N° 400

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 mars 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de justice sociale ,

Par M. Philippe MOUILLER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Patrick Boré, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Élisabeth Doineau, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Laurence Garnier, Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, M. Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, M. Olivier Léonhardt, Mmes Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Dominique Théophile .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

2550 , 2629 et T.A. 406

Sénat :

319 (2019-2020) et 401 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 3 mars 2021 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission des affaires sociales a examiné le rapport de M. Philippe Mouiller , sur la proposition de loi adoptée le 13 février 2020 par l'Assemblée nationale portant diverses mesures de justice sociale.

La commission a retenu le principe de la déconjugalisation de l'allocation aux adultes handicapés mais a réécrit le dispositif pour en limiter les effets de bords.

I. POUR UNE DÉCONJUGALISATION DE L'AAH

A. LA CLARIFICATION NÉCESSAIRE D'UNE PRESTATION AMBIGUË

1. Rendre plus explicite le caractère compensatoire de l'allocation aux adultes handicapés

L'allocation aux adultes handicapés (AAH), créée par la loi du 30 juin 1975 , est destinée aux personnes handicapées âgées de vingt ans ou plus, résidant en France. Elle est attribuée par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées des MDPH pour une durée de un à cinq ans, si le taux d'incapacité du demandeur est au moins égal à 80 %
- c'est l'AAH dite « 1 » - ou si le demandeur a un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % assorti d'une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi » (« AAH 2 »).

L'AAH est traditionnellement considérée comme un minimum social , car elle est financée par l'État et versée sous condition de ressources de manière différentielle. Le montant de l'allocation varie en fonction des revenus du conjoint et de la composition du foyer de l'allocataire (nombre d'enfants à charge) afin de porter le niveau de vie du ménage à un minimum. Ainsi la solidarité nationale se manifeste-t-elle subsidiairement à la solidarité familiale qu'organise le code civil et prend-elle en compte les ressources et les charges du foyer.

L'AAH est la deuxième prestation de solidarité en France : elle est versée à 1,2 million de personnes, ce qui représente une dépense d'environ 11 milliards d'euros pour le budget de l'État. Ainsi que le montre le tableau suivant, la grande majorité des allocataires de l'AAH est isolée, et 22 % vivent en couple, soit environ 270 000 personnes.

Situation familiale des bénéficiaires de l'AAH

Situation familiale

AAH-1

AAH-2

Ensemble

Population
générale

Seul sans enfant

67 %

76 %

72 %

23 %

Seul avec enfant(s)

8 %

4 %

6 %

9 %

Couple sans enfant

13 %

13 %

13 %

32 %

Couple avec enfant(s)

12 %

7 %

9 %

37 %

Source : Drees, 2020

L'AAH est cependant une prestation d'assistance assez particulière : l'assiette des revenus pris en compte est moins large que pour les autres minima sociaux, le mode de calcul des ressources personnelles est relativement plus avantageux et, surtout depuis les revalorisations significatives décidées par les présidents de la République successifs en 2008 puis en 2017, le niveau de la prestation est plus élevé que celui des autres minima sociaux. La création du RMI, devenu RSA, puis de la prestation de compensation du handicap (PCH), n'ont pas conduit à clarifier la nature de l'AAH, qui est à la fois un revenu minimal catégoriel et une prestation compensant l'éloignement de l'emploi, versée comme un substitut de salaire par la caisse nationale des allocations familiales.

Plus décisivement : les décisions récentes de retirer l'AAH du chantier relatif au revenu universel d'activité et de créer une nouvelle branche de sécurité sociale consacrée au soutien à l'autonomie désignent une voie d'évolution possible , qui consisterait à faire de l'AAH une prestation de sécurité sociale gérée par la CNSA compensant de moindres chances de percevoir un revenu d'activité et de suivre une progression de carrière normale du fait d'un handicap. C'est d'ailleurs ce que préconisait le rapport de préfiguration de la cinquième branche remis par M. Laurent Vachey en septembre 2020.

2. Répondre à une aspiration sociétale profonde

L'individualisation de l'AAH répond en outre à une aspiration diffuse à davantage d'autonomie financière au sein du couple , tendance que confirment un certain nombre de travaux sociologiques, les statistiques des régimes matrimoniaux et les témoignages recueillis par le rapporteur de la commission lors de ses auditions. Une telle aspiration s'entend, quand bien même elle porterait sur des ressources issues de la solidarité nationale, dès lors que celles-ci sont perçues comme une créance assise sur un droit subjectif à la compensation.

Une telle revendication s'entend d'autant plus de la part de femmes en situation de handicap, dont les revenus sont encore relativement plus faibles que ceux de leur conjoint et qui sont plus souvent victimes de violences conjugales . La déconjugalisation de l'AAH serait ainsi de nature à leur garantir le montant de prestation auquel leur donnent droit leurs ressources personnelles même en cas de changement imprévu de situation conjugale.

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