PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

Le projet de budget pour 2020 est marqué par des modifications très significatives du cadre budgétaire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).

Le programme 307 « Administration territoriale» est fusionné avec le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrés » auparavant rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

L'inclusion de ce programme conduit à des réaménagements qui excèdent le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État ». Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » enregistre certains effets de la fusion mais également l'impact d'autres transferts.

Seul le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » demeure à l'écart de ces évolutions. Il avait été mis à sa charge l'an dernier les moyens nécessaires à l'exercice des compétences du Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques sur des bases qui étaient restées provisionnelles. L'horizon budgétaire de cette nouvelle autorité paraît plus stabilisé en 2020.

La mission AGTE demeure structurée entre trois programmes mais se trouve étoffée.

Dotée, en 2019, de 2,836 milliards d'euros (hors fonds de concours et attributions de produits) en crédits de paiement, elle comprend désormais 3,977 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019.

Une fois pris en compte les crédits du programme 333 pour 2019 (537,5 millions d'euros), les dotations passent de 3,373 milliards d'euros à 3,977 milliards d'euros , soit une hausse plus limitée de 18 % que d'autres transferts réalisés vers le programme 216 viennent expliquer.

La structure de la mission se décompose désormais comme suit :

- le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État» qui porte les moyens du réseau préfectoral mais également désormais ceux des services placés sous l'autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles est doté de 2,328 milliards d'euros en crédits de paiement et de 2,460 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit respectivement 58,5 % et 60,7 % des dotations totales correspondantes de la mission ;

- le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » finance essentiellement certaines expressions de la vie politique du pays ( 237 millions d'euros en 2020 , contre 206,3 millions d'euros en 2019) ;

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » est un programme réservoir qui finance les moyens généraux du ministère de l'intérieur et certaines interventions de ce dernier ( 1 413 millions d'euro, en crédits de paiement et 1 351 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit, respectivement 35,5 % et 34,8 % des dotations totales correspondantes de la mission) .

En dehors des changements de périmètre, les crédits de la mission appréciés sur la base des actions financées en 2019 s'accroissent de 50,5 millions d'euros , se décomposant en +16,8 millions d'euros pour les moyens de l'ancien programme 333 principalement du fait des crédits de personnel, - 2 millions d'euros pour les crédits du programme support de la mission, et + 36 millions d'euros pour les crédits de paiement du programme 232, évolution due aux dépenses d'organisation des élections prévues en 2020, en particulier des élections municipales.

I. AU-DELÀ D'UN CHANGEMENT D'ÉCHELLE, UN BUDGET AU FIL DE L'EAU

A. DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE DE FORTE AMPLITUDE AFFECTENT LES PROGRAMMES D'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT (EX-PROGRAMME 307) ET DE CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTERIEUR (PROGRAMME 216)

Le projet de budget pour 2020 est marqué par d'importants changements de périmètre.

1. La fusion des programmes 307 et 333

En ce qui concerne l'administration territoriale de l'État , il propose la fusion des programmes 333, qui relevait jusqu'à présent de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », et du programme 307 rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (voir ci-dessous pour les impacts budgétaires de cette fusion).

La fusion des crédits du programme 333 et du programme 307 conduit à reconstituer les dotations de ces deux programmes pour 2019 sur une base agrégée.

Les ouvertures du programme 333 pour 2019 agrégées aux ouvertures du programme 307 pour 2019 conduisent à rehausser la base de budgétisation de 2019 de 536,4 millions d'euros (182,5 millions d'euros de dépenses de personnel ; 353,9 millions d'euros pour les autres titres de dépenses).

S'agissant des dépenses de personnel , deux effets jouent.

En premier lieu, la fusion des programmes 307 et 333 conduit à relever le plafond d'emplois pris en charge par la mission au titre du nouveau programme 354.

L'an dernier, le plafond d'emplois du programme 307 avait été fixé à 25 317 ETPT. Le cumul de ce plafond d'emplois avec celui du programme 333, qui était de 2 005 ETPT, conduit à reconstituer un plafond d'emplois de 27 319 ETPT une fois pris en compte un abattement de 3 ETPT mis à la charge du programme 333 sur le fondement de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 1 ( * ) .

En second lieu, le coût unitaire des emplois intégrés au nouveau programme d'administration territoriale de l'État est renchéri par l'apport des emplois du programme 333.

Les emplois apportés par le programme 333

Les emplois intégrés concernent les directeurs départementaux interministériels et leurs adjoints (DDI), les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) et leurs adjoints, les charges de mission des SGAR, les agents des plates-formes régionales « ressources humaines », les agents des plates-formes régionales « achats », une partie des agents chargés de la gestion des crédits des BOP régionaux du programme 333, les agents affectés dans les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication de l'État (SIDISC).

Le coût unitaire par emploi en provenance du programme 333 s'élevait à 91 271 euros en 2019 (en incluant les contributions au CAS « Pensions ; 65 286 euros hors CAS) à comparer à un coût unitaire des emplois du programme 307 de 58 510 euros (y compris les contributions au CAS ; 40 782 euros hors CAS).

L'écart important entre les coûts unitaires par emploi du programme 333 et du programme 307 (+55 % pour le programme 333 avec les contributions de pensions ; + 59 % hors ces dernières) traduit des structures d'emplois différentes, les emplois du programme 333 étant composés d'environ 50 % d'agents de catégorie A et A +.

Structure des emplois du programme 333 en 2017 et 2018

Source : rapport annuel de performance de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » pour 2018

Mais, l'écart constaté révèle également une hétérogénéité au regard de la répartition entre les rémunérations indiciaires et les indemnités .

La part des primes dans la rémunération des fonctionnaires rattachés aux services du Premier ministre est plus forte que celle des fonctionnaires du ministère de l'intérieur , qui sous cet angle, bénéficient pourtant de primes relativement élevées.

Bien qu'un peu anciennes et ne correspondant pas totalement au découpage des missions budgétaires, les données suivantes l'illustrent assez.

Estimations, pour l'année 2015, des cotisations et contributions versées au CAS Pensions rapportées à la rémunération brute totale, par ministère

Estimations pour l'année 2015

Ministère

Cotisations salariales au CAS Pensions ramenées à la rémunération brute totale

Contributions employeurs au CAS Pensions ramenées à la rémunération brute totale

Affaires étrangères

5,6%

43,7%

Culture et communication

7,4%

57,9%

Agriculture

7,0%

54,8%

Justice

6,6%

51,6%

Intérieur et outre-mer

6,3%

49,2%

Services du Premier ministre

5,5%

42,8%

Redressement productif

5,8%

45,4%

Économie et finances

6,2%

48,5%

Écologie, développement durable et énergie

5,8%

44,9%

Travail

6,8%

52,7%

Enseignement Supérieur

7,4%

57,4%

Éducation

8,1%

63,4%

Affaire sociales et Santé

6,7%

52,4%

Défense

6,8%

53,2%

Ensemble

7,4%

57,6%

Champ : fonctionnaires civils des ministères (i.e. hors EPA sous tutelle).

Source : calculs DGFiP-SRE ; données : DGAFP-DESSI à partir de SIASP, Insee 2013.

Du reste, l'hétérogénéité des écarts entre les coûts d'emploi du programme 333 et du programme 307 (supérieurs hors prise en compte des contributions employeurs au CAS « Pensions ») confirme celle des régimes de rémunérations des agents appelés à être pris en charge par un même responsable de programme.

L'union budgétaire de corps administratifs caractérisés par des régimes de rémunérations très différents peut susciter quelques interrogations.

Si une appréciation fine de ses prolongements supposerait de disposer de données exhaustives permettant, par exemple, de comparer les niveaux et les structures de rémunération par type d'emploi et par ancienneté il est peu douteux que ces comparaisons seront effectuées par les agents concernés, avec le risque de demandes d'alignements salariaux sur la situation la plus favorable. Il restera à vérifier si les gains d'efficience attendus de la mutualisation des moyens l'emporteront ou non sur les suppléments de charges pouvant devoir alors être supportés.

En outre, le responsable de programme pourrait être enclin à des arbitrages aux termes desquels certains emplois seraient plus ou moins fragilisés par la contrainte budgétaire sans que, nécessairement, des considérations opérationnelles soient correctement pondérées.

L'intégration des crédits du programme 333 exerce un second effet sur la structure des dépenses consacrées à l'administration territoriale de l'État en augmentant la part des dépenses de fonctionnement et d'investissement, plus forte dans le cadre du programme 333 que pour le programme 307.

Cette agrégation conduit à attribuer au responsable de programme la responsabilité de la gestion d'une masse de crédits qui passe de 175 millions d'euros à 529 millions d'euros ouvrant la perspective d'arbitrages nationaux de plus de poids.

2. Un niveau très élevé de transferts du fait de l'intégration budgétaire de secrétariats généraux de différentes directions départementales ministérielles
a) Le programme 354

En outre, il faut compter avec le transfert de 1 803 ETPT provenant des secrétariats généraux des directions départementales interministérielles correspondant à des effectifs affectés à des fonctions de support entraîne une augmentation des crédits de titre 2 de 104,5 millions d'euros . Ce transfert est partiellement compensé par un glissement de 37 emplois vers le programme 216 de la mission (emplois de la médecine de prévention) pour une économie de 3,4 millions d'euros pour le programme 354 issu de la fusion des programmes 333 et 307.

Au total, ces opérations majorent les crédits de personnel de 101,1 millions d'euros par rapport à une situation à structure budgétaire constante .

On relève que le coût unitaire des emplois transférés est inférieur à celui des emplois portés par le programme 354. Il s'élève à 39 426 euros (hors CAS) et à 58 773 euros contributions au CAS comprises.

La structure des emplois transférés est marquée par l'importance relative des emplois de catégorie C et de personnels techniques (40,2 % et 23,6 % du total respectivement).

Quant aux crédits relevant des autres titres de dépenses, les transferts ajoutent une charge nette de 14,7 millions d'euros , soit + 20,1 millions d'euros résultant principalement de l'extension du programme 333 aux Outre-Mer, qui se répercutent sur les montants inscrits au programme 354 et - 5,4 millions d'euros du fait de transferts de moyens vers le programme 216.

Au total, les transferts exposés lestent le nouveau programme de 115,8 millions d'euros .

b) Le programme 216

Quant au programme 216, programme support de plusieurs services du ministère de l'intérieur, il intègre de nombreuses lignes de crédits auparavant portées par d'autres programmes budgétaires.

Sur les crédits de personnel , l'impact des transferts est de 242,2 millions d'euros , du fait de transferts de 4 626 ETPT , correspondant principalement (4 031 ETPT) aux effectifs des secrétariats généraux du ministère de l'intérieur (SGAMI), mais aussi à la constitution d'un service ministériel d'achat et plus modestement de l'agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) dotée de 30 ETPT. Le coût unitaire des emplois transférés est inférieur à celui des emplois du programme 354.

Les crédits hors ceux de personnel connaissent eux-mêmes une croissance de l'ordre de 215 millions d'euros essentiellement sous l'effet de la création d'une direction du numérique (DNUM) qui regroupe les moyens auparavant portés par une série de programmes (161, 232, 152, 176, 303, 122, 354) relavant de différents ministères, le contributeur essentiel à ce transfert étant le programme 176 consacré à la police nationale

Au total, les modifications de périmètre du programme 216 ajoutent aux crédits du programme 457 millions d'euros.

Les changements ci-dessus exposés augmentent les emplois de la mission de 6 134 ETPT 2 ( * ) , pour un alourdissement des crédits de personnel de 343,1 millions d'euros.

Quant aux autres dépenses, elles se trouvent augmentées de 229,7 millions d'euros.

Au total, les charges budgétées dans la mission AGTE ressortent accrues de 572,8 millions d'euros du fait des transferts en provenance d'autres missions budgétaires.

c) Le programme 232

Le programme 232 comporte un transfert de crédit de 5 millions d'euros vers le programme 216 au titre de la prise en charge de compétences à la direction du numérique en voie de constitution dans le champ de la gestion des systèmes d'information et des applications relatives aux élections ainsi que du répertoire des associations.


* 1 Ce dernier prévoit un ajustement automatique des plafonds d'emplois basé sur leur consommation effective constatée dans la dernière loi de règlement.

* 2 Le programme 232 bénéficie de la création de 7 ETPT.

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