B. UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES D'ALLOCATION POUR DEMANDEUR D'ASILE, QUI DEVRAIENT À NOUVEAU FAIRE L'OBJET D'UNE SUR-CONSOMMATION

1. Une aide financière allouée aux demandeurs d'asile

Créée par la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile 11 ( * ) , l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) est versée aux demandeurs d'asile pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande , y compris en cas de recours devant la Cour nationale du droit d'asile (Cnda). Cette allocation est familialisée et versée à l'ensemble des demandeurs d'asile dès lors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour . Les demandeurs d'asile relevant des dispositions du règlement Dublin peuvent également percevoir l'ADA jusqu'à leur transfert effectif vers l'État membre responsable de l'examen de leur demande. La gestion de l'ADA est assurée par l'Ofii.

Son montant est de 6,8 euros par jour pour une personne seule. Il augmente de 3,4 euros par membre de la famille supplémentaire. Le montant supplémentaire, si aucune place d'hébergement n'a été proposée au demandeur, est de 7,4 euros. Ainsi, le montant mensuel pouvant être versé à un demandeur d'asile seul, s'il ne s'est pas vu proposer de place d'hébergement, est de 426 euros mensuel. Il varie en fonction de la composition familiale, des ressources de la famille et du besoin et des modalités d'hébergement.

Montants journaliers de l'ADA, en fonction de la composition familiale
et du département d'enregistrement de la demande

Composition familiale

Métropole

Guyane/Saint-Martin

1 personne

6,80 €

3,80 €

2 personnes

10,20 €

7,20 €

3 personnes

13,60 €

10,60 €

4 personnes

17,00 €

14,00 €

5 personnes

20,40 €

17,40 €

6 personnes

23,80 €

20,80 €

7 personnes

27,20 €

23,20 €

8 personnes

30,60 €

27,60 €

9 personnes

34,00 €

30,00 €

10 personnes

37,40 €

34,40 €

Source : commission des finances, d'après l'Ofii

2. Une hausse de 4 % de la dotation prévue pour l'allocation pour demandeur d'asile, qui devrait à nouveau se révéler insuffisante

La dotation inscrite au projet de loi de finances s'élève à 467 millions d'euros, en progression de 4 % par rapport à la loi de finances pour 2021 (+ 18,2 millions d'euros).

Le gouvernement prévoit également une provision de 20 millions d'euros, constituée pour couvrir un éventuel dépassement de l'allocation . La dotation représenterait alors jusqu'à 487 millions d'euros, soit une hausse de 8 % par rapport à la 2021 (+38,2 millions d'euros). Le gouvernement indique que « dans l'hypothèse où l'évolution des dépenses d'ADA, dont le niveau demeure soumis à des aléas, n'excédait pas les prévisions à mi-année, cette provision pourrait être mobilisée pour la création de places d'hébergement supplémentaires (4 900 au total, dont 1 500 places de CAES et 3 400 places de CADA). Pour cette raison, la provision est à ce stade positionnée sur les activités d'hébergement correspondantes » 12 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime que cette provision, qui sera très probablement elle-même dépassée, constitue un moyen de masquer l'augmentation inéluctable et incontrôlable des dépenses d'asile en loi de finances initiale . En effet, les hypothèses sur lesquelles est construit le budget de l'ADA pour 2022 sont fragiles.

Le gouvernement prévoit une hausse de 10 % des demandes d'asile déposées à l'Ofpra en 2022 par rapport à 2019 ( considérée comme l'année de référence avant le début de la crise sanitaire), sur la base d'un stock d'environ 45 000 dossiers à l'OFPRA à la fin 2021. Cette progression de 10 % représente 145 700 demandes introduites à l'OFPRA en 2022 (réexamens et mineurs inclus).

Le rapporteur spécial estime que cette prévision pourrait s'avérer trop faible, et ne pas prendre en compte le « rattrapage » des flux empêchés par la crise sanitaire. La crise sanitaire liée à la Covid-19 a entrainé une forte diminution du flux de nouvelles demandes d'asile, qui devrait s'inverser en 2022. Le nombre de premières demandes de majeurs atteignait 111 183 en 2018 et 123 682 en 2019, 87 514 en 2020.

En outre, l'incapacité de l'État à assurer l'application systématique du règlement « Dublin » contribue au dérapage systématique des dépenses d'ADA. En effet, si le nombre de transferts de demandeurs d'asile réalisés vers des pays européens était en progression jusqu'au début de la crise sanitaire (de 12 % en 2018 à 19 % en 2019) ce dernier diminue depuis lors. Il s'est ainsi élevé à 17 % en 2020, en raison des transferts suspendus pendant le premier confinement, puis de la reprise modérée qui a suivi avec les restrictions de circulation. En 2021, le taux de transfert continue de pâtir des effets de la crise sanitaire alors que le nombre d'enregistrements sous procédure Dublin est plus soutenu qu'en 2020. Le rapporteur spécial estime que des mesures de retrait systématique de l'ADA aux personnes qui ne coopèrent pas à la mise en oeuvre de leur transfert dans un pays de l'Union européenne doivent être prises de manière ferme. Plus largement, il estime que ce faible taux de transfert traduit l'impuissance de l'Union européenne en matière migratoire.

Au total, la crédibilité des prévisions de dépenses est largement entachée par le dépassement systématique des montants prévus par le passé 13 ( * ) . En 2020, malgré un contexte de baisse de la demande d'asile pourtant favorable à la maîtrise des dépenses, l'ADA a également connu une sur-exécution de 0,6 % en AE et de 2,4 % en CP.


* 11 Loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile.

* 12 Projet annuel de performance de la mission « Immigration, asile et intégration » annexé au projet de loi de finances.

* 13 Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Sébastien Meurant, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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