B. UN CHANGEMENT DE MODÈLE QUI APPELLE TOUTEFOIS UNE TRANSITION

1. Une impossible adoption conforme du texte transmis par l'Assemblée nationale

L'adoption conforme du texte transmis par l'Assemblée nationale n'est toutefois pas possible, d'abord pour une raison de justice sociale . Selon la Drees, alors qu'environ 270 000 bénéficiaires de l'AAH sont aujourd'hui en couple, un grand nombre de ménages, de l'ordre de 196 000, gagneraient certes à la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint, mais cette mesure ferait aussi un grand nombre de ménages perdants, environ 44 000 , dont 21 % perdraient totalement le bénéfice de la prestation.

L'individualisation complète, c'est-à-dire la suppression de la majoration de plafond pour enfant à charge, ferait elle aussi un grand nombre de perdants, de l'ordre de 125 000, pour 172 000 ménages gagnants. Par conséquent, le coût de la mesure, estimé à 560 millions d'euros pour la déconjugalisation, serait dans cette hypothèse ramené à 70 millions d'euros.

De plus, la déconjugalisation creuserait les inégalités de niveau de vie puisque les ménages perdants se trouvent dans tous les déciles de niveau de vie jusqu'au septième, tandis que les gains seraient plus concentrés entre les troisième et cinquième déciles. Les gagnants appartenant aux neuvième et dixième déciles de niveau de vie, quoique peu nombreux - 13 000 -, seraient même les plus grands bénéficiaires de la mesure, avec un gain moyen mensuel de 500 euros.

Par ailleurs, la rédaction de l'article 3 supprime le principe même d'un plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles du bénéficiaire, ce qui reviendrait à accorder l'AAH à taux plein à toutes les personnes en remplissant les critères. Selon la Drees, une telle mesure aurait un coût d'au moins 20 milliards d'euros.

2. Le dispositif retenu par la commission : déconjugalisation et mécanisme transitoire

Attentive à l'aspiration exprimée par une grande partie des allocataires et des associations, la commission s'est prononcée favorablement à la déconjugalisation de l'AAH , tout en tâchant d'aménager la transition vers un nouveau modèle :

- elle a rétabli le plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles du bénéficiaire, qui avait été totalement supprimé par les députés ;

- elle a retiré les revenus du conjoint de l'assiette des revenus pris en compte ;

- elle a aménagé une transition pour les actuels bénéficiaires de l'AAH qui pourraient pâtir d'une déconjugalisation de la prestation : pendant dix ans, ils pourront choisir de continuer à bénéficier de l'AAH, tant qu'ils en remplissent les conditions, selon les modalités de calcul applicables aujourd'hui.

La commission n'ignore toutefois pas que le chantier de la refonte de notre système de prise en charge du handicap est loin d'être achevé. D'abord, toutes les conséquences du changement de logique de l'AAH n'ont certes pas été ici tirées. Si son caractère plus explicitement compensatoire venait à être accepté, la cohérence exigerait son individualisation complète par la suppression des majorations de plafond pour enfants à charge. La commission n'a toutefois pu se résoudre à l'adoption de cette mesure adoptée par l'Assemblée nationale dont les effets étaient les plus défavorables aux revenus des ménages perdants.

Ensuite, son articulation avec les autres mécanismes de compensation devra être approfondie, notamment le régime des pensions d'invalidité, dont l'AAH peut être considérée comme le pendant hors couverture assurantielle, ou la prestation de compensation du handicap (PCH), mécanisme de compensation protéiforme financé par les départements.

De telles réflexions devront être conduites rapidement afin de permettre à la nouvelle branche de sécurité sociale de fournir efficacement l'aide à l'autonomie dont les personnes en situation de handicap ont besoin.

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