C. DE NOUVELLES MARGES DE MANoeUVRE À MOYEN TERME POUR LES ORGANISMES

Le rapporteur spécial note cependant que les organismes de recherche bénéficieront de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires à moyen terme.

1. Des dépenses de personnel dynamiques, pesant sur le budget des opérateurs

La subvention pour charges de service public versée aux opérateurs finance à titre principal la masse salariale des emplois sous plafond et pour une moindre part, les crédits de fonctionnement, d'équipement et d'investissement (FEI).

Or, la masse salariale des organismes de recherche a considérablement augmenté au cours des dernières années en raison de la relance de la politique salariale , avec la revalorisation du point d'indice, la modernisation des « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), le régime indemnitaire fondé sur les fonctions, les sujétions, l'expertise et l'engagement professionnel (RIFSEEP) ainsi que le glissement vieillesse et technicité (GVT).

Éléments de politique salariale

Le protocole « « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) vise à revaloriser la carrière des fonctionnaires en prévoyant un rééquilibrage progressif au profit de la rémunération indiciaire.

Le glissement vieillesse technicité (GVT) positif est un solde qui traduit l'augmentation de la masse salariale du fait de la progression des agents dans leurs grilles indiciaires (changements d'échelon, de grade ou de corps). Le GVT négatif (ou « effet noria ») désigne les économies dues au fait que les nouveaux recrutés ont un indice plus bas que les agents qui quittent le CNRS.

Du fait des nouvelles grilles PPCR, qui ouvrent de nouveaux espaces indiciaires pour les agents, le GVT est en augmentation.

L'impact de ces mesures n'est pas le même en fonction des opérateurs ; ainsi, contrairement aux établissements publics à caractère scientifique et technique (EPST), les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ne sont pas concernés par les mesures « fonction publique » .

Coût du GVT pour les EPST en 2020

(en euros)

2020

CNRS

20 464 922

INED

149 947

INRAE

3 449 583

INRIA

1 110 164

INSERM

2 755 814

IRD

808 725

TOTAL

28 739 155

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire.

Or, force est de constater que, cette année encore, le coût du glissement-vieillesse-technicité (GVT), de l'ordre de 30 millions d'euros, ne fera l'objet d'aucune compensation pour ces établissements .

Ce coût est à mettre au regard des augmentations de crédit prévues par la LPR : il représente ainsi un quart des 116 millions d'euros supplémentaires destinés aux EPST .

2. De nouvelles créations d'emploi en 2021 pour mettre un terme à l'érosion du nombre de chercheurs

Ces tensions récurrentes sur la masse salariale ont entraîné une sous-exécution chronique des plafonds d'emploi de la mission « Recherche », associée à une diminution considérable des effectifs des organismes de recherche.

Ainsi, en exécution 2019, l'écart entre les plafonds d'emploi et les emplois effectifs demeure très élevé, de l'ordre de 7 495 ETPT, même s'il a diminué de 41 ETPT depuis 2018.

Dans le détail, cet écart s'est creusé pour les EPST (+ 60 ETPT), mais s'est résorbé pour les EPIC (- 91 ETPT), les effectifs du CEA ayant progressé de 107 ETPT.

Écart entre les plafonds d'emploi et les emplois effectifs dans les opérateurs
du programme 172 en 2019

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Pour le rapporteur, il devenait crucial d'inverser cette tendance, tant l'érosion du nombre de chercheurs rémunérés par les organismes risque de peser, à terme, sur les capacités de recherche de notre pays .

C'est ce que fait la loi de programmation, en prévoyant la création de 315 ETPT dès 2021. La ventilation de ces derniers en fonction des organismes de recherche n'est cependant pas précisée à ce stade.

Évolution du plafond d'emplois des organismes de recherche

(en ETPT)

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Variation 2020/2021

EPST

50 033

50 022

49 992

49 974

49 887

49 840

- 47

EPIC

20 192

20 181

20 181

20 188

20 428

20 533

+ 105

GIP, EPA, fondations, associations

297

308

338

348

348

348

0

Total

70 522

70 511

70 511

70 510

70 663

70 721

+ 58

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire budgétaire

Le plafond d'emplois n'augmentant que de 58 ETPT, ces nouveaux emplois seront créés en mobilisant la vacance sous plafond .

Si ces hausses d'emplois demeurent peu documentées, elles constituent une avancée notable, qui mérite d'être saluée.

3. Loi de programmation, crise sanitaire, plan de relance : la persistance de grandes inconnues quant aux crédits alloués aux organismes de recherche

Selon les informations communiquées au rapporteur spécial, la plus grande incertitude demeure quant aux moyens financiers qui seront alloués aux différents organismes de recherche pour l'année 2021 .

Ainsi, à quelques jours de la clôture de leurs budgets initiaux, ces derniers ne seraient toujours pas en mesure de déterminer l'exact niveau de leurs ressources, ni même l'évolution de leur schéma d'emploi - certains opérateurs s'étant vu notifiés plusieurs montants différents au cours des dernières semaines.

En tout état de cause, une part conséquente des hausses de crédits résultant de la LPR n'a pas encore été répartie entre les différents organismes. Si le Mesri n'a pas encore dévoilé les clés de répartition retenues, une enveloppe de 15 millions d'euros pourrait être allouée par le biais d'un nouveau dialogue contractuel avec les organismes . En pratique, des moyens spécifiques seraient ainsi dévolus à l'issue d'échange avec les établissements, pouvant être instruits dans le cadre de la construction et du suivi de l'exécution des contrats d'objectifs et de performance.

Par ailleurs, le projet de loi de finances ne prévoit pas de mesure spécifique quant aux effets de la crise sanitaire . La couverture des surcoûts éventuels engendrés, ainsi que celles des actions spécifiques de recherche dédiées à la lutte contre le coronavirus devront donc être assurées par une reprogrammation des crédits disponibles ou par la mobilisation des moyens nouveaux , avec notamment le dégel de la réserve de précaution.

À l'inverse, certains opérateurs n'ayant pu dépenser l'intégralité de leur subvention pour charges de service public et s'interrogent sur la possibilité de reporter une partie de ces crédits sur l'année 2021 .

Les effets de la crise sanitaire sur le budget des organismes de recherche

L'impact financier global de la crise sanitaire sur les opérateurs se traduit par un surcoût lié à la prolongation des contrats de recherche (doctorants et contrats à durée déterminée) de l'ordre de 44 millions d'euros sur la période 2020-2022, dont 7 millions d'euros en 2021.

Les prolongations de contrats CIFRE représenteraient 4,2 millions d'euros dont 490 000 euros au titre de 2020. En outre, une perte de recettes due au ralentissement de l'activité, voire à l'arrêt de certains projets vient fortement grever le budget des organismes, notamment celui des EPIC.

Ces surcoûts ne sont que partiellement compensés par les économies correspondant à de moindres dépenses de fonctionnement. Le CEA notamment, anticipe une perte de recettes de 78 millions d'euros en 2020, qui n'est que faiblement compensée par les économies dues à la baisse d'activité de recherche et de développement.

A ce stade, les évaluations produites en septembre correspondent pour les opérateurs de la recherche à une perte nette de 113 millions d'euros sur la période 2020-2022, dont l'impact est attendu principalement en 2021 .

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Enfin, si la plupart des organismes espèrent bénéficier in fine du plan de relance, les informations relatives au contenu et à la mise en oeuvre des différentes mesures de ce plan demeurent encore très parcellaires.

À cet égard, le rapporteur spécial regrette le caractère très lacunaire du projet annuel de performance : les hausses de crédits font l'objet d'une présentation très succincte, les données étant dispersées de telle sorte qu'un travail substantiel de consolidation a été nécessaire pour reconstituer l'impact de la loi de programmation sur le projet de loi de finances pour 2021.

Un effort de transparence aurait été, dans ce contexte, particulièrement appréciable .

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