EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 15 JUILLET 2020

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - Nous examinons un projet de loi organique prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE).

Un autre texte, de réforme de cette assemblée constitutionnelle, a délibéré en même temps en conseil des ministres puis déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale. Nous devrions l'examiner à l'automne.

Comme il ne reste que dix jours avant la fin de la session extraordinaire, et en attendant de pouvoir mener la réforme du CESE, le Gouvernement a estimé nécessaire de proroger le mandat des membres actuels, qui se termine en novembre prochain.

Le CESE représente la « société civile organisée ». Son rôle est de conseiller les pouvoirs publics sur les politiques économiques, sociales et environnementales, de favoriser le dialogue entre les forces vives de la Nation et d'informer le Parlement. Compte tenu de la manière dont le dialogue social fonctionne en France, il a, en quelque sorte, un rôle contracyclique.

L'institution n'est toutefois pas assez connue du grand public. Par ailleurs, le Gouvernement ne la consulte pas nécessairement et le Parlement, souvent saisi en urgence, n'a pas le temps de lui demander un avis. Sur un certain nombre de sujets, comme les retraites ou l'assurance maladie, d'autres organismes consultatifs, plus spécialisés, prennent le dessus. En pratique, 80 % des travaux du CESE relèvent de l'autosaisine.

Néanmoins, le CESE est une institution utile pour permettre des échanges qui n'ont pas lieu ailleurs, notamment entre les différentes forces économiques et sociales du pays.

Le Gouvernement et le CESE ont travaillé à une réforme, qui prévoit une réduction de 25 % des membres du Conseil - actuellement au nombre de 233, dont 40 personnalités qualifiées -, une extension de la procédure simplifiée pour la publication des avis et une mention du recours à des techniques de tirage au sort.

Compte tenu de la situation et du projet de réforme du CESE - que tous les groupes représentés au Conseil soutiennent -, je vous propose d'accepter la prorogation de six mois et demi maximum du mandat des membres actuels, sans préjuger de la position de la commission sur le projet de loi organique réformant de cette assemblée. Les organisations représentées au CESE auront besoin de temps pour tirer les conséquences de la modification de sa composition et pour lancer le processus de désignation de leurs représentants.

Nous discuterons le moment venu de la question du tirage au sort, du rôle de la démocratie participative, et de la manière dont le prochain projet de loi organique renvoie à un décret la définition des organisations représentées au CESE. Pour pouvoir débattre de ces sujets sereinement, probablement à l'automne, il nous faut proroger le mandat des membres actuels du CESE.

M. Philippe Bas , président . - Votre rapport s'inscrit dans une démarche coopérative. Le projet de réforme du CESE se heurtera à des objections sur un certain nombre de points, d'ailleurs peut-être moins sur le nombre de membres que sur la reconnaissance de du tirage au sort comme expression de la volonté des citoyens. Nous aurons de vastes débats sur ces sujets...

Si le Sénat et l'Assemblée nationale s'opposaient à la prolongation du mandat des membres du CESE, l'entrée en vigueur de la réforme serait retardée, sauf à mettre fin aux mandats en cours, lesquels auraient été renouvelés quelques mois auparavant.

Vous proposez donc de laisser sa chance à la réforme à venir, de ne pas préjuger de la position de la commission et d'accepter la prorogation des mandats des membres actuels, qui n'emporte pas de lourdes conséquences.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je soutiens la position du rapporteur, et pas uniquement parce que je suis un bon camarade ! Sa proposition est très pertinente, car de deux choses l'une : soit on renvoie ce texte au motif d'un désaccord éventuel sur la réforme à venir ; soit on accepte la prolongation du mandat des membres du CESE, sans préjuger de notre position sur le contenu de la réforme.

Je suis, pour ma part, partisan d'un aspect de la réforme : la suppression des personnalités qualifiées. Il serait intéressant de faire une étude sur l'identité et la qualité de ces personnalités désignées par les différents gouvernements. On y trouverait des personnalités en déshérence politique, d'autres nommées pour services rendus... Je ne vois pas très bien comme justifier la présence de ces personnalités qualifiées.

Je suis également opposé à la désignation de personnes tirées au sort.

La réduction du nombre de membres du CESE renvoie à l'idée du Président de la République, encore évoquée hier lors de son intervention à la télévision, de réduire le nombre de parlementaires. Il a été dit qu'un éventuel désaccord sur ce point s'opposerait à une réforme de la Constitution. Comme si celle-ci intégrait nécessairement cet aspect... Il est pourtant toujours possible de faire une réforme constitutionnelle sur l'environnement, le droit des femmes, l'indépendance du parquet et le Conseil supérieur de la magistrature. Cette idée selon laquelle la réforme constitutionnelle doit être globale, intégrant une diminution des effectifs des assemblées, est tout à fait fausse. Elle conduit à empêcher toute réforme, ce qui est dommageable.

M. Philippe Bas , président . - Votre ironie sur le choix des personnalités qualifiées peut être étendue au choix par les organisations syndicales et professionnelles de leurs représentants au CESE. Si le chercheur que vous aimeriez être de nouveau, monsieur le président Sueur, se penchait sur cette question, il observerait que le CESE peut servir de refuge à des personnalités expérimentées quel que soit l'auteur de leur nomination. Si l'on remet en cause les personnalités qualifiées, il faut aussi s'intéresser aux autres membres...

On ne peut considérer qu'une réforme constitutionnelle a été empêchée que si un vote s'y est opposé. Or, depuis le début du quinquennat, aucun projet de loi constitutionnelle n'a été soumis au vote du Sénat. Les travaux préparatoires, les approches, les discussions de bureau ou de salon, les apartés, ne suffisent pas à permettre l'engagement d'une assemblée !

M. François Bonhomme . - J'abonderai dans le sens du rapporteur : notre vote d'aujourd'hui ne préjuge en rien de notre position sur la réforme à venir.

J'étais l'un de ceux qui avaient proposé la suppression des 40 personnalités qualifiées du CESE, car le caractère arbitraire ou fantaisiste de leur nomination laisse planer le doute. S'agissant des autres membres, leur participation aux politiques sociales, économiques et environnementales n'est pas réellement démontrée.

Le CESE fait partie des institutions qui doivent être profondément réformées. Le nombre de saisines par le Gouvernement est ridiculement bas : il faut s'interroger sur le maintien de l'institution en l'état.

M. Alain Richard . - Je soutiens la position du rapporteur, et j'aimerais en préciser la motivation.

La réforme en attente comprend deux composantes : d'une part, la réduction du nombre de membres du CESE ; d'autre part, la modification de son champ d'intervention et de ses méthodes.

Si l'on veut modifier le nombre de membres du CESE, il faut proroger les mandats actuels en raison des processus de désignation des différentes organisations, lesquelles auront moins de sièges après la réforme. En revanche, la modification du champ d'intervention et des méthodes du CESE pourrait être faite après la nomination des nouveaux membres.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur . - J'ai reçu en audition les dix-huit groupes du CESE : tous veulent une réforme de leur institution.

Le projet de réforme évoque le tirage au sort pour accompagner les travaux du CESE, non pour désigner certains de ses membres. Nous pourrons débattre plus tard de la place de la démocratie participative dans la chambre de la « société civile organisée ». J'insiste, si l'on retire les personnalités qualifiées du CESE, ce n'est pas pour les remplacer par des citoyens tirés au sort mais pour diminuer le nombre de membres.

Durant les trois dernières années, le nombre de saisines par le Gouvernement a encore diminué. Celui-ci devrait davantage recourir au CESE ; quant aux parlementaires, ils n'ont pas le temps, ni nécessairement le réflexe, de travailler avec cette institution.

Le CESE présente l'intérêt d'être la chambre d'un dialogue qui n'a pas toujours lieu ailleurs, et dont notre démocratie sociale a bien besoin. Il faut accompagner l'ensemble des groupes du CESE, qui ont conscience de la nécessité d'une réforme.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur. - L'amendement COM-1 rectifié de notre collègue Alain Fouché vise à prolonger le mandat des personnalités associées.

Le CESE comprend, au maximum, 72 personnalités associées. Elles sont actuellement une soixantaine. Nommées par le Gouvernement pour une durée de cinq ans, ces personnalités appuient le travail des sections du CESE. Leur présence a parfois été contestée. La réforme prévoit d'ailleurs leur suppression.

Se pose toutefois la question des personnalités associées en exercice : faut-il prolonger leur mandat, comme le prévoit cet amendement ? Lors de mes auditions, personne n'a évoqué ce sujet, qui relève du domaine règlementaire. Compte tenu de la sensibilité de cette question, je propose d'interroger le Gouvernement à l'occasion de la séance publique. Je ne vous proposerai pas de constater l'irrecevabilité de l'amendement au titre de l'article 41 de la Constitution, même si la question peut sérieusement se poser. À ce stade, mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-2 est adopté.

Le projet de loi organique est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. FOUCHÉ

1 rect.

Prolongation du mandat des personnalités associées

Rejeté

Article additionnel après l'article unique

M. LECONTE, rapporteur

2

Coordination

Adopté

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