B. LE RÉTABLISSEMENT, PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, DE L'ESSENTIEL DE SON TEXTE DE PREMIÈRE LECTURE

1. Un refus sans appel d'encadrer la prolongation des régimes d'exception

L'échec de la commission mixte paritaire qui s'est tenue vendredi 30 octobre 2020 au Sénat s'est cristallisé autour de la durée des pouvoirs d'exception concédés au pouvoir exécutif pour faire face à la crise sanitaire.

Les députés de la majorité présidentielle ont clairement fait savoir, à cette occasion, qu'ils entendaient donner au Gouvernement toute latitude pour lutter contre l'épidémie jusqu'au 1 er avril prochain sans qu'à aucun moment l'intervention du Parlement soit prévue, ne serait-ce que pour que la représentation nationale consente à la prolongation de pouvoirs exorbitants au regard de l'évolution de la situation sanitaire.

C'est donc malheureusement sans surprise que l'Assemblée nationale a, à quelques exceptions près, rétabli sur ce point son texte de première lecture .

Quelques concessions ponctuelles ont, certes, été accordées au Sénat. Trois articles relatifs à l'état d'urgence sanitaire, introduits par le Sénat en première lecture, ont ainsi été adoptés par l'Assemblée nationale. Il s'agit :

- de l' article 2 bis , introduit par le Sénat afin que le Gouvernement mette fin aux retards importants et récurrents avec lesquels il rend publics les avis du comité scientifique Covid-19. Alors que les avis du comité scientifique sont un outil majeur pour l'exercice du contrôle parlementaire en cette période exceptionnelle, et que la loi prévoit pourtant qu'ils soient rendus publics « sans délais », plus d'une semaine s'est parfois écoulée entre leur adoption et leur mise en ligne par le secrétariat du comité. Ces avis devront donc désormais être directement transmis dès leur adoption par le président du comité aux présidents des assemblées ;

- de l'article 2 ter autorisant le recours, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, à la procédure de l'amende forfaitaire pour les contraventions aux lois et réglementations du pays en matière de gestion des crises sanitaires ;

- de l'article 13 , introduit par le Sénat en séance publique à l'initiative de Laurence Rossignol, qui vise à assurer la pleine protection des victimes de violences conjugales pendant la période de confinement, notamment en facilitant leur hébergement d'urgence.

À ces exceptions près, les députés sont revenus sur les principaux apports du Sénat , rétablissant, à l'initiative du rapporteur Jean-Pierre Pont, les articles 1 er et 2 du projet de loi dans leur version adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

Le terme de l'état d'urgence sanitaire a ainsi été ramené au 16 février 2021 et la clause de revoyure adoptée par le Sénat sur la mesure de confinement supprimée.

De la même manière, la prolongation jusqu'au 1 er avril prochain du régime transitoire de la loi du 9 juillet 2020 a été rétablie. Un amendement du Gouvernement, adopté en séance publique, a également modifié le champ des mesures susceptibles d'être prescrites dans ce cadre pour étendre à tous les moyens de transport l'obligation de présenter le résultat d'un test de dépistage, qui était jusqu'à présent limitée aux seuls transports aériens.

2. La suppression non justifiée de dispositions utiles

La commission des lois ne peut que regretter qu'aient également été supprimées, sans justification, plusieurs dispositions sur lesquelles un consensus aurait facilement pu émerger entre les deux chambres .

Ainsi en est-il des ajustements apportés en première lecture par le Sénat au régime de l'état d'urgence sanitaire afin de le sécuriser sur le plan juridique et de circonscrire son contenu aux prérogatives strictement nécessaires à l'efficacité de l'action du Gouvernement en temps de crise sanitaire.

Les ajustements du régime de l'état d'urgence sanitaire
adoptés par le Sénat en première lecture

À l'initiative de la commission, le Sénat avait modifié le régime de l'état d'urgence sanitaire prévu aux articles L. 3131-12 et suivants du code de la santé publique afin de tirer les conséquences des premiers mois d'application de ce régime. Ces modifications avaient pour objet :

- de mieux encadrer les atteintes à la liberté de réunion , en excluant la possibilité de réglementer les réunions dans les lieux d'habitation (article 1 er ) ;

- de privilégier le recours au droit commun pour l'encadrement des prix (article 1 er ) ;

- d'intégrer dans la loi la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel 2 ( * ) sur les conditions de prolongation des mesures de quarantaine et d'isolement (article 1 er ).

De même, l'Assemblée nationale a supprimé à l'article 1 er du projet de loi une disposition introduite par le Sénat, à l'initiative du rapporteur, pour permettre aux préfets d'accorder, sous réserve du respect des règles sanitaires, des dérogations pour l'ouverture des petits commerces de proximité .


* 2 Décision n° 2020-800 DC du 11 mai 2020 relative à la loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

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