II. UNE STAGNATION DES MOYENS ALLOUÉS À LA PRÉVENTION DES RISQUES DÉCONNECTÉE DES ENJEUX LIÉS AU DÉRÈGLEMENT CLIMATIQUE

À périmètre constant, les crédits prévus pour le programme 181 « Prévention des risques » en 2020 sont en diminution par rapport à la loi de finances initiales pour 2019 (826,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 826,7 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement -1,41 % et -0,73 % par rapport à 2019).

Leur diminution par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 s'explique toutefois par un amendement de 7 millions d'euros en AE et CP adopté par l'Assemblée nationale dont les crédits ne sont pas reconduits en 2020. Hors cette mesure exceptionnelle 11 ( * ) , les crédits du programme 181 sont relativement stables (- 0,58 % en AE et -011 % en CP).

Évolution des crédits du programme 181 « Prévention des risques »
entre 2019 et 2020

(en euros)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

A. LA STAGNATION DES MOYENS ALLOUÉS AUX RISQUES NATURELS ET TECHNOLOGIQUES APPARAÎT DÉCONNECTÉE DES ENJEUX ACTUELS

1. Une absence d'effort budgétaire sur la prévention des risques technologiques difficilement compréhensible

En 2020, l'action 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » voit ses AE diminuer de 5,6 % et ses CP diminuer de 0,5 %.

D'après le ministère, cette diminution reflète le moindre besoin de financement des plans de prévention des risques technologiques (PPRT).

Ces plans de prévention des risques technologiques (PPRT ), créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de la catastrophe AZF, prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à hauts risques (classés Seveso seuil haut) pour les riverains.

Ces plans permettent d'agir sur l'urbanisation existante, dès lors que la réduction du risque à la source, sur le site à l'origine du risque, menée par les exploitants industriels sous le contrôle de l'inspection des installations classées, ne permet pas de circonscrire les conséquences du risque résiduel dans les limites de l'établissement industriel .

En août 2019, 382 PPRT ont été approuvés sur les 388 PPRT à réaliser.

Si toutes les études techniques préalables sont quasi-achevées depuis 2010 - 2011, la phase de concertation demeure souvent problématique, car les PPRT peuvent engendrer des mesures foncières (expropriations, délaissement), des mesures « alternatives » aux mesures foncières, notamment pour les activités économiques riveraines, ou encore des mesures « supplémentaires » de réduction du risque à la source sur les sites industriels.

Quinze ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans se poursuit, mais à un rythme qui devrait être plus soutenu.

46 millions d'euros sont prévus en AE et 41 millions d'euros en CP en 2020. Les coûts engagés par l'État découlent de la prise en charge de 90 % des travaux de maintien aux normes dans les zones à risque. La baisse des dépenses est liée à une mise en oeuvre moins rapide qu'escompté des travaux, pourtant indispensables pour la prévention des risques, comme en témoigne l'actualité récente avec l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen le 26 septembre dernier.

La commission d'enquête créée par le Sénat le 2 octobre 2019 et dont votre rapporteur spécial est vice-président devra permettre :

- d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie ;

- de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences ;

- d'en tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques 12 ( * ) .

Dans ce contexte, les effectifs d'inspecteurs affectés à l'inspection des installations classées sont préservés (autour de 1 300 ETPT).

2. La prévention des risques naturels et hydrauliques : des crédits stables

La prévention des risques naturels et hydrauliques, visant à assurer la protection des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles tels les inondations, les mouvements de terrains, séismes, ou submersions marines, est mise en oeuvre par les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'inondation, ou encore le plan séisme Antilles .

Les PPRN ont pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes .

Concrètement, un plan de prévention des risques délimite les zones concernées par le risque sur le territoire, sur la base d'un aléa de référence, par exemple pour les crues des rivières, la crue centennale, ou si elle est plus élevée, la plus haute crue connue, et définit une réglementation pour chaque zone.

L'objectif visé lors de la mise en place des PPRN conduisait à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé, couvrant les territoires à forts enjeux. Au 1 er janvier 2019, 11 893 communes sont couvertes par un PPRN approuvé. 1 619 communes ont un PPRN prescrit.

D'après les informations communiquées par le ministère de la transition écologique et solidaire, « dans le cadre de l'instruction du gouvernement du 6 février 2019 relative aux thèmes prioritaires d'actions en matière de prévention des risques naturels et hydrauliques pour la période 2019-2021, des critères de priorisation pour l'élaboration et la révision des PPRN ont été précisés, afin de couvrir prioritairement les territoires présentant le plus d'enjeux, en tenant compte, par exemple, de la pression foncière . En effet, dans le contexte du changement climatique, l'exposition de nouveaux enjeux aux risques naturels est une préoccupation majeure ».

Depuis 2014, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », prend en charge les dépenses d'élaboration des PPRN et des actions d'information préventive sur les risques majeurs .

Le financement du fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM)

Le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) a été créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Le FPRNM est financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « sur-prime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile. Tous les particuliers disposant d'une assurance multi-risques habitation ou automobile participent donc au financement du fonds Barnier, à raison de 1,44 % ou de 0,72 %, de la cotisation d'assurance. Le montant annuel prélevé via les compagnies d'assurance est de l'ordre de 210 millions d'euros en augmentation tendancielle .

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

L'article 44 de la loi de finances pour 2018 a prévu le plafonnement de la taxe affectée au FPRNM à compter de 2018 , à hauteur de 137 millions d'euros - soit 131,5 millions d'euros après prélèvement pour frais de gestion. Alors que 210 millions d'euros sont prélevés sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles, l'écart est reversé au budget général, dévoyant le financement par les assurés au profit du budget de l'État.

Or, l'augmentation des risques liés au réchauffement climatique implique des besoins de financement croissants pour les PPRN.

Par exemple, pour la seule mesure d'acquisition amiable à la suite des inondations de l'Aude de l'automne 2018, le besoin est évalué à entre 5 et 15 millions d'euros par an sur la période 2019-2020. Les besoins pour la deuxième phase du plan séisme Antilles sont évalués à 17 millions d'euros par an pour la poursuite des opérations de mises aux normes parasismiques ou de délocalisations des établissements scolaires en 2019 et 2020.

Prévision de dépenses du FPRNM par catégories de mesures
pour la période 2019-2020

(en millions d'euros)

Source : rapport annexé au présent projet de loi de finances sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs

Répartition de l'intervention du FPRNM par type de risque

(en millions d'euros)

Dépenses par type de risque

Total 2018

Total 2017

Total 2016

Total 2015

Total 2014

Inondation

91,3

124,4

103,1

72,1

72,02

Submersion marine

18,5

8,4

37,5

21,8

34,62

Mouvement de terrain dont chutes de blocs

23,6

15,6

26,1

15,3

15

Cavités Souterraines

1

1

0,8

0,6

0,91

Séismes

34,2

16,4

7

10,2

25,7

Avalanches

0,2

0

0,3

0,01

0,23

Incendies de forêts

0,3

0,2

0,1

0,3

0,37

Autres, dont multirisque

5

12,9

3,4

3,1

9,15

TOTAUX

174,1

178,9

178,3

123,4

158

Source : rapport annexé au présent projet de loi de finances sur la gestion du fonds de prévention des risques naturels majeurs

Votre rapporteur spécial partage ainsi le constat porté par Mme Nicole Bonnefoy dans son rapport réalisé pour la mission d'information sénatoriale sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation 13 ( * ) : « il est évident que ces dépenses ne sont pas suffisantes au regard de l'ampleur des défis créés par le changement climatique. Or, plus la prévention est réalisée en amont, moins les dégâts causés par la hausse de la fréquence et de la nature des catastrophes naturelles dans un avenir proche seront importants. Dans cette perspective, la recherche de recettes supplémentaires à destination du FPRNM est à explorer ».

Surtout, la question de la soutenabilité du fonds se fait jour. La trésorerie du fonds s'élève en fin d'année 2018 à 229,5 millions d'euros. Au regard du niveau élevé des dépenses (174,1 millions d'euros en 2018) et du plafonnement des recettes, la trésorerie diminuerait de moitié en 2020, comme l'illustre le tableau précédent.


* 11 La résidence « Le Signal » à Soulac-en-Mer, évacuée en 2014, était menacée par l'érosion marine. En l'absence de solution pour indemniser les propriétaires, un amendement parlementaire au PLF pour 2019 a inscrit 7 millions d'euros pour cette indemnisation.

* 12 L'Assemblée nationale a également créé une mission d'information sur l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen.

* 13 Rapport n° 628 (2018-2019) de Mme Nicole Bonnefoy « Catastrophes climatiques : mieux prévenir, mieux reconstruire », au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation.

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