B. ...ONT UN IMPACT DIRECT SUR LE BUDGET 2021

Les différents redéploiements réalisés en 2019 et 2020, notamment depuis les PIA 1 et 2, se sont traduits par une hausse de 483 millions d'euros des autorisations d'engagement du PIA 3 . Dans le détail, cette évolution reflète une diminution des AE portés par le programme 421 (- 178 millions d'euros), adossée à une augmentation substantielle des AE alloués au programme 422 (+ 516 millions d'euros) et au programme 423 (+ 145 millions d'euros).

À la suite de ces mouvements de crédits, le montant total du PIA 3 s'élève à 10,517 milliards d'euros en autorisations d'engagement, dont 200 millions d'euros qui ne sont pas inscrits dans la mission « Investissements d'avenir » 7 ( * ) . Au 30 juin 2020, ces AE ont été consommées dans leur intégralité , la totalité des conventions avec les opérateurs ayant été signées.

Évolution des autorisations d'engagement
de la mission « Investissements d'avenir » entre 2019 et 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Ces redéploiements ont eu un impact sur la budgétisation opérée en 2021, les crédits de paiement devant faire l'objet de réajustements. Ainsi, la diminution des AE affectées à certaines actions n'a pas permis d'ouvrir de CP sur ces dernières pour l'année à venir.

Tel est notamment le cas de l'action « Sociétés universitaires et scientifiques » du programme 421, qui a été mise en extinction .

Synthèse des redéploiements en AE en 2020

Action contributrice (Tous PIA)

Opérateur "donneur"

Montant redéployé
(en M€)

Nature des crédits

Action bénéficiaire
(PIA 3)

Opérateur "receveur"

Objectif

Concours d'innovation

ADEME

35

Subventions/ Avances remboursables

Accompagnement et transformation des filières

Bpifrance

Création d'un nouveau programme dédié à la production de médicaments dans la lutte contre le Covid-19

Concours d'innovation

Bpifrance

85

Subventions/ Avances remboursables

Accompagnement et transformation des filières

Bpifrance

Créations expérimentales de sociétés universitaires et scientifiques

CDC

150

Fonds propres

Grands défis

Bpifrance

Lancement de l'enveloppe « French Tech Souveraineté »

Développement de l'économie numérique (PIA 1)

CDC

50

Fonds propres

Fonds de fonds de retournement (FFR - PIA 2)

CDC

Source : commission des finances du Sénat d'après le rapport relatif à la mise en oeuvre et au suivi des investissements d'avenir annexé au projet de loi de finances pour 2021

À l'inverse, deux volets renforcés en réponse à la crise sanitaire bénéficieront de hausses de crédits en 2021 pour poursuivre leurs actions :

- le volet dédié à la souveraineté technologique de l'action « Grands défis » (programme 423) , permettant de créer le fonds « French Tech Souveraineté » (+ 100 millions d'euros).

- le volet « aides d'État » de l'action « Accompagnement et transformation des filières » (programme 423) , afin de financer le développement de capacités industrielles de production - c'est-à-dire le plan « Batteries » et les infrastructures d'essai et de fabrication de produits pour faire face à la crise sanitaire (+ 283 millions d'euros).

1. Le lancement d'une enveloppe d'investissement dédiée à la souveraineté technologique

Afin de tirer les enseignements de la crise sanitaire liée au Covid-19, le Gouvernement a annoncé la création d'une enveloppe d'investissement dédiée à la souveraineté technologique , intitulée « French Tech Souveraineté ».

Ce nouveau volet, qui doit encore faire l'objet d'un avenant à la convention du 26 décembre 2019, a été financé en 2020 par un redéploiement de 150 millions d'euros en AE en fonds propres depuis l'action « Sociétés universitaires de recherche » du programme 421 vers l'action « Grands défis » du programme 423.

En pratique, ce véhicule d'investissement, toujours en cours d'élaboration, vise à renforcer l'autonomie de notre pays sur des technologies d'avenir . Il devrait bénéficier d'une enveloppe de 100 millions d'euros en 2021.

Il paraitrait opportun, dans ce cadre, d'intensifier les efforts menés dans le champ de l'intelligence artificielle . En effet, le rapporteur spécial s'est déjà exprimé à plusieurs reprises sur la nécessité de cibler tout particulièrement ce secteur , qui pourrait représenter un marché de l'ordre de plusieurs dizaines de milliards d'euros à horizon 2030. Alors que la Chine et les États-Unis soutiennent massivement leurs entreprises nationales, dans le but de dominer ce marché à moyen terme, notre pays doit se donner les moyens de préserver une indépendance stratégique, que ce soit au niveau des approvisionnements en matières premières, sur les technologies utilisées ou pour la maîtrise des données.

Les systèmes intelligents vont révolutionner l'ensemble de l'industrie

Au cours des 2 dernières années, les hommes et les machines ont créé quasiment 9 fois plus de données que depuis le début de l'humanité et cela continue à s'accroître de façon exponentielle. Pour la majeure partie d'entre elles (75%), ces données doivent être interprétées en temps réel pour pouvoir être utilisées le plus rapidement possible et interagir en temps réel avec le monde extérieur, dès qu'elles sont créées. C'est ce qu'on appelle l'IA embarquée ou le « Edge Computing » ou encore les « Systèmes Intelligents ».

Durant les 10 à 20 prochaines années, les systèmes intelligents vont se déployer dans tous les pans de l'industrie. L'automobile avec des voitures de plus en plus autonomes, la santé avec des appareils de diagnostic de plus en plus intelligents, les usines du futur avec des systèmes de détection de défauts et de gestion de la production, les télécoms et en particulier la 5G avec des besoins énormes en traitement du signal au niveau des antennes, les nouvelles générations de data centers, sans parler du marché de l'aéronautique et de la défense.

Le marché à venir des systèmes intelligents est énorme : rien qu'au niveau des semi-conducteurs pour les systèmes intelligents, il devrait valoir plusieurs dizaines de milliards de $ à horizon 2030.

La Chine et les Etats-Unis ont compris dès la fin de l'année 2017 l'importance stratégique du secteur des semiconducteurs pour l'intelligence artificielle et se positionnent déjà pour dominer ce marché. Alors que la Chine choisit de soutenir ses entreprises nationales avec des investissements à plusieurs milliards d`euros, le géant américain Nvidia vient d'enclencher le rachat pour 40 milliards de l'une des dernières sociétés européennes du secteur, ARM, alors qu'AMD, rival d'Intel, entend racheter son compatriote XILINX 30 milliards de dollars.

Permettre à l'Europe et la France de jouer également un rôle de leader sur ce marché est crucial pour sauvegarder notre industrie. Sans une maîtrise de ces nouveaux systèmes, notre pays perdra sa position de leader dans le monde de l'embarqué. Les avions, les voitures, les systèmes télécoms risquent de ne plus être développés en France ou en Europe, tout comme on n'y développe plus d'ordinateur ni de téléphone portable à l'heure actuelle, sans parler de ne plus maîtriser des technologies critiques pour leur souveraineté.

En effet, la crise du Covid-19 a fait davantage prendre conscience que l'Europe doit être plus autonome face à ses voisins américains et asiatiques, que ce soit au niveau des approvisionnements en matières premières, sur les technologies utilisées ou pour la maîtrise des données.

Pourquoi l'Europe peut gagner cette bataille technologique ?

Tout d'abord, car cette bataille se joue sur le terrain de l'embarqué, secteur sur lequel l'Europe se positionne depuis toujours comme leader, grâce à ses donneurs d'ordre, fleurons nationaux, comme AIRBUS, SAFRAN ou THALES pour l'aéronautique et la défense, comme Renault, BMW ou d'autres grands constructeurs automobile, pour ne citer que ces secteurs. L'Europe profite également d'un écosystème s'appuyant sur un environnement académique et des laboratoires de pointe dans le domaine de l'intelligence artificielle, capable de relever ce défi. Enfin, elle possède des entreprises innovantes comme Kalray, qui font figure de pionniers dans cette industrie et qui proposent des solutions déjà matures sur l'intelligence embarquée.

Le défi actuel est de garantir que l'Europe puisse avoir accès, de manière ouverte, aux technologies nécessaires pour demain. Et plus généralement, de continuer à permettre aux sociétés européennes et françaises, qui déploient actuellement ces solutions et qui rivalisent sur un plan mondial, de poursuivre leurs investissements massifs afin qu'elles puissent garder cette avance technologique qui leur permettra de prendre des positions de leader dans le monde tant qu'il en est encore temps.

Favoriser l'IA embarquée dans le soutien plus global de l'IA dans le PIA4 est un pari raisonnable et à fort retour sur investissement : les besoins sont modérés (quelques centaines de millions d'euros) au regard des montants qui seraient nécessaires pour, par exemple, recréer une industrie souveraine de production de semi-conducteurs (plusieurs dizaines de milliards d'euros).

L'expertise et les acteurs sont présents et à la pointe de l'industrie. Le retour sur investissement devrait être rapide. Si investir dans les technologies quantiques nous permettra d'assoir un rôle de leader à horizon 2040 - 2050, investir aujourd'hui dans l'IA embarquée permettra à l'Europe de conserver son leadership pour les 15 prochaines années.

Source : entreprise Kalray.

2. Le financement du plan « Batteries »

Par avenant du 3 août 2020 à la convention liant l'État à Bpifrance, un volet relatif au développement de capacités industrielles à la production a été introduit au sein de l'action « Accompagnement et transformation des filières » du programme 423.

Ce volet a vocation à financer, à hauteur de 335 millions d'euros en subventions :

- le plan « Batteries » , destiné à développer et industrialiser de nouvelles générations de cellules et de modules de batteries pour les véhicules électriques ;

- le développement de nouvelles capacités de production pour répondre à la crise sanitaire (infrastructures d'essais, de développement ou de production de médicaments).

Hormis ces ajustements, la budgétisation du PIA 3 est conforme aux échéanciers prévisionnels définis dans les conventions et n'appelle pas de commentaire particulier du rapporteur spécial.


* 7 Un nouveau programme 876 intitulé « Prêts octroyés dans le cadre des programmes des investissements d'avenir » au sein du concours de concours financier (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » a été créé en loi de finances initiales pour 2020. Il a pour objet de porter le financement en prêt du plan Nano 2022 dans le cadre du PIA 3.

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