Rapport n° 521 (2019-2020) de Mme Catherine TROENDLÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 17 juin 2020

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N° 521

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juin 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi , adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture,
visant à
créer le statut de citoyen sauveteur , lutter contre l' arrêt cardiaque
et sensibiliser aux gestes qui sauv ent ,

Par Mme Catherine TROENDLÉ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 1505 , 1633 et T.A. 234

Deuxième lecture : 2363 , 2624 et T.A. 402

Sénat :

Première lecture : 331 (2018-2019), 72 , 73 et T.A. 18 (2019-2020)

Deuxième lecture : 316 et 522 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 17 juin 2020 sous la présidence de Philippe Bas, la commission des lois a adopté, en deuxième lecture, sur le rapport de Catherine Troendlé (Les Républicains - Haut-Rhin), la proposition de loi modifiée, adoptée le 12 février 2020 par l'Assemblée nationale, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent.

Après avoir largement modifié la proposition de loi du député auteur et rapporteur Jean-Charles Colas-Roy, lors de son examen en première lecture, la commission des lois a considéré que la nouvelle rédaction adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture était un compromis acceptable reprenant les apports du Sénat en proportion significative.

Ainsi, à l'initiative de son rapporteur, Catherine Troendlé, la commission des lois a adopté le texte dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, en deuxième lecture. *

I. UNE PROPOSITION DE LOI LARGEMENT REMANIÉE PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE

A. UN CONSTAT ET DES OBJECTIFS PARTAGÉS DÈS L'EXAMEN EN PREMIÈRE LECTURE AFIN DE FAIRE RECULER LA LÉTALITÉ DE L'ARRÊT CARDIAQUE EN FRANCE

Lors de l'examen du texte en première lecture, la commission des lois du Sénat avait partagé le constat opéré par le député Jean-Charles Colas-Roy, auteur et rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale, quant à la trop importante létalité de l'arrêt cardiaque en France et la nécessité de poursuivre et compléter les mesures déjà mises en oeuvre.

1. Le constat partagé de la trop forte létalité des arrêts cardiaques en France
a) L'arrêt cardiaque subit : une des causes de mortalité les plus importantes en France

Le rapport du 2 octobre 2018 de l'académie nationale de médecine relatif à l'arrêt cardiaque subit dénombre entre 40 000 et 50 000 décès suite à un arrêt cardiaque chaque année , dont un tiers touche des personnes de plus de 55 ans. À titre de comparaison, 3 259 morts sur les routes ont été comptabilisés pour l'année 2018, selon l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, soit un rapport de un à quinze entre ces deux causes de mortalité .

La plupart des arrêts cardiaques inopinés résultent de la survenance d'une arythmie, c'est-à-dire d'une anomalie du rythme cardiaque. Ces anomalies recouvrent notamment la fibrillation ventriculaire, qui désigne une activité électrique anarchique du myocarde ventriculaire, et qui est en cause dans 70 à 80 % des cas d'arrêt cardiaque 1 ( * ) . Ces anomalies sont le plus souvent la conséquence d'insuffisances cardiaques qui ont pour cause certaines circonstances aggravantes en nette augmentation au sein de la population , telles que la toxicomanie, le tabagisme, l'hypertension artérielle, le diabète, le cholestérol, la sédentarité ou l'excès de poids 2 ( * ) .

b) Arrêt cardiaque : le pire est de ne rien faire

La prise en charge des arrêts cardiaques a été systématisée par une chaîne de survie . Il s'agit « d'un ensemble d'enchaînements à mettre en oeuvre immédiatement après la survenue d'un arrêt cardiaque. En effet après un arrêt cardiaque, chaque minute compte, et la mise en place le plus tôt possible de cette suite de gestes le plus rapidement possible permet d'augmenter au maximum les chances de survie de la victime » 3 ( * ) . En effet, le délai d'intervention a un impact très significatif sur les chances de survie. La première étape consiste à appeler les secours, la deuxième à pratiquer un massage cardiaque sur la victime, la troisième à faire usage d'un défibrillateur et la quatrième à pratiquer des soins spécialisés sur la victime jusqu'à la reprise de respiration ou l'arrivée des secours. 4 ( * )

Selon la Fédération française de cardiologie, entendue par le rapporteur, sans prise en charge immédiate, plus de 92 % des arrêts cardiaques sont fatals . Elle souligne également que 7 fois sur 10, ces arrêts surviennent devant témoins, mais seulement 40 % de ceux-ci prodiguent les gestes de premiers secours . Ce constat est également partagé par le rapport Pelloux-Faure, remis le 20 avril 2017 : « le taux de formation de la population française est parmi les plus bas du monde. Pourtant, le citoyen est le premier maillon de la chaîne des secours » .

La conséquence logique est que, en France, le taux de survie à un arrêt cardiaque ne dépasse pas 8 % . Ce taux est 4 à 5 fois plus élevé dans les pays où les lieux publics sont équipés en défibrillateurs automatisés externes et où la population est formée aux gestes qui sauvent 5 ( * ) .

2. La volonté partagée de poursuivre et compléter les mesures déjà prises afin de lutter contre la létalité des arrêts cardiaques
a) Plusieurs mesures d'ores et déjà prises pour faciliter la prise en charge de l'arrêt cardiaque

Le législateur s'est emparé du sujet depuis plusieurs années afin de diversifier les lieux d'apprentissage des gestes qui sauvent . Ainsi, la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a prévu que « tout élève bénéficie, dans le cadre de sa scolarité obligatoire, d'une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours ainsi que d'un apprentissage des gestes élémentaires de premiers secours » 6 ( * ) .

Dans le même esprit, la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire, issue d'une proposition de loi sénatoriale de notre collègue Jean-Pierre Leleux (Les Républicains - Alpes-Maritimes), a imposé la formation aux notions élémentaires de premiers secours dans la formation au permis de conduire et son évaluation au moment de l'examen 7 ( * ) .

La loi n° 2018-527 du 28 juin 2018 relative au défibrillateur cardiaque fait suite à une proposition de loi du Sénat de notre collègue Jean-Pierre Decool (Les indépendants - Nord). Elle développe l'accès aux défibrillateurs automatisés externes en rendant leur présence obligatoire dans certains lieux.

Des initiatives privées ont également vu le jour, telles qu' un certain nombre d'applications informatiques ayant pour objet d'apporter une assistance aux personnes se trouvant dans la situation de porter secours à autrui à la suite d'un arrêt cardiaque.

b) L'objectif de la proposition de loi partagé par le Sénat dès la première lecture

Pour rappel, le rapporteur de la commission des lois avait considéré, lors de l'examen du texte en première lecture, que « l'objectif annoncé par l'auteur de la proposition de loi est à la fois clair et louable. Il consiste, d'une part, à porter l'attention sur le sujet majeur qu'est l'arrêt cardiaque subit et, d'autre part, à favoriser les interventions en formant la population aux gestes qui sauvent et en modelant un régime de responsabilité favorable à l'intervention » 8 ( * ) .

Pour autant, le rapporteur avait indiqué que « si un tel sujet d'importance mérite toute l'attention du législateur, la loi doit garantir aux citoyens des instruments juridiques lisibles, fiables et robustes . C'est précisément à cette tâche que s'est attelée votre commission, en analysant le texte examiné au travers d'un crible rigoureux » 9 ( * ) .

B. DES MODIFICATIONS TECHNIQUES NOMBREUSES APPORTÉES PAR LA COMMISSION DES LOIS EN PREMIÈRE LECTURE

1. La réécriture de l'article 1er de la proposition de loi relatif à la responsabilité civile et pénale du citoyen sauveteur

L'article premier de la proposition de loi tendait à créer un « statut de citoyen sauveteur » afin de mieux protéger les personnes venant en aide de manière volontaire et bénévole aux victimes d'une urgence vitale.

Compte tenu de l'état du droit positif, la commission des lois ne pouvait que constater l'absence de vide juridique s'agissant de la protection des sauveteurs occasionnels , tant pour l'indemnisation des dommages qu'ils subiraient que pour la sanction et l'indemnisation de ceux qu'ils pourraient causer par leur faute. En effet, le droit positif assure déjà largement la protection juridique du sauveteur occasionnel et permet, en théorie, d'écarter sa responsabilité tant pénale que civile du fait d'un dommage qu'il aurait causé lors de son intervention.

En outre, le régime jurisprudentiel des collaborateurs occasionnels ou bénévoles du service public permet d'assurer l'indemnisation, par la puissance publique, de la victime d'un dommage, qu'elle soit sauveteur ou sauvée.

Pour autant, la commission des lois avait jugé pertinent de consolider dans la loi le régime de responsabilité applicable aux personnes intervenant comme des sauveteurs occasionnels et bénévoles. En effet, une telle démarche permettrait de garantir une meilleure accessibilité du droit pour les personnes mises en cause et d'éviter d'éventuelles difficultés de qualification juridique pour le juge.

À l'initiative d'un amendement de son rapporteur 10 ( * ) , la commission des lois avait donc adopté une rédaction alternative de l'article premier. Elle tendait à redéfinir les conditions d'intervention des sauveteurs en visant l'assistance à une personne en situation de péril grave et imminent, et non plus celle d' « urgence vitale » , ou de « détresse cardio-respiratoire » , qui s'apparentaient davantage à des notions médicales et qui semblaient trop restrictives.

Cette nouvelle rédaction tendait également à supprimer des dispositions qui auraient imposé au sauveteur occasionnel de pratiquer un massage cardiaque, considérant qu'elles pourraient les décourager d'agir.

Enfin, elle visait à remplacer l'expression de « citoyen sauveteur » par celle de « sauveteur occasionnel et bénévole » , qui semblait plus appropriée au concours apporté à l'exercice d'un service public.

En second lieu, la commission des lois avait souhaité maintenir la référence à la notion de collaborateur occasionnel et bénévole du service public . Elle avait considéré que s'y référer dans la loi n'était pas une nouveauté et aurait le mérite de garantir l'indemnisation par la puissance publique, tant du dommage causé par le collaborateur que du dommage qu'il aurait subi.

Même si les cas dans lesquels sa responsabilité peut être engagée sont rares, la commission des lois avait maintenu le principe de l'atténuation de la responsabilité pénale du sauveteur occasionnel et bénévole , dans l'hypothèse où ce sauveteur commettrait un délit non intentionnel lors de son intervention.

Enfin, elle avait souhaité apporter au régime spécial de responsabilité civile qui serait créé au bénéfice du sauveteur occasionnel, une correction de nature à l'exonérer pour tous les préjudices qu'il pourrait causer lors de son intervention, sauf faute lourde ou intentionnelle de sa part, et pas seulement pour ceux causés à la personne secourue elle-même.

En séance publique, le rapporteur avait souhaité tenir compte d'une partie des remarques soulevées par un amendement déposé par le groupe La République en Marche à l'article premier 11 ( * ) . Un amendement de séance adopté à son initiative 12 ( * ) avait réintroduit l'obligation d'appeler les secours et de prendre les premières dispositions pour toute personne et non pas pour les seuls sauveteurs occasionnels. Toutefois, cet amendement écartait la possibilité d'élargir le champ de la proposition de loi à tous les acteurs de la sécurité civile, comme le prévoyait l'amendement du groupe La République en Marche puisque l'objectif poursuivi par la proposition de loi est bien de consacrer un régime spécial pour les seuls sauveteurs occasionnels.

2. Les autres modifications essentiellement techniques opérées en première lecture
a) La suppression de dispositions de nature réglementaire

L'article 2 de la proposition transmise par l'Assemblée nationale visait à modifier les dispositions du code de l'éducation relatives à la sensibilisation des élèves en apportant des précisons sur la continuité et le programme de ces formations. Il apparaissait néanmoins que ces précisons relevaient du domaine du règlement et qu'elles sont, d'ailleurs, pleinement satisfaites par les règlements actuellement en vigueur . À l'initiative du rapporteur, la commission des lois avait donc supprimé l'article en conséquence 13 ( * ) .

Un raisonnement similaire avait été appliqué à l'article 4, qui prévoyait d'inscrire dans la partie législative du code du travail un droit à la formation aux premiers secours pour tout salarié, alors que la partie réglementaire de ce code prévoit déjà avec précision les cas dans lesquels cette formation est obligatoire 14 ( * ) .

Les dispositions législatives que tendait à introduire l'article 2 bis étaient, elles aussi, inutiles au regard des règlements applicables . Cet article tendait à ajouter le secourisme dans le champ des formations dispensées par les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPÉ) alors que les futurs enseignants doivent déjà obligatoirement détenir une attestation de secourisme 15 ( * ) .

L'article 3 tendait à modifier les dispositions applicables à l'examen du permis de conduire afin de préciser que les notions élémentaires de premiers secours sur lesquelles porte l'évaluation faisaient « notamment » état de l'utilité du massage cardiaque et du défibrillateur automatisé externe. Devant l'absence de portée normative induite par l'utilisation de cet adverbe, la commission des lois avait également décidé de supprimer cet article 16 ( * ) .

L'article 5 bis de la proposition de loi visait à préciser, dans le code du sport, que « les programmes de formation des professions des activités physiques et sportives comprennent un enseignement sur le sport pour les handicapés » . La commission des lois avait supprimé ces dispositions au motif qu'elles n'étaient pas du domaine de la loi et qu'elles étaient déjà satisfaites par les règlements en vigueur.

L'article 6 de la proposition de loi avait pour objet de créer une journée nationale de lutte contre l'arrêt cardiaque et de sensibilisation aux gestes qui sauvent. La commission des lois du Sénat avait toutefois constaté que la création d'une journée nationale ne relève pas du domaine de la loi fixé par l'article 34 de la Constitution et avait supprimé l'article en conséquence 17 ( * ) .

Enfin, la commission des lois s'était tenue à la position habituelle du Sénat et avait supprimé l'article 12 bis de la proposition de loi, prévoyant la demande de rapports au Gouvernement 18 ( * ) .

b) Des clarifications techniques

La commission des lois avait supprimé une partie des dispositions de l'article 5 de la proposition de loi afin d'exclure les entraineurs sportifs professionnels des bénéficiaires de la formation en secourisme que tendait à créer cet article. Elle avait en revanche conservé les dispositions tendant à créer une obligation de formation au secourisme à destination des juges et arbitres par les fédérations agréées . Le rapporteur avait considéré qu'il s'agirait « d'une véritable avancée » 19 ( * ) puisque le contenu de ces formations est jusqu'à présent fixé par ces fédérations et que certaines n'y incluent pas nécessairement une sensibilisation au secourisme.

La proposition de loi tendait également à établir une clarification relative aux acteurs de la formation au secourisme. Ainsi, son article 7 tendait à consolider, dans la partie législative du code de la sécurité intérieure, la liste des personnes autorisées à accomplir les actes de sensibilisation au secourisme. Il tendait à reprendre les dispositions préexistantes applicables aux associations de sécurité civile agréées et à donner un fondement législatif aux habilitations que le pouvoir réglementaire attribue déjà par arrêté à certains organismes de sécurité civile.

La commission des lois avait conservé ces dispositions et avait inclus dans cette liste certains services des établissements de santé listés par décret, car beaucoup d'entre eux détiennent les compétences nécessaires pour assurer une formation au secourisme 20 ( * ) .

Enfin, l'article 11 de la proposition de loi tendait à renforcer les sanctions pénales en cas de vol ou de dégradation de défibrillateurs cardiaques. La commission des lois avait estimé ce renforcement légitime compte tenu de l'objectif recherché de punir plus sévèrement les auteurs d'infractions pouvant conduire indirectement au décès d'une personne, faute de matériel de premier secours disponible. Toutefois, elle avait constaté que la notion d' « objets nécessaires à la sécurité et à la santé des personnes » que visait l'article était insuffisamment précise et permettrait d'aggraver les sanctions pénales pour le vol ou la dégradation de nombreux biens autres que les seuls défibrillateurs automatiques.

Elle avait donc restreint la nature des objets dont le vol ou le vandalisme serait puni plus sévèrement au « matériel destiné à prodiguer des soins de premier secours » 21 ( * ) .

II. LE TEXTE ADOPTÉ EN DEUXIÈME LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN COMPROMIS ACCEPTABLE

Les travaux conduits à l'Assemblée nationale, en deuxième lecture, ont tenu compte de la grande majorité des modifications apportées par le Sénat en première lecture . Les apports fondamentaux relatifs au régime de responsabilité ont été conservés (A.), beaucoup d'articles ont été adoptés ou supprimés conformément à la position du Sénat (B.) et les articles réintroduits alors qu'ils avaient été supprimés ne constituent pas de points bloquants (C.). En conséquence, la commission des lois a adopté la proposition de loi dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

A. LA CONSERVATION DE LA RÉÉCRITURE DE L'ARTICLE 1ER RELATIF AU RÉGIME DE RESPONSABILITÉ DES PERSONNES INTERVENANT COMME DES SAUVETEURS OCCASIONNELS

La principale satisfaction pour le rapporteur de la commission des lois réside dans le fait que l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur la réécriture de l'article 1 er relatif au régime de responsabilité des personnes intervenant comme des sauveteurs occasionnels. Seules deux modifications ponctuelles ont été apportées.

La première est la réintroduction 22 ( * ) de la dénomination de « citoyen sauveteur » qui était présente dans le texte transmis au Sénat en première lecture mais qui avait été remplacée, en commission, au Sénat, par celle de « sauveteur occasionnel et bénévole » ( cf. supra ) . Le terme « citoyen » est en effet consubstantiel aux droits civiques et politiques qui lui sont reconnus par le droit positif et se trouvait donc sans lien avec l'objet de la présente proposition de loi.

Le rapporteur de la commission des lois maintient sa position mais considère qu' il ne s'agit pas pour autant d'une malfaçon rédhibitoire , a fortiori depuis que le rapporteur de l'Assemblée nationale a clarifié, dans les travaux préparatoires, la manière dont le terme de citoyen doit être entendu au sens de la présente proposition de loi 23 ( * ) .

La seconde modification consiste dans la réintroduction du détail des diligences qui devraient être mises en oeuvre par le citoyen sauveteur portant assistance à la victime d'un arrêt cardiaque. Ces mentions avaient été supprimées en commission en première lecture au Sénat « considérant qu'elles pourraient décourager les sauveteurs d'agir, à l'encontre même de l'intention des auteurs de la proposition de loi » 24 ( * ) .

Là aussi, le rapporteur de la commission des lois maintient sa position initiale et regrette cette réintroduction, mais n'y voit toutefois pas de grief insurmontable.

B. DE NOMBREUSES ADOPTIONS OU SUPPRESSIONS CONFORMES OPÉRÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

1. L'adoption conforme des articles 5, 7 et 11

L'article 5 de la proposition de loi avait été modifié par la commission des lois du Sénat, en première lecture. Elle n'avait conservé que les dispositions tendant à créer une obligation de formation au secourisme à destination des juges et arbitres par les fédérations agréées ( cf. supra ). L'Assemblée nationale s'est finalement rangée à cette position puisqu'elle a adopté l'article 5 sans modification en deuxième lecture.

Le constat est le même pour l'article 7, relatif à la formation au secourisme, que le Sénat avait modifié afin que certains services d'établissements de santé puissent être autorisés à assurer des actions d'enseignement et de formation en matière de secourisme ( cf. supra ).

Il l'est également pour l'article 11 tendant à introduire, dans le code pénal, des circonstances aggravantes relatives au vol ou à la destruction, détérioration ou dégradation de matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours. Là non plus, l'Assemblée nationale n'est pas revenue sur la réécriture opérée par le Sénat en première lecture .

2. La suppression conforme des articles 2 bis, 3 et 5 bis

L'Assemblée nationale a procédé, en deuxième lecture, à la suppression conforme des articles 2 bis , 3 et 5 bis , retirés du texte par la commission des lois du Sénat, en première lecture, au motif qu'ils étaient déjà satisfaits par les règlements en vigueur, dépourvus de portée normative ou que leurs dispositions n'étaient pas du domaine de la loi ( cf. supra ).

C. L'ABSENCE DE POINTS BLOQUANTS AU SEIN DES ARTICLES RÉINTRODUITS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Parmi les articles écartés par le Sénat en première lecture, tous n'ont pas subi le destin heureux d'une suppression conforme par l'Assemblée nationale. En effet, quatre d'entre eux ont été réintroduits dans leur rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale en première lecture.

Ainsi, les articles 2 et 4 respectivement relatifs à la sensibilisation des élèves au secourisme et au droit à la formation aux premiers secours pour tout salarié ont été réintroduits, en commission, à l'Assemblée nationale 25 ( * ) , alors que la commission des lois du Sénat les avait écartés au motif que les dispositions en cause étaient de nature réglementaire et qu'elles étaient déjà satisfaites par les règlements en vigueur (cf. supra ).

Il en va de même pour l'article 6, tendant à créer une journée nationale de lutte contre l'arrêt cardiaque et de sensibilisation aux gestes qui sauvent, qui a été réintroduit par l'Assemblée nationale en deuxième lecture 26 ( * ) . Le rapporteur maintient que la création de journée nationale n'appartient pas au champ matériel que l'article 34 de la Constitution confie à la loi et que de nombreuses journées de ce type existent déjà.

Journées existantes en lien avec l'arrêt cardiaque
et la sensibilisation aux gestes qui sauvent

Titre de la journée

Organisation

Dernière occurence

Journée mondiale du coeur

Fédération mondiale
du coeur

29 septembre 2019

Semaine du coeur

Fédération française
de cardiologie

21 au 29 septembre 2019

Journée de sensibilisation
à l'arrêt cardiaque

Semaine européenne
de sensibilisation
à l'arrêt cardiaque

19 octobre 2019

Journée du coeur

Alliance du coeur

En fonction des régions

Journée mondiale
des premiers secours

Croix-Rouge

12 septembre 2019

Source : commission des lois

Enfin, l'Assemblée nationale a réintroduit l'article 12 bis tendant à enjoindre le Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel précisément normé en lien avec le texte. Or, comme le soulignait déjà le rapporteur en première lecture, ces rapports sont rarement remis et, lorsqu'ils le sont, ils sont encore plus rarement lus .

Le rapporteur considère que ces réintroductions ne sont pas souhaitables juridiquement, mais qu'elles constituent néanmoins un prix raisonnable pour l'obtention d'un compromis avec l'Assemblée nationale quant à l'adoption de la présente proposition de loi. Il regrette toutefois que, dans une certaine mesure, la qualité de la loi soit la victime collatérale de cet accord.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 17 JUIN 2020

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Il s'agit aujourd'hui d'examiner en deuxième lecture cette proposition de loi, sur laquelle nous nous étions déjà penchés en octobre.

Proposé par M. Jean-Charles Colas-Roy, membre du groupe La République En Marche de l'Assemblée nationale, et qui en a aussi été le rapporteur, ce texte a pour objet de faire décroître le taux de mortalité très important des arrêts cardiaques en France. Nous avions naturellement souscrit à cet objectif en première lecture, mais une analyse juridique scrupuleuse nous avait poussés à supprimer sept articles parmi les douze contenus dans la proposition de loi, au motif que ces dispositions n'entraient pas dans le champ de l'article 34 de la Constitution ou, pour certaines, étaient déjà satisfaites. Le superflu étant ôté, nous avions parfait les dispositions restantes, en réécrivant l'article 1 er , en précisant la rédaction de l'article 11 et en autorisant, à l'article 7, certains personnels de santé à accomplir les actes de sensibilisation au secourisme aux côtés des acteurs de la sécurité civile. C'est donc un véhicule plus léger, mais plus efficace que nous avions renvoyé à l'Assemblée nationale.

Le texte qui nous est soumis montre que notre démarche a été comprise. Ainsi nos collègues députés ont-ils conservé la majeure partie des modifications adoptées par nos soins, nous proposant un compromis qui me semble acceptable.

Ils ne sont pas revenus sur l'essentiel de la réécriture de l'article 1 er , relatif au régime de la responsabilité civile et pénale du sauveteur mais y ont apporté deux modifications. D'une part, ils ont réintroduit le terme « citoyen sauveteur », que nous avions remplacé par « sauveteur occasionnel et bénévole », estimant que le terme « citoyen » était sans lien avec l'objet de la proposition de loi car consubstantiel aux droits civiques et politiques qui lui sont reconnus par le droit positif. Je maintiens ma position à ce sujet ; pour autant, cette réintroduction ne constitue pas une malfaçon rédhibitoire, d'autant que le rapporteur à l'Assemblée nationale a clarifié, dans son rapport, la manière dont ce terme doit être entendu. D'autre part, a également été réintroduit le détail des gestes devant être mis en oeuvre par le citoyen sauveteur, mention que nous avions ôtée, car elle nous semblait susceptible de décourager toute action. À nouveau, je regrette cette réintroduction, mais je n'y vois pas de grief insurmontable.

Les suppressions ou adoptions conformes de six articles dans leur version issue des travaux du Sénat sont à compter dans les motifs de satisfaction. Mais quatre articles écartés ont été repris dans le nouveau texte proposé par l'Assemblée nationale. Il s'agit des articles 2 et 4 relatifs à la sensibilisation des élèves au secourisme et au droit à la formation aux gestes de premier secours pour les salariés, que nous avions écartés au motif qu'ils étaient de nature réglementaire et déjà satisfaits par le droit en vigueur. Nous avions également écarté l'article 6, instaurant une journée nationale de lutte contre l'arrêt cardiaque : cette création n'entre pas dans le domaine de la loi et il existe déjà de nombreuses journées, mondiales ou régionales, consacrées au coeur, à la lutte contre les arrêts cardiaques ou aux premiers secours. Enfin, a été réintroduit l'article 12 bis , enjoignant au Gouvernement de rendre un rapport annuel au Parlement ; il n'est sans doute nul besoin de vous rappeler la position du Sénat sur la question des rapports...

Ces réintroductions n'étaient pas souhaitables sur le fond, mais je crois qu'elles constituent un prix raisonnable à payer pour trouver un compromis avec l'Assemblée nationale. Même si la qualité de la loi est une victime collatérale de cet accord, je vous propose donc d'approuver le texte sans modification.

M. Philippe Bas, président . - Merci de votre exposé sur un sujet qui vous tient particulièrement à coeur.

M. Yves Détraigne . - J'ai toujours du mal à comprendre ce que ce texte apporte. Est-il vraiment nécessaire ? Que va-t-il changer ?

M. François Bonhomme . -Le fait que, pendant le confinement, les gens n'aient pas consulté leur médecin pour des signaux faibles pouvant annoncer des accidents cardiaques risque de créer des difficultés dans les mois à venir et d'alourdir les chiffres. Il faudra évaluer ce phénomène et mettre cette évaluation au bilan négatif de la gestion de l'épidémie de Covid-19.

M. Jean-Luc Fichet . - L'appellation « citoyen sauveteur » a tout son sens, tout comme cette loi, qui est une bonne loi. Je soutiendrai aussi l'idée d'une journée nationale du coeur ; des précédents ont montré que cela pouvait se faire par la loi. Nous sommes en tout cas pleinement satisfaits de voir cette proposition de loi aboutir.

Mme Catherine Troendlé, rapporteur . - Ce texte n'est pas inutile, monsieur Détraigne : il consolide un pan de la jurisprudence en matière de responsabilités civile et pénale. Ce n'est pas mal !

Je suis d'accord, monsieur Bonhomme, sur la nécessité d'un suivi des phénomènes que vous mentionnez, mais cela dépasse le cadre de cette proposition de loi.

Vous expliquez, monsieur Fichet, votre attachement au terme « citoyen sauveteur ». J'ai, quant à moi, précisé, dans mon rapport en première lecture, pourquoi il m'importait que le terme « citoyen » demeure rattaché au contexte précis dans lequel il s'inscrit, qui n'est pas celui de ce texte. C'est pourquoi le rapporteur à l'Assemblée nationale a pris le soin de clarifier sa position. Il sera très important, le jour où un juge voudra se prononcer sur une affaire, qu'il puisse retrouver ces explications et sache pourquoi le terme « citoyen » a été réintroduit dans le texte.

S'agissant de la journée nationale, le Conseil constitutionnel a rendu une décision sur le sujet, considérant que ce type de décisions relève plutôt du domaine réglementaire. En tant que juristes, il est normal que nous cherchions à rédiger des textes respectueux de ses décisions.

Enfin, il existe au moins quatre textes de loi relatifs aux gestes qui sauvent. Le plus ancien, remontant à 2004, impose une formation au secourisme à tous les élèves de troisième, et nous atteignons un taux d'environ 90 % d'élèves formés. Mais, si l'Éducation nationale et le ministère de l'intérieur s'accordent pour permettre aux sapeurs-pompiers de délivrer des formations en classe, nous pourrons monter encore en puissance. Cela va dans le bon sens. Nous devons soutenir toutes les mesures qui peuvent permettre de sauver des vies.

Une précision enfin, si vous souhaitez déposer des amendements, le champ du texte se limite aux premiers secours : formation, acteurs, matériel et modalités.

Mme Muriel Jourda . - Je m'abstiens sur ce texte.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION
DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET
DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(RÈGLE DE L'ENTONNOIR)

Aux termes du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Le Conseil constitutionnel considère qu'il ressort de l'économie de ces dispositions que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ».

Cette règle dite de « l'entonnoir » est reprise à l'article 48, alinéa 6, du Règlement du Sénat, aux termes duquel : « il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ni article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique. De même est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion . »

Elle est assortie de trois exceptions, énoncées par le Conseil constitutionnel et mentionnées à l'article 48, alinéa 7, du Règlement du Sénat, qui permettent d'admettre la recevabilité des amendements et sous-amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du 17 juin 2020, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 316 (2019-2020), adoptée avec modification par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, visant à créer le statut de citoyen sauveteur, lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux modalités d'encadrement des premiers secours et à ses acteurs, au régime de responsabilité des sauveteurs occasionnels et bénévoles, à la formation de tout citoyen aux premiers secours et, enfin, aux sanctions pénales réprimant des atteintes au matériel utile aux soins de premiers secours.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl18-331.html


* 1 Ces chiffres étaient soulignés par le rapport n° 544 (2017-2018) de M. Daniel Chasseing, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 6 juin 2018, sur la proposition de loi relative aux défibrillateurs cardiaques.

* 2 Source : Fédération française de cardiologie : https://www.fedecardio.org/sites/default/files/image_article/2019-INSUFFISANCE-CARDIAQUE-Web.pdf .

* 3 Site internet du Registre électronique des Arrêts Cardiaques.

* 4 Ibidem .

* 5 Source : site internet de la Fédération française de cardiologie :

https://www.fedecardio.org/Les-gestes-qui-sauvent/L-arret-cardiaque/larret-cardiaque-un-bilan-alarmant .

* 6 Article L. 312-13-1 du code de l'éducation créé par l'article 5 de la loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.

* 7 Article L. 221-3 du code de la route modifié par la loi n° 2015-294 du 17 mars 2015 visant à introduire une formation pratique aux gestes de premiers secours dans la préparation du permis de conduire.

* 8 Rapport de première lecture, page 10.

* 9 Ibidem .

* 10 Amendement COM-2.

* 11 Amendement n° 2.

* 12 Amendement n° 4.

* 13 Amendement de suppression COM-7.

* 14 Amendement de suppression COM-10.

* 15 Amendement de suppression COM-8.

* 16 Amendement de suppression COM-9.

* 17 Amendement de suppression COM-13.

* 18 Amendement de suppression COM-14.

* 19 Intervention en commission du 16 octobre 2019.

* 20 Amendement COM- 15 rect.

* 21 Amendement COM- 4.

* 22 Amendement de commission CL 3.

* 23 Rapport de deuxième lecture du député Jean-Charles Colas-Roy, pages 9 et 10.

* 24 Extrait de l'objet de l'amendement de commission COM-2.

* 25 Amendements de commission CL 8 et CL 9.

* 26 Amendement de commission CL 10.

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