B. EN DÉPIT DES CONSÉQUENCES DE LA CRISE, LES INVESTISSEMENTS DANS LES GRANDS PROGRAMMES DE MODERNISATION DE LA NAVIGATION AÉRIENNE DOIVENT ÊTRE SANCTUARISÉS

Entre 2008 et 2013, la DGAC , confrontée à la chute de ses recettes provoquée par la crise du transport aérien, avait décidé de sacrifier ses investissements et de s'endetter pour éviter d'augmenter ses redevances , ce qui aurait encore davantage mis en difficulté les compagnies aériennes.

Aussi, ses dépenses d'investissements avaient atteint un point bas de 150 millions d'euros en 2010 , très insuffisant pour engager les programmes indispensables à la modernisation d' outils de navigation aérienne hors d'âge . Ces dépenses ont amorcé une lente progression à compter de l'année 2011 . Les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne ont amené la DGAC à accroître sensiblement le montant de ses investissements.

Malgré les conséquences de la crise, la DGAC avait maintenu ses dépenses d'investissement à un niveau élevé en 2021. Le rapporteur spécial note que les dépenses d'investissement devraient augmenter de 10,2 millions d'euros en 2022 (+3,3 %) pour s'établir à 322,7 millions d'euros .

Il constate avec satisfaction que la majeure partie de cette augmentation (7,5 millions d'euros) concerne les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne qu'il est plus que jamais indispensable de faire aboutir pour améliorer les services rendus par la DSNA. L'attente des compagnies et de l'écosystème de la navigation civile sur ce point sera d'autant plus forte dans un contexte de hausse significative des redevances de navigation aérienne. Il ne serait pas compréhensible pour les acteurs économiques du secteur que les services de la navigation aérienne délivrent une qualité de service insuffisante alors que, dans le même temps, les taux unitaires des redevances aériennes augmentent.

Les dépenses d'investissement de la DGAC depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

1. Il est désormais indispensable que la DSNA mène rapidement à bien ses programme de modernisation du contrôle aérien sans nouveaux délais ni surcoûts

Le programme 612 « Navigation aérienne » contient à lui seul environ 85 % des dépenses d'investissement du BACEA, avec 265,7 millions d'euros en AE et 275,1 millions d'euros en CP . 8 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits sont par ailleurs attendus en 2022 en faveur du contrôle aérien. En confortant son effort en matière d'investissement, la DSNA entend parvenir à mettre à niveau des équipements datés afin de pouvoir, à l'avenir, faire passer le trafic dans de meilleures conditions .

Évolution des CP inscrits en loi de finances initiale sur le programme 612

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Pour parvenir à cet objectif, la DSNA devra résoudre les difficultés soulevées par le rapporteur spécial dans son rapport d'information du 13 juin 2018 « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », et notamment :

- l'augmentation des retards provoquée par le manque de capacités du contrôle aérien français, qui coûtait, avant la crise, 300 millions d'euros par an aux compagnies aériennes ;

- l'obsolescence des systèmes de la DSNA, qui tend à faire d'eux un « facteur bloquant » pour la modernisation technologique du ciel unique européen .

2. Des grands programmes dont le coût représente près de deux milliards d'euros pour les finances publiques

Dans la perspective d'améliorer ses performances, la DSNA poursuit plusieurs grands programmes techniques destinés à modifier en profondeur le travail des contrôleurs aériens dans les centres en-route, les centres d'approche et les tours de contrôle des aérodromes.

Le coût total de ces programmes est particulièrement conséquent. Il s'élève à environ 1 950 millions d'euros. La durée de conception de ces programmes s'avère particulièrement longue.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2020

Coût 2021

Coût total programme après 2021

Coût total programme

4-Flight

2011-2027

590,8

49,0

210,4

850,2

Coflight

2003-2027

198,8

37,5

101,7

338,0

Sysat

2012-2032

54,7

47,9

327,4

430,0

Data Link

2006-2022

31,3

0,7

2,0

34,0

Autres programmes

-

120,5

36,2

140,5

297,2

Total

-

996,1

171,3

782,0

1 949,4

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces programmes, dont certains ont été lancés au début des années 2000, ont pris un retard considérable , qui nuit à la performance délivrée par les services de la navigation aérienne.

4-Flight , nouveau système de contrôle complet conçu par l'industriel Thalès et principal programme porté par la DSNA, devait être livré en 2015 . Or, la DSNA ne doit commencer à le déployer qu'au printemps 2022, dans le centre en-route de Reims . Il doit ensuite être déployé dans le centre d'Aix-en-Provence avant la fin de l'année 2022 puis à Athis-Mons en 2023.

Le déploiement complet de 4-Flight dans l'ensemble des centres en-route et le décomissionnement de l'outil actuel CAUTRA n'est plus envisagé qu'en 2026 , soit avec onze années de retard sur le calendrier initial.

Ces programmes se sont aussi traduits par d'importants surcoûts dont 267 millions d'euros pour 4-Flight ou 163 millions d'euros pour Coflight.

3. Une réforme de la gouvernance des programmes était indispensable pour remédier à la dérive des coûts et des délais

Dans son rapport précité, le rapporteur spécial s'était vivement inquiété de ces retards et de ces surcoûts. Il s'était également interrogé sur la qualité de la programmation financière de la DSNA et sur la conduite globale de la modernisation de ses systèmes , menée par sa direction de la technique et de l'innovation (DTI).

Confirmée par un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), la situation a amené la DSNA à entreprendre une réforme de la gestion de ses grands programmes . Elle a renforcé la gouvernance de ces programmes en réalisant des revues générales techniques périodiques supervisées par un Comité de surveillance externe. Elle a également créé une fonction de délégué aux grands programmes placée directement auprès du directeur de la DSNA.

4. Avec un retard considérable par rapport au calendrier initial, le déploiement du programme 4-Flight doit enfin démarrer au printemps 2022 pour s'achever en 2026

À la suite de la parution du rapport sénatorial, la DSNA avait finalisé en novembre 2018 pour un coût de 121 millions d'euros TTC la signature d'un avenant avec Thalès sur 4-Flight portant sur le complément de développement, le partage des surcoûts et les premières mises en services opérationnelles. Cet avenant était supposé enfin garantir l'achèvement du projet dans les délais prévus.

Néanmoins, en janvier 2020 de nouvelles difficultés ont été identifiées en matière d'assurance logicielle. Un groupe de travail a alors été mis en oeuvre entre Thalès et la DSNA et les délais de mise en service ont une nouvelle fois dérivé .

En conséquence, la mise en service du système est désormais prévue au deuxième trimestre 2022 dans le seul centre en--route de Reims , au troisième trimestre 2022 dans celui d'Aix-en-Provence et avant la fin 2023 dans celui d'Athis-Mons et les dernières mises en service sont à ce jour prévues en 2026.

5. Mise sous pression par une procédure en manquement de la Commission européenne la DSNA doit rapidement mener à bien le programme « Data Link »

La France et cinq autres pays européens sont actuellement sous le coup d'une procédure en manquement de la Commission européenne en raison du manque d'équipements permettant les communications par liaison de données entre les contrôleurs aériens et les pilotes . En mai 2020 , la France avait reçu une première mise en demeure de la Commission suivi, en février 2021, d'une nouvelle lettre de mise en demeure complémentaire. En juillet , la procédure en manquement a atteint le stade de l' avis motivé , dernière étape avant une éventuelle l'amorce d'une éventuelle phase contentieuse se traduisant par la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne par la Commission.

Conformément au règlement (CE) n° 29/2009 de la Commission, chaque État membre doit prendre des mesures pour que les prestataires de services de la navigation aérienne fournissent et exploitent ces services de liaisons de données. Les communications par liaisons de données entre un aéronef et le sol doivent venir compléter les communications vocales traditionnelles entre la cabine de pilotage et les contrôleurs aériens. Le déploiement de cette technologie est nécessaire pour renforcer la performance du contrôle de la navigation aérienne.

Pour se mettre en conformité avec les normes européennes, la DSNA doit rapidement développer et mettre en oeuvre le programme dit « Data Link » de « liaison digitale sol-bord ». Trois des quatre services de liaisons de données sont en fonctionnement depuis 2016 tandis que le quatrième service a été mis en oeuvre en 2018 dans les centres de contrôle en-route de Brest et de Bordeaux. L'extension de ce dernier aux centres d'Aix-en-Provence, Reims et Paris doit être effective à la fin de l'année 2021. Une dernière fonctionnalité doit être développée en 2022 . Pour 2022, 790 000 euros en AE et 560 000 euros en CP sont prévus sur ce programme dont le complet déploiement doit être achevé en 2023 .

6. Une plus grande transparence sur les coûts et les délais des programmes de modernisation de la navigation aérienne à l'attention du Parlement

Depuis maintenant trois ans, le projet annuel de performance du budget annexe « Contrôle et exploitation aérien » applique la recommandation n° 5 du rapport précité du rapporteur spécial qui proposait de « fournir au législateur des informations beaucoup plus détaillées sur les programmes de modernisation de la navigation aérienne dans le cadre des projets de loi de finances ».

Sont ainsi présentés un tableau synthétique des coûts de ces programmes et, pour chacun d'entre eux, les fonctionnalités et bénéfices attendus, les coûts détaillés du projet par année, un point d'avancement au 1 er septembre 2020 ainsi qu'une évaluation de l'évolution du coût et de la durée du projet entre son lancement et aujourd'hui.

Pour les trois principaux programmes de modernisation, ces informations ont été synthétisées dans le tableau ci-dessous.

Coût et durée des trois principaux programmes de la DSNA

Programme

Au lancement

Actualisation

Écarts

4-Flight

Coût total (en million d'euros)

582,9

850,0

+ 45,8 %

Durée totale (en mois)

180

192

+ 6,7 %

Cofligt

Coût total (en million d'euros)

175,1

403,1

+ 130,2 %

Durée totale (en mois)

156

276

+ 76,9

Sysat

Coût total (en million d'euros)

500,0

430,0

- 14,0 %

Durée totale (en mois)

228

202

- 11,4 %

Source : projet annuel de performances pour 2022

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