement du rapport de la Cour des comptes de mars 2018 - de permettre le suivi du recours aux personnels contractuels dans les documents budgétaires .

Schéma d'emploi 2018

Catégorie d'emplois

Sorties

dont départ en retraites

Entrées

dont primo recrutements

Schéma d'emplois - Prévision

Schéma d'emplois Réalisation

Écart

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

Enseignants du 1er degré

8 683

6 055

14 600

0

4 961

5 917

956

Enseignants stagiaires

13 929

0

11 775

11 775

-2 161

-2 154

7

Personnels d'encadrement

239

127

160

0

0

-79

-79

Total du programme

22 851

6 182

26 535

11 775

2 800

3 684

884

141 - Enseignement scolaire public du second degré

Enseignants du 1er degré

307

307

266

0

0 + 120 *

-41

-41

Enseignants du 2nd degré

9 562

7 037

10 901

0

0

1 339

1 339

Enseignants stagiaires

12 575

0

8 865

8 762

-2 600

-3 710

-1 110

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

215

126

205

0

0

-10

-10

Personnels d'encadrement

720

621

820

0

0

100

100

Personnels administratifs, technique et de service

1 460

1 235

1 292

0

0

-168

-168

Total du programme

24 839

9 326

22 349

8 762

-2 480*

-2 490

-10

230 - Vie de l'élève

Enseignants stagiaires

357

0

319

319

0

-37

-37

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

757

523

783

0

0

26

26

Personnels administratifs, technique et de service

46

35

48

0

0

2

2

Total du programme

1 160

1 150

319

0

-9

-9

139 - Enseignement privé du premier et second degré

Enseignants du 1er degré

1 149

942

1 386

0

0 + 24*

-63

-63

Enseignants du 2nd degré

2 626

2 000

2 687

0

0

61

61

Enseignants stagiaires

2 393

0

2 092

2 092

0

-301

-301

Total du programme

6 168

2 942

6 165

2 092

24*

-303

-303

214 - Soutien de la politique de l'éducation nationale

Personnels d'accompagnement et de suivi des élèves et étudiants

35

35

22

0

0

-13

-13

Personnels d'encadrement

54

45

182

0

0

128

128

Personnels administratifs, technique et de service

678

569

520

0

-200

-158

42

Total du programme

767

649

724

0

-200

-43

157

143 - Enseignement technique agricole

A administratifs

38

18

16

0

0

-22

-22

A techniques

40

7

19

1

0

-21

-21

B et C administratifs

152

44

172

32

0

20

20

B et C techniques

16

9

16

1

0

0

0

Enseignants

910

226

895

88

0

-15

-15

Total du programme

1 156

304

1 118

122

0

-38

-38

Total de la mission

56 941

19 403

58 041

23 070

144*

801

657*

* Alors que le Gouvernement prévoyait une cible initiale de 0 création de postes, les amendements introduits à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen du PLF 2018 ont conduit à rehausser de 144 postes au total le niveau de cet objectif.

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

2. Une amélioration bienvenue du niveau de consommation des autorisations d'emplois qui résulte, pour partie, des apports de la commission des finances du Sénat et qui doit être consolidée

En loi de finances initiale, le plafond d'emplois adopté pour la mission s'élevait à 1 037 076 équivalents temps pleins travaillés (ETPT) soit une hausse de 1,4 % par rapport à 2017. Toutefois, près de 45 % de cette hausse concerne une correction technique résultant du placement des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) sous le plafond d'emplois , ainsi que votre rapporteur l'avait appelé de ses voeux et qu'il se félicite de voir mis en oeuvre. À périmètre constant, l'augmentation du plafond se limite à 0,76 % contre 1 % en 2017.

En outre, votre rapporteur rappelle que le Gouvernement a su tirer les conséquences de l'introduction, par la commission des finances du Sénat, en loi de programmation des finances publiques 2018-2022, d'un mécanisme limitant l'augmentation du plafond d'emplois d'un exercice budgétaire à l'autre. En effet, la commission des finances avait souhaité favoriser l'endiguement du phénomène de sous-consommation qui caractérisait, notamment, les emplois de la mission. Elle avait, dès lors, prévu que la hausse du plafond des autorisations d'emplois spécialisé par ministère ne pourrait excéder 1 % du niveau de la consommation constatée par la dernière loi de règlement. Ainsi, en loi de finances rectificative, il a été procédé à une correction à la baisse du plafond (3 466 ETPT) pour ramener le niveau de son évolution en-dessous de 1 % « hors incidence des schéma d'emplois des mesures de transfert et de périmètre intervenus ou prévus » .

Niveau de la sous-consommation du plafond des autorisations
d'emplois en 2018

(en pourcentage par rapport au plafond prévu en lois de finances)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Votre rapporteur, à l'instar de la Cour des comptes, constate que la sous-consommation des emplois par rapport au plafond d'autorisation demeure en 2018 (1,33 %). Toutefois, il observe qu'elle est moins importante qu'en 2017 (1,64 %) et qu'elle est d'autant plus réduite que les apports précités de la commission des finances du Sénat ont permis d'ajuster le niveau des prévisions . En effet, sans correction en loi de finances rectificative, le niveau de sous-consommation se serait élevé à 1,66 % et aurait donc augmenté par rapport à 2017.

Si votre rapporteur spécial se réjouit du placement des AESH sous plafond d'emplois et de l'amélioration de la qualité de la prévision et du niveau d'exécution global , il estime que les efforts doivent être consolidés . Ainsi, près des deux-tiers des sous-consommations sont imputables au programme « Enseignement scolaire public du second degré ». Pour votre rapporteur spécial, cette situation plaide, d'une part, pour réduire durablement le niveau prévu du plafond et, d'autre part, pour adapter les obligations réglementaires des enseignants aux besoins du service . Ces préconisations sont celles que votre rapporteur spécial a portées lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2019.

3. La forte diminution des mesures générales et catégorielles contribue à ralentir la croissance des dépenses de personnel

Contrairement aux exercices antérieurs, l'année 2018 se caractérise par l'importante diminution de la contribution des mesures générales et catégorielles à la hausse des dépenses de personnel .

Ainsi, le coût des mesures générales s'est élevé à 22 millions d'euros, en 2018 , principalement porté par les effets de la variation du point de la fonction publique. À l'occasion de l'exercice 2017, ce coût avait atteint 386 millions d'euros. De même, l'impact des mesures catégorielles s'est limité à 232 millions d'euros contre 758 millions d'euros en 2017.

La maitrise de l'évolution du coût de ces mesures contribue notablement à un ralentissement de la croissance annuelle de la masse salariale . En effet, alors qu'elles s'élevaient en 2017, hors CAS pension, à 45,4 milliards d'euros et avaient connu une hausse de 4,5 % par rapport à l'année précédente, les dépenses de personnel, en 2018, n'augmentent que de 1,8 % pour s'établir à 46,2 milliards d'euros .

Comme cela avait été indiqué en loi de finances initiale, l'exercice 2018 affiche une légère augmentation (+ 18 millions d'euros) de la contribution du glissement vieillesse technicité (GVT) à la hausse globale de la masse salariale. Celle-ci résulterait, d'une part, d'un nombre moins important que prévu de départs en retraite et, d'autre part, d'effets persistants du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) à hauteur de 24 millions d'euros malgré le recul de sa mise en oeuvre . Sur ce point, votre rapporteur spécial rappelle qu'il a constamment estimé que ce dispositif était « ravageur » pour la maitrise, à long terme, des dépenses d'une mission constituée à 92 % de crédits de titre 2. Il ne peut que redire son inquiétude en raison de la reprise du PPCR en loi de finances pour 2019 pour un coût, pensions comprises, de l'ordre de 134 millions d'euros.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel
hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : Commission des finances à partir des documents budgétaires

Pour l'exercice 2018, votre rapporteur spécial constate et salue les importants efforts consentis pour assurer la soutenabilité des dépenses de personnel . Il alerte, toutefois, le Gouvernement sur la persistance d'une pratique qui n'est respectueuse ni de la représentation nationale ni de l'impératif de crédibilité budgétaire : le dépassement des plafonds votés en loi de programmation des finances publiques .

Ainsi, et alors que sur la période 2014-2017 ces dépassements avaient déjà excédé les plafonds prévus de près de 3 milliards d'euros, la Cour des comptes et votre rapporteur spécial constatent un dépassement de 160 millions d'euros en 2018 . Si comme la loi de finances pour 2019 semble l'indiquer, de tels dépassements devaient perdurer, votre rapporteur spécial ne pourrait qu'estimer que le Gouvernement actuel n'a pas su rompre avec les dérives de ses prédécesseurs .

4. Des dispositifs dans le premier et le second degré dont l'efficience est difficile à évaluer

Comme l'indiquent les documents budgétaires, le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse s'est fixé l'objectif d'assurer « 100 % de réussite à l'école primaire » . Cet objectif ambitieux s'appuie, notamment, sur une division par deux des effectifs des classes de CP et CE1 dans les établissements relevant des réseaux d'éducation prioritaire (REP) et REP+ depuis 2018 .

Du point de vue budgétaire et sur le périmètre de la mission, cette mesure se traduit par une hausse des besoins en personnel dans les établissements concernés. Elle a impliqué, pour favoriser les recrutements nécessaires, l'octroi progressif d'une prime de 3 000 euros nets annuels . En loi de finances initiale, le coût de cette mesure pour la mission « Enseignement scolaire » avait été estimé à 158 millions d'euros pour l'année 2018 . Il conviendrait d'y ajouter la part de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) qui a été, effectivement, consacrée à la construction, l'adaptation ou la rénovation des bâtiments . La Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) indique que sur les 83 millions d'euros de dépenses dans le domaine scolaire supportée par la DSIL, près de 11 millions d'euros ont bénéficié au financement de ces opérations .

Évolution du taux d'encadrement

(en nombre d'élèves par classe)

Source : Commission des finances à partir des documents budgétaires

Les premiers éléments d'évaluation fournis par l'administration paraissent indiquer une amélioration progressive du taux d'encadrement tant en REP qu'en REP+ qui serait imputable au dédoublement des classes. Toutefois, l'efficacité de la prime évoquée n'est pas encore démontrée . En effet, on constate plutôt le maintien d'un processus d'érosion du nombre d'enseignants ayant plus de 5 ans d'expérience et exerçant au sein du REP. Or, s'il est indéniable que les recrutements opérés au sein du programme « Enseignement public du premier degré » (programme 140) sont importants (+ 5 917 pour les seuls enseignants ), le maintien d'un vivier de professionnels expérimentés apparait comme un facteur essentiel de la réussite des élèves

Évolution de la part d'enseignants en REP/REP+
ayant une expérience supérieure à 5 ans

(en pourcentage)

Source : Commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Au surplus de ce dispositif de soutien à la réussite des élèves en école primaire , le ministère de l'Éducation nationale promeut des actions dans l'enseignement secondaire . Votre rapporteur spécial avait déjà eu l'occasion, au cours de l'examen des précédentes lois de finances, de présenter les contours des dispositifs « devoirs faits » et « stages de la réussite ».

Évolution du taux de redoublement par classe au collège

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

Les indicateurs de performances présentés au rapport annuel ne permettent pas, en l'état, de mesurer l'efficacité de ces deux dispositifs . Pire, si tel était le cas, la lecture de ces indicateurs pourrait même conduire à estimer que les mesures d'accompagnement sont sans effets tant la dégradation de certains résultats est évidente . Ainsi , tant en REP qu'en REP+, on observe une chute de la part d'élève réussissant le brevet . En dehors de ces réseaux, les résultats de succès à l'examen du brevet sont en quasi-stagnation. En outre, le taux de redoublement s'est accru entre 2016 et 2018 dans les classes de 6 ème , 5 ème et 3 ème .

Évolution du taux de réussite
au diplôme national du brevet (DNB)

Source : Commission des finances d'après les documents budgétaires

Votre rapporteur spécial continue d'estimer que ces mesures vont dans le bon sens. Tout en plaidant pour qu'elles soient pérennisées et, le cas échéant, améliorées, il estime nécessaire, toutefois, de renforcer l'évaluation et le suivi de ces dispositifs . De telles améliorations doivent conduire à revoir les indicateurs de performances retenus.

5. Des opérateurs dont le suivi est en passe d'être mieux assuré

Le programme « Soutien de la politique de l'éducation nationale » (programme 214) implique la coordination de plusieurs opérateurs pour sa mise en oeuvre , sous la responsabilité du secrétariat général du ministère :

- le Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) ;

- le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ;

- le Centre national d'enseignement à distance (CNED) ;

- l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (ONISEP) ;

- le réseau de création et d'accompagnement pédagogique (CANOPE).

Comme l'a rappelé la Cour des Comptes dans sa note d'exécution budgétaire, le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse a, conformément à la lettre de cadrage préalable au projet de loi de finances pour 2018, associé les opérateurs à l'objectif de maitrise des dépenses publiques . Aux fins d'assurer une gestion et un suivi efficace des opérateurs du point de vue budgétaire, la Cour avait appelé en 2017 à finaliser le processus de contractualisation d'objectifs et de performances alors en cours. Ce dernier est sur le point d'être achevé et votre rapporteur spécial ne peut que s'en réjouir . En effet, de tels contrats, sous réserve d'être communiqués au Parlement, constitueront à l'avenir des sources d'informations utiles .

Le montant des subventions pour charges de service public versé aux opérateurs s'est élevé, en 2018, à 163,7 millions d'euros en crédits de paiement soit une augmentation de 4,7 % .

Plusieurs constats peuvent être dressés. D'une part, la croissance du montant des subventions par rapport à l'exercice antérieur est notable . Elle dépasse, ainsi, l'augmentation moyenne des dépenses de l'ensemble de la mission de 2,7 points. D'autre part, l'écart par rapport à la prévision de près d'un million d'euros que votre rapporteur spécial avait déjà eu l'occasion de pointer en 2017 a été aggravé en 2018 .

La justification de cet écart à la prévision initiale repose, notamment, sur :

- l'absence de dégel d'une mise en réserve à hauteur de 1,8 millions d'euros ;

- des versements au titre du financement de dispositifs spécifiques à hauteur de 3,14 millions d'euros dont le tiers a bénéficié au CNED pour sa contribution au dispositif « devoirs faits ».

Du point de vue de la gestion des emplois, votre rapporteur spécial constate la persistance d'une sous-consommation par rapport au plafond. Alors que ce dernier, prévu en loi de finances initiale, s'élevait à 3 359 ETPT, l'exercice affiche une consommation déficitaire de 253 ETPT. Comme en 2017, cette situation résulte, pour la Cour des comptes, de la vacance de postes liée à des difficultés de recrutement dans les délais et de mesures de gel visant à assurer une maitrise de la masse salariale .

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