III. TANDIS QUE LE CEREMA SE CHERCHE UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE ET SOUFFRE D'UN DÉFICIT CRIANT D'INVESTISSEMENTS, IL DOIT COMPOSER AVEC UNE NOUVELLE BAISSE DE SES EFFECTIFS

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État, avec un personnel composé majoritairement de fonctionnaires . L'action 11 du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.

1. Au regard des efforts effectués ces dernières années, parfois plus importants que ce qui lui avait été demandé, il apparaît nécessaire de renoncer à la nouvelle baisse d'effectifs prévue en 2022

Le Cérema, dont le budget total devrait représenter 257,7 millions d'euros en 2021 , a été confronté rapidement après sa création à une diminution très significative de ses moyens , comme en témoigne le tableau infra qui illustre la baisse continue du montant de sa subvention pour charges de service public (SCSP) et de son plafond d'emplois.

Évolution de la subvention pour charges de service public
et du plafond d'emplois du Cérema depuis sa création

Subvention
pour charges
de service public
(en millions d'euros)

Variation annuelle

Plafond d'emplois
(en ETPT)

Variation annuelle

2014

228,8

-

3 155

-

2015

226,3

- 1,1 %

3 152

-

2016

217,6

- 3,8 %

3 024

- 4,1 %

2017

210,8

- 3,1 %

2 899

- 4,1 %

2018

206,0

- 2,3 %

2 796

- 3,6 %

2019

201,4

- 2,2 %

2 695

- 3,6 %

2020

196,7

- 2,3 %

2 594

- 3,7 %

2021

191,1

- 2,8 %

2 507

- 3,3 %

2022

189,0

- 1,1 %

2 496

- 0,4 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Dès le début du quinquennat, le Gouvernement a annoncé qu'il poursuivrait la réduction des moyens du Cérema chaque année jusqu'en 2022 :

- la baisse du plafond d'emplois devait atteindre -100 ETPT par an pendant cinq ans , ce qui correspondra à une chute des effectifs de l'établissement de 17 % sur la période et de 20 % entre 2015 et 2022 , avec un objectif d'atteindre le plafond de 2 400 ETPT en 2022 ;

Évolution du plafond d'emplois prévu et exécuté (2015-2022)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

- la SCSP , qui compte pour environ 80 % des ressources de l'établissement, devait diminuer d'environ 5 millions d'euros par an.

Évolution de la subvention pour charges de service public
effectivement versée au Cérema depuis sa création

(en euros)

Source : Céréma

Bien qu'atténuées, ces trajectoires rigoureuses se prolongent en 2022 puisqu'une nouvelle baisse de la SCSP d'environ 2 millions d'euros est prévue. En tenant compte de la mise en réserve , le niveau de la SCSP qui devrait être réellement perçue en 2022 par l'établissement tomberait en dessous de 186 millions d'euros .

Le plafond d'emplois diminue quant à lui à 2 496 ETPT tandis que le schéma d'emplois du Cérema reste négatif à hauteur de 40 ETP.

Schémas d'emplois 2017-2022

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette nouvelle baisse d'effectifs devrait conduire l'établissement à ne plus disposer, à la fin de l'année 2022 , que de 2 382 ETP sous plafond , soit un niveau inférieur à l'objectif de 2 400 ETP qui avait été fixé comme cible dans le cadre du plan de restructuration de l'établissement. Cette nouvelle baisse d'effectifs pourrait fragiliser le modèle de l'établissement et contribuer à démotiver les personnels .

Par ailleurs, il apparaît que l'établissement a sur-exécuté par le passé les schémas d'emplois qui lui avaient été imposés. C'est-à-dire qu'il a procédé à plus de suppressions d'effectifs que ce qui lui était demandé . Pour autant, dans la mesure où le schéma d'emplois s'impute sur les ETP exécutés et non sur le plafond d'emploi théorique, le Cérema s'est ainsi retrouvé pénalisé , ses efforts de rationalisation complémentaires n'étant pas pris en compte pour aménager la chronique des schémas d'emplois.

Lors de ses auditions, le rapporteur spécial a été informé que des discussions avaient cours actuellement avec la direction du budget pour tenir compte de cette situation et imaginer un dispositif d'ajustement. En attendant l'aboutissement de ces échanges et parce qu'il considère qu'il est nécessaire qu'ils aboutissent, le rapporteur spécial propose ainsi des amendements qui ont pour objet d'annuler la suppression de 40 ETP prévue en 2022. Il s'agit notamment de majorer de 2 millions d'euros le montant de la SCSP prévue au titre du prochain exercice budgétaire.

Les dépenses de personnel de l'établissement devraient s'établir à 195,7 millions d'euros en 2022 , en légère diminution (- 0,4 %) par rapport à leur niveau prévisionnel en 2021.

Évolution des dépenses de personnel depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La forte diminution des effectifs et de la subvention versée au Cérema avait débouché sur une crise à l'automne 2017 qui s'était traduite par la démission de son Président puis de son directeur général.

Depuis 2019 l'établissement dispose d'un projet stratégique baptisé « Cerem'Avenir » . Pour accompagner la mise en oeuvre de ce plan stratégique et les profondes restructurations conduites par le Cérema, celui-ci a bénéficié d'un financement de 12,3 millions d'euros sur 4 ans du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). Pour mener à bien ses restructurations internes, l'établissement peut aussi s'appuyer sur une subvention du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH).

Par ailleurs le conseil d'administration du Céréma a adopté un nouveau projet stratégique pour la période 2021-2023 le 15 avril 2021 , puis un contrat d'objectifs et de performance (COP) le 7 octobre de la même année.

La progression des ressources propres perçues par l'établissement constitue un signe encourageant qui restera à confirmer . Inférieur à 24 millions d'euros en 2015, le montant de ces recettes devrait atteindre 37 millions d'euros en 2021 .

Évolution des ressources propres depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

L'établissement vise un objectif ambitieux d'augmentation des ressources propres issues de son activité auprès des collectivités d'environ 14 millions d'euros au cours des trois prochaines années . Pour l'exercice 2022, il espère porter ses ressources propres à 48 millions d'euros, ce qui constituerait une augmentation très sensible de près de 30 % en un an.

L'appui à l'adaptation des territoires au changement climatique a été inscrit comme la priorité du nouveau plan d'affaires de l'établissement. Le rapporteur spécial considère cette stratégie comme tout à fait pertinente et source de promesses pour l'avenir.

Néanmoins, pour pouvoir développer ses ressources propres dans de telles proportions, l'établissement a besoin de moyens et d'effectifs. Le rapporteur spécial note que demander à l'établissement d'accroître ses ressources propres tout en lui imposant des trajectoires budgétaires rigoureuses peut s'interpréter comme une forme d'injonction contradictoire .

Les dépenses d'investissement de l'établissement, historiquement très insuffisantes, devraient néanmoins progresser en 2021 pour s'établir à 9,3 millions d'euros . Depuis 2017, elles oscillaient entre 5 et 8 millions d'euros.

Pour le rapporteur spécial, le niveau beaucoup trop faible des investissements réalisés par le Cérema constitue une fragilité majeure . La poursuite de la trajectoire budgétaire rigoureuse appliquée au Céréma depuis sa création pourrait structurellement le priver des capacités à financer les investissements indispensables à la préservation de ses capacités de production. Il existe un risque réel que l'obsolescence des outils techniques de l'établissement conduise à dégrader sa capacité d'expertise.

En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 20 ( * ) a dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cérema, estimant que la trajectoire financière et budgétaire actuelle de l'établissement « engage son pronostic vital » . Le rapport a notamment pointé ce déficit chronique d'investissement le jugeant « très préoccupant » et loin des 14 millions d'euros annuels qu'il estime nécessaires pour préserver la capacité de production du Cérema et prévenir son déclassement technique.

Dénonçant des injonctions paradoxales de l'État , le rapport estime également que le nouveau projet stratégique du Cérema et les opportunités qu'il pourrait tirer d'une nouvelle gouvernance qui en ferait un outil conjoint entre l'État et les collectivités, ne pourraient être concrétisés qu'à condition que l'établissement voit sa SCSP réévaluée à 200 millions d'euros et ses effectifs à 2 600 ETP .

2. Le modèle économique du Cerema pourrait s'orienter vers une quasi-régie conjointe entre l'État et les collectivités territoriales dont les perspectives resteront à confirmer

En 2020 , le Cérema a réalisé des prestations rémunérées en faveur de 400 collectivités et pour un montant de recettes de 11,3 millions d'euros qui représente 33 % de son chiffre d'affaires . Le rapporteur spécial note avec satisfaction que la part des services rendus aux collectivités dans l'ensemble des activités de l'opérateur a progressé puisqu'en 2019 les services aux collectivités n'avaient généré que 9,4 millions de recettes pour 31 % du chiffre d'affaires.

L'article 48 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit « 3DS » trace la perspective d'un nouveau modèle économique du Céréma . Pour renforcer ses liens avec les collectivités territoriales et mieux répondre à leurs besoins, le texte de loi prévoit de faire de l'établissement un véritable outil commun entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique de quasi-régie conjointe . Alors que dans le texte initial le Gouvernement prévoyait de concrétiser cette évolution par ordonnance, le Sénat a proposé d'inscrire cette réforme directement dans le texte de loi en discussion.

À court terme, en s'appuyant sur la nouvelle gouvernance constituée par cette quasi-régie conjointe, le Cérema a pour objectif d'accompagner 500 collectivités par an à travers ses services d'ingénierie territoriale.

Si la perspective de la quasi-régie conjointe semble pouvoir constituer une opportunité pour l'établissement et qu'elle mérite d'être expérimentée , le rapporteur spécial n'est pas encore totalement convaincu de l'appétence des collectivités territoriales pour ce nouvel outil.


* 20 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.

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