III. DEUX ENTRAVES MAJEURES AU RESPECT DE LA LPM : LE FINANCEMENT DU SURCOÛT OPEX PAR LA MISSION « DÉFENSE » ET LA CESSION NON COMPENSÉE DE 12 RAFALE

A. DES PROVISIONS OPEX ET MISSINT INSUFFISANTES ENTRAINANT LE FINANCEMENT DU SURCOÛT PAR LA MISSION « DÉFENSE »

Comme en 2020, la provision au titre des OPEX-MISSINT (opérations extérieures et missions intérieures) s'élèvera en 2021 à 1 100 millions d'euros (dont 250 millions d'euros sur le titre 2), auxquels s'ajouteront les 100 millions d'euros de crédits de masse salariale pour les MISSINT, portant ainsi l'ensemble des ressources budgétaires des opérations à 1,2 milliard d'euros.

Détail par action et par titre de la provision « Opex-Missint » prévue en 2021

(en millions d'euros)

Titre 2

Titre 3

Titre 6

Total programme

Programme 178

Action 06

Surcoûts liés aux opérations extérieures

Sous-action 06.90

« surcoûts liés aux opérations extérieures »

0

775

45

850

Action 07

Surcoûts liés aux opérations intérieures

Sous-action 07.00

« surcoûts liés aux opérations intérieures »

0

30

0

Programme 212

Action 59

Surcoûts liés aux opérations - Personnel travaillant pour le programme "Préparation et emploi des forces"

Sous action 59.01

« Surcoûts liés aux opérations extérieures »

250

0

0

350

Action 59

Surcoûts liés aux opérations - Personnel travaillant pour le programme "Préparation et emploi des forces"

Sous action 59.02

« Surcoûts liés aux opérations intérieures »

100

0

0

Total

350

350

805

45

1200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial estime que ce montant ne saurait être suffisant pour garantir la sincérité de la dotation OPEX-MISSINT et enrayer sa sous-budgétisation chronique.

En 2017, 2018 et 2019, l'écart à la prévision concernant les surcoûts liés aux Opex et aux Missint s'est élevé à plusieurs centaines de millions d'euros. Comme il l'évoquait déjà dans son rapport sur le financement des Opex 6 ( * ) , une telle situation n'était pas acceptable dans la mesure où elle remet en cause la sincérité du budget voté .

Évolution des surcoûts liés aux opérations extérieures
et aux missions intérieures

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

En 2020, la provision ouverte en LFI au titre des Opex s'établissait à 1 100 millions d'euros (dont 250 millions d'euros pour le titre 2).

Cette dotation ne suffira pas à couvrir l'ensemble des surcoûts liés aux OPEX en 2020 , qui devraient s'élever à près de 1,460 milliard d'euros 7 ( * ) , soit un niveau qui n'a jamais été constaté depuis 2017, en raison, notamment, du renforcement des moyens déployés dans le cadre de l'opération « Barkhane » en 2020.

Si le rapporteur spécial a bien conscience des difficultés inhérentes à la prévision des OPEX, il lui revient de souligner le caractère systématique de la sous-budgétisation en dotation initiale. Les surcoûts résultent notamment du niveau et de l'intensité de l'engagement des forces, qui découlent eux-mêmes de la situation sur les théâtres d'opérations et des décisions de l'autorité politique qui sont ensuite mises en oeuvre par le chef d'état-major des armées, si bien que leur évaluation précise est impossible. Toutefois, l'ordre de grandeur choisi en LFI depuis plusieurs années est bien moindre que la moyenne des exécutions constatées.

Le rapporteur regrette que cette sous-budgétisation soit appelée à se maintenir en 2021, compte tenu de l'absence d'augmentation de la dotation OPEX-MISSINT.

Provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures prévue par la loi de programmation militaire 2019-2025 8 ( * )

(en CP, en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et l'article 4 de la LPM 2019-2025

En gestion, cette sous-budgétisation des OPEX et des MISSINT est en général compensée intégralement au sein de la mission « Défense », par des annulations et des reploiements, comme ce fût le cas en 2019 via la loi de finances rectificative 9 ( * ) .

Comme le relevait déjà le rapporteur spécial l'année dernière, cette pratique est contraire au principe de financement interministériel figurant à l'article 4 de la loi de programmation militaire 2019-2025 . Il dispose qu'en gestion, les surcoûts nets, hors crédits de masse salariale inscrits en LFI au titre des MISSINT et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette provision font l'objet d'un financement interministériel, en s'appuyant sur le principe que l'engagement par la France de ses forces en OPEX ne relève pas de la seule compétence ou décision du ministère des armées.

La clause de sauvegarde permettant un financement interministériel des surcoûts n'a été activée ni en 2018, ni en 2019, ni en 2020 .

Le gouvernement ne respectant pas cette clause malgré sa valeur législative, le rapporteur spécial souhaite que le montant de la dotation Opex-Missint fasse l'objet d'une réévaluation et d'une sincérisation à l'occasion de l'actualisation de la LPM en 2021 (cf infra ) afin d'apporter une solution durable et crédible à cette difficulté.


* 6 Le financement des opérations extérieures : préserver durablement la capacité opérationnelle de nos armées, rapport d'information de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, n° 85 (2016-2017) - 26 octobre 2016.

* 7 Audition du sous-chef d'état-major « Plans ».

* 8 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 9 Loi n° 2019-1270 du 2 décembre 2019 de finances rectificative pour 2019

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