B. LE FINANCEMENT DU PLAN DE RELANCE EUROPÉEN CRISTALLISE LE DÉBAT SUR L'INTRODUCTION DE NOUVELLES RESSOURCES PROPRES

1. Les contributions nationales des États membres devraient connaître une hausse sans précédent au cours du prochain cadre financier pluriannuel

Aux termes de l'accord du 21 juillet, le financement du plan de relance « Next Generation EU » se traduira par l'émission d'obligations sur les marchés financiers par la Commission européenne , au nom des États membres de l'Union européenne.

Concrètement, afin de pouvoir emprunter sur les marchés financiers, la décision relative aux ressources propres de l'Union européenne doit être modifiée afin d'augmenter la marge entre le plafond des ressources propres du CFP , c'est-à-dire le montant maximal que l'Union européenne peut demander aux États membres pour financer ses dépenses, et les dépenses qui seront engagées.

Les sommes empruntées seront remboursées à partir de 2028, et pour une durée maximale de 30 ans, soit jusqu'en 2058 au plus tard . Les intérêts de cette dette sont inscrits dans le budget pluriannuel de l'Union européenne, et sont estimés à 15 milliards d'euros (courants).

S'agissant du remboursement des subventions prévues par le plan de relance européen, en l'absence de nouvelles ressources propres, ce remboursement sera calculé sur la base de la part de chaque État membre dans le revenu national brut (RNB) total de l'Union européenne, et s'ajoutera aux contributions nationales .

En réponse au questionnaire budgétaire, la direction du budget a indiqué au rapporteur que le montant annuel moyen de la contribution de la France au remboursement du plan de relance est estimé à environ 2,5 milliards d'euros (courants), soit l'équivalent des crédits de la mission « Outre-mer » dans le projet de loi de finances pour 2021 12 ( * ) .

Ce montant doit toutefois être apprécié avec précaution , compte tenu des propositions avancées pour introduire de nouvelles ressources propres ( cf. ci-après ), et des incertitudes relatives à l'évolution de la quote-part de la France dans le RNB européen.

2. L'introduction de nouvelles ressources propres constitue la seule issue budgétaire, mais reste incertaine à ce jour

L'augmentation considérable des contributions nationales résultant du remboursement de l'emprunt a encouragé le Conseil européen à faire de l'introduction de nouvelles ressources propres une priorité pour les prochaines années, et à détailler un calendrier de mise en oeuvre de celles-ci.

Ainsi, aux termes de l'accord du 21 juillet entre les États membres, une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés est établie à compter du 1 er janvier 2021 , dont les modalités de calcul sont prévues par la proposition de décision relative aux ressources propres (DRP). En outre, le Conseil européen demande à la Commission européenne de présenter des propositions relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et à une taxe numérique , en vue de leur introduction au plus tard le 1 er janvier 2023 .

Sans indiquer de date, la Commission devrait également présenter une proposition relative à un système révisé d'échange de quotas d'émission , et éventuellement une taxe sur les transactions financières .

Eu égard aux divergences historiques entre les États membres, le rapporteur s'interroge sur les perspectives de mise en oeuvre de telles ressources propres à court terme .

Faisant preuve d'un certain réalisme, le Conseil européen n'a d'ailleurs pas retenu la proposition de la Commission européenne de 2018 qui évoquait l'instauration d'une ressource calculée sur la base de la future assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) , compte tenu des blocages récurrents entre les États membres sur cette proposition.

En tout état de cause, l'estimation des recettes associées à l'introduction de ces nouvelles ressources propres dépend fortement de la nature des dispositifs qui seront in fine retenus .

Par exemple, s'agissant de la ressource issue du système européen d'échange de quotas d'émission de carbone , sa recette afférente dépendra du niveau de mutualisation des recettes aujourd'hui perçues par les États membres au niveau national. Il en est de même pour la taxe sur le secteur numérique , dont le rendement divergera selon ses modalités d'application, et l'assiette retenue. En 2018, la Commission européenne avait estimé qu'une taxe spécifique sur les services numériques, dans une forme analogue à la taxe sur les services numériques mise en oeuvre en France , pourrait générer entre 1,6 et 7,8 milliards d'euros de recettes annuelles , selon le taux envisagé 13 ( * ) .

Le rapporteur constate que l'accord entre les États membres du 21 juillet a apporté, dans l'urgence, une réponse budgétaire inédite et novatrice, de nature à augmenter significativement les capacités du budget de l'Union européenne dans les prochaines années, mais qui occulte de façon préoccupante la question du financement du plan de relance.

Lors de son audition, la direction du budget a fait preuve d'un relatif optimisme quant à l'aboutissement des propositions de nouvelles ressources propres . Elle a notamment souligné que l'accord trouvé permettait aux États membres de se lier les mains sur le sujet, ce qui devrait conduire à réaliser des progrès.

En tout état de cause, les discussions en la matière deviendront nécessairement de plus en plus pressantes à mesure que les États membres se rapprocheront de l'échéance du remboursement, et anticiperont une hausse conséquente de leur contribution nationale. Dans cette perspective, en l'absence de réels progrès à court terme, la question du remboursement du plan de relance européen constitue une « bombe à retardement » pour les finances publiques des États membres.

Enfin, le rapporteur appelle à être particulièrement vigilant dans la définition de ces nouvelles ressources propres, dont la mise en oeuvre pourrait être difficile à accepter politiquement si elle devait être perçue, par les citoyens européens, comme la création d'un impôt supplémentaire .


* 12 Qui s'élèvent à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement.

* 13 Réponse au questionnaire budgétaire.

Page mise à jour le

Partager cette page