Rapport n° 9 (2020-2021) de M. Philippe BAS , fait au nom de la commission des lois, déposé le 7 octobre 2020

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N° 9

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 octobre 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l' état d' urgence sanitaire ,

Par M. Philippe BAS,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

3340 , 3355 et T.A. 482

Sénat :

5 et 10 (2020-2021)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Réunie le mercredi 7 octobre 2020, la commission des lois du Sénat a adopté, sur le rapport de Philippe Bas (Les Républicains - Manche), le projet de loi n° 5 (2020-2021) prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire .

Alors que la France connaît un rebond épidémique depuis la fin de la période estivale, ce texte a pour premier objet de prolonger, pour une période de cinq mois, soit jusqu'au 1 er avril 2021, le régime institué par la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire , qui confère aux pouvoirs publics des prérogatives exorbitantes de droit commun pour faire face à la crise sanitaire.

Il vise également à maintenir, au-delà du 30 octobre 2020, les systèmes d'information déployés en appui à la lutte contre l'épidémie de covid-19.

Enfin, il prolonge l'application de plusieurs dispositions dérogatoires facilitant la réunion des organes délibérants des collectivités territoriales.

La commission des lois a souscrit, dans leur principe, à ces dispositions. Elle a toutefois apporté plusieurs modifications au projet de loi, afin d'assurer un meilleur équilibre entre efficacité de la lutte contre la covid-19 et protection des droits et libertés.

Elle a adopté, en ce sens, 13 amendements sur le projet de loi .

I. UN REBOND DE L'ÉPIDÉMIE, EN DÉPIT DU MAINTIEN D'UNE VIGILANCE RENFORCÉE

A. UNE SORTIE PROGRESSIVE ET CONTRÔLÉE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

1. Le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire

Initialement déclaré par la loi du 23 mars 2020 et prorogé par la loi du 4 mai 2020, l'état d'urgence sanitaire a pris fin le 11 juillet dernier sur l'ensemble du territoire national, à l'exception des territoires de Mayotte et de la Guyane, le Gouvernement ayant estimé que l'amélioration de la situation sanitaire ne justifiait plus le maintien d'un régime fortement attentatoire aux libertés.

Au regard des risques de recrudescence de l'épidémie et afin d'assurer une sortie maîtrisée de la crise, ce dernier a toutefois jugé souhaitable, conformément aux recommandations du Conseil scientifique Covid-19, de continuer à mobiliser, après cette date, certains des outils mis en place pendant l'état d'urgence sanitaire . Il s'agissait, selon lui, de conserver « la faculté de prescrire des mesures visant à prévenir et, le cas échéant, à maîtriser au mieux une dégradation de la situation sanitaire » 1 ( * ) .

À cette fin, la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire a créé un régime transitoire qui, du 11 juillet au 30 octobre 2020, maintient dans les mains du Premier ministre des prérogatives exorbitantes de droit commun « aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19 ».

Ces prérogatives reprennent, en grande partie, celles du régime de l'état d'urgence sanitaire prévues à l'article L. 3131-15 du code de la santé publique. Elles excluent toutefois toute possibilité pour le Gouvernement de procéder à un confinement généralisé de la population .

Les prérogatives du Premier ministre dans le cadre du régime transitoire
créé par la loi du 9 juillet 2020

L'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020 autorise le Premier ministre à :

- réglementer la circulation des personnes et des véhicules, ainsi que l'accès et l'usage des moyens de transport collectif ;

- interdire ou restreindre les déplacements par voie aérienne ou maritime, à l'exception des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ;

- réglementer l'ouverture au public des établissements recevant du public et des lieux de réunion, à l'exception des lieux d'habitation ;

- réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public ;

- imposer aux personnes souhaitant se déplacer par transport aérien de présenter le résultat d'un test de dépistage avant leur départ 2 ( * ) .

Des prérogatives renforcées ont également été prévues par le législateur de manière à permettre la gestion des « clusters » . L'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020 autorise ainsi le Premier ministre, dans les « parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus », à prendre des mesures plus restrictives de libertés, à savoir :

- interdire la circulation des personnes et des véhicules, prérogative qui ne saurait toutefois aller jusqu'au confinement de la population ;

- fermer provisoirement certaines catégories d'établissements recevant du public.

De même que dans le régime de l'état d'urgence sanitaire, il est prévu que le Premier ministre puisse habiliter les préfets à décider eux-mêmes des mesures sur le territoire de leur département, ainsi qu'à prendre toutes les décisions générales et individuelles d'application des mesures qu'ils édictent.

Saisi a priori de la loi du 9 juillet 2020, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de ce régime transitoire qu'il a été amené à examiner 3 ( * ) .

2. Des mesures progressivement renforcées et, pour l'essentiel, territorialisées

Ce nouveau cadre juridique a permis à l'exécutif d'accompagner un retour au droit commun, tout en continuant à prescrire des mesures préventives destinées à éviter une perte de contrôle de la propagation de l'épidémie, dans une période estivale par nature sujette à des mouvements importants de population.

Cette stratégie s'est appuyée à la fois sur des mesures de portée générale, d'application nationale, et sur des mesures d'application locales, prescrites par les préfets.

• Les mesures générales ont été déclinées dans le cadre du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 4 ( * ) .

Celui-ci a été modifié et complété à 11 reprises 5 ( * ) depuis son entrée en vigueur, notamment en vue de répondre à l'évolution de la situation sanitaire et de faire face à l'apparition de clusters et à l'accélération de la circulation du virus dans certains territoires.

C'est ainsi qu'aux mesures initialement prescrites par le Gouvernement ont par exemple été ajoutées l'obligation du port du masque dans tous les lieux clos accueillant du public 6 ( * ) , l'obligation de présentation d'un test de dépistage pour toute personne arrivant ou quittant le territoire national par voie aérienne 7 ( * ) ou encore la réglementation de l'accès aux établissements d'enseignement scolaire 8 ( * ) .

Mesures générales prescrites par le Premier ministre
au titre du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire
(décret du 10 juillet 2020)

Au 7 octobre 2020, le décret du 10 juillet 2020 prévoyait notamment les mesures générales suivantes :

- l'interdiction, pour une durée non définie dans le temps, des rassemblements de 5 000 personnes et plus, sauf dérogation accordée par le préfet ;

- l'obligation de déclaration au préfet des rassemblements, réunions ou activités se déroulant sur la voie publique ou dans un lieu ouvert au public, qui rassemble de manière simultanée plus de 10 personnes ;

- l'obligation du port du masque dans certains lieux (établissements publics clos, transports en commun, écoles, lieux de culte, etc. ) ;

- la fermeture des salles de danse (discothèques en particulier) ;

- la réglementation de l'ouverture et de l'accès du public dans les établissements recevant du public (enseignement, les restaurants et débits de boissons, salles de sport et stade, salles de spectacles et cinémas, etc .) ;

- l'obligation pour les personnes se déplaçant par voie aérienne à présenter le résultat d'un test de dépistage au départ ou à l'arrivée sur le territoire national ;

- la réglementation de l'usage des transports publics ;

- l'interdiction des déplacements aériens vers et depuis certains territoires ultramarins (Guyane, Mayotte, Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna) ;

- des restrictions à la circulation des navires de croisière et des bateaux de passagers dans les eaux territoriales françaises ;

- les conditions de mise en quarantaine et de placement à l'isolement.

En outre, la liste des zones de circulation active du virus a été progressivement complétée, rendant possibles, dans les 74 départements aujourd'hui concernés , des restrictions plus importantes à la circulation des personnes et des véhicules ainsi qu'en matière d'ouverture des établissements recevant du public.

• La logique de différenciation territoriale qui avait guidé la stratégie de déconfinement à compter du 11 mai a continué à prévaloir pendant cette période transitoire .

En complément des dispositions de portée générale, de nombreuses mesures ont ainsi été prises directement par les préfets, y compris dans la période la plus récente qui s'est caractérisée par la généralisation et le durcissement des restrictions imposées à la population.

Ceux-ci se sont en effet vus déléguer des prérogatives étendues, plus particulièrement dans les zones de circulation active du virus, dans le but d'adapter le cadre réglementaire à la situation sanitaire de chaque territoire. Parmi celles-ci figurent notamment la possibilité :

- de rendre le port du masque obligatoire dans les lieux publics extérieurs ;

- d'interdire les rassemblements sur la voie publique ;

- de réserver à certaines heures l'accès aux transports collectifs à certaines catégories de voyageurs ;

- de fermer certaines catégories d'établissement recevant du public dans les zones actives de circulation du virus, d'interdire les déplacements au-delà d'un rayon de 100 km, de restreindre les conditions de déplacement, d'interdire la tenue des marchés ou de suspendre certaines activités ;

- d'interdire la tenue des marchés et l'accès aux parcs, jardins, plages et lacs ;

- d'interdire l'accès aux lieux de culte en cas de mesures sanitaires insuffisantes.

Au total, entre le 11 juillet et le 28 septembre 2020, 3 770 arrêtés préfectoraux ont été pris en application du décret du 10 juillet 2020, dont une très grande majorité avait pour objet de rendre le port du masque obligatoire dans l'espace public (2 649 arrêtés, soit environ 80 % du total des arrêtés prescrits au niveau national).

Les autres décisions ont consisté, pour la majeure partie d'entre elles, à prononcer des fermetures administratives d'établissements recevant du public (en particulier, réglementation des horaires d'ouverture, voire fermeture, des bars et restaurants dans les zones placées en alerte maximale) ou à interdire des rassemblements de plus de dix personnes .

Répartition des arrêtés préfectoraux, par objet

• Enfin, parallèlement aux mesures prises sur le fondement du régime transitoire de la loi du 9 juillet 2020, certaines des mesures en vigueur pendant l'état d'urgence sanitaire ont été maintenues après le 10 juillet, sur le fondement de dispositions législatives de droit commun .

Il en a notamment été ainsi des mesures de quarantaine et de placement à l'isolement, des mesures de réquisition, des mesures visant à permettre la mise à disposition de médicaments ainsi que de diverses mesures tendant à adapter l'organisation et le fonctionnement du système de santé, qui ont été prises sur le fondement des articles L. 3131-1 et suivants du code de la santé publique, qui attribuent au ministre de la santé des prérogatives spécifiques en cas de menace sanitaire grave .

3. La situation spécifique de la Guyane et de Mayotte

L'article 2 de la loi du 9 juillet 2020 a prorogé, jusqu'au 30 octobre inclus, l'application du régime de l'état d'urgence sanitaire à Mayotte et en Guyane, tenant compte d'une situation sanitaire encore dégradée dans ces territoires.

Ces deux collectivités se sont donc vues imposer des restrictions beaucoup plus fortes que sur le reste du territoire national, en particulier s'agissant des fermetures d'établissements recevant du public, de l'interdiction de certaines activités et de l'usage des moyens de transport.

Par un décret en Conseil des ministres du 16 septembre 2020, le Gouvernement a toutefois mis un terme, de manière anticipée, à l'état d'urgence sanitaire dans ces deux territoires , tenant compte de l'amélioration de la situation épidémiologique.

À compter de cette même date, le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire a pris le relais. Les deux collectivités ont toutefois été placées en zone de circulation active du virus de manière à maintenir, aux mains du préfet, des prérogatives étendues.

B. DÉPISTAGE ET TRAÇAGE : LES SYSTÈMES D'INFORMATION DÉPLOYÉS EN APPUI À LA LUTTE CONTRE L'ÉPIDÉMIE DE COVID-19

Dans le cadre de la stratégie de déconfinement présentée au Parlement à la fin du mois d'avril, le Gouvernement a souhaité instaurer un système de suivi des contacts 9 ( * ) pour identifier et tester les patients atteints de covid-19, retracer leurs « cas-contacts » et leur proposer un accompagnement médical et social. L'objectif, en alertant au plus tôt les personnes susceptibles d'être infectées, est de briser les chaînes de contamination et d'endiguer la propagation exponentielle de la maladie.

Le déploiement d'importants moyens humains s'est accompagné de la mise en oeuvre d' outils numériques pour retracer les cas-contacts 10 ( * ) . À ce titre, deux initiatives ont notamment été lancées par le Gouvernement, qui doivent être bien distinguées : l'application mobile grand public « StopCovid », d'une part, et les systèmes d'information utilisés par les professionnels de santé (« SI-DEP » et « Contact Covid »), d'autre part.

1. « StopCovid » : une application que le Gouvernement s'apprête à prolonger malgré le peu d'engouement du public et une efficacité incertaine

Application grand public pour terminaux mobiles, « StopCovid » , a été lancée le 2 juin 2020 : utilisant la technologie Bluetooth pour déterminer la proximité avec d'autres appareils, elle peut être installée sur une base volontaire pour être alerté en cas de contact à risque avec d'autres utilisateurs s'étant révélés malades. Elle a été instaurée par voie réglementaire 11 ( * ) , après un débat d'orientation au Parlement et deux avis de la CNIL.

Le rapporteur s'est étonné auprès du ministère de la Santé de l'absence de publication régulière de statistiques permettant au Parlement et au public de juger de l'appropriation de l'application par la population, à l'opposé des pratiques transparentes de certains de nos voisins 12 ( * ) .

Au 5 octobre 2020, l'application StopCovid n'a été téléchargée que 2,7 millions de fois 13 ( * ) . En quatre mois de fonctionnement, elle a permis d'avertir 459 utilisateurs d'un risque de contact avec une personne contaminée, 7 802 personnes testées positives s'étant déclarées dans l'application.

Évolution mensuelle et par plateforme mobile
du solde de téléchargements de l'application « StopCovid »

iOS

Android

TOTAL

Juin

856 858

819 750

1 676 608

Juillet

92 354

27 327

119 681

Août

41 637

- 21 866

19 771

Septembre

53 421

6 853

60 274

TOTAL

1 044 270

832 064

1 876 334

Source : Ministère des solidarités et de la santé

Comparaison internationale -
Évolution du taux de téléchargement de l'application de suivi des contacts
(pourcentage de la population / nombre de jours depuis le lancement)

Source : Christophe Fraser, Oxford University,
Nuffield Department of Medicine, Big Data Institute

En France, après 4 mois, le taux de téléchargement de l'application nationale de suivi des contacts reste ainsi en deçà de 5 % de la population .

Refusant pourtant d'y voir un échec, le Gouvernement relève que si 18 millions de personnes ont bien téléchargé l'application allemande, seuls 3 500 cas se sont déclarés positifs dans l'application, alors qu'en France, avec un peu moins de 3 millions de personnes connectées, ce sont plus de 7 000 cas qui se sont déclarés positifs dans l'application. Selon le Gouvernement, « au regard de l'objectif de déclaration des cas positifs et d'identification des cas contacts, le système Stop Covid est donc efficace ».

Le rapporteur regrette toutefois qu'aucun élément de comparaison internationale ne figure dans le rapport remis au Parlement sur les systèmes d'information 14 ( * ) , rapport qui ne comporte pas non plus d'évaluation de l'efficacité sanitaire réelle de l'application.

À cet égard, il partage les critiques de la CNIL qui, dans l'avis accompagnant ledit rapport, constate « que l'évaluation formelle de l'effectivité de l'application n'[a] pas encore débuté et que le calendrier du travail d'évaluation n'[a] pas encore été établi par le ministère » ; elle regrette de même que le rapport au Parlement « ne fasse pas état d'éléments plus précis justifiant de la nécessité de maintenir ces traitements au regard du contexte sanitaire actuel » et ne permette pas « d'apprécier suffisamment l'impact effectif de ce dispositif dans la lutte contre l'épidémie (absence d'analyse relative aux statistiques d'usage, aux résultats d'éventuelles enquêtes menées auprès des utilisateurs, professionnels ou grand public, au nombre de cas identifiés grâce à l'application) ».

Pourtant, malgré cette absence d'évaluation, et alors que le décret ayant créé « StopCovid » en fixait la fin 15 ( * ) au 10 janvier 2021, il a été confirmé au rapporteur que le Gouvernement envisage de prolonger l'application jusqu'au 1 er avril 2021 , « au vu du contexte sanitaire et pour les mêmes raisons que celles qui justifient de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence ».

2. « SI-DEP » et « Contact Covid » : des systèmes d'information très utilisés, bien encadrés, mais encore insuffisamment évalués

Plusieurs systèmes d'information ont été créés ou adaptés pour équiper les professionnels de santé en charge de la lutte contre l'épidémie (les « brigades sanitaires ») et pour faciliter le dépistage et la prévention des personnes à risque.

Au regard de l'ampleur de la tâche et du caractère massif de l'épidémie, le législateur a autorisé de façon exceptionnelle que le traitement de certaines informations s'affranchisse du secret médical et du consentement des intéressés pour partager les données de santé indispensables au traçage des contacts :

- le système d'information national de dépistage (« SI-DEP » ), mis en oeuvre sous la responsabilité du ministère de la santé, essentiellement par les laboratoires de tests et les médecins, sert à enregistrer les résultats des laboratoires de tests covid-19 et permet le suivi des opérations de dépistage et la diffusion des résultats des tests ;

- le téléservice « Contact covid », élaboré par l'Assurance maladie, permet le suivi des personnes contaminées et des cas-contacts .

Ces systèmes d'information ont été mis en place le 13 mai 2020 16 ( * ) . Selon l'étude d'impact, au 13 septembre, 231 871 patients zéros et 642 295 cas-contacts ont été identifiés dans le cadre de ces dispositifs.

Si la volumétrie prouve à elle seule à quel point ces systèmes d'information sont utiles à l'action des brigades sanitaires sur le terrain, la CNIL pointe, là encore, une insuffisance regrettable du Gouvernement dans l'évaluation concrète de l'efficacité sanitaire de ces dispositifs : dans son avis au Parlement, elle demande ainsi à « disposer d'indicateurs de performance des systèmes d'information déployés, afin de pouvoir mesurer leur efficacité au regard des objectifs poursuivis » et « estime qu'une grille d'analyse devrait être établie au regard d'indicateurs d'efficacité sanitaire ».

Les garanties encadrant le traitement des données de santé
par les systèmes d'information destinés au suivi des contacts
et à la lutte contre la covid-19

L'article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions fixe un cadre juridique général pour les systèmes d'information déployés en appui à la lutte contre la propagation de l'épidémie de covid-19 et que doivent respecter les traitements de données ultérieurement créés ou modifiés.

Il autorise expressément que le partage de données traitées dans le cadre de ces systèmes d'information déroge au secret médical 17 ( * ) et à la nécessité de recueillir le consentement des intéressés .

Eu égard au caractère exceptionnel et particulièrement sensible de ces traitements, le législateur les a assortis d'importantes garanties , qui répondent ainsi aux exigences du Règlement général sur la protection des données (RGPD) :

- limitation du périmètre des données de santé pouvant être traitées (statut virologique ou sérologique de la personne à l'égard du virus et éléments probants de diagnostic clinique et d'imagerie médicale) ;

- double encadrement dans le temps , non seulement pour la durée de vie des systèmes d'information (jusqu'à « six mois à compter de la fin de l'état d'urgence sanitaire »), mais également pour la durée autorisée pour le traitement des données personnelles collectées (« trois mois après leur collecte ») ;

- identification précise des responsables de traitement pour les dispositifs envisagés (ministre chargé de la santé, l'Agence nationale de santé publique, l'Assurance maladie et les agences régionales de santé) et des catégories de personnes pouvant avoir accès à ces informations (agence nationale de santé publique, organismes d'assurance maladie, agences régionales de santé, service de santé des armées, communautés professionnelles territoriales de santé, établissements de santé, maisons de santé, centres de santé et médecins concernés, laboratoires de biologie médicale...) ;

- limitation des finalités poursuivies (identification des personnes infectées et des personnes à risque - « cas-contacts » -, orientation et suivi de ces dernières, recherche et surveillance épidémiologique) ;

- instauration de contrôles spécifiques, par un « comité de contrôle et de liaison covid-19 » (chargé d'associer la société civile et le Parlement aux opérations de lutte contre la propagation de l'épidémie par suivi des contacts ainsi qu'au déploiement des systèmes d'information prévus à cet effet) et l'obligation de remise d'un rapport trimestriel au Parlement rendu après avis public de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) .

C'est au regard de l'ensemble de ces garde fous, et après leur analyse détaillée, que le Conseil constitutionnel a déclaré les dispositions autorisant ces traitements de données conformes à la Constitution 18 ( * ) .

Concernant spécifiquement l'utilisation de ces fichiers aux fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus , les données doivent être pseudonymisées (les nom et prénoms des intéressés, leur numéro de sécurité sociale, et leur adresse devant être supprimés).

Reconnaissant l'utilité pour la recherche et la veille épidémiologique de pouvoir disposer de ces données plus de trois mois après leur collecte (durée au-delà de laquelle elles devraient normalement être détruites), le législateur a autorisé une dérogation de portée limitée à cette obligation dans la loi du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire : la conservation reste possible, mais toujours dans la limite de la durée d'autorisation des traitements (soit six mois après la fin de l'état d'urgence sanitaire), pour cette seule finalité, pour des données non directement identifiantes, et de façon encadrée par un décret soumis à avis public de la CNIL et du comité de contrôle et de liaison.

Les moyens humains derrière les fichiers : « Contact Covid » et
le défi du dimensionnement des équipes chargées du traçage

« Contact Covid » est une plateforme mise à la disposition des médecins ainsi que des agents habilités de l'Assurance maladie (CNAM) et des Agences régionales de santé (ARS) pour accompagner l'avancée des enquêtes sanitaires. Cet outil enregistre les données des malades (dits « patients zéro »), celles des contacts que ces derniers ont communiqués aux enquêteurs sanitaires, et permet de suivre l'avancée de l'enquête sanitaire en renseignant des fiches contact rattachées au patient zéro.

Au regard des estimations sur les perspectives épidémiques disponibles avant le déconfinement, les équipes impliquées dans la remontée des chaînes de contamination avaient été dimensionnées au départ pour faire face à un nombre d'enquêtes de 3 000 nouveaux malades par jour et 20 cas contacts pour chaque nouveau malade confirmé (60 000 fiches). Dans ce cadre, 6 000 collaborateurs ont été formés à cette mission durant la première quinzaine de mai, dont 4 500 ont été affectés à cette mission dès l'ouverture du service le 13 mai.

La volumétrie des patients zéro et cas-contacts à traiter par les plateformes de contact tracing a été relativement faible par rapport aux estimations initiales entre les mois de mai et juillet 2020, impliquant un ajustement organisationnel au sein de l'Assurance maladie et de son réseau. Ainsi, selon les informations fournies en juin au rapporteur 19 ( * ) , le fonctionnement quotidien des plateformes de traçage concernait alors entre 1 500 et 2 500 collaborateurs de l'Assurance maladie.

Toutefois, depuis la fin juillet 2020, la charge de travail connait une évolution rapide et importante, mettant sous tension les équipes en charge du traçage .

L'évolution de l'épidémie conduit l'Assurance maladie à traiter à ce jour plus de 40 000 contacts quotidiens avec les patients zéro et les personnes contact. Cette volumétrie d'appels, qui est déjà considérable au regard des effectifs et du dimensionnement des plateformes, est appelée à doubler dans les prochaines semaines et donc à dépasser les 60 000 contacts quotidiens, capacité maximale den l'état de l'Assurance maladie.

Cette charge implique la mobilisation de près de 6 200 agents pour les services administratifs et 2 500 agents pour le service médical (soit un total de 8 700 agents, ou 10 000 en incluant le pilotage et le management), sur une activité à réaliser 7 jours sur 7 de 8 h 00 à 18 h 00.

Depuis la fin du confinement, ce sont près de 2 700 personnes sous contrats à durée déterminée qui ont été recrutées afin de venir en appui aux plateformes de traçage des contacts.

La mobilisation sur cette activité prioritaire a eu pour conséquence de redéfinir le périmètre des activités de l'Assurance maladie afin de pouvoir dégager des ressources disponibles. Hormis certains processus à enjeux stratégiques forts (relation client, précarité, remboursement des soins...), des activités ont été suspendues totalement ou partiellement (campagnes des délégués ou conseillers de l'Assurance maladie, contrôles, accompagnement et prévention).

Source : Ministère des solidarités et de la santé

C. DES INDICATEURS ÉPIDÉMIOLOGIQUES QUI FONT CRAINDRE UNE RECRUDESCENCE FORTE DE L'ÉPIDÉMIE

En dépit de ces mesures de prévention et d'accompagnement, la France est confrontée depuis quelques semaines à une nouvelle dégradation de la situation sanitaire .

Si le système de santé ne connaît, pour l'heure, pas d'engorgement similaire à celui du mois de mars, les indicateurs épidémiologiques n'en traduisent pas moins une accélération rapide de la circulation du virus sur le territoire national et font craindre une recrudescence de l'épidémie au cours des prochaines semaines.

Ainsi :

- le nombre de nouveaux cas confirmés est en forte augmentation : entre 9 000 et 15 000 cas ont été rapportés chaque jour au mois de septembre , contre moins de 1 000 au début du mois de juillet ;

- le nombre d'hospitalisations et le nombre d'admissions en réanimation ont été multipliés par cinq environ entre le début du mois de juillet et la fin du mois de septembre ;

- le taux de reproduction national du virus , qui était retombé en dessous de 1 au début de l'été, atteint désormais 1,4 à l'échelle nationale, traduisant également une accélération de la propagation du virus.

La dégradation des indicateurs épidémiologiques est particulièrement marquée dans certains territoires , en particulier au sein des grandes villes qui se caractérisent par un taux d'incidence du virus plus élevé et une augmentation des hospitalisations.

Taux d'incidence de la covid-19
au 28 septembre 2020

Territoire

Taux d'incidence de la maladie au sein de la population,
calculé sur les 7 derniers jours
(nombre de cas confirmés
pour 100 000 habitants)

Territoire national

102,8

Guadeloupe

259,2

Paris

256

Rhône

211,1

Nord

205,4

Haute-Garonne

193,6

Hauts-de-Seine

184,4

Bouches-du-Rhône

181,2

Source : Santé publique France.

Ainsi que le relève le comité de scientifiques dans une note d'alerte du 22 septembre, rendue publique le 1 er octobre, l'une des principales préoccupations réside dans l'accélération récente de la circulation du virus au sein des classes d'âge les plus âgées , à l'origine d'une augmentation progressive des hospitalisations et des admissions en réanimation.

Pour le Conseil scientifique Covid-19, « si la situation semble moins préoccupante qu'en mars dernier, elle peut rapidement conduire, en l'absence de nouvelles interventions, à des situations critiques à court ou moyen terme dans certaines régions » et « aboutir à une saturation des services de soins (en particulier en réanimation), à une augmentation de la mortalité liée au COVID-19 ou à d'autres maladies suite à la désorganisation du système de soins ».

Il invite, dès lors, à agir, pour vite « pour ralentir la circulation du virus et conserver une maîtrise de l'épidémie ».

II. UN NOUVEAU PROJET DE LOI D'EXCEPTION, POUR ÉVITER LE RISQUE D'UNE CRISE SANITAIRE D'AMPLEUR

A. UNE PROROGATION DU RÉGIME TRANSITOIRE DE SORTIE DE L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE

1. Une application jusqu'au 1er avril 2021

Face à cette dégradation de la situation sanitaire, le Gouvernement, à l'instar du Conseil scientifique Covid-19, « estime indispensable de conserver dans les prochains mois des facultés d'intervention suffisantes, au niveau national comme territorial, pour assurer la continuité de la gestion de crise » 20 ( * ) .

C'est l'objet de l'article 1 er du projet de loi, qui proroge le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire pour une période de 5 mois, soit jusqu'au 1 er avril 2021 .

L'ensemble des prérogatives actuellement conférées au Premier ministre et, par délégation, au préfet, seraient maintenues.

Serait également automatiquement prorogé le dispositif de contrôle parlementaire renforcé, qui prévoit que l'Assemblée nationale et le Sénat sont destinataires de l'ensemble des mesures réglementaires prescrites en application de la loi du 9 juillet 2020.

Sur le plan géographique, la reconduction du régime transitoire s'appliquerait à l'ensemble du territoire de la République , y compris sur le territoire des collectivités relevant de l'article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie.

L'application du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire
en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française

Dans la mesure où il comprend des dispositions permettant d'encadrer certaines libertés publiques, matière relevant de la compétence de l'État, le régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire a été rendu applicable en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française.

Des adaptations spécifiques ont néanmoins prévues dans ces ceux territoires, afin de tenir compte des compétences spécifiques en matière de santé publique qui leur sont reconnues par leurs statuts respectifs.

L'article 1 er du projet de loi reconduit cet équilibre.

2. Une modification à la marge du régime transitoire

L'Assemblée nationale a modifié à la marge le contenu du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.

• À l'initiative de Sacha Houlié, elle a tout d'abord introduit un article 1 er bis dans le projet de loi, qui tend à encadrer les conditions de réglementation des accès aux établissements recevant du public, en précisant que celle-ci doit être « adaptée à la situation sanitaire » et prendre « en compte les caractéristiques des établissements recevant du public ».

• Les députés ont par ailleurs créé, à l'initiative du Gouvernement, un article 1 er ter A qui tend à modifier les conditions d'application de l'obligation de présenter, avant certains déplacements aériens, le résultat d'un test établissant l'absence de contamination.

La loi du 9 juillet 2020 a limité cette obligation à la présentation du « résultat d'un examen biologique de dépistage virologique ».

Les délais d'obtention des résultats des examens « RT-PCR » étant aujourd'hui incompatibles avec l'exigence d'un test réalisé moins de 72 heures avant l'embarquement, le Gouvernement a souhaité élargir le champ des examens pouvant être réalisés. Il s'agit notamment d'intégrer des innovations récentes en matière d'examen, en particulier les tests antigéniques.

3. L'ajout de deux rapports au Parlement

Issus de l'adoption par l'Assemblée nationale de deux amendements de Christophe Blanchet, Marguerite Deprez-Audebert et plusieurs de leurs collègues du groupe Mouvement Démocrate, les articles 3 et 4 ont pour objet de renforcer l'information du Parlement sur l'impact des mesures sanitaires prescrites par le Gouvernement.

Ils prévoient, à cette fin, la remise au Parlement, avant le 31 décembre 2020, de deux rapports , portant respectivement :

- sur les effets économiques et sociaux des fermetures de catégories d'établissements recevant du public (article 3) ;

- sur l'évolution des foyers de contamination au sein de certaines catégories d'établissements recevant du public, à savoir les établissements d'enseignement, les crèches et écoles maternelles ainsi que les établissements sportifs (article 4).

B. LA PROLONGATION DES SYSTÈMES D'INFORMATION ET DE LA POSSIBILITÉ DE CONSERVER CERTAINES DONNÉES

L'article 2 vise à prolonger jusqu'au 1 er avril 2021 l'autorisation de mettre en oeuvre les systèmes d'information dédiés à la lutte contre l'épidémie de Covid (traitements de données « SI-DEP » - pour le dépistage - et « Contact Covid » - pour le traçage des cas contact).

En outre, par exception à la règle de destruction des données trois mois après leur collecte, la possibilité de conserver certaines données sous forme pseudonymisée et aux seules fins de surveillance épidémiologique et de recherche sur le virus serait également prolongée , jusqu'à cette même date.

Concernant la justification de la nécessité d'une telle prolongation et du choix de cette nouvelle date, le Gouvernement se réfère, dans l'étude d'impact du projet de loi, aux « mêmes raisons qui justifient de proroger le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire au 1 er avril 2021 et [à] l'importance des systèmes d'information pour gérer et suivre efficacement la situation sanitaire [...] au regard notamment d'une augmentation croissante ces dernières semaines du nombre de dépistages effectués et des cas positifs ».

Le Conseil d'État, dans son avis sur le présent projet de loi, se réfère, pour approuver la mesure proposée, à la situation épidémiologique actuelle, « marquée par un rebond de l'épidémie, et par ses perspectives d'évolution à moyen terme, au regard notamment des délais nécessaires à une couverture vaccinale suffisante de la population ». Elle lui apparaît nécessaire :

- en ce qui concerne le traitement SI-DEP, « au regard de l'intérêt public qui s'attache au recensement et à l'accompagnement des personnes dépistées positives aux fins de la réalisation d'enquêtes sanitaires et de l'obtention de données statistiques précises sur la progression de l'épidémie » ;

- et, en ce qui concerne le traitement Contact Covid, « aux fins d'identifier et de dépister dans les meilleurs délais les cas contacts des personnes dépistées positives, notamment en présence de cas groupés, et d'assurer leur suivi médical ».

Dans l'avis 21 ( * ) rendu par le Conseil scientifique Covid-19 relatif au présent projet de loi, ce dernier appuie le principe d'une telle prolongation des systèmes d'information, soulignant leur « extrême importance dans la lutte et la connaissance de l'épidémie ».

Concernant plus particulièrement la durée de cette prolongation, s'il approuve la date proposée, il appelle même à une réflexion sur la possibilité d'une extension encore plus longue, notamment pour ce qui concerne les données pseudonymisées conservées aux fins de recherche épidémiologique : « [la date proposée du 1 er avril 2021] rend néanmoins difficile, en raison de la durée trop courte de conservation des données, la conduite de recherches scientifiques dont les temporalités pratiques nécessitent des temps nécessairement beaucoup plus longs. Le Conseil scientifique est favorable à une réflexion plus approfondie en lien avec les communautés de recherche, les universités et les organismes de recherche sur les conditions de prorogation de la conservation des données adaptées aux modes de travail des communautés scientifiques concernées ».

L'Assemblée nationale n'a apporté que deux précisions à cet article :

- d'une part, en commission, et à l'initiative de la rapporteure Alice Thourot, elle a précisé le contenu du rapport d'information trimestriel remis par le Gouvernement après avis de la CNIL, afin qu'il comprenne expressément des indicateurs d'activité, de performance et de résultats ;

- d'autre part, en séance, et à l'initiative du Gouvernement, elle a légèrement élargi le périmètre des systèmes d'information concernant les données qui peuvent y être intégrées (pour viser de façon générale tous les tests ou examens de biologie de dépistage virologique ou sérologique relatifs à la Covid) ainsi que les personnes pouvant renseigner des informations (l'expression plus générale de « professionnels de santé » devant permettre l'intégration au dispositif, notamment, des pharmaciens).

C. LE MAINTIEN DE DISPOSITIONS DÉROGATOIRES FACILITANT LA RÉUNION DES ORGANES DÉLIBÉRANTS DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. Des dérogations en vigueur jusqu'au 30 août 2020 ou au 31 octobre 2020

Le code général des collectivités territoriales détermine les modalités de fonctionnement des organes délibérants des collectivités territoriales.

Plus précisément, il fixe les lieux de réunion et de délibération des conseils municipaux 22 ( * ) , départementaux 23 ( * ) , régionaux 24 ( * ) ainsi que des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre 25 ( * ) . Il prévoit également que les réunions des organes délibérants sont publiques 26 ( * ) . Toutefois, ces organes peuvent décider, sans débat et à la majorité absolue des membres présents ou représentés, de se réunir à huis clos, pour des motifs d'ordre public et de sécurité 27 ( * ) ou encore lorsque l'ordre du jour présente un caractère sensible 28 ( * ) . Le cas échéant, la réunion peut être retransmise par les moyens de communication audiovisuelle, sans préjudice des pouvoirs de police du maire, qu'elle se tienne en présence du public ou à huis clos.

Durant l'état d'urgence sanitaire, des dispositifs permettant de déroger aux règles relatives au lieu de réunion des organes délibérants et à la publicité de ces réunions ont été instaurés par l'ordonnance n° 2020-562 du 13 mai 2020 visant à adapter le fonctionnement des institutions locales et l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux à la prolongation de l'état d'urgence sanitaire dans le cadre de l'épidémie de covid-19 . Ces dérogations ont été établies afin de faciliter le respect des règles sanitaires durant les réunions des organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements.

L'article 9 de l'ordonnance tel que modifié par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires, prévoyait ainsi que si le lieu de réunion habituel des organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ne permettait pas d'assurer la tenue des réunions dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, ces organes pouvaient décider de se réunir en tout lieu, dès lors :

- que ce lieu ne contrevenait pas au principe de neutralité ;

- qu'il offrait les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires ;

- qu'il permettait d'assurer la publicité des séances.

Au préalable, le préfet était informé par le maire ou le président de l'organe délibérant du lieu choisi pour la réunion.

L'article 10 de l'ordonnance prévoyait quant à lui que le maire, le président de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale ou le président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre pouvait décider, pour assurer la tenue de la réunion de l'organe délibérant dans des conditions conformes aux règles sanitaires en vigueur, que celle-ci se déroulerait sans que le public soit autorisé à y assister ou en fixant un nombre maximal de personnes autorisées à y assister. Le caractère public de la réunion était réputé satisfait dès lors que les débats étaient retransmis en direct au public de manière électronique. Lorsqu'il était fait application de cette possibilité, la convocation de l'organe délibérant devait mentionner cette décision.

Initialement applicable durant la seule période de l'état d'urgence sanitaire, ces dispositifs ont été prorogés par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 tendant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales et communautaires de juin 2020 et à reporter les élections consulaires . Ces facilités de réunion des organes délibérants ont toutefois pris fin le 30 août 2020 , alors même que la situation sanitaire ne s'est pas améliorée et que les organes délibérants éprouvent toujours des difficultés pour assurer la pleine application des règles sanitaires en vigueur.

Par ailleurs, l'article 6 de l'ordonnance n° 2020-391 du 1 er avril 2020 visant à assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et de l'exercice des compétences des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face à l'épidémie de covid-19 permettait à l'exécutif de la collectivité ou du groupement de collectivités de décider que la réunion de l'organe délibérant, des commissions permanentes des départements et des régions et des bureaux des EPCI se tiendrait par visioconférence ou, à défaut, par audioconférence 29 ( * ) . Ce dispositif, initialement prévu pour la durée de l'état d'urgence sanitaire, a également été prolongé par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 et prendra également fin le 30 octobre 2020 .

2. Le texte de l'Assemblée nationale : une prolongation des dispositifs jusqu'au 1er avril 2021

Introduits par l'Assemblée nationale en première lecture, par l'adoption en commission de deux amendements de Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, et des autres membres du groupe La République en Marche 30 ( * ) , les articles 1 er ter et 1 er quater visent à rétablir les dispositifs dérogatoires relatifs respectivement au lieu de réunion et à la publicité des débats sur l'ensemble du territoire national 31 ( * ) .

L'Assemblée nationale a choisi de les rendre applicables à l'ensemble des groupements de collectivités territoriales 32 ( * ) - et non plus seulement aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Les députés ont toutefois souhaité renforcer le rôle du préfet dans la modification du lieu de réunion de l'organe délibérant, par l'adoption d'un amendement n° 25 à l'article 1 er ter de Cécile Untermaier en séance publique 33 ( * ) . Simplement informé dans le dispositif initial, le préfet serait désormais destinataire de l'acte par lequel l'exécutif local décide du nouveau lieu de réunion . Comme le souligne l'objet de l'amendement, cette modification vise à permettre au préfet d'exercer un contrôle de légalité a priori .

L'article 1 er quinquies , introduit par l'Assemblée nationale par l'adoption d'un amendement n° 106 rectifié de Paul Molac en séance publique, prolonge quant à lui la possibilité de réunir les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs groupements par visioconférence ou, à défaut, par audioconférence, jusqu'au 31 mars 2021 .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : PRIVILÉGIER UNE APPROCHE PRAGMATIQUE, CONCILIANT EFFICACITÉ DE LA LUTTE CONTRE LA COVID-19 ET PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS

A. ENCADRER ET SÉCURISER LES MOYENS D'ACTION DE L'EXÉCUTIF

1. Accepter la prorogation du régime transitoire, sous réserve d'une réduction de sa durée

La commission des lois a souscrit, dans son principe, à la prolongation du régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire proposée par l'article 1 er du projet de loi.

Les réticences qui avaient été les siennes lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2020, qui tenaient notamment à la nécessité d'un tel régime, n'ont en effet plus lieu d'être dans le contexte sanitaire actuel. Ainsi que l'y invite le Conseil scientifique Covid-19 dans une note d'alerte du 22 septembre, la reprise manifeste de l'épidémie sur une large partie du territoire national justifie le maintien de prérogatives exorbitantes du droit commun permettant aux autorités de l'État de limiter, autant que faire se peut, la circulation du virus et d'éviter un reconfinement généralisé de la population.

Pour autant, la commission des lois a jugé la durée de la prolongation, fixée à 5 mois, excessive . Compte tenu tant de la nature et de l'intensité des mesures de restrictions susceptibles d'être prescrites que de l'évolution rapide de la situation sanitaire, l'intervention régulière du législateur lui est apparue s'imposer, afin de lui permettre de s'assurer de la nécessité et de la proportionnalité des prérogatives confiées à l'exécutif . Jamais d'ailleurs, depuis la déclaration de l'état d'urgence sanitaire, le Parlement n'a validé le maintien d'un régime exceptionnel pour une période aussi longue.

En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-2 de son rapporteur, qui porte à 3 mois la durée de la prolongation, soit jusqu'au 31 janvier 2021 . Une telle durée combine à la fois le souci d'efficacité du Gouvernement et la préoccupation qui est la sienne de préserver la population de toute atteinte disproportionnée aux libertés.

2. Supprimer une disposition juridiquement inutile

À l'initiative de son rapporteur ( amendement COM-3 ), la commission des lois a par ailleurs supprimé l'article 1 er bis adopté en commission par l'Assemblée nationale.

La précision apportée par cet article, loin d'encadrer le dispositif, lui est en effet apparue redondante par rapport au texte actuel. Le III de l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020 prévoit en effet que les mesures prescrites par le Premier ministre ou, par délégation, par les préfets, doivent être « strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu ».

Ces principes de nécessité et de proportionnalité, applicables à toute mesure de police administrative, impliquent nécessairement de tenir compte, comme le souhaitent les députés, de l'état de la situation sanitaire et des caractéristiques des établissements recevant du public.

3. Sécuriser le régime applicable aux menaces sanitaires graves

Par l'adoption d'un amendement COM-4 de son rapporteur, la commission des lois a introduit un article 1 er ter B qui tend à clarifier et sécuriser le régime juridique applicable aux menaces sanitaires graves, prévu par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.

Actuellement, cet article autorise le ministre chargé de la santé à prendre « toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu afin de prévenir et de limiter les conséquences des menaces possibles sur la santé de la population » et à habiliter le préfet à prendre toute mesure d'application réglementaire et individuelle des mesures qu'il prescrit.

La rédaction adoptée par la commission tend à mieux préciser le champ d'intervention du ministre de la santé et limite sa compétence à deux catégories de mesures :

- d'une part, les mesures relatives au fonctionnement et à l'organisation du système de santé ;

- d'autre part, les mesures de placement en quarantaine et à l'isolement.

Déjà proposée par le Sénat lors de l'examen de la loi du 9 juillet 2020, mais non retenue par l'Assemblée nationale en dernière lecture, cette modification a pour objet de consolider juridiquement ce régime fortement mobilisé par les pouvoirs publics au cours des dernières semaines , mais dont la solidité juridique demeure incertaine.

La nouvelle rédaction n'entraverait en rien les capacités d'action du ministre de la santé. L'ensemble des mesures prescrites par ce dernier depuis le 11 juillet entrent en effet dans les deux catégories visées par le nouvel article 1 er ter B.

4. Revenir sur les demandes de rapport au Parlement

La commission des lois partage le souci des députés de renforcer l'information du Parlement sur l'évolution de la crise sanitaire et les mesures exorbitantes du droit commun prescrites par le Gouvernement.

Ceci étant, elle observe que le Parlement dispose d'ores et déjà, en application de l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020, de pouvoirs de contrôle renforcés. Les assemblées parlementaires sont en effet destinataires de l'ensemble des actes pris par les autorités publiques en application du régime dérogatoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Elles peuvent également « requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l'évaluation de ces mesures ».

Compte tenu de ces éléments et estimant que la remise d'un rapport ne constituait pas la meilleure manière, pour le Parlement, d'exercer sa mission de contrôle, la commission a, à l'initiative de son rapporteur, adopté deux amendements COM-13 et COM-14 de suppression des articles 3 et 4 .

B. MAINTENIR LA VIGILANCE SUR LE DÉPLOIEMENT DES SYSTÈMES D'INFORMATION

Au vu de la situation sanitaire, la commission des lois a également accepté le principe d'une prolongation de l'autorisation de recourir aux systèmes d'information créés spécifiquement en appui aux opérations de dépistage de la maladie et de traçage des cas-contacts.

Néanmoins, par cohérence avec la limitation à 3 mois de la durée supplémentaire consentie pour la prolongation du régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire à l'article 1 er du présent projet de loi, elle a également ramené au 31 janvier 2021 le terme de l'autorisation consentie par le législateur pour la mise en oeuvre de ces fichiers ( amendement COM-8 du rapporteur) .

Surtout, le rapporteur rappelle que si ces outils numériques destinés à briser les chaines de contamination permettent un suivi et des réponses plus rapides et plus massifs face à l'ampleur des contaminations, leur puissance et leur caractère particulièrement intrusif posent aussi de graves questions au regard des libertés fondamentales : la nature exceptionnelle et dérogatoire de ces fichiers, qui impliquent l'échange d'un très grand volume de données personnelles relatives à santé, au besoin sans recueillir le consentement des intéressés et en s'affranchissant du secret médical, nécessite des garanties particulières, un contrôle renforcé et une évaluation précise de leur efficacité.

À cet égard, si de nombreuses garanties juridiques ont été apportées - et renforcées à l'initiative du Sénat - dans la loi qui a autorisé la mise en oeuvre ces systèmes d'information, et si la CNIL a entamé de solides campagnes de contrôle de leur fonctionnement, l'évaluation de l'efficacité sanitaire réelle des outils numériques de lutte contre la Covid semble aujourd'hui le parent pauvre de l'action gouvernementale en la matière. Près de quatre mois après le lancement de ces systèmes d'information, la CNIL, dans son avis au Parlement, demande encore à « disposer d'indicateurs de performance des systèmes d'information déployés, afin de pouvoir mesurer leur efficacité au regard des objectifs poursuivis » et « estime qu'une grille d'analyse devrait être établie au regard d'indicateurs d'efficacité sanitaire ».

Dès lors, tout en approuvant l'amendement voté à l'Assemblée nationale à l'article 2 afin de renforcer le contenu du rapport trimestriel demandé au Gouvernement et de préciser qu'il doit comprendre des indicateurs d'activité, de performance et de résultats, le rapporteur doute que cette modification soit suffisante sans une réelle mobilisation du Gouvernement en ce sens.

Souhaitant préciser certaines garanties encadrant la mise en oeuvre de ces systèmes d'information , la commission des lois, à l'initiative de son rapporteur, a complété l'article 2 du projet de loi afin :

- d'imposer une meilleure pseudonymisation de certaines données traitées aux fins de recherche épidémiologique (suppression des coordonnées de contact en plus de celles des nom et prénoms, du numéro de sécurité sociale et de l'adresse des personnes figurant dans les fichiers), pour tenir compte d'une réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel 34 ( * ) ( amendement COM-9) ;

- de reconnaître et sécuriser juridiquement l'action des organismes qui assurent une importante mission d'accompagnement social des personnes touchées par l'épidémie, comme les centres communaux d'action sociale (CCAS), tout en prévoyant dans ce cas de conditionner le traitement de ces données au recueil préalable du consentement des intéressés ( amendement COM-10) ;

- de prévoir la fixation d'une liste limitative de données pouvant être collectées pour la finalité de recherche épidémiologique , comme le préconisait la CNIL sans avoir été suivie par le Gouvernement ( amendement COM-11) .

Enfin, la commission, à l'initiative de son rapporteur ( amendement COM-12) , a souhaité mettre fin aux retards importants et récurrents avec lesquels le Gouvernement rend publics les avis du comité scientifique Covid-19 . Alors que ceux-ci sont un outil majeur de contrôle parlementaire en cette période exceptionnelle, et que la loi prévoit pourtant qu'ils soient rendus publics « sans délais », plus d'une semaine 35 ( * ) s'est parfois écoulée entre l'adoption de ces avis et leur mise en ligne par le secrétariat du comité.

C. CONSERVER LA SOUPLESSE DES DISPOSITIFS APPLICABLES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, POUR MAINTENIR LEUR OPÉRATIONNALITÉ

La commission des lois du Sénat souscrit à l'objectif poursuivi par les articles additionnels visant à faciliter la tenue des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales dans le contexte de l'épidémie de covid-19.

Elle considère toutefois que les dispositifs dérogatoires doivent, pour être pleinement opérationnels, conserver leur facilité d'utilisation par les collectivités territoriales. Pour maintenir la souplesse actuelle, elle a donc, par l'adoption d'un amendement COM-5 de son rapporteur, rétabli la simple information du préfet lorsque l'exécutif local considère que le lieu de réunion habituel ne permet pas de garantir le respect des règles sanitaires en vigueur .

Elle a par ailleurs adopté un amendement COM-7 de son rapporteur visant à clarifier la rédaction de l'article 1 er quinquies .

Enfin, par l'adoption de trois amendements COM-5, COM-6 et COM-7 du rapporteur , la commission des lois a aligné la durée de ces dispositifs dérogatoires sur celle de la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire, soit jusqu'au 31 janvier 2021.

*

* *

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié .

EXAMEN EN COMMISSION

_____

MERCREDI 7 OCTOBRE 2020

M. Philippe Bas , rapporteur . - Monsieur le président, je vous félicite de votre élection et me réjouis de présenter ce rapport sous votre présidence.

La covid-19 est la troisième grande épidémie virale depuis le début de ce siècle. Il y en aura d'autres. Par conséquent, les dispositions dont nous nous dotons actuellement doivent à la fois nous permettre d'être efficaces dans la lutte contre l'épidémie du moment et nous armer pour faire face aux défis épidémiques de l'avenir. Ainsi, le but des commissions d'enquête mises en place par l'Assemblée nationale et le Sénat n'est pas de faire le procès des autorités sanitaires : il s'agit de dégager les voies et moyens d'une organisation de la Nation en temps de paix sanitaire pour faire face à ces phénomènes épidémiques, dont on voit aujourd'hui les ravages sanitaires, mais aussi économiques et sociaux.

Au cours des derniers mois, notre pays a fait mieux que la Grande-Bretagne et les États-Unis, mais moins bien que la Corée du Sud et l'Allemagne. La marge de progrès est certaine.

Je rappelle que nous avons déjà examiné trois lois. Nous avons voté les deux premières, mais nous n'avons pas adopté la troisième. La première a défini, en mars, un régime d'état d'urgence sanitaire auquel les pouvoirs publics peuvent recourir jusqu'au 1 er avril 2021. Ce régime a été prolongé en mai, dans la deuxième loi. Puis, en juillet, le Gouvernement nous a demandé d'adopter une loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire, curieuse loi qui reprenait l'ensemble des dispositions applicables en cas d'urgence sanitaire dans une version atténuée, sauf la possibilité du confinement généralisé. Nous vivons actuellement sous ce régime, qui donne au Gouvernement et aux préfets de la République des capacités d'action étendues, et qui permet en particulier de restreindre la liberté de circulation, l'accès aux établissements recevant du public et la possibilité de rassemblement.

Le Gouvernement nous saisit, avant le terme de cette loi, pour nous demander de la reconduire pendant cinq mois. Cette durée m'inspire une objection : alors que nous avons jusqu'à présent été saisis tous les deux ou trois mois de pouvoirs très étendus restreignant l'exercice des libertés individuelles, pourquoi laisserions-nous le Gouvernement libre d'adapter sa politique à l'évolution de l'épidémie pendant cinq longs mois ? Je vous proposerai de ramener ce délai à trois mois.

Au fond, la différence entre le régime de la sortie de l'état d'urgence sanitaire, qui se prolongerait encore cinq mois, et le régime de l'état d'urgence sanitaire c'est que nous sommes passés d'un confinement généralisé à un isolement individualisé facultatif, grâce à la mise en place de nouveaux instruments. En mars, il n'y avait ni masques, ni tests de dépistage, ni possibilité de remonter les filières de contamination par un système d'information national débouchant sur une plateforme de l'assurance maladie pour contacter les personnes ayant été en relation prolongée avec des personnes contaminées. Tous ces dispositifs existent désormais, même s'ils fonctionnent plus ou moins bien. Par conséquent, on a pu passer d'un confinement interdisant la poursuite de la plupart des activités des forces vives de notre pays à un dispositif plus adapté à la poursuite de l'activité. Cet enjeu est devenu primordial compte tenu des difficultés économiques et sociales très importantes que nous traversons.

Je veux souligner que, malgré les inquiétudes croissantes, la situation n'est pas la même qu'en mars. La situation s'est dégradée depuis quelques semaines, mais le nombre de contaminations quotidiennes est loin de celui que nous avons connu au plus fort de la propagation de l'épidémie. Le conseil scientifique, dans une note du 22 septembre, a estimé le nombre d'infections quotidiennes à 100 000 au moment du confinement, voire plus. Ces derniers jours, c'est en moyenne une dizaine de milliers de cas de contamination qui ont été confirmés chaque jour. La dimension du phénomène est donc moindre qu'en mars.

Nous devons bien sûr continuer à appliquer des mesures de restriction. Je crois que nous ne pouvons pas nous en passer. On a réclamé que ces mesures soient territorialisées. On se plaint maintenant qu'elles ne soient pas unifiées... Il me semble qu'il vaut mieux plaindre ceux qui ont la responsabilité de la politique sanitaire que contester la qualité de leur action, malgré tous les ratés, dont nous sommes pleinement conscients.

En mars, le taux de reproduction du virus était de 3 pour 1 personne contaminée. En septembre, il s'élevait à 1,3, et il n'est plus aujourd'hui que de 1,1. Soyons donc exacts dans l'appréciation du phénomène. En mars, le nombre de personnes contaminées doublait en trois jours, contre plus de quinze jours aujourd'hui. Le doublement du nombre d'hospitalisations se fait désormais en vingt-cinq jours. Si une vigilance accrue s'impose, ces données peuvent justifier l'accord que je vous proposerai de donner à la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire - régime évidemment mal nommé, puisque c'est une sortie qui n'en finit pas... En tout état de cause, les autorités sanitaires doivent continuer à pouvoir exercer des prérogatives dérogatoires du droit commun, tout en prenant des mesures strictement proportionnées aux exigences de la situation.

Le délai de trois mois que je vous proposerai au travers de mes amendements vaudra également pour les outils numériques : il convient de ne pas laisser dans la nature des fichiers contenant des données personnelles qui seraient exploitables trop longtemps.

Nous voulons également corriger le fameux article L. 3131-1 du code de la santé publique. Cet article ancien a été beaucoup discuté, car il donne les pleins pouvoirs au ministre chargé de la santé pour prendre, par arrêté, toute mesure pour faire cesser une menace sanitaire, sans garantie et sans en préciser la nature. Des arrêtés qui restreindraient fortement les libertés publiques seraient très probablement annulés par la juridiction administrative, mais l'ambiguïté même de ces dispositions a incité le Gouvernement à passer par la loi pour décréter le confinement généralisé. Ne laissons pas subsister un article qui semble permettre une restriction exagérée de l'exercice de nos libertés.

Je vous proposerai aussi des amendements relatifs aux fichiers, afin de continuer à encadrer strictement les informations traitées.

Je vous proposerai enfin de donner votre accord à une disposition, prévue par l'Assemblée nationale, qui permet aux conseils municipaux de se tenir ailleurs qu'en mairie lorsque la salle est trop petite.

Mme Dominique Vérien . - Je veux d'abord féliciter le président de son élection et dire ma satisfaction de rejoindre la commission des lois, garante des libertés individuelles.

À force de reporter la fin de l'état d'urgence, nous faisons du droit d'exception le droit commun. Nous approuverons ce texte, car il comporte des dispositions utiles, par exemple les facilités de réunion des collectivités territoriales. Les préfectures refusent actuellement que des conseils municipaux puissent se réunir dans des salles des fêtes, quand bien même la santé et le bon sens exigeraient que cela soit possible. La réduction du délai à trois mois et la clause de revoyure proposées par le rapporteur sont de bonnes choses.

Quelle est l'utilité, pour les centres communaux d'action sociale (CCAS), d'accéder à des données anonymisées ?

La majorité des membres de notre groupe est favorable au texte.

Mme Éliane Assassi . - Nous persistons à penser que certaines choses sont dangereuses pour nos libertés collectives et individuelles.

Nous nous interrogeons sur l'objectif réel de ce projet de loi. Nous ne nions pas qu'il est nécessaire de prendre des mesures pour empêcher que l'épidémie ne se propage de façon ravageuse dans notre pays, mais nous craignons que des mesures dictées par la situation du moment ne finissent une nouvelle fois par entrer dans le droit commun.

Nous nous opposerons sur ce texte comme sur les précédents, mais nous accorderons la plus grande attention à vos amendements. Je prends note que vous proposez une prorogation seulement jusqu'au 31 janvier. Comme vous l'avez dit, c'est aussi la possibilité de se rassembler et de manifester qui est restreinte. Or chacun sait que des élections se tiendront en mars prochain.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je rappelle que notre groupe s'était opposé au premier texte de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Depuis, la situation a changé. Nous étions dans l'urgence et dans le désarroi ; nous sommes entrés dans une période longue. Nous devons nous adapter à une situation qui durera sans doute assez longtemps.

S'il y a état d'urgence, il faut en prévoir la sortie selon certaines modalités. Or, en procédant en plusieurs étapes, on ne comprend plus très bien de quoi l'on parle, d'autant que les pouvoirs prévus par le texte sont considérables et que le code de la santé publique offre déjà l'ensemble de ces dispositifs.

Plus qu'avec la proximité des élections, toutes ces dispositions sont censées s'emboîter avec un projet de loi annoncé par le Gouvernement, qui envisage de faire entrer dans le droit commun des dispositions adaptées aux urgences sanitaires en général. Dans l'attente de ce texte, on laisse flotter un certain nombre de dispositions, dont on ne sait pas exactement si elles sont nécessaires. Le Gouvernement lui-même, ne sachant plus très bien comment il doit procéder, souhaite avoir l'ensemble des outils à sa disposition.

Tout cela me paraît assez grave. Nous sommes en train de ruser avec nos principes. À ce stade, le rapporteur propose une limitation. C'est heureux, mais nous devons renforcer le contrôle, notamment parlementaire, sur ces mesures, qui doit être un contrôle réel. Le Parlement doit être saisi régulièrement.

Pour l'heure, nous sommes défavorables par principe à ce faux-semblant, qui fait mine de sortir de l'état d'urgence sanitaire tout en le prolongeant.

Mme Françoise Gatel . - Je vous adresse à mon tour, monsieur le président, mes plus sincères et chaleureuses félicitations.

Je remercie le rapporteur de ses réserves sur la notion d'urgence, dont nous ne sortons pas.

Je veux attirer l'attention sur les effets collatéraux pour nos collectivités de la première loi d'urgence sanitaire, qui, en mars, a modifié les calendriers d'installation des collectivités, syndicats et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Alors même que des échéances de prise de compétences ou de transfert de compétences liées aux lois territoriales doivent être respectées - je pense notamment aux compétences relatives aux transports ou au plan local d'urbanisme (PLU) -, il semblerait que l'on ne puisse pas traiter ces questions dans ce texte. Nous devrons regarder cela attentivement, car les collectivités sont mises en grande difficulté sur des décisions qui seront irréversibles.

Mme Esther Benbassa . - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son rapport.

Les amendements tendent à ramener la prolongation à trois mois ; nous pensons qu'il faut les voter. Nous saluons évidemment ce progrès, mais nous restons opposés à ce droit hybride, entre état d'urgence et droit commun. Ce n'est pas parce que l'échéance est plus proche que la situation est acceptable.

M. Jean-Yves Leconte . - Je pense que votre estimation du nombre de cas est assez optimiste.

J'aimerais en savoir plus sur les ordonnances relatives à l'organisation des assemblées générales d'associations. Les délais prévus par la loi sont passés et nous ne voyons toujours rien venir. Cela n'est pas raisonnable de laisser le flou sur cette question.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Madame Verrien, concernant l'accompagnement des malades en difficulté sociale, il s'agira bien de données personnelles identifiantes, mais nous avons prévu l'obligation de recueillir l'accord des personnes concernées.

Je remercie Mme Assassi d'avoir repris un certain nombre de mes propos. Je comprends toutefois son souhait de ne pas voter ce texte, craignant de voir ce régime d'exception consolidé.

Madame de la Gontrie, vous avez raison, c'est paradoxal de parler de sortie de l'état d'urgence sanitaire alors que ce n'en est pas vraiment une. Cependant, j'y insiste, nous avons souhaité réduire les délais proposés et faire en sorte d'exercer un contrôle parlementaire réel sur ces pouvoirs exceptionnels, comme nous avons eu l'occasion de le faire depuis le début de la crise sanitaire, y compris pendant le confinement, où nous avons réalisé de nombreuses auditions.

Madame Gatel, vous vous inquiétez du report des échéanciers prévus pour la prise de compétences par les collectivités locales. C'est essentiel, et nous y sommes attentifs, mais je crains que ce texte ne soit pas le bon véhicule législatif pour aborder ces questions. Je vous propose d'attendre d'autres textes que nous sommes censés bientôt examiner.

Je remercie Mme Benbassa d'accepter de voter certains de mes amendements, même si elle ne votera pas le texte dans son ensemble. Vous avez raison, c'est un régime hybride. Je dirai que c'est un état d'urgence sans confinement généralisé. Nous ne devons pas laisser le Gouvernement décider seul des modalités de sortie de l'état d'urgence sanitaire.

Monsieur Leconte, c'est certain, le nombre de personnes contaminées quotidiennement est très certainement supérieur à 10 000, sans doute plus proche de 20 000 si l'on prend en compte les personnes qui ne se font pas tester. Je ne suis ni optimiste ni pessimiste. Je ne fais que reprendre les chiffres publics, sur lesquels je n'ai aucune prise. La situation est de toute façon sans commune mesure avec celle que nous avons connue au début du printemps.

Je vais maintenant vous présenter le périmètre d'application de l'article 45 de la Constitution sur ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je trouve que les règles relatives à l'application de l'article 45 sont par trop restrictives et limitent considérablement notre droit d'amender.

M. Philippe Bas , rapporteur . - C'est ainsi ! Vous pourrez néanmoins déposer des amendements sur les prérogatives conférées aux autorités publiques sous le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, ainsi que sur la durée d'application dudit régime, et les systèmes d'information mis en place dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-2 vise à raccourcir à trois mois, au lieu de cinq, la durée de prorogation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.

L'amendement COM-2 est adopté.

Article 1 er bis (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-3 est un amendement de suppression.

L'amendement COM-3 est adopté.

Article additionnel après l'article 1 er ter A (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-4 vise à préciser le champ d'application de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique.

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 1 er ter (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-5 a pour objet de faciliter la vie des collectivités locales.

L'amendement COM-5 est adopté.

Article 1 er quater (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-6 est un amendement de cohérence alignant la durée de ce dispositif dérogatoire sur celle de la prolongation du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 1 er quinquies (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-7 est également un amendement de cohérence. L'amendement COM-1 rectifié est, quant à lui, satisfait.

L'amendement COM-7 est adopté.

L'amendement COM-1 rectifié n'a plus d'objet.

Article 2

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-8 est un amendement de cohérence avec l'article 1 er qui ramène au 31 janvier 2021 le terme de l'autorisation octroyée par le législateur pour la mise en oeuvre des fichiers SI-DEP et Contact Covid.

L'amendement COM-8 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-9 tire les conséquences d'une réserve d'interprétation formulée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 11 mai 2020.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - Je ne comprends pas son objet.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement vise à prévoir l'effacement des coordonnées de contact téléphoniques et électroniques, et pas seulement l'adresse physique, pour améliorer la pseudonymisation des données traitées à des fins épidémiologiques.

L'amendement COM-9 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je vous ai déjà parlé de l'amendement COM-10 qui vise à sécuriser l'action des organismes qui assurent une mission d'accompagnement social des personnes touchées par l'épidémie.

L'amendement COM-10 est adopté.

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-11 a pour objet de mieux encadrer le pouvoir règlementaire en réclamant plus de précisions sur la nature des données utilisées à des fins de recherche épidémiologique.

L'amendement COM-11 est adopté.

Article additionnel après l'article 2

M. Philippe Bas , rapporteur . - Par l'amendement COM-12 , nous demandons que les avis du conseil scientifique soient publiés sans délai. Il y a eu trop de retard en certaines occasions.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie . - C'est très important, les retards de publication que nous constatons ne sont pas acceptables. Nous voterons donc cet amendement.

L'amendement COM-12 est adopté.

Article 3 (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-13 a pour objet de supprimer une demande de rapport.

L'amendement COM-13 est adopté.

Article 4 (nouveau)

M. Philippe Bas , rapporteur . - L'amendement COM-14 est un amendement de suppression de l'article.

L'amendement COM-14 est adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er

M. BAS,
rapporteur

2

Raccourcissement à trois mois de la durée de prorogation du régime transitoire

Adopté

Article 1 er bis (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

3

Suppression de l'article 1 er bis

Adopté

Article additionnel après l'article 1 er ter A (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

4

Sécurisation et clarification du régime des menaces sanitaires graves

Adopté

Article 1 er ter (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

5

Rétablissement de la simple information du préfet lorsque de la modification du lieu de réunion -

Fixation au 31 janvier 2021 du terme de la possibilité de réunir les organes délibérants des collectivités territoriales en tout lieu

Adopté

Article 1 er quater (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

6

Fixation au 31 janvier 2021 du terme de la possibilité de restreindre la publicité des réunions des organes délibérants des collectivités territoriales

Adopté

Article 1 er quinquies (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

7

Fixation au 31 janvier 2021 du terme de la possibilité de réunir les organes délibérants des collectivités territoriales par visioconférence

Adopté

M. RICHARD

1 rect.

Amendement de cohérence rédactionnelle

Satisfait
ou sans objet

Article 2

M. BAS,
rapporteur

8

Fixation au 31 janvier 2021 du terme de l'autorisation consentie pour le déploiement des outils numériques d'appui aux opérations de dépistage et de traçage

Adopté

M. BAS,
rapporteur

9

Renforcement de la pseudonymisation de certaines données traitées aux fins de recherche épidémiologique

Adopté

M. BAS,
rapporteur

10

Sécurisation juridique de l'action des organismes assurant une mission d'accompagnement social des personnes touchées par l'épidémie

Adopté

M. BAS,
rapporteur

11

Fixation d'une liste limitative de données pouvant être collectées pour la finalité de recherche épidémiologique

Adopté

Article additionnel après l'article 2

M. BAS,
rapporteur

12

Obligation de transmission immédiate au Parlement des avis du Conseil scientifique Covid-19

Adopté

Article 3 (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

13

Suppression d'une demande de rapport au Parlement

Adopté

Article 4 (nouveau)

M. BAS,
rapporteur

14

Suppression d'une demande de rapport au Parlement

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 36 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 37 ( * ) .
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 38 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 39 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

Elle a considéré que ce périmètre incluait :

- les prérogatives conférées aux autorités publiques sous le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire, ainsi que la durée d'application dudit régime ;

- les systèmes d'information mis en oeuvre dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-005.html


* 1 Étude d'impact du projet de loi.

* 2 Sont exemptées de cette obligation les personnes se déplaçant depuis une collectivité d'outre-mer vers le territoire métropolitain.

* 3 Dans sa décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020, le Conseil constitutionnel a jugé conformes à la Constitution les dispositions de l'article 1 er de la loi portant sur la restriction de la circulation des personnes et des véhicules, la fermeture des établissements recevant du public et la réglementation des rassemblements et activités sur la voie publique. Les autres dispositions n'ont pas fait l'objet d'un examen.

* 4 Décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé.

* 5 Nombres de modifications au 7 octobre 2020.

* 6 Décret n° 2020-884 du 17 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé.

* 7 Décret n° 2020 du 27 juillet 2020 modifiant le décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans les territoires sortis de l'état d'urgence sanitaire et dans ceux où il a été prorogé.

* 8 Décret n° 2020-1096 du 28 août 2020.

* 9 Le suivi de contacts (« contact tracing ») est une politique de santé publique traditionnelle contre les épidémies qui vise à ralentir la propagation de l'agent pathogène. L'utilité de retracer sur plusieurs jours les interactions passées des personnes diagnostiquées positives au virus s'explique par l'existence d'une phase asymptomatique de la maladie : le virus n'est pas détectable aux premiers stades de la contamination, alors que le porteur est déjà contagieux. Il est donc particulièrement utile d'identifier rapidement les personnes avec lesquelles un malade diagnostiqué a pu se trouver en contact pendant la période d'incubation pour éviter que ces dernières ne contaminent à leur tour d'autres gens pendant cette phase asymptomatique.

* 10 Pour des développements plus complets, voir le chapitre « Outils numériques de traçage et protection des données personnelles » du rapport d'information n° 609 (2019-2020) « Mieux organiser la Nation en temps de crise » de MM. Philippe Bas, François-Noël Buffet, Pierre-Yves Collombat, Mmes Nathalie Delattre, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Alain Richard, Jean-Pierre Sueur et Dany Wattebled, fait au nom de la commission des lois déposé le 8 juillet 2020. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/rap/r19-609/r19-609_mono.html#toc475

* 11 Décret n° 2020-650 du 29 mai 2020 relatif au traitement de données dénommé « StopCovid ».

* 12 En Allemagne, le Robert Koch Institut, en charge de la « Corona App » publie ainsi régulièrement des statistiques sur son site, détaillées par plateforme :
https://www.rki.de/DE/Content/InfAZ/N/Neuartiges_Coronavirus/WarnApp/Kennzahlen.pdf?__blob=publicationFile

En Suisse, les statistiques de téléchargement sont affichées directement dans l'application « SwissCovid ».

* 13 Chiffre qui ne prend pas en compte les désinstallations (1,1 million) ni les réinstallations (300 000).

* 14 Aux termes du IX de l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions : « Le Gouvernement adresse au Parlement un rapport détaillé de l'application [des] mesures tous les trois mois à compter de la promulgation de la [...] loi et jusqu'à la disparition des systèmes d'information développés aux fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 ». Le législateur a également prévu que ces rapports successifs soient complétés par un avis public de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

* 15 « Le traitement est mis en oeuvre pour une durée ne pouvant excéder six mois après la cessation de l'état d'urgence sanitaire » (article 3 du décret n° 2020-650 du 29 mai 2020 précité).

* 16 Décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d'information mentionnés à l'article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions .

* 17 Aux termes de l'article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge (...) a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant. / Excepté dans les cas de dérogation expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel, de tout membre du personnel de ces établissements, services ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. »

* 18 Voir la décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 , Loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions . Selon le considérant de principe énoncé par le Conseil constitutionnel : « Il résulte du droit au respect de la vie privée que la collecte, l'enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiés par un motif d'intérêt général et mis en oeuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif. Lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une particulière vigilance doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités ».

* 19 Voir le rapport n° 540 (2019-2020) de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 juin 2020, sur le projet de loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire :
https://www.senat.fr/rap/l19-540/l19-5405.html#toc48

* 20 Exposé des motifs du projet de loi.

* 21 Note du Conseil scientifique Covid-19, 12 septembre 2020, « Prorogation du régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire »

* 22 L'article L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil municipal se réunit et délibère à la mairie de la commune. Il peut aussi se réunir à titre définitif dans un autre lieu situé sur le territoire de la commune, dès lors que ce lieu ne contrevient pas au principe de neutralité, qu'il offre les conditions d'accessibilité et de sécurité nécessaires et qu'il permet d'assurer la publicité des séances.

* 23 L'article L. 3121-9 du code général des collectivités territoriales dispose que le conseil départemental se réunit dans un lieu du département choisi par la commission permanente.

* 24 L'article L. 4132-8 du code général des collectivités territoriales prévoit que le conseil régional se réunit dans un lieu de la région choisi par la commission permanente.

* 25 L'article L. 5211-11 du code général des collectivités territoriales indique que l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale se réunit à son siège ou dans un lieu qu'il choisit dans l'une des communes membres.

* 26 Articles L. 2121-18, L. 3121-11 et L. 4132-10 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Le Conseil d'État a ainsi jugé qu'un maire pouvait interdire l'accès de la salle à un groupe de personnes portant des pancartes et du matériel sonore dont le comportement traduisait l'intention de manifester et de perturber la réunion du conseil municipal (CE, 14 décembre 1992, Ville de Toul , n° 128646 : Lebon T. 793)

* 28 TA Montpellier, 28 juin 2011, Mme Espeut , n° 1002338.

* 29 Plusieurs garanties, tenant à l'identification des participants, à l'enregistrement et à la publicité des débats, ainsi qu'aux modalités de vote, étaient prévues.

* 30 Amendements CL40 et CL41.

* 31 Les dispositifs étaient initialement restreints aux zones de circulation active du virus dans le texte adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale. Par des amendements n os 31 et 32 d'Isabelle Florennes et des membres du MoDem, ils ont été étendus en séance publique à l'ensemble du territoire national.

* 32 Amendements n os 33 et 35 d'Isabelle Florennes et n os 47 et 48 de Raphaël Schellenberger en séance publique.

* 33 Sous-amendé par la rapporteure Alice Thourot (amendement n° 108).

* 34 Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020, cons. 67.

* 35 De façon presque caricaturale, l'avis consultatif rendu le 12 septembre sur le présent texte n'a été mis en ligne que le 19 septembre, de sorte que les députés n'en disposaient même pas au moment du dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale.

* 36 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 37 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 38 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 39 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique.

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