BUDGET ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) , administration centrale de l'État, joue un triple rôle de prestataire de service , de prescripteur de règles et de régulateur du transport aérien en France :

- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;

- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;

- elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, aéroports, industries aéronautiques) ;

- elle lutte contre les nuisances , en particulier sonores et atmosphériques , générées par le transport aérien ;

- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;

- elle favorise le développement de l'aviation légère.

C'est la mission « Contrôle et exploitation aériens » qui retrace, dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de production de biens et de prestation de services de la DGAC .

Cette mission et la mission « Publications officielles et information administrative » constituent les deux seuls exemples de budgets annexes du budget de l'État .

I. ALORS QUE LA REPRISE DU TRANSPORT AÉRIEN EST PROGRESSIVE ET FRAGILE, LE SOUCI DE LA COMPÉTITIVITÉ DES COMPAGNIES AÉRIENNES NE DOIT PAS ÊTRE NÉGLIGÉ DANS LA CONSTRUCTION DU BACEA

Les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) sont très largement déterminées par le trafic aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également du trafic qui survole notre territoire. Aussi, depuis 2020, l'équilibre économique du BACEA est-il totalement bouleversé par les répercussions de la crise sanitaire sur le transport aérien.

A. SI LE SECTEUR AÉRIEN COMMENCE À ENTREVOIR LA SORTIE DU TUNNEL, IL EST ENCORE EN QUÊTE DE VISIBILITÉ SUR SON AVENIR

1. Après son effondrement brutal en 2020, le trafic reprend mais les perspectives demeurent incertaines
a) La crise sanitaire a mis un terme brutal et totalement inattendu à une période de croissance du trafic aérien que beaucoup considéraient comme un acquis

Pendant une décennie, entre 2009 et 2019 , le trafic aérien en France a connu une croissance annuelle moyenne de 3,9 %. En 2019, 201 millions de passagers avaient voyagé sur des vols internationaux et intérieurs desservant les aéroports français.

Cette croissance régulière était tout particulièrement stimulée par le trafic international, en augmentation moyenne de 4,4 % et dans une moindre mesure par le trafic reliant la métropole aux outre-mer (+ 3,9 %). La croissance annuelle moyenne du marché domestique sur la période était quant-à-elle contenue à 2 %.

Alors que les conséquences de la crise persistent, on constate aujourd'hui que cette analyse se trouve être totalement renversée puisque ce sont les vols domestiques qui tirent principalement la reprise alors que l'activité long courrier internationale reste largement atone .

À partir de 2020, la crise sanitaire s'est traduite par un effondrement historique du trafic aérien . Ainsi, avec une baisse de 69,7 % en passagers kilomètres transportés (PKT), l'année 2020 a été la pire année de l'histoire du transport aérien en Europe. D'après les données de l'IATA, le trafic international a chuté de 73,3 % .

Évolution du trafic aérien (2010-2020)

(en PKT)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial d'après les données de l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'association du transport aérien international (IATA)

En nombre de mouvements d'aéronefs, Eurocontrol, a noté une diminution de 6,13 millions de vols en Europe en 2020. En France, la diminution du nombre de vols contrôlés s'est élevée à près de 60 % en 2020 .

Comme l'illustre le tableau ci-après, en France, entre 2019 et 2020, le nombre de passagers transportés a été divisé par trois.

Évolution du trafic aérien en France en nombre de passagers transportés,
entre 2019 et 2020

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

La dégradation de la situation sanitaire à la sortie de l'été 2020 a mis un coup d'arrêt au début de reprise amorcé depuis le mois de juin avant que le deuxième confinement de novembre fasse baisser à nouveau le trafic à 12 % de son niveau de 2019 .

Évolution mensuelle du trafic aérien en France en 2020
à partir d'une base 2019

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Une lente reprise et des hypothèses encore incertaines de retour au trafic d'avant crise entre 2024 et 2029

En juin 2021, en Europe , avant la reprise intervenue au cours de l'été, le trafic aérien restait inférieur de 77,4 % (en PKT) à son niveau de 2019. À compter du mois de mai 2021, un début de reprise a été observé en Europe. Au mois de juin 2021 , le trafic avait atteint 50 % de son niveau de 2019.

Il est notable que le fret aérien a été plus résilient que le transport de passagers et qu'il est même devenu une source non négligeable de revenus pour certaines compagnies . En 2020, le trafic de fret a été équivalent à son niveau de 2019. Le segment tout cargo a même été le seul, au sein de l'écosystème aérien, à enregistrer un taux de croissance positif en 2020 (+ 2,3 %). Le remplissage des soutes des aéronefs par du fret a permis de maintenir de nombreux vols qui, à défaut, auraient dû être supprimés.

En France , au cours des six premiers mois de l'année 2021 , le trafic aérien était en recul de 81% 21 ( * ) par rapport à la même période en 2019. Le mois de juin 2021 a confirmé la reprise qui s'était amorcée en mai avec un trafic atteignant 28,3% du niveau observé en juin 2019.

Dans ce contexte de baisse de fréquentation, le pavillon français tire son épingle du jeu dans la mesure où sa part de passagers transportés progresse pour s'établir à 58,3% ( + 14,9 points par rapport au premier semestre 2020). Même constat s'agissant des PKT, où la part du pavillon français représente 67,8 % du total et gagne 13 points par rapport au premier semestre 2020. Cette évolution résulte de la plus forte présence commerciale des transporteurs français sur les faisceaux géographiques qui ont été le moins affectés par les répercussions de la crise sanitaire (Métropole/Métropole et Métropole/Outre-Mer).

Les hypothèses de reprise du trafic restent enveloppées d' incertitudes . Une chose est sûre, cette reprise sera plus rapide sur le trafic domestique et de loisir que sur le trafic international et les voyages d'affaires .

Depuis le début de la crise, Eurocontrol a proposé différents scénarii d'évolution du trafic 22 ( * ) . Les niveaux de trafic actuels en nombre de vols sont en ligne avec le scénario optimiste , qui prévoit que le trafic aérien atteindra en décembre 2021 79 % du trafic qu'il avait à la même période en 2019 . Dans sa prévision plus long terme, Eurocontrol prévoit un retour du trafic aux niveaux de 2019 entre 2024 et 2029 . Ces prévisions sont en accord avec celles de l'association professionnelle ACI Europe 23 ( * ) qui prévoit une baisse du trafic de passagers de 64 % en 2021 par rapport à 2019 et un retour au trafic de 2019 entre 2024 et 2029.

Selon les projections de la DGAC , en l'absence de nouveau choc exogène, le trafic de passagers en 2021 en métropole devrait se situer entre 51 et 69 millions de passagers, soit entre 29 % et 40 % du trafic de 2019 .

Pour concevoir le budget du BACEA en 2022, la DGAC s'est fondée sur un trafic à 67 % de son niveau de 2019 .

L'année dernière, le rapporteur spécial avait souligné dans son rapport budgétaire à quel point la DGAC avait été beaucoup trop optimiste dans les hypothèses de trafic qu'elle avait retenue pour 2021. En effet, elle s'était basée sur un trafic inférieur de 30 % à son niveau de 2019 alors que sur l'ensemble de l'année 2021, il pourrait être en retrait d'environ 65 % par rapport à la situation d'avant crise. Le rapporteur spécial avait ainsi constaté que le projet de budget présenté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021 était déjà caduque avant même d'être voté .

2. Le pavillon français reste extrêmement fragilisé et souffrirait grandement d'une augmentation importante des redevances dans cette période de lente convalescence

Avant la crise sanitaire, les compagnies françaises, et notamment Air France, étaient déjà fragilisées par la concurrence des compagnies à bas coût ( Easy Jet , Ryanair ) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe et des compagnies du Golfe persique ( Etihad , Qatar Airways, Emirates ) sur le long courrier, en particulier à destination de l'Asie. Les compagnies françaises pâtissent d'une structure de coûts très défavorable .

En ce qui concerne les 17 compagnies françaises exploitant des appareils de plus de 20 places, le cumul des résultats nets en 2020 traduit une perte globale d'environ 5,5 milliards d'euros , dont 5,2 milliards d'euros pour le seul groupe Air France .

Pour soutenir les compagnies, l'État a mis en oeuvre une série de mesures . Les compagnies aériennes ont notamment recouru aux dispositifs de droit commun : activité partielle , prêts garantis par l'État (PGE), moratoire sur les charges sociales ou encore prise en charge des coûts fixes .

Elles ont également pu se saisir de mesures spécifiquement conçues pour le secteur aérien tel que le moratoire sur les taxes et redevances de l'aviation civile. Par ailleurs, l'État a consenti des aides individuelles négociées au cas par cas en faveur des opérateurs les plus affectés comme le groupe Air France ou Corsair . Le rapporteur spécial se félicite qu'en partie grâce à ces mesures, et malgré le choc économique considérable de l'année 2020, aucune faillite de compagnie aérienne n'a été à déplorer jusqu'à présent. Il reste cependant très inquiet pour l'avenir .

Plusieurs compagnies présentent une situation financière très délicate et ont de nouveaux besoins de financement alors que leur dette s'est sensiblement accrue .

Le rapporteur spécial note que dans les réponses à son questionnaire budgétaire la DGAC souligne à quel point « de fortes incertitudes subsistent sur l'état des compagnies aériennes en grandes difficultés financières » . Le rapporteur spécial appelle à tenir compte de cette situation pour trouver des moyens de contenir la progression des redevances pesant sur les compagnies.

3. Le soutien de l'État à Air France devra se traduire par une nouvelle recapitalisation

Pour préserver sa trésorerie, le groupe a eu recours à l'activité partielle et réduit significativement ses investissements ainsi que ses dépenses non essentielles.

Alors qu'elle avait atteint un résultat net positif de 53,6 millions d'euros, la compagnie Air-France a affiché une perte nette de 4,8 milliards d'euros en 2020 24 ( * ) .

En tant qu'actionnaire d'Air-France KLM, l'État a pris des mesures pour soutenir le groupe face aux répercussions de la crise. Ainsi, en 2020 , il a octroyé trois milliards d'euros d'avances en compte courant d'actionnaire ainsi que des garanties de prêts bancaires à hauteur de 90 % pour un montant de quatre milliards d'euros .

En avril 2021 , l'État a participé, à hauteur de 593 millions d'euros , à une augmentation de capital du groupe de 1 036 millions d'euros et a décidé de convertir en quasi-fonds propres le prêt d'actionnaire de trois milliards d'euros, précédemment cité, qui avait été accordé en 2020.

Les soutiens de l'État à la compagnie sont assortis de contreparties en matière environnementale et de compétitivité (cf encadré infra ).

Les contreparties pour Air France en termes de compétitivité
et d'engagements environnementaux : l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de transformation, de rebond et de transition écologique

Les soutiens publics en faveur d'Air France-KLM étaient conditionnés au respect de contreparties , en particulier s'agissant d'Air France.

Alors que la santé économique et financière de l'entreprise était fragile depuis de nombreuses années, sa direction s'est engagée à accélérer la mise en oeuvre du plan de transformation , destiné à améliorer la compétitivité du groupe, qu'elle avait annoncé au mois de novembre 2019.

Ce plan visait à doubler le bénéfice d'exploitation d'Air France-KLM d'ici à 2024 pour atteindre une marge opérationnelle de 7 % à 8 %, contre 4,8 % en 2019 (et 2,1 % seulement pour Air France).

Le volet social du programme de transformation n'était pas le moins profond. Le groupe a annoncé début juillet 2020 la suppression de 7 580 emplois d'ici fin 2022 pour Air France (16 % des effectifs) et sa filiale Hop ! (40 % des effectifs).

L'entreprise doit aussi réaliser d'importants efforts en matière environnementale , dans le but de réduire de 50 % les émissions de CO 2 de ses vols métropolitains à la fin de l'année 2024 .

Air-France s'est engagée à une restructuration complète de son réseau domestique d'ici 2023 . Aussi, avant que cette disposition soit adoptée dans le cadre de l'article 145 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Air France s'était-elle engagée à réduire ses vols intérieurs dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire de moins de deux heures et demie.

L'entreprise va également devoir accélérer le renouvellement de sa flotte au profit d'aéronefs moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Sur le long courrier, les Airbus A340 vont progressivement cesser d'être utilisés alors que vont être livrés des A350 qui consomment 25 % de carburant de moins. Sur le moyen-courrier, des Airbus A220 doivent remplacer des A318-319.

Enfin, la compagnie s'est vue fixer l'objectif d'une utilisation de 2 % de biocarburants à l'horizon 2025.

Source : commission des finances du Sénat

Si à partir de juin 2021, la reprise du trafic a commencé à être visible dans l'activité de la compagnie, au cours du 1 er semestre , le trafic de passagers du groupe était en recul de 38,7 % par rapport à celui de 2020. Aussi, lors de ce 1 er semestre, le Groupe Air-France KLM a-t-il réalisé un chiffre d'affaires de 4,9 milliards d'euros, en baisse de 20,8 % par rapport à l'année précédente. Le résultat d'exploitation du groupe, restait négatif à hauteur de 1,9 milliard d'euros mais connaissait néanmoins une amélioration de 18,5 %.

Pour la première fois depuis le début de la crise sanitaire, le flux de trésorerie libre est devenu positif au second trimestre 2021 . Au cours du 1 er semestre 2021, il s'est établi à - 1 134 millions d'euros, en amélioration de 51,3 % par rapport au 1 er semestre 2020.

Au troisième trimestre 2021 , à la faveur du rebond du trafic constaté pendant l'été, le groupe Air-France KLM a annoncé un résultat d'exploitation positif de 132 millions d'euros , stimulé par les performances de Transavia. Grâce aux premières mesures de renforcement des capitaux propres présentées supra , la situation de la dette nette du groupe s'est améliorée par rapport à la fin de l'année 2020 (réduction de 3 milliards d'euros).

La réouverture du territoire des États-Unis le 8 novembre 2021 doit constituer une bouffée d'oxygène pour Air-France .

Pour autant, une nouvelle recapitalisation semble inévitable . Les capitaux propres du groupe restaient négatifs à hauteur de 3,6 milliards d'euros en juin 2021 (5,4 milliards d'euros en fin d'année 2020). Le 26 octobre 2021, Martin Vial, le directeur de l'Agence des participations de l'État, a d'ailleurs confirmé que « si nécessaire, l'État actionnaire sera présent pour la deuxième étape de renforcement des fonds propres » .

4. La transition écologique du transport aérien doit être stimulée à court terme par le plan de relance et, à horizon 2030, par le plan d'investissement
a) Si elle n'a pas été épargnée par la crise, l'industrie aéronautique, soutenue par l'État, est désormais en phase de rebond

Au plus fort de la crise, les compagnies aériennes avaient dû décaler ou même annuler des prises de livraison d'appareils. Les commandes à l'industrie aéronautique en France se sont établies à 28,2 milliards d'euros en 2020, en baisse de 55 %. En 2020, Airbus a livré 566 aéronefs sur le marché de l'avion civile contre 863 en 2019. Il a par ailleurs enregistré 268 commandes nettes sur cette même année contre 768 en 2019. La baisse des livraisons de nouveaux avions sur la période 2020-2024 est évaluée entre 40 et 60 % . Elle touchera tout particulièrement le segment des long-courriers.

Pour tenir compte de ces diminutions de commandes, les cadences de production des avionneurs avaient alors été drastiquement réduites .

En mars 2020, Airbus avait ainsi décidé de revoir nettement à la baisse ses cadences : 40 A320 par mois (contre 60 avant la crise), 5 A220 (contre 6 ), 2 A330 (contre 4 ) et 6 A350 (contre 10 ), cette dernière cadence ayant été encore diminuée en juillet 2020 ( 5 appareils ).

Au-delà des grands donneurs d'ordre que sont Airbus, Safran ou Dassault, la France est le seul pays au monde avec les États-Unis à disposer d'une industrie complète de constructeurs et d'équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la conception et la construction d'un aéronef. Le risque était grand que l'intégrité de la supply chain soit menacée par la crise du transport aérien.

En 2020 , les sociétés adhérentes du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le GIFAS, ont enregistré un chiffre d'affaires de 50,9 milliards d'euros, en repli de 32 % par rapport à 2019.

Plusieurs dizaines de milliers d'emplois étaient menacés dans un secteur hautement stratégique et pourvoyeur d'excédent commercial pour le France. La mise en place de mesures exceptionnelles en faveur de l'activité partielle a permis d'amortir les conséquences de la crise sur les effectifs de la filière. D'après les chiffres de l'INSEE, ceux-ci n'ont baissé que de 5 % en 2020, soit environ 8 800 suppressions d'emplois, alors que l'activité globale du secteur aéronautique s'est repliée de 30 % . Les sous-traitants ont toutefois été les plus touchés, leurs effectifs ayant baissé de 7,5 % pour une baisse contenue à 0,9 % chez les grands donneurs d'ordres.

Par ailleurs, la filière aéronautique a largement souscrit aux prêts garantis par l'État (PGE), pour un montant global de 1,5 milliard d'euros. Les concours de l'État au secteur ont par ailleurs été complétés en septembre 2020 par un outil dédié à la problématique de l'accumulation de stocks chez les sous-traitants aéronautique, le PGE dit « Aéro » .

Le dispositif d' activité partielle de longue durée (APLD) a également été mobilisé par le secteur et ouvert la voie à l'aboutissement de certains plans de sauvegarde de l'emploi (PSE).

Les garanties à l'export gérées par Bpifrance assurance export (BPIAE) et les anticipations de commandes publiques , notamment du ministère des armées, ont permis de soutenir l'industrie aéronautique.

L'État a également décidé de participer à hauteur de 150 millions d'euros 25 ( * ) au fonds « Ace Aéro Partners » , géré par la société Ace Capital Partners , et créé à l'initiative des donneurs d'ordre Airbus, Safran, Dassault aviation et Thales. Ce fonds a pour objet de renforcer les fonds propres des PME-ETI stratégiques de la filière aéronautique et de stimuler la nécessaire consolidation du secteur . Le fonds a déjà participé à cinq opérations de rachats ou de prises de participations . D'autres opérations structurantes sont en réflexion et devraient aboutir dans les prochains mois. D'ici la fin de l'année , il devrait déjà avoir investi 200 millions d'euros dans la filière aéronautique pour un total de 750 millions d'euros de fonds levés .

Enfin, la direction générale des entreprises (DGE) pilote un fonds de soutien aux investissements de modernisation , doté de 300 millions d'euros et qui s'adresse notamment à l'industrie aéronautique 26 ( * ) . Après un appel à manifestation d'intérêt (juin-juillet 2020), un appel à projets a été ouvert en septembre 2020 et reconduit en 2021 pour toutes les entreprises qui avaient réalisé au moins 15 % de leur chiffre d'affaires dans le secteur aéronautique au cours des deux dernières années. À la fin du mois de juillet 2021, 340 projets ont été retenus , représentant près de 608 millions d'euros d'investissements industriels et soutenus à hauteur de 269 millions d'euros par l'État. Les PME ont été les premières bénéficiaires du dispositif avec 232 projets lauréats, soutenus à hauteur de 174 millions d'euros pour un total de 341 millions d'euros d'investissements.

Désormais, en 2021, un vent d'optimisme et de rebond anime le secteur de l'industrie aéronautique et l'heure est à la remontée des cadences de productions. Si cette perspective est encourageante , elle met les sous-traitants sous pression . Il n'est pas dit qu'ils puissent suivre le rythme , d'autant que les tensions de recrutement sont très fortes.

Airbus donne la priorité à la montée en cadence de la famille A320 . Ainsi, il prévoit une cadence mensuelle de 45 A320 pour le quatrième trimestre 2021, 64 au deuxième trimestre 2023 et envisage même un scénario à 70 avions par mois en 2024, pouvant atteindre 75 appareils en 2025. Sur le segment long-courrier, Airbus prévoit de faire passer la cadence actuelle de cinq A350 par mois à six à l'automne 2022.

Au premier semestre 2021, Airbus a livré 297 avions, contre 196 sur la même période en 2020, et enregistré un chiffre d'affaires de 17,8 milliards d'euros contre 12,5 milliards au premier semestre 2020. En raison de l'amélioration de la conjoncture Airbus a actualisé à la hausse, à plus de 600 unités, ses prévisions de livraisons d'avions commerciaux en 2021 .

b) Des mesures de soutien public à l'industrie aéronautique doivent permettre d'accélérer son verdissement

Le système de soutien de l'État à la R&D de l'industrie aéronautique repose principalement sur les aides sectorielles prévues par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et qui sont gérées par la DGAC. En 2018 et 2019, le montant de ces aides, intégrées au grand plan d'investissement (GPI) , s'était élevé à 135 millions d'euros par an.

Pour faire face à l'effondrement des commandes du secteur aéronautique provoqué par la crise, le plan de relance aéronautique annoncé par le Gouvernement le 9 juin 2020 a porté ce budget de soutien à la R&D de la filière aéronautique à 1,5 milliard d'euros sur trois ans, dont 300 millions d'euros en 2020, 1 014 millions d'euros en 2021 et 186 millions d'euros en 2022 .

Consommation prévisionnelle des AE relatives au plan de soutien à la R&D aéronautique portées directement par le programme 190 ou transférées
vers ce programme depuis l'action 08 du programme 362
de la mission « Plan de relance »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette aide, sous forme de subventions directes , soutient les projets de la filière aéronautique correspondant à la feuille de route technologique que l'État fixe avec les industriels français dans une démarche partenariale au sein du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) .

L'ambition majeure de ce plan est de préparer la rupture environnementale de l'aviation tout en confortant et en transformant la majeure partie des capacités de toutes les composantes de la filière, pour :

- maîtriser dans moins d'une décennie l'intégration dans les aéronefs des technologies de rupture à même d'assurer la transition écologique du secteur . Il s'agit en particulier d'utiliser de nouvelles sources d'énergie vertes mais également de réduire massivement la consommation de carburant et la pollution émise par les avions . L'annonce la plus ambitieuse et emblématique faite en ce sens est le lancement par Airbus d'un programme visant à concevoir un avion utilisant exclusivement l'hydrogène à l'horizon 2035 ;

- gagner fortement en efficacité , ce qui rendra possible l'introduction de ces appareils verts à des coûts soutenables pour le marché .

Par ailleurs il est prévu de soutenir les projets destinés à produire , à l'échelle industrielle, des carburants durables (biocarburants avancés ou carburants synthétiques) destinés principalement à l'aéronautique. L'objectif est de permettre leur incorporation aux carburants aéronautiques de nature fossile à raison de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030 . Ce soutien aux projets de production de carburants durables est estimé à 400 millions d'euros sur les années 2021 et 2022.

À la fin du mois de juillet 2021 , sur l'entièreté du périmètre du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique 27 ( * ) , 142 projets 28 ( * ) avaient été conventionnés pour un engagement total de subventions de 970 millions d'euros et des versements déjà effectifs de 343 millions d'euros . La DGAC prévoit que la totalité des AE du volet R&D du plan de soutien aéronautique seront consommés d'ici le premier semestre 2022 , avec une cible de 200 projets conventionnés. Le rythme de consommation prévisionnel des CP est quand-à-lui présenté dans le graphique ci-après.

Consommation prévisionnelle des CP relatifs au plan d'aide
à la R&D aéronautique (2020-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La répartition des soutiens correspond à l'implantation régionale des emplois de R&D de la filière, l'Ile-de-France et l'Occitanie concentrant chacune environ 40 % des soutiens.

Les crédits destinés au soutien à la R&D aéronautique font partie intégrante du programme national de relance et de résilience (PNRR) présenté par le Gouvernement à la Commission européenne le 28 avril 2021 au titre de la facilité pour la reprise et la résilience mise en place dans le cadre du plan de relance européen.

c) Un nouveau plan d'investissement pour développer un avion bas carbone d'ici 2030

Le 7 octobre 2021, le Président de la république a annoncé un plan d'investissement à horizon 2030 qui comporte notamment un volet aéronautique . Ce dernier vise à soutenir la production, d'ici 2030, du premier « avion bas carbone » . Il s'agirait de promouvoir la conception d'un appareil régional, hybride électrique ou alimenté à l'hydrogène , qui entrerait en service en 2030 après le développement d'un démonstrateur dès 2028. L'appareil serait la première marche préparatoire à la conception d'un aéronef moyen-courrier à propulsion hydrogène d'ici 2035.

Dans un amendement au projet de loi de finances pour 2022 , le Gouvernement a proposé d'ouvrir 1,2 milliard d'euros en AE et 150 millions d'euros en CP dès l'année prochaine sur le nouveau programme 424 « Financement des investissements stratégiques » de la mission « Investissements d'avenir » rebaptisée « Investir pour la France de 2030 » .

Si le rapporteur spécial se félicite que l'État renforce, sur le long terme, son soutien à la transition écologique du transport aérien, il note que la gouvernance et le pilotage de ce programme, notamment sa coordination avec le CORAC, doivent encore être précisés .


* 21 16,4 millions de passagers transportés.

* 22 En mai 2021, Eurocontrol a revu ses prévisions de trafic autour de trois scenarii. Pour 2021, l'organisme européen table à présent sur un trafic aérien européen en mouvements compris entre 43 % et 56 % de son niveau d'avant crise. En 2024, le scenario le plus prudent suggère que la crise pourrait être loin d'être finie (trafic aérien de 74 % comparé au niveau d'avant crise) quand le scénario optimiste prévoit qu'elle serait tout juste surmontée (trafic aérien de 105 % comparé au niveau d'avant crise).

* 23 Airports council international Europe.

* 24 La perte a atteint 5,2 milliards d'euros pour l'ensemble du groupe Air-France KLM.

* 25 Ces crédits sont portés par le programme 358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire » de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire ».

* 26 Ces crédits sont inscrits à l'action 08 « Énergie et technologies vertes » du programme 362 « Écologie » au sein de la mission « Plan de relance ».

* 27 C'est-à-dire en incluant les 75 millions d'euros prévus à l'action aéronautique de la mission « Investissements d'avenir ».

* 28 Concernant plus de 120 équipementiers, ETI et PME et 34 organismes de recherche.

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