II. PLUSIEURS MESURES ONT D'ORES ET DÉJÀ ÉTÉ PRISES POUR FACILITER LA PRISE EN CHARGE DE L'ARRÊT CARDIAQUE

Le législateur s'est emparé du sujet depuis plusieurs années afin de diversifier les lieux d'apprentissage des gestes qui sauvent. Ainsi, la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a prévu que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours » 6 ( * ) .

Dans le même esprit, la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, issue d'une proposition de loi sénatoriale de notre collègue Jean-Pierre Leleux (Les Républicains - Alpes-Maritimes) a imposé la formation aux notions élémentaires de premiers secours dans la formation au permis de conduire et son évaluation au moment de l'examen 7 ( * ) .

La loi n° 2018-527 du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque fait suite à une proposition de loi du Sénat de notre collègue Jean-Pierre Decool (Les indépendants - Nord). Elle développe l'accès aux défibrillateurs automatisés externes en rendant leur présence obligatoire dans certains lieux.

Des initiatives privées ont également vu le jour, telles qu' un certain nombre d'applications informatiques ayant pour objet d'apporter une assistance aux personnes se trouvant dans la situation de porter secours à autrui à la suite d'un arrêt cardiaque.

III. UNE PROPOSITION DE LOI À L'OBJECTIF LOUABLE MAIS AUX EFFETS JURIDIQUES INCERTAINS

L'objectif annoncé par l'auteur de la proposition de loi est à la fois clair et louable. Il consiste, d'une part, à porter l'attention sur le sujet majeur qu'est l'arrêt cardiaque subit et, d'autre part, à favoriser les interventions en formant la population aux gestes qui sauvent et en modelant un régime de responsabilité favorable à l'intervention.

Partageant pleinement ces objectifs, votre rapporteur rappelle que si un tel sujet d'importance mérite toute l'attention du législateur, la loi doit garantir aux citoyens des instruments juridiques lisibles, fiables et robustes. C'est précisément à cette tâche que s'est attelée votre commission, en analysant le texte examiné au travers d'un crible rigoureux. Elle n'a donc pas hésité à écarter des dispositions ne relevant pas du domaine que la Constitution confie à la loi, qu'elles soient de nature réglementaire ou dépourvues de portée normative. Elle n'a pas non plus hésité à réécrire certaines dispositions afin de leur donner toute leur portée juridique.

A. MIEUX PROTÉGER LES CITOYENS SAUVETEURS EN SÉCURISANT LES EFFETS JURIDIQUES DU DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article 1 er de la proposition de loi tend à créer un « statut de citoyen sauveteur » afin de mieux protéger les personnes venant en aide de manière volontaire et bénévole aux victimes d'une urgence vitale, qualification dont il résulterait trois effets juridiques :

- le citoyen sauveteur agirait comme collaborateur occasionnel du service public ;

-  sa responsabilité pénale serait atténuée en cas de commission d'un délit non intentionnel, sur le modèle de ce que le droit en vigueur prévoit déjà pour les sauveteurs professionnels ;

- enfin, il serait exonéré de toute responsabilité civile pour le préjudice qui résulterait pour la personne secourue de son intervention, sauf dans le cas où il aurait commis une faute lourde ou intentionnelle.

Compte tenu de l'état du droit positif, votre commission n'a pu que constater l' absence de vide juridique s'agissant de la protection des sauveteurs occasionnels , tant pour l'indemnisation des dommages qu'ils subiraient que pour la sanction et l'indemnisation de ceux qu'ils pourraient causer par leur faute.

En effet, le droit positif assure largement la protection juridique du sauveteur occasionnel et permet, en théorie, d' écarter sa responsabilité tant pénale que civile du fait d'un dommage qu'il aurait causé lors de son intervention, grâce à l'état de nécessité prévu à l'article 122-7 du code pénal, qui supprime le caractère fautif d'un acte nécessaire à la sauvegarde d'une personne et proportionné à la gravité de la menace.

En outre, le régime jurisprudentiel des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public permet d'assurer l'indemnisation, par la puissance publique, de la victime d'un dommage, qu'elle soit sauveteur ou sauvée , via l'engagement de la responsabilité sans faute de l'administration dans le premier cas, et pour faute dans l'autre.

Pour autant, votre commission a jugé utile, validant la démarche de son rapporteur, de consolider dans la loi le régime de responsabilité applicable aux personnes intervenant comme des sauveteurs occasionnels et bénévoles pour trois raisons :

- ce dispositif ne bouleverserait pas l'ordonnancement juridique existant ;

- il tendrait à garantir une meilleure accessibilité du droit pour les personnes mises en cause ;

- et, enfin, il permettrait d'éviter d'éventuelles difficultés de qualification juridique des faits .

Elle y a donc apporté plusieurs modifications, par l'adoption d'un amendement COM-2 de son rapporteur.

En premier lieu, elle a redéfini les conditions d'intervention des sauveteurs en visant l'assistance à une personne en situation de péril grave et imminent , et non plus celle d' « urgence vitale », ou de « détresse cardio-respiratoire », qui s'apparentent davantage à des notions médicales et sont trop restrictives.

Elle a aussi supprimé des dispositions qui imposeraient au sauveteur occasionnel de pratiquer un massage cardiaque, considérant qu'elles pourraient décourager les sauveteurs d'agir, en y substituant un principe général (appeler les secours et agir) figurant déjà dans le code de la sécurité intérieure mais apprécié selon les circonstances et les possibilités de chacun.

Votre commission a remplacé, en outre, l'expression de « citoyen sauveteur » par celle de « sauveteur occasionnel et bénévole » , l'estimant plus appropriée au concours apporté à l'exercice d'un service public qui caractérise son action.

En second lieu, votre commission a maintenu les principes que fixe l'article 1 er de la proposition de loi s'agissant du régime de responsabilité applicable lors de l'intervention d'un sauveteur occasionnel, fondé principalement sur la qualité de collaborateur occasionnel et bénévole du service public qui serait conférée au sauveteur par la loi, non sans s'être interrogée sur son opportunité puisque ce régime, de création purement jurisprudentielle, s'applique déjà dans le silence des textes. S'y référer dans la loi ne serait toutefois pas une nouveauté 8 ( * ) ni une difficulté juridique et aurait le mérite de garantir l'indemnisation par la puissance publique, tant du dommage causé par le collaborateur que du dommage qu'il aurait subi .

Compte tenu du caractère protecteur du régime du collaborateur occasionnel et bénévole du service public, l'engagement de la responsabilité personnelle dudit collaborateur pour un dommage qu'il aurait causé lors de son intervention devient très hypothétique . Pour autant, elle peut se poser dans certaines situations , mais de manière distincte selon qu'il s'agisse de la matière pénale ou civile.

Votre commission a donc maintenu le principe de l' atténuation de la responsabilité pénale du sauveteur occasionnel et bénévole , dans l'hypothèse où le sauveteur commettrait un délit non intentionnel lors de son intervention, ce régime étant aligné sur celui des sauveteurs professionnels .

Enfin, elle a aussi apporté au régime spécial de responsabilité civile qui serait créé au bénéfice du sauveteur occasionnel, une correction de nature à l'exonérer pour tous les préjudices qu'il pourrait causer lors de son intervention , sauf faute lourde ou intentionnelle de sa part, et pas seulement pour ceux causés à la personne secourue elle-même.


* 6 Article L. 312-13-1 du code de l'éducation créé par l'article 5 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

* 7 Article L. 221-3du code de la route modifié par la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

* 8 Cette qualification est par exemple conférée par la loi aux réservistes volontaires de la police nationale (article L. 411-1 du code de la sécurité intérieure).

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