DEUXIÈME PARTIE

LE BUDGET DE L'ÉTAT

I. LE SOLDE BUDGÉTAIRE DEMEURE FORTEMENT DÉGRADÉ MALGRÉ LA REPRISE ÉCONOMIQUE

Le déficit budgétaire de l'État est prévu en 2022 à un niveau de 143,4 milliards d'euros par le présent projet de loi de finances dans sa version initiale, en diminution de 54,0 milliards d'euros par rapport au déficit prévisionnel révisé de 2021 (197,4 milliards d'euros).

Ce déficit resterait toutefois très supérieur au déficit de 92,7 milliards d'euros atteint en 2019 , dernière année avant la crise sanitaire.

S'agissant de l'exercice en cours 2021 , le niveau du déficit est révisé à 197,4 milliards d'euros , contre 191,2 milliards d'euros par la première loi de finances rectificative du 19 juillet 2021. Ces estimations incluent les reports de crédits de 28,8 milliards d'euros réalisés sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », dont la non-prise en compte avait conduit à une sous-estimation importante du déficit dans la loi de finances initiale (173,3 milliards d'euros). Le second projet de loi de finances rectificative, déposé le 3 novembre 2021, accroît encore le déficit à 205,2 milliards d'euros .

A. MÊME MOINS ÉLEVÉ QUE DANS LES PRÉVISIONS PRÉCÉDENTES, LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE DEMEURE AFFECTÉ EN 2021 PAR LA POURSUITE DES MESURES D'URGENCE

L'estimation révisée du déficit en 2021 présentée au moment du dépôt du projet de loi de finances pour 2022, à un niveau de 197,4 milliards d'euros , est proche de celle qui pouvait être faite en début d'année , si on considère que la prévision de déficit de 173,3 milliards d'euros inscrite dans la loi de finances initiale ne tenait pas compte des reports de crédits non consommés, d'un montant de 28,8 milliards d'euros sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » 30 ( * ) .

Évolution des estimations de solde budgétaire en 2021
(avant dépôt du projet de loi de finances rectificative de fin d'année
et inscription de dépenses annoncées)

(en milliards d'euros)

LFR : loi de finances rectificative du 19 juillet 2021. IS : impôt sur les sociétés. TVA : taxe sur la valeur ajoutée. IR : impôt sur le revenu.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le second projet de loi de finances rectificative déposé le 3 novembre 2021 dégrade en outre ce déficit à 205,2 milliards d'euros .

Cette évolution, par rapport aux prévisions faites en milieu d'année, s'explique par deux grands mouvements, en dépenses et en recettes présentées supra .

1. Les recettes auraient un niveau meilleur qu'attendu, améliorant le solde de plus de 15 milliards d'euros

Les recettes fiscales seraient supérieures de 19,6 milliards d'euros au produit attendu en juillet.

Le Gouvernement constate en effet des encaissements relativement élevés sur les sept premiers mois de l'année. La plus-value concernerait surtout l'impôt sur les sociétés (+ 8,0 milliards d'euros), la taxe sur la valeur ajoutée (TVA, + 4,1 milliards d'euros) et l'impôt sur le revenu (+ 1,6 milliard d'euros).

Cet accroissement provient de l'amélioration de la situation des entreprises (bénéfice fiscal et chiffre d'affaires, déterminant le produit respectivement de l'impôt sur les sociétés et de la TVA), ainsi que d'une réévaluation du niveau des revenus des personnes physiques en 2020 (encaissement en 2021 du solde d'impôt sur le revenu de 2020 sur une assiette augmentée par les mesures d'indemnisation du chômage partiel) et en 2021 (impact sur les recettes de prélèvement à la source).

La fiscalité du patrimoine et de l'immobilier participe également au dynamisme des recettes : l'accroissement des prix de l'immobilier et le niveau élevé des donations au premier semestre de 2021 augmenteraient les recettes des impositions du patrimoine (+ 1,1 milliard d'euros) ; par ailleurs, le niveau élevé des dividendes et des plus-values immobilières se reflète dans le produit attendu du prélèvement de solidarité 31 ( * ) (+ 0,9 milliard d'euros).

Ce montant pourrait même être encore plus élevé que l'estimation présentée dans le présent projet de loi de finances. Comme indiqué supra, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) souligne, dans l'avis qu'il a rendu sur le présent projet de loi de finances, que le niveau de l'emploi et de la masse salariale était sous-estimé et que le produit des recettes publiques qui en dépendent (prélèvements sociaux affectés à la Sécurité sociale, mais aussi impôt sur le revenu revenant à l'État) pourrait donc être plus élevé que le niveau estimé dans le projet de loi de finances.

En revanche, les recettes non fiscales en 2021 seraient inférieures de 4,3 milliards d'euros au niveau prévu en juillet dernier.

En effet, alors que le projet de loi de finances rectificative se fondait encore sur l'hypothèse d'un versement de 10 milliards d'euros de la part de l'Union européenne dès 2021 dans le cadre du co-financement européen du plan de relance, ce premier versement n'est finalement que de 4,1 milliards d'euros . En sens inverse, les amendes de concurrence auraient un produit plus élevé de 0,6 milliard d'euros, ainsi que les recettes issues de la vente des quotas carbone (+ 0,6 milliard d'euros).

2. Les crédits ouverts par la loi de finances rectificative ne seraient que partiellement consommés

La loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 a ouvert 9,8 milliards d'euros de crédits supplémentaires sur la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » . La plus grande partie de ces crédits ne serait pas utilisée , le Gouvernement prévoyant une sous-exécution des crédits de cette mission à hauteur de 7,8 milliards d'euros 32 ( * ) .

De fait, le montant des crédits disponibles sur cette mission était encore, au 18 octobre 2021, de 13,4 milliards d'euros selon les éléments extraits du système d'information Chorus, sur un total de crédits de paiement ouverts de 44,3 milliards d'euros, alors même que les dépenses sont en forte diminution et que l'accès au fonds de solidarité, qui représente plus de 80 % des dépenses de la mission « Plan d'urgence » en 2021, est fermé à compter du 1 er octobre.

3. Le collectif budgétaire de fin d'année dégraderait le déficit de 7,8 milliards d'euros

Le projet de loi de finances rectificative de fin d'année , déposé le 3 novembre 2021, dégrade de manière significative le solde budgétaire , qui serait de 205,2 milliards d'euros en 2021. Son niveau serait donc supérieur de 37,0 milliards d'euros à celui constaté en 2020, année marquée par la phase la plus accentuée de la crise sanitaire.

D'une part, les recettes seraient inférieures de 1,0 milliard d'euros au niveau prévu en septembre, en raison notamment d'un nouveau transfert de TVA à la Sécurité sociale pour financer certains transferts.

D'autre part, des crédits supplémentaires de 1,8 milliard d'euros seraient ouverts sur le budget général afin de financer en particulier l'indemnité inflation (3,6 milliards d'euros inscrits pour cette mesure sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021, auxquels s'ajoutent 250 millions d'euros inscrits sur le projet de loi de finances pour 2022) et compenser des pertes de recettes subies par certains organismes publics face à la crise, malgré la constatation de sous-consommation sur les dispositifs d'urgence et d'autres annulations de crédits.

Enfin, le déficit des comptes spéciaux serait accru de 1,7 milliard d'euros, en raison notamment de nouvelles avances à Île-de-France mobilités.

Ces mouvements importants seront présentés plus en détail par le rapporteur général dans le rapport rédigé au nom de la commission à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Dans la suite du présent rapport, le solde de 2021 est, sauf mention expresse, celui estimé lors du dépôt du projet de loi de finances pour 2022.


* 30 Arrêtés en date des 21 et 24 décembre 2020, 22 janvier, 23 février, 17 et 18 mars 2021.

* 31 Le prélèvement de solidarité est un prélèvement social applicable aux revenus du patrimoine et des placements, affecté à l'État depuis 2018 (au taux de 2 %) et surtout 2019 (au taux de 7,5 %). Le produit estimé en loi de finances rectificative du 19 juillet 2021 était de 10,5 milliards d'euros.

* 32 Montant indiqué dans le projet de loi de finances pour 2022. M. Olivier Dussopt, ministre chargé des comptes publics, a indiqué devant la commission des finances du Sénat, le 3 novembre 2021, que cette sous-exécution pourrait même être de 8,1 milliards d'euros.

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