Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 19

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » : UN BUDGET RELATIVEMENT STABLE

Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 698,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 675,2 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2021 : + 12,06 % en AE et + 11 ,73 % en CP. Cette progression relève pour l'essentiel de mesures de périmètre. En excluant celles-ci, la progression des CP est limitée à 2,16 %.

Évolution des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles »
par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

140 millions d'euros en CP devraient, en outre, être ouverts au titre du Plan de relance, ce qui devrait permettre de majorer les crédits disponibles pour les filières couvertes par la mission de 21 %.

A. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS SANS RÉFLEXION SUR LE FORMAT DU SOUTIEN BUDGÉTAIRE AUX MÉDIAS

Le montant des crédits du programme 180 « Presse et médias » demandés pour 2022 est établi à 350,76 millions d'euros (AE = CP), soit une progression de 22,06 % par rapport à la loi de finances pour 2021.

Répartition des crédits de paiement par action
au sein du programme 180 « Presse et médias »

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette majoration tient pour l'essentiel au transfert du financement de l'aide au transport postal au sein du programme . Cette intégration, comme la réforme plus générale de l'aide à la distribution, vont dans le bon sens, tant elles devraient à terme favoriser les réseaux de portage et diminuer l'intervention de l'État. Cette révision ne saurait cependant être qu'un aspect d'une réforme nécessairement plus vaste des aides à la presse. Il convient désormais de réfléchir à la corrélation entre la nature actuelle des aides et leur modalités d'attribution d'un côté et les défis posés en termes industriels par la mutation de l'accès à l'information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse de l'autre. Un aggiornamento de la dépense fiscale en faveur de la presse doit également être opéré tant la question de son efficience est posée. Il s'agit, en tout état de cause, de rompre avec une dépendance trop marquée au financement public, exacerbée par la crise sanitaire.

La progression relative des crédits dédié à l'expression radiophonique (+1,1 million d'euros) ne permet pas, de son côté, d'appuyer totalement les radios FM en vue de soutenir leur développement numérique car elles ne sont éligibles qu'une fois au dispositif. Celles qui perçoivent une aide du Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) au titre de leur mode de diffusion actuel ne peuvent donc bénéficier d'un apport complémentaire en vue de leur diffusion en DAB +.

B. UN SOUTIEN AUX FILIÈRES QUI PREND LA FORME D'UN RENFORCEMENT DES OPÉRATEURS

1. Une action en faveur du livre et de la lecture concentrée sur les deux grandes bibliothèques parisiennes et le soutien à l'édition

90 % des CP prévus en 2022 (296,7 millions d'euros) sont fléchés vers le soutien aux trois opérateurs : Centre national du livre, Bibliothèque publique d'information et Bibliothèque nationale de France .

Les dépenses d'investissement de la Bibliothèque nationale de France représentent 78 % des dépenses d'investissement des trois opérateurs (40,6 millions d'euros au total). Ce ratio illustre le poids des travaux dans la gestion de cet opérateur et une impression d'éternel recommencement.

Le maintien de crédits dédiés au développement de la lecture (7,9 millions d'euros) au sein du programme 334 peut interroger , puisque les actions relatives au livre et à la lecture sont, depuis la loi de finances pour 2018, rattachés au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », de la mission « Culture ». La mise en oeuvre du Plan Bibliothèques 2018-2020 et ses suites est par ailleurs partagée entre les programmes 361 et 119 « concours particuliers aux collectivités territoriales et à leurs groupements ». Dans ces conditions, une poursuite de la rationalisation de la maquette budgétaire et un transfert de ces crédits vers le programme 361 s apparaît souhaitable.

2. Le Centre national de la musique face aux incertitudes

Le projet de loi de finances prévoit une majoration de la subvention pour charges de service public du Centre national de la musique (CNM) de 5 millions d'euros (AE=CP) qui lui permet d'atteindre le budget envisagé lors de sa création en 2020 (26,81 millions d'euros au total).

Ce financement sera complété par les crédits dédiés au soutien du secteur musical du Plan de relance (167,4 millions d'euros) , dont la mise en oeuvre a été freinée par l'absence de réelle reprise de l'activité au premier semestre 2021. Les incertitudes entourant le comportement culturel des Français pourraient également fragiliser le rebond de l'activité en 2022 et affecter directement le rendement de la taxe sur les spectacles, qui finance le CNM. Celui-ci pourrait, en outre, être sollicité pour pallier les conséquences financières, pour les organismes de gestion complémentaire (OGC), de l'arrêt du 8 septembre 2020 de la Cour de justice de l'Union européenne sur les droits voisins (perte annuelle estimée entre 25 et 30 millions d'euros).

3. Le financement du cinéma au défi du rebond

Le Centre national du cinéma et de l'image animée présente un budget 2022 optimiste, dépassant la simple sortie de crise en plaçant son niveau de financement, fondé sur le rendement de diverses taxes, à un étiage comparable à celui de 2019. Le produit des taxes perçues par le CNC en 2022 devrait atteindre 693,9 millions d'euros , soit une majoration de 88,2 millions d'euros par rapport à la prévision d'exécution 2021. La progression des recettes attendue en 2022 tient, pour l'essentiel, à une reprise de l'activité des salles et à une augmentation, en conséquence, du produit de la taxe sur les entrées de cinéma (TSA), en dépit, là encore, des incertitudes entourant la reprise des habitudes culturelles d'avant-crise. Le CNC table dans le même temps sur un dynamisme retrouvé de ses dépenses de soutien et de la dépense fiscale qu'il encadre.

La totalité des crédits dédiés au sein du Plan de relance (165 millions d'euros) devraient avoir été consommés fin 2021. Ils sont venus compléter 271 millions d'euros de mesures d'urgence versées entre 2020 et 2021. Souhaitant mettre à profit l'obligation de financement imposée aux plateformes (200 millions d'euros d'investissements attendus avec, en contrepartie un accès aux crédits d'impôts), l'État et le CNC entendent développer désormais de « grandes fabriques de l'image » à moyen terme. Le chiffrage n'est pas connu. La mise en oeuvre de tels investissements invite cependant à une revue en profondeur de l'action de l'État dans le soutien à la filière. Il s'agit d'éviter doublons et risques d'effet d'aubaine. Le CNC s'est engagé en janvier 2020 dans une revue générale de ses soutiens (RGS). Le rapporteur spécial appuie une telle démarche en vue de préciser et améliorer l'efficience des dispositifs qu'il gère. Elle doit permettre d'éviter une dépendance trop marquée de ce secteur aux financements publics .

II. LE BUDGET DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC : UNE POURSUITE DE LA RÉDUCTION DES COÛTS SANS RÉFLEXION SUR LE PÉRIMÈTRE

A. LA POURSUITE DE LA TRAJECTOIRE DE RÉDUCTION DES DOTATIONS

Le projet de loi de finances pour 2022 constitue la dernière étape de la trajectoire quadriennale, élaborée en juillet 2018, de réduction de la dotation accordée aux sociétés de l'audiovisuel public. Celle-ci prévoit une diminution de leur financement par l'État d'environ 190 millions d'euros sur la période 2018-2022 . Afin de respecter la trajectoire de réduction des dotations accordées aux sociétés de l'audiovisuel public, le montant de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) devrait atteindre, en 2022, 3 701 ,3 millions d'euros, au prix d'un nouveau gel de son montant.

B. L'ABSENCE DE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

2022 constitue d'ailleurs le dernier exercice où la CAP sera collectée en même temps que la taxe d'habitation. Le projet de réforme de gouvernance de l'audiovisuel public constituait également une occasion pour réfléchir au format et au montant de la contribution. Celui-ci a été reporté sine die . Le débat s'est donc réduit ces dernières années dans le cadre du projet de loi de finances, à un vote sur le gel de son montant ou une baisse tout autant symbolique qu'invisible. Le Gouvernement s'était pourtant engagé lors de l'examen de la loi de finances pour 2019 à présenter, au Parlement, un rapport relatif à la réforme du dispositif avant le 1 er juin 2019. Dans un contexte où le taux d'équipement en téléviseurs des foyers français ne cesse de diminuer alors que la moyenne d'écrans par foyer continue de progresser, plusieurs pistes peuvent pourtant être envisagées, qu'il s'agisse de l'élargissement de l'assiette à tous les foyers ou de la taxation de matériels dédiés à la diffusion. Le débat dépasse pourtant le simple enjeu financier tant cette absence de réforme de la contribution limite toute réflexion sur l'adéquation entre son mode de calcul et les priorités de financement du service public de l'audiovisuel .

C. UN MANQUE D'AMBITION PATENT

Alors que l'apparition des plateformes et de nouveaux canaux de diffusion incite à une révision en profondeur de l'activité des sociétés de l'audiovisuel public en vue de garantir la spécificité de la mission de service public qui leur est assignée, le budget 2022 n'y répond aucunement. Trois cas illustrent ce manque d'ambition.

La participation à perte de France télévisions dans la plateforme SALTO (31 millions d'euros en 2021) interroge alors que la priorité doit rester au financement de ces missions historiques et notamment la promotion de la culture et l'accès à la connaissance accessibles à toutes les générations. Une réflexion sur le positionnement du groupe (rôle de France 2 notamment) et sa taille apparaît dans ce contexte plus que nécessaire.

Radio France a poussé de son côté des réformes d'envergure, qu'il s'agisse de sa numérisation ou de la réduction de ses charges. Reste que cette revue en profondeur peut s'avérer inachevée, faute de réduction du nombre de chaînes (FIP et Mouv') ou du maintien de deux orchestres de taille et niveaux équivalents.

Le niveau de la dotation proposée pour France Médias Monde (FMM) pour 2022 conduit, une nouvelle fois à s'interroger sur les conditions d'exercice de cette indispensable mission de service public. La dotation s'établirait à 259,6 millions d'euros, soit 3,8 millions d'euros de moins qu'en 2018. Cette réduction dénote un écart entre les ambitions assignées à l'audiovisuel extérieur et la réalité des moyens qui lui sont consacrés, loin derrière ceux accordés par d'autres puissances, mêmes européennes, dans un contexte de « guerre froide des médias ».

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 95,2% des réponses du ministère de la culture à son questionnaire budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE
LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES » : UN BUDGET RELATIVEMENT STABLE

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général participe de la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local 1 ( * ) . Le programme 180 représente 51,9 % des crédits de la mission ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Si l'État n'a pas vocation à se substituer aux acteurs privés du secteur culturel, il agit néanmoins afin d'assurer certains équilibres, tant en matière de diversité que d'accès à l'offre. 48,1 % des crédits de la mission sont affectés au programme 334.

Près de 52 % des dépenses de la mission relèvent du titre 6 « dépenses d'intervention ». La mission ne comporte pas de dépenses de personnel de titre 2 puisque toutes les dépenses de personnel du ministère de la culture sont inscrites dans le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » rattaché à la mission « Culture ».

Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 698,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 675,2 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une progression par rapport à la loi de finances pour 2020 : + 12,06 % en AE et + 11 ,73 % en CP.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Note de lecture : La progression des crédits observée en exécution 2020 tient aux mesures adoptées à l'occasion des collectifs budgétaires en vue de lutter contre les incidences de la crise sanitaire.

La majoration des crédits prévue par le projet de loi de finances pour 2022 doit cependant être relativisée . Elle tient pour l'essentiel à une mesure de périmètre : le rattachement au programme 180 « Presse et médias » des crédits dédiés à l'aide au transport postal de la presse, couverte jusque-là par le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie ». Les crédits prévus à cet effet dans le présent projet de loi de finances s'élèvent à 62,3 millions d'euros (AE = CP). Ainsi, hors mesures de périmètre, la progression des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » est limitée à 2,16 %.

Évolution des crédits de paiement de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » à périmètre courant

(en euros)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Programme 180 : Presse et médias

287 359 363

350 759 363

+ 22,06 %

Programme 334 : Livre et industries culturelles

316 930 228

324 433 311

+ 2,37 %

Total

604 289 591

675 192 674

+ 11,73 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Hors mesure de périmètre, le montant des crédits de paiement atteindrait 618,62 millions d'euros en 2022, soit un montant largement supérieur à la cible retenue en 2020 par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 2 ( * ) . Le soutien aux filières face aux conséquences de la crise sanitaire semble, de fait, avoir été pérennisé.

Les crédits des deux programmes sont par ailleurs complétés par différents dispositifs de soutien prévus dans la mission Plan de relance. Le programme 363 « Compétitivité » prévoit ainsi :

- 35 millions d'euros en CP destinés à la filière musicale ;

- 70 millions d'euros en CP pour la filière presse ;

- 23,5 millions d'euros en CP pour la filière livre ;

- 1,5 million d'euros en CP en faveur de la stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives (ICC).

Répartition des crédits de paiement du Plan de relance par secteur en 2022

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

140 millions d'euros en CP devraient ainsi être ouverts, ce qui devrait permettre de majorer les crédits disponibles pour ces filières de 21 %.

Crédits dédiés aux filières concernées par la mission Médias, Livre
et industries culturelles 2020-2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

I. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS SANS RÉFLEXION SUR LE FORMAT DU SOUTIEN BUDGÉTAIRE AUX MÉDIAS

A. UNE DOTATION RELATIVEMENT STABLE À PÉRIMÈTRE CONSTANT

Le montant des crédits du programme 180 « Presse et médias » demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances est établi à 350,76 millions d'euros (AE = CP), soit une progression de 22,06 % par rapport à la loi de finances pour 2021. Cette progression substantielle vise principalement les aides à la presse, dotées de 62,3 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2021 (116,9 millions d'euros prévus en PLF 2021). Il ne s'agit pas à proprement dit d'une mesure nouvelle mais du rattachement au programme 180 de crédits dédiés à l'aide au transport postal de la presse. Hors cette mesure de périmètre, la progression des crédits est limitée à 0,9 million d'euros (+ 0,31 % par rapport à la loi de finances pour 2021).

Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias »
de 2021 à 2022 (AE = CP)

(en euros)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

Action 01 : Relations financières avec l'AFP

134 976 239

134 976 239

0 %

Action 02 : Aides à la presse

116 886 325

179 186 325

+ 53,30 %

Action 05 : Soutien aux médias de proximité

1 831 660

1 831 660

0 %

Action 06 : Soutien à l'expression radiophonique locale

31 998 639

33 098 639

+ 3,44 %

Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision

1 666 500

1 666 500

0 %

Programme 180 : Presse et médias

287 359 363

350 759 363

+ 22,06 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Trois des cinq actions du programme (relations financières avec l'Agence France Presse, soutien aux médias locaux de proximité et Compagnie internationale de radio et de télévision - CIRT) devraient bénéficier en 2022 d'une dotation équivalente ou quasiment à celle adoptée pour l'exercice précédent. Les deux dernières n'appellent pas de remarque particulière.

Répartition des crédits de paiement par action
au sein du programme 180 « Presse et médias »

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

B. LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE L'AGENCE FRANCE PRESSE

L'Agence France Presse (AFP) devrait bénéficier en 2022 d'une dotation équivalente à celle accordée en loi de finances pour 2021, soit 139,48 millions d'euros (AE = CP). Celle-ci intègre le paiement des abonnements commerciaux de l'État, soit 21 655 380 euros et la subvention accordée à l'agence, au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général (MIG), soit 117,82 millions d'euros.

Le soutien à l'Agence France Presse (AFP) constituait jusqu'en 2021 le premier poste de dépenses du programme 180 « Presse et médias ». Il convient de rappeler à ce stade que le montant des crédits de paiement versés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général a progressé de près de 8 % entre 2015 et 2021. Cette augmentation des crédits s'est accompagnée, en outre, d'une modification du calendrier de versement : la subvention est désormais versée en une fois, en début d'année.

1. Une dotation majorée au cours des derniers exercices pour soutenir la mise en place d'un plan stratégique de réorientation de l'activité et de réduction des charges

La majoration de la subvention de l'État en 2019 et 2020 à l'agence s'est inscrite dans le cadre du soutien au plan stratégique 2018-2022 présenté le 12 juillet 2018, qui visait à répondre au déséquilibre structurel de l'agence, fragilisée par une baisse de ses recettes commerciales de 3,8 % sur la période 2014-2017 alors même que ses dépenses de personnel (76 % des charges de l'AFP) avaient progressé de 3,7 % sur la même période.

Ce plan repose sur plusieurs axes, au premier rang desquels figure le développement massif de la vidéo, afin de permettre à l'AFP de devenir une véritable alternative à Reuters ou Associated press (AP). L'ambition affichée est de porter le chiffre d'affaires de l'agence lié à la photo et à la vidéo à 50 % de son activité à l'horizon 2022, contre 39 % en 2018. Le plan misait sur une ressource supplémentaire de 30 millions d'euros pour l'AFP d'ici à 2023. La mise en oeuvre d'une plateforme compétitive de présentation et de livraison de ses contenus devait venir appuyer cette réorientation.

L'Agence entend, dans le même temps, développer son activité de vérification de l'information ( fact checking ), 40 experts ayant été recrutés en avril 2019 pour couvrir une vingtaine de pays.

Le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État (COM) 2019-2023 intègre cette ambition en prévoyant la mise en oeuvre de nouveaux indicateurs ainsi que des objectifs chiffrés : une progression de 23 millions d'euros du chiffre d'affaires généré par l'exploitation de l'image d'ici 2023 et une augmentation de 4,5 millions d'euros du chiffre d'affaire liée à la lutte contre la désinformation.

Cette nouvelle ambition commerciale est accompagnée d'une réduction des charges importante. La nouvelle orientation stratégique table en effet sur une réduction de la masse salariale de 14 millions d'euros d'ici à 2023, avec la suppression nette de 95 postes (23 journalistes et 72 personnels techniques et administratifs). 85 % des réductions d'effectifs portent sur les effectifs du siège parisien. Un plan de départs volontaires (81 postes) et les départs naturels en retraite devaient concourir à la satisfaction de cet objectif. Un suivi des procédures à l'étranger concernant le personnel local de l'AFP, qui, en demandant la requalification, de son statut, entraîne des dépenses supplémentaires pour l'agence devait également être mis en oeuvre.

Dans le même temps, une réflexion sur la stratégie immobilière de l'agence s'agissant de son siège parisien devait aboutir, en veillant à respecter au mieux les fonds versés par l'État. Le regroupement des équipes parisiennes sur le seul site de la Place de la Bourse pourrait générer, à terme, des économies de l'ordre de 2,5 millions d'euros, via notamment la fin du bail rue Vivienne. Reste que le préalable à celui-ci passait par des travaux dans le siège historique de l'agence estimés fin 2019 à 8 millions d'euros. Le coût a été réévalué depuis pour atteindre 8,8 millions d'euros, afin de prendre en compte le coût de travaux de désamiantage.

La réforme du pilotage de la direction des achats devait également participer du même objectif de réduction des charges.

2. Des objectifs atteints malgré la crise sanitaire

Ce soutien aux objectifs du plan devait permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Le développement de son expertise en matière de lutte contre les fausses informations répond naturellement à la mission d'intérêt général qui lui est assignée par la loi et s'inscrit dans un cadre récemment consolidé par le législateur 3 ( * ) . L'AFP, seule agence européenne disposant d'un réseau international extrêmement solide, doit, de surcroît, faire face à une concurrence multiple, qu'il s'agisse de ses rivales américaines ou des agences des pays émergents, russes ou chinoises principalement, des services d'information des GAFA ou des agences spécialisées. Le développement de nouveaux modes de consommation et l'appétence pour la presse gratuite fragilisent également son activité.

Les objectifs commerciaux assignés à l'agence dû être révisés en 2020 compte-tenu de la crise sanitaire. Les revenus annuels d'AFP Services ont ainsi chuté de 23 % au cours de l'année 2020, ce qui représente l'équivalent de plus d'un trimestre de chiffre d'affaires. La crise a, en effet, eu pour principales conséquences :

- une augmentation des désabonnements et des demandes d'aménagement de contrats ;

- des difficultés en matière de prospection de nouveaux clients ;

- une baisse de l'activité photo en raison de l'annulation des événements sportifs (Jeux Olympiques et Euro notamment) ;

- un impact sur les contrats de vente de contenus assis sur des partages de revenus publicitaires.

Ces impacts négatifs ont, cependant, été pour partie compensés par l'essor des revenus issus de l'investigation numérique et de la vente de contenus vidéos. L'agence est aujourd'hui le premier acteur du marché en matière de vérification de l'information et diffuse ainsi ces travaux dans 50 pays et en 23 langues. Elle a ainsi déjà dépassé la cible établie par le COM et atteint l'objectif fixé pour 2023 (8 millions d'euros par an de revenus liés à cette activité). Le chiffre d'affaires commercial de l'Agence était ainsi en progression de 0,8 million d'euros en 2020 (+ 0,5 % par rapport à 2019) même si cette progression est moindre que celle retenue dans les prévisions.

Le changement de pratiques - articles plus longs et plus fouillés, axe mis sur les incidences du changement climatique, utilisation des plateformes comme Facebook - et le maintien d'une présence dans certains pays, à l'image de l'Afghanistan ont également permis à l'Agence de renouveler son modèle et de conserver, en large partie, la fidélité de ses abonnés. Ce faisant, l'AFP reste moins dépendante des revenus publicitaires que ses concurrentes.

La crise sanitaire a également permis une réduction des charges de l'AFP, réduisant notamment les couts liés aux déplacements. La pandémie a également débouché sur une baisse importante des dépenses du réseau international, et donc du coût des missions d'intérêt général, ce qui a induit une surcompensation du coût net de ces missions de 3,8 millions d'euros. Celle-ci a été enregistrée comme un produit constaté d'avance.

À cette réduction conjoncturelle, s'ajoute s'agissant des charges, les effets du plan de départ. 59 départs volontaires ont été enregistrés et 19 postes vacants n'ont pas été renouvelés. 75 % de la cible prévue par le plan de départs volontaires devrait ainsi être atteinte en 2021. La réduction des charges de personnel devrait dans ces conditions s'élever à 9 millions d'euros en 2021. Le nombre de postes d'expatriés a, de son côté, tendance à baisser : 10 postes ont ainsi été transformés en contrats de droit local. La régularisation des contrats d'expatriés est, quant à elle, pour l'essentiel terminée. Les effectifs de l'agence sont aujourd'hui de 2 600 personnes, dont 1 700 journalistes. 40 % des effectifs résident en France.

Les charges d'exploitation de l'agence ont, dans ce contexte, baissé de 9,2 millions d'euros en 2020 par rapport à 2019. Cette évolution des charges reste inférieure à celle retenue dans le budget initial (la cible était alors de - 16,4 millions d'euros). Il n'en demeure pas moins qu'une telle réduction devrait permettre à l' agence d'accélérer son désendettement . Si, en 2018, la trajectoire de la dette à long terme - 53 millions d'euros - n'apparaissait pas tenable, un cycle vertueux semble s'être fait jour depuis : l'endettement devrait atteindre 37 millions d'euros fin 2021. Cette somme devrait être réduite de moitié fin 2023 et le désendettement total en 2027.

L'absence de surcoût conséquent s'agissant des travaux du siège a également permis de sécuriser cette trajectoire financière. La rédaction devait ainsi être rassemblée sur un même lieu en novembre 2021. Le déménagement sera effectif pour l'ensemble des services en mai 2022.

La dynamique financière de l'AFP doit être saluée tant car elle démontre une capacité d'adaptation aux nouveaux enjeux liés à la diffusion de l'information. Elle induit à terme une réduction du soutien budgétaire de l'État, soulignant ainsi la possibilité pour un organe de presse de rompre avec la dépendance aux fonds publics. Cette évolution doit servir d'exemple au moment d'examiner le format et le montant dédié aux aides à la presse écrite.

C. LA RÉFORME INABOUTIE DES AIDES À LA PRESSE

Trois types d'aides sont visées par l'action n° 2 du programme 180 : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.

Répartition des crédits de paiement par sous-action
au sein de l'action 02 « Aides à la presse »

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 179,2 millions d'euros (AE=CP) en 2022.

Montant des aides à la presse prévues en 2022 au sein du programme 180

(en euros)

Action

Montant

Sous-action 01 « Aides à la diffusion »

101 687 903

Aide au portage de la presse

Aide à l'exemplaire posté

26 500 000

62 300 00

Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse

12 887 903

Sous-action 02 « Aides au pluralisme »

22 025 000

Aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

13 155 000

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

Aide au pluralisme des titres ultramarins

2 000 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

Aide aux services de presse en ligne

4 000 000

Sous-action 03 « Aides à la modernisation »

55 473 422

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale

150 000

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

16 473 422

Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

5 000 000

Total

179 186 325

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. La réforme des aides à la diffusion
a) Une aide au transport postal jusqu'alors non prise en charge par le programme 180

L'acheminement et la distribution de la presse constituent , en application de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et à France Télécom 4 ( * ) et de l'article L.2 du code des postes et des communications électroniques, une mission de service public du groupe La Poste. La presse représente ainsi 22 % du poids de la sacoche des facteurs, 8 % du volume du courrier et 4 % du chiffre d'affaires courrier de La Poste.

En 2018, plus de 6 000 publications, soit la quasi-totalité des titres inscrits sur les registres de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), ont été distribuées par La Poste. 887 millions d'exemplaires de journaux et magazines ont été ainsi diffusés en 2019. Il s'agit là du principal canal de diffusion de la presse abonnée.

Les journaux et écrits périodiques ont la possibilité de bénéficier de tarifs préférentiels auprès de La Poste dès lors qu'ils remplissent les conditions posées par le code des postes et des communications électroniques 5 ( * ) et sont titulaires d'un certificat d'inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP).

L'accès à ces tarifs réglementés passe par la signature d'un contrat.

4 niveaux de service sont proposés :

- Tarif J+1 - Presse urgente : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 en J/J+1 ;

- Tarif J+2 - Presse urgente : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 en J+2 ;

- Tarif J+4 - Presse : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 dans un délai maximum de J+4 ;

- Tarif J+7 - Presse à tarif économique : distribuée 6 jours ouvrés sur 7 dans un délai maximum de J+7.

Chacune des quatre grilles tarifaires propose, du premier gramme au kilogramme, et pour cinq cas de figure différents, un ensemble de tarifs propre à satisfaire la réglementation en vigueur.

Trois autres tarifs viennent par ailleurs moduler ce coût :

- Tarif presse hors IPG (information politique et générale) ;

- Tarif presse IPG ;

- Tarif Autre imprimé périodique (AIP).

Ainsi un titre IPG paie 34 % du tarif de service universel correspondant. Cette participation s'établit à 12 % pour un quotidien à faibles ressources publicitaires alors qu'elle est de 69 % pour un magazine.

Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse au regard des coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État , La Poste a supporté, en 2018, un déficit brut de près de 287 millions d'euros avant compensation publique (dont 197 millions d'euros au titre de la presse IPG) 6 ( * ) .

L'État verse chaque année à La Poste une compensation pour financer le transport postal. Inscrite au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », elle s'élevait en loi de finances pour 2021 à 87,8 millions d'euros (AE = CP).

Il convient, à ce stade, de relever que de 2009 à 2020, l'État a réduit de plus de 62 % sa contribution. Cette baisse substantielle reste difficilement amortissable. En effet, pour compenser une baisse de 20 millions d'euros de la contribution de l'État, il conviendrait de majorer les prix applicables à la presse non IPG de 7,5 %.

b) La mission sur la réforme du transport postal

Le Gouvernement a confié, à l'automne 2019, à Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes une mission visant à définir différents scénarios d'évolution des tarifs postaux et du soutien public au transport postal de la presse à partir du 1 er janvier 2021. Il s'agissait en premier lieu de réviser la grille tarifaire censée prendre fin en 2020.

Cette réévaluation devait tenir compte de trois éléments :

- un contexte d'attrition des volumes de presse postés (- 35 % entre 2013 et 2018). La baisse vise également les exemplaires bénéficiant des tarifs adaptés : entre 2018 et 2020, ces volumes ont diminué en moyenne de 10,9 % par an, le nombre d'exemplaires diffusés par voie postale passant ainsi de 780,6 à 618,9 millions d'exemplaires entre 2018 et 2020. Les projections indiquent, par ailleurs, que les volumes de presse postés devraient être divisés par 2,5 d'ici six ans, pour descendre à 300 millions d'exemplaires en 2026, ce qui induit un changement de modèle ;

- une baisse concomitante de la qualité du transport postal, relevée notamment par les éditeurs. Celle-ci tient à la réorganisation des tournées des facteurs (15 % des abonnés à la presse quotidienne livrés par La Poste sont susceptibles de recevoir leur journal l'après-midi) et à la multiplication des tournées « à découvert », c'est-à-dire non assurées (évaluées à 2 %) ;

- une inadaptation plus globale de la distribution postale des quotidiens qu'il s'agisse du coût de cette distribution, de son impact écologique voire de son sens à l'heure du numérique.

Plus largement, les augmentations de tarifs pour la presse non-IPG (information politique et générale) mises en oeuvre au cours des derniers exercices n'ont, par ailleurs, pas eu de résultats probants : elles n'ont pas amélioré le bilan économique de la mission de service public et ont divisé les familles de presse avec le creusement d'un écart entre les trois tarifs postaux (CPPAP, IPG, Quotidiens à faibles ressources publicitaires [QFRP]) et un risque d'insoutenabilité de la charge postale pour beaucoup de titres non IPG.

c) La mise en place d'une aide à l'exemplaire à double barème à compter du 1er janvier 2022

Cette mission a débouché sur la mise en oeuvre d'une nouvelle aide à l'exemplaire à double barème.

Un premier volet dédié aux exemplaires postés est destiné aux éditeurs des publications IPG et QFRP/QFRA d'une périodicité au maximum hebdomadaire. Le projet de loi de finances prévoit pour 2022 une dotation de 62,3 millions d'euros. Ces crédits sont transférés depuis le programme 134. Ils correspondent à 11/12 e de la totalité du coût estimé - 67,9 millions d'euros - une régularisation étant attendue en 2023. Afin d'encourager le portage, le montant de l'aide à l'exemplaire devrait être diminué à compter du 1 er janvier 2024 , sauf pour les exemplaires distribués dans les communes situées dans les zones dites peu denses.

Le second volet reprend les contours de l'aide au portage actuelle. Toutefois, seuls les titres portés par un réseau ou par une composante d'un réseau ayant conclu avec la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture seront éligibles au dispositif. Un montant incitatif est mis en place pour les publications IPG hebdomadaires afin de les inciter à recourir à ce dispositif. Les crédits prévus pour 2022 sont les mêmes que ceux votés en 2021, soit 23,5 millions d'euros. Le ministère de la culture reconnaît qu'il y a là sous-évaluation, le coût de l'aide étant estimé à 32,7 millions d'euros mais table sur une régularisation en 2023 une fois les données relatives aux volumes portés en 2022 connus.

À côté de cette aide à l'exemplaire, subsiste également une aide aux réseaux de portage, dotée comme en 2021. Cette aide dédiée à soutenir les efforts de mutualisation des réseaux de portage est appelée à disparaître en 2023.

d) Une réforme qui répond à certaines préoccupations sans lever toutes les incertitudes

Le rapporteur spécial rappelle au préalable qu'il a régulièrement souligné lors de l'examen annuel des crédits du programme que l'inscription des aides au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permettait pas de disposer d'une vision globale des aides au secteur. La Cour des comptes avait également souligné, en février 2018, la nécessité de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l'ensemble des transferts réalisés au bénéfice de ce secteur. La réforme proposée participe donc d'une clarification bienvenue. Il est cependant regrettable que les montants prévus dans le présent projet de loi de finances soient volontairement sous-estimés.

Sur le fond de la réforme proposée, le rapporteur spécial relève qu'elle va dans le bon sens, dès lors qu'elle réduit la mission assignée à La Poste et simplifie une grille des tarifs complexe. Il y a cependant lieu de s'interroger sur la poursuite d'un soutien à fonds perdus au transport postal , alors même que la digitalisation de la presse, la rapidité de la diffusion de l'information comme le coût écologique de la distribution rendent ce mode de distribution en large partie obsolète. La grille tarifaire proposée couvrirait la période 2022-2026. Le rapporteur spécial souhaite qu'il s'agisse de la dernière période couverte et que les financements publics soient totalement orientés à cette date vers la modernisation du secteur.

Comme il l'a indiqué dans son rapport de contrôle sur les aides à la presse 7 ( * ) , le rapporteur spécial souligne que la volonté de valoriser le portage apparaît logique même s'il convient de garder en mémoire l'échec des dernières réformes de l'aide au portage. Les éditeurs de quotidiens à faibles ressources publicitaires (QFRP) et des quotidiens à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) bénéficient, quant à eux, de tarifs postaux si avantageux qu'ils n'ont aucun intérêt à recourir au portage. Le changement de grille tarifaire postale peut cependant inciter à ce changement de modèle. Par ailleurs, les réseaux de la presse quotidienne régionale (PQR) restent très réticents à s'ouvrir au portage multi-titres par peur de la concurrence. La prise en compte de l'ouverture des réseaux dans l'attribution de la partie portage de l'aide unique devrait permettre de tempérer cette réserve. Il appartient également aux acteurs de ce secteur de prendre conscience du potentiel dont dispose ce type de réseau à l'heure du développement massif de la livraison de petits colis à domicile. Les réseaux de portage ne sauraient en effet servir uniquement de biais pour la livraison de journaux. L'extension des réseaux de portage à d'autres livraisons permettrait de les valoriser. Elle faciliterait de la sorte un désengagement progressif de l'État dans le soutien au portage.

2. Aller plus loin dans la réforme du financement public de la presse écrite

Les crédits dédiés aux autres aides à la presse se caractérisent par une très grande stabilité, seule l'une des aides au pluralisme, l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, enregistrant une baisse de 1,2 million d'euros (-8,4 %).

La distribution ne peut cependant constituer le seul biais en vue d'une réforme des aides à la presse. Il convient désormais de réfléchir à la corrélation entre la nature actuelle des aides et leur modalités d'attribution d'un côté et les défis posés en termes industriels par la mutation de l'accès à l'information et les conséquences de celle-ci sur la vie de titres de presse de l'autre.

Cette prise en compte induit un aggiornamento du régime des aides à la presse. La grille d'analyse sous-jacente à la maquette budgétaire tend en effet à souligner une inadéquation entre les enjeux actuels et les réponses, pour parties dépassées qui y sont apportées au plan financier. L'aide à la presse doit aujourd'hui être conçue comme une aide à l'investissement et non plus comme un soutien à des titres fragiles, n'ayant pas pu ou su procéder à une révision de leurs modèles ou comme un appui à des messageries qui ne peuvent rien face à la diminution inexorable du lectorat « papier ». Il s'agit de passer d'une logique de rafistolage à celle d'un accompagnement rationnel.

Comme il l'a indiqué dans son rapport de contrôle budgétaire publié en juin dernier 8 ( * ) , le rapporteur spécial plaide pour la refonte de l'ensemble des aides (distribution, pluralisme, modernisation) versées actuellement à plusieurs acteurs de la filière en une aide unique au titre, évolutive en fonction de son degré de digitalisation, de sa participation à la connaissance et au savoir - la question de la pertinence du critère IPG est notamment posée - et de son accès aux ressources publicitaires.

Au-delà de l'aide à la distribution et à la modernisation, la question des aides au pluralisme doit être posée. Le dispositif profite de fait à quatre quotidiens ( La Croix , L'Humanité , Libération et, dans une moindre mesure L'Opinion ) sans qu'une réflexion ne soit lancée sur la structure même de ces groupes de presse. L'angle de la faiblesse des ressources publicitaires ne peut servir de seul motif à l'attribution d'une subvention . Une analyse des groupes sur lesquels certains de ces titres peuvent s'appuyer par ailleurs ( La Croix appartient à Bayard Presse, Libération est intégré à des degrés divers au sein du groupe Altice) doit également servir de critère en vue de l'attribution d'une dotation publique. Le même raisonnement s'applique aux publications autres que quotidiennes concernées par ces aides. De fait, il pourrait être opportun, dans un contexte de concentration des médias, de procéder à une réorientation des aides au pluralisme, désormais conçues comme un soutien à l'indépendance , visant presse écrite et médias tout en ligne. La notion d'indépendance serait dès lors un critère de majoration de l'aide unique au titre.

Cette nécessaire transparence implique également la publication d'un document détaillant, par titre et par groupe, le montant de l'aide accordée.

3. Une dépense fiscale à réévaluer

Au-delà des aides à la presse, le rapporteur spécial s'interroge sur la pertinence de certaines dépenses fiscales portées par le programme 180. La loi de finances pour 2022 prévoit une dépense fiscale en faveur de la presse de l'ordre de 170 millions d'euros.

Dépenses fiscales en faveur de la presse

(en millions d'euros)

Type de dépenses

Chiffrage 2020

Chiffrage 2021

Chiffrage 2022

Taux de TVA de 2,10 % applicable aux publications de presse

144

152

161

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

2

1

1

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

< 0,5

< 0,5

< 0,5

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

-

-

< 0,5

Crédit d'impôt sur le revenu au titre du premier abonnement

-

-

Nc

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

5

5

5

Exonération de cotisation foncière des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

5

3

3

Total

156

159

170

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les deux dispositifs visant la souscription au capital de sociétés de presse peinent ainsi à prouver leur efficacité 9 ( * ) . Ce qui interroge sur les mesures adoptées en loi de finances pour 2021. La loi de finances pour 2021 prévoit en effet de doubler les plafonds applicables pour les versements des particuliers au capital d'entreprises de presse effectués à partir du 1 er janvier 2021 10 ( * ) . 237 personnes seulement ont pourtant utilisé ce dispositif en 2020. La loi de finances pour 2021 a également rétabli le principe d'une réduction d'impôt équivalant à 25 % du montant d'une souscription au capital d'une société de presse, qui interviendrait entre le 1 er janvier 2021 et le 31 décembre 2024 11 ( * ) . Ce dispositif n'avait pas été prorogé au-delà de 2013. Seules 18 entreprises avaient à l'époque bénéficié de cette réduction, le montant de la dépense fiscale étant estimé à 1 million d'euros

La direction générale des médias et des industries culturelles a, par ailleurs, fait part de ses craintes quant à l'intérêt des contribuables pour le dispositif prévu par l'amendement dit « Charb », non couvert par le programme 180. La loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a en effet élargi le régime fiscal du mécénat prévu à l'article 200 du code général des impôts aux associations oeuvrant pour le pluralisme de la presse. Cet article ouvre la possibilité pour des fonds de dotation de soutenir des associations ou fondations agissant dans le soutien du pluralisme de la presse. Les organismes éligibles sont les associations d'intérêt général, les fonds de dotation d'intérêt général qui exercent des actions concrètes en faveur du pluralisme de la presse et les fonds de dotation qui financent des associations d'intérêt général en faveur du pluralisme de la presse.

À l'heure actuelle, deux associations gèrent des dons dans ce cadre :

- Presse et Pluralisme, pour les publications, créée en décembre 2007, à l'initiative des principaux syndicats de la presse française imprimée. Elle a pour objet d'oeuvrer en faveur du pluralisme de la presse payante en France ;

- J'aime l'info, pour les sites de presse en ligne, créée en 2011.

La collecte de ces deux associations pour l'exercice 2021 serait ainsi en forte diminution. En 2020, l'association Presse et pluralisme avait enregistré 2,97 millions de dons et l'association J'aime l'info 2,04 millions d'euros.

4. Un soutien complété par le plan de relance et le plan de filière

Le programme 363 - Compétitivité de la mission Plan de relance -prévoit, en 2022, 70 millions d'euros en CP pour la filière presse. Ces crédits permettent de majorer les aides à la presse de près de 39 %.

Cette dotation vient financer trois priorités établies en 2021 :

- un plan pour accompagner la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (47 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 23,5 millions d'euros en 2022) ;

- la majoration des crédits alloués au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du secteur (45 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 22,5 millions d'euros en 2022) ;

- un soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros sur la période 2021-2022 dont 24 millions d'euros en 2022). Ces crédits s'intègrent dans le plan filière de 377 millions d'euros sur deux ans présenté par le Président de la République le 27 août 2020. Cette somme couvre les nouvelles lignes budgétaires créées en loi de finances pour 2021, et une partie les crédits dégagés en troisième loi de finances rectificative pour 2020. Elle intègre également la dépense fiscale liée à la création de l'impôt au titre d'un premier abonnement.

Il convient de relativiser l'aspect novateur des priorités du plan de filière en faveur de la presse. 22 % des crédits dédiés à la presse sont fléchés vers un plan réseau imprimerie (PRIM) destiné à accélérer le départ de 1 553 salariés du secteur de l'imprimerie, soit près de 60 % des effectifs actuels. Le rapporteur spécial constate que le PRIM relève avant tout d'un gigantesque plan social ciblant les imprimeries et ne correspond pas véritablement à l'objectif de rebond affiché.

S'agissant de la majoration des crédits du FSDP destinée à favoriser l'accompagnement de la transition vers le numérique des principaux acteurs de la filière, en particulier les éditeurs, le rapporteur spécial rappelle qu'il n'appartient pas à l'État de se substituer aux éditeurs dans la définition d'une offre numérique ou du choix d'un support et de financer ainsi l'intégralité du processus de digitalisation de la presse, sauf à créer une distorsion de concurrence avec d'autres secteurs. L'accompagnement doit donc prendre en compte le degré de digitalisation déjà existant pour chaque titre et être modulé en fonction de celui-ci.

Par ailleurs, l'ouverture de nouvelles lignes de crédits en faveur de la transition numérique ne saurait occulter la mise en place d'autres instruments juridiques en vue de renforcer les ressources des médias de presse écri t e présents sur internet (kiosques numériques, droits voisins, publicité numérique). L'aide budgétaire ne peut constituer la seule réponse au défi de la digitalisation.

S'agissant du plan de filière, il couvre les crédits dédiés à la restructuration de Presstalis et son remplacement par France Messagerie (140 millions d'euros AE = CP prévus par la troisième loi de finances rectificative pour 2020). Le rapporteur spécial relève que la situation du nouvel opérateur apparaît cependant toujours aussi fragile, dépendante de nombreux aléas, qu'il s'agisse des restrictions d'activité liées aux mesures sanitaires ou, plus structurellement, à l'attrition du nombre de lecteurs de journaux papiers.

Le plan de filière intègre également le crédit d'impôt sur le premier abonnement à une publication ou à un service de presse en ligne qui présente le caractère de presse d'information politique et générale (IPG ), instauré en troisième loi de finances rectificative pour 2020 12 ( * ) . Ce dispositif doit permettre d'augmenter le lectorat et faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le dispositif avait été modifié lors des débats à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant toute condition de revenus et de plafond de 50 euros tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement, contre 50 %. Il est accordé une fois pour un même foyer fiscal jusqu'au 31 décembre 2022. Le coût de la dépense fiscale en année pleine est évalué à 60 millions d'euros. Reste que ce crédit d'impôt a été déclaré conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État par la Commission européenne le 16 avril 2021 13 ( * ) et n'a donc pu entrer en vigueur que le 9 mai suivant 14 ( * ) . Il ne peut donc aujourd'hui être évalué. Le rapporteur spécial relève que le dispositif apparaît pour l'heure mal connu et ne fait pas partie des arguments présentés par les éditeurs dans les offres d'abonnement.

De manière générale, si le bien-fondé de l'ensemble des mesures prévues par le plan de filière et le plan de relance ne saurait être totalement remis en cause , cette aide d'urgence ne saurait être à terme pérennisée, sauf à renforcer l'addiction du secteur aux fonds publics, qui peut placer les titres de presse dans une situation de dépendance excessive à l'égard de l'État.

D. UN SOUTIEN AFFICHÉ AU DÉVELOPPEMENT DE LA RADIO NUMÉRIQUE TERRESTRE QUI PEUT S'AVÉRER INADAPTÉ

L'action 06 - Soutien à l'expression radiophonique locale du programme 180 regroupe les crédits dédiés au Fonds de soutien à l`expression radiophonique (FSER) qui couvre 706 radios associatives non commerciales.

Le présent projet de loi de finances prévoit de majorer de 1,1 million d'euros les crédits dédiés au FSER Une dotation de 33,1 millions d'euros est ainsi envisagée pour financer les aides accordées par le FSER. Cette progression s'inscrit dans la continuité de celle constatée en loi de finances pour 2021 : + 1,25 million d'euros.

Le FSER est chargé de soutenir le secteur radiophonique local associatif, considéré comme le garant de l'expression du pluralisme et de la communication de proximité. Il distribue à cet effet des aides aux radios locales associatives accomplissant une mission de « communication sociale de proximité » lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaire total 15 ( * ) . Ces aides représentent 40 % des ressources des radios couvertes par le Fonds.

Quatre subventions sont versées :

- la subvention d'installation d'un montant maximal de 16 000 euros ;

- la subvention d'équipement , appelée à financer 50 % des dépenses d'investissement, dans la limite de 18 000 euros par période de cinq ans ;

- la subvention d'exploitation ;

- la subvention sélective à l'action radiophonique , destinée à soutenir les services de radio ayant réalisé des actions particulières dans un certain nombre de domaines, à l'instar de l'emploi, de l'intégration, de la lutte contre les discriminations, la culture et l'éducation. Cette subvention représente au plus 25 % du montant total des subventions de fonctionnement attribuées chaque années (installation, exploitation et équipement).

Cette majoration de crédits est destinée à prendre en compte le nombre croissant des radios autorisées à émettre en modulation de fréquence ou en numérique terrestre (DAB +), dans un contexte de réduction de leurs ressources publicitaires. Les coûts liés au déploiement de la radio numérique terrestre, appelée à compléter voire remplacer la modulation de fréquence (FM), sont en effet importants. Ce nouveau format numérique est destiné à éviter les décrochages en cas de changement de zone et les grésillements. Il s'agit d'un enjeu important pour les stations régionales qui pourront ainsi élargir leur audience et disposer de nouvelles ressources publicitaires.

Si elle doit être saluée, la majoration de cette dotation ne permet pas totalement d'appuyer les radios FM en vue de soutenir leur développement numérique. En effet, les radios FM ne sont éligibles qu'une fois au dispositif. Celles qui perçoivent une aide du FSER au titre de leur mode de diffusion actuel ne peuvent donc bénéficier d'un apport complémentaire en vue de leur diffusion en DAB +.

Il convient de rappeler à ce stade que la question de la diffusion numérique a déjà été prise en compte au sein de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 16 ( * ) . Celle-ci prévoyait en effet une dotation de 30,5 millions d'euros destinée à alimenter un dispositif de soutien aux dépenses de diffusion hertzienne des radios privées et des télévisions présentes dans l'Hexagone et en outre-mer. Ce soutien s'inscrit en complément des mesures transversales déjà mises en place par le Gouvernement. Aux termes du décret n° 2020-1835 du 10 avril 2021, ce mécanisme comporte trois composantes :

- un soutien à la diffusion des radios privées en bande FM, à l'exception des radios associatives ayant bénéficié en 2020 du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale ;

- un soutien à la diffusion en radio numérique terrestre (DAB+) pour tous les services autorisés ayant commencé à émettre, à l'exception des radios associatives ayant bénéficié en 2020 du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale ;

- un soutien à la diffusion en TNT des télévisions locales.

Les premières aides ont été versées en août 2021 et la totalité devait être versée d'ici à la fin du mois de septembre 2021. Il sera nécessaire dans ces conditions de procéder à une évaluation de ces deux mécanismes avant le prochain projet de loi de finances afin de vérifier l'adéquation des moyens mis en place et l'objectif visé.

II. LE PROGRAMME « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » : UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS VERSÉS AUX OPÉRATEURS

Le projet de loi de finances prévoit une augmentation des crédits de paiement du programme « Livre et industries culturelles » de près de 7,5 millions d'euros, soit une progression de 2,37 % par rapport à la loi de finances pour 2021.

Hors mesure de périmètre - avec notamment, le transfert des crédits dédiés à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet, aux termes de sa fusion avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, au programme 308 « Protection des droits et libertés » rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement - la majoration apparaît plus importante : les crédits de paiement devraient ainsi augmenter de 12,2 millions d'euros (+ 3,7 %). L'essentiel de cette majoration est orientée d'un côté vers les travaux de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de la Banque publique d'information (Bpi) et de l'autre, vers le Centre national de la musique.

L'augmentation des montants prévus en autorisation d'engagement - 11,7 millions d'euros, soit une progression de 3,49 % par rapport à la loi de finances pour 2021 - est principalement fléchée vers la Bibliothèque publique d'information (Bpi). Hors mesure de périmètre, la majoration s'élève à 16,5 millions d'euros (+ 4,7 millions d'euros).

Évolution des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles »
de 2021 à 2022 à périmètre courant

(en euros)

LFI 2021

PLF 2022

Variation 2022/2021 (%)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Livre et lecture

305 680 211

286 881 813

319 755 379

296 730 725

+ 4,60

+ 3,43

02 - Industries culturelles

30 048 415

30 048 415

27 702 586

27 702 586

- 7,81

-7,81

334 - Livre et industries culturelles

335 728 626

316 930 228

347 457 965

324 433 411

+ 3,49

+ 2,37

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Le programme est composé de deux actions. L'action 01 « Livre et lecture » représente 92 % des crédits du programme.

A. UNE ACTION EN FAVEUR DU LIVRE ET DE LA LECTURE CONCENTRÉE SUR LES DEUX GRANDES BIBLIOTHÈQUES PARISIENNES ET LE SOUTIEN À L'ÉDITION

1. Un financement principalement tourné vers les opérateurs

L'action 01 « Livre et lecture » du programme 334 devrait être dotée en 2022 de 319,7 millions d'euros en AE et 296,7 millions d'euros en CP. Essentiellement tournée vers le financement des dépenses de fonctionnement de trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (Bpi) implantée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et le Centre national du livre, elle ne reflète qu'imparfaitement l'action de l'État en faveur du livre et de la lecture, éclatée entre plusieurs programmes.

Les trois établissements concentrent, en effet, 90 % des crédits prévus en 2022.

Subventions pour charges de service public versées dans le cadre
de l'action 01 du programme 334 (prévision 2022)

(en euros)

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d'investissement

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

BnF

192 347 909

192 347 909

27 684 783

31 684 783

219 643 712

223 643 712

BpI

6 895 659

6 895 659

35 905 812

8 881 158

42 793 371

15 768 717

CNL

27 325 166

27 325 166

75 000

75 000

27 391 346

27 391 346

Total

226 568 734

226 568 734

63 665 595

40 640 941

290 234 329

267 209 775

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

Les dépenses d'investissement prévues se concentrent essentiellement sur les frais liés aux travaux de rénovation de la BnF (Quadrilatère Richelieu, travaux de conservation et ouverture d'un centre de conservation) et de la Bpi.

Celle-ci devrait voir en effet sa dotation en fonds propres majorée de 35,53 millions d'euros en AE et 5,33 millions d'euros en CP. Une partie de ces crédits (3,2 millions d'euros en AE et 2,34 millions d'euros en CP) est appelée à financer la fin du projet de rénovation des espaces de lecture. Le solde (32,33 millions d'euros en AE et 2,99 millions d'euros en CP) vise à anticiper un relogement temporaire dans le contexte de la fermeture annoncée du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou pour travaux à compter de 2023.

2. Les travaux sans fin et coûteux de la Bibliothèque nationale de France

Les dépenses d'investissement de la Bibliothèque nationale de France représentent 78 % des dépenses d'investissement des trois opérateurs de l'action 01 réunis. Ce ratio illustre le poids des travaux dans la gestion de cet opérateur et une impression d'éternel recommencement.

Le coût total des travaux de la BnF s'agissant du quadrilatère Richelieu a de nouveau été actualisé pour atteindre 247,6 millions d'euros, soit un dépassement de plus de 30 % par rapport au montant initial arrêté en 2011. Le collectif budgétaire de fin de gestion 2021 prévoit d'ailleurs une ouverture de crédits de 11 millions d'euros afin de financer les surcoûts. Ceux-ci relèvent pour l'essentiel de la crise sanitaire, qui a conduit à un retard de 6 mois dans la livraison des travaux.

La participation du ministère de la culture s'élève à 205 millions d'euros :

- 164,75 millions d'euros sont financés sur le programme 334 ;

- 40,2 millions d'euros sont versés via le programme 175 « Patrimoines ».

Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue également à ce chantier à hauteur de 42,7 millions d'euros.

A ces coûts liés aux travaux, s'ajoute une augmentation des dépenses de personnels en vue de la réouverture du site.

Le site Richelieu ne saurait pour autant résumer la dépense d'investissement de la Bnf, confrontée à l'obsolescence des équipements du site François Mitterrand , qui devrait contribuer à faire croître les dépenses d'investissement dans les années à venir. Plusieurs chantiers ont déjà débuté, certains devant prendre fin en 2026, pour un montant total de 54,1 millions d'euros. Il en va ainsi :

- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;

- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;

- du remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;

- du remplacement du système de contrôle d'accès et de la vidéo-protection, pour un coût estimé à 5,8 millions d'euros étalé de 2019 à 2022 ;

- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2016 et 2027.

De nouveaux travaux sont également prévus à partir de 2022. Le coût global est évalué à 18 millions d'euros. Ils visent :

- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;

- le remplacement des groupes froids de la production centralisée, soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;

- les travaux de réfection des tours aéro-réfrigérantes du site, soit 3 millions d'euros en 2022 ;

- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.

Le présent projet loi de finances prévoit, par ailleurs, le premier versement destiné au financement du futur pôle regroupant le conservatoire national de la presse et le centre de conservation des collections. Le coût total du dispositif est estimé à 100 millions d'euros, l'État s'est engagé à en participer à hauteur de 30 millions d'euros : cette somme a été ouverte en AE en loi de finances pour 2021. Le premier versement s'élèverait en 2022 à 4 millions d'euros en CP. Le reste du financement est porté à parts égales par la Bibliothèque nationale de France et les collectivités territoriales.

3. Une maquette budgétaire à revoir

Hors soutien aux opérateurs, le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de financer à hauteur de 19,2 millions d'euros (AE = CP) deux sous-actions :

- la sous-action 03 dédiée au développement de la lecture et des collections, abondée à hauteur de 7,9 millions d'euros (AE = CP) ;

- la sous-action 04 destinée à soutenir éditeurs, libraires et professionnels du livre, dotée de 11,3 millions d'euros (AE = CP).

Le maintien de crédits dédiés au développement de la lecture au sein du programme 334 peut interroger, puisque les actions relatives au livre et à la lecture sont, depuis la loi de finances pour 2018, rattachés au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », rattachée à la mission « Culture ». Celles-ci sont, en effet, considérées comme participant de l'éducation artistique. Les crédits dédiés aux contrats territoires lecture (CTL), au soutien aux manifestations littéraires et aux associations, le développement des programmes « Premières pages » ou « Des livres à soi » dédiés à la promotion de la lecture chez les plus jeunes ou l'appui à la Cité internationale de la bande dessinée et de l'image animée ou de l'Institut de la mémoire de l'édition contemporaine ne relèvent donc pas du programme 334.

La mise en oeuvre du Plan Bibliothèques 2018-2020 et ses suites est par ailleurs partagée entre le programme 119 « concours particuliers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », via la dotation générale de décentralisation (concours particulier des bibliothèques - DGD Bibliothèques) pour le volet « ouvrir plus », soit l'extension des horaires d'accueil (8 millions d'euros) et le programme 361 pour le volet « offrir plus », portant sur l'élargissement des missions (1,5 million d'euros prévu en mesure nouvelle dans le projet de loi de finances pour 2022).

Dans ces conditions, le rapporteur spécial souhaite une poursuite de la rationalisation de la maquette budgétaire et un transfert des crédits restants dédiés à la lecture vers le programme 361. Le programme 334 verrait ainsi ses missions recentrées sur l'industrie du livre plus que sur la lecture en tant que telle. La sous-action 04 participe ainsi au financement de la Centrale de l'édition, du Syndicat de la librairie française ou du Bureau international de l'édition française (9,1 millions d'euros au total) et au développement, dans les territoires, des librairies et des maisons d'édition (2,2 millions d'euros).

4. La réponse à la crise sanitaire est portée par la mission Plan de relance

Le programme 363 - Compétitivité - de la mission Plan de relance prévoyait 53 millions d'euros sur la période 2021-2022 pour soutenir la filière livre.

Ces crédits sont appelés à financer la rénovation des bibliothèques publiques (30 millions d'euros) et leurs programmes d'acquisition (10 millions d'euros), Ils doivent également favoriser les investissements des librairies (6 millions d'euros versés dès 2021) et soutenir l'extension des opérations commerciales ponctuelles « Jeunes en librairie » (7 millions d'euros).

La loi de finances pour 2021 prévoyait un premier versement de 29,5 millions d'euros. Le solde de 23,5 millions d'euros est prévu dans le présent projet de loi de finances.

B. LE CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE FACE AUX INCERTITUDES

Le Centre national de la musique (CNM) a été mis en place le 1 er janvier 2020, avec pour ambition de devenir l'équivalent, dans le domaine de la musique, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Ce projet de « maison commune de la musique » avait été une première fois envisagé en 2011. Le ministère de la culture a relancé l'idée en juin 2017, en commandant un rapport sur le sujet 17 ( * ) puis en confiant à deux députés une mission de préfiguration en novembre 2018 18 ( * ) . La proposition de loi découle de celle-ci.

Établissement public à caractère industriel commercial 19 ( * ) , le CNM est chargé de quatre missions :

- l'observation de la filière musicale ;

- l'information, la formation, le conseil et l'accompagnement des professionnels ;

- le soutien économique aux acteurs ;

- le développement international.

Il résulte de la fusion, effective depuis le 1 er novembre 2020, de plusieurs structures :

- le centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;

- le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ;

- le centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) ;

- le fonds pour la création musicale ;

- le bureau export de la musique.

Le CNM dispose de deux sources de financement :

- le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés, versé jusqu'alors au CNV ;

- l'ancienne dotation budgétaire accordée au CNV, à laquelle s'ajoutent les crédits budgétaires initialement dédiés à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique.

Les organismes de gestion collective peuvent également affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

1. Une majoration logique des crédits en 2022 qui ne règle pas totalement la question du financement des activités du CNM
a) Une progression des crédits dédiés de 5 millions d'euros

Le rapport de la mission de préfiguration du Centre insistait sur la mise en place d'un financement budgétaire de 20 millions d'euros. Cet objectif a finalement été atteint en deux temps, la loi de finances pour 2021 prévoyant une montée en charge de 7,5 millions d'euros que le projet de loi de finances pour 2022 complète par une dotation de 5 millions d'euros.

A ces crédits s'ajoutent ceux dédiés au financement des structures intégrées au CNM le 31 octobre 2020, Bureau export, FCM, CALIF et IRMA, soit 5,18 millions d'euros.

Dans ces conditions, la subvention pour charges de service public devrait s'établir à 26,81 millions d'euros, dont 5 millions d'euros de mesures nouvelles .

b) Un financement insuffisant ?

L'effondrement de la taxe sur les spectacles en 2020 et en 2021 et les incertitudes entourant une reprise de son rendement en 2022 peuvent interroger sur le calibrage du financement public accordé au CNM, alors même que celui-ci a vu ses missions évoluer dans le cadre de la crise sanitaire et l'une de ses ressources principales - la taxe sur les spectacles - s'effondrer.

Le Plan de relance tente de parer à cette difficulté en dégageant 10 millions d'euros sur la période 2021-2022 aux fins d'appui budgétaire au CNM. 5 millions d'euros en CP sont ainsi prévus dans le cadre du présent projet de loi de finances, après un premier versement d'un montant équivalent en 2021.

Cette solution transitoire ne répond qu'imparfaitement aux défis auquel est confronté le Centre. La solution ne peut cependant passer uniquement par une rallonge budgétaire. Plusieurs pistes peuvent être ouvertes :

- l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les spectacles aux représentations de musique classique : celles-ci n'en font pas pour l'heure partie, alors même que les formations classiques bénéficient d'un appui du CNM ;

- une contribution sur le matériel d'écoute sonore qui permettrait de consolider le soutien du CNM au secteur de la musique enregistrée, limité pour l'instant aux anciens crédits du Bureau export du FCM et au crédit d'impôt sur la production phonographique. Le marché est dynamique, principalement porté par des entreprises extra-européennes. Il représentait 20 millions d'unités vendues et plus de 1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2019 (+ 14 % en deux ans). Un tel mécanisme devrait cependant être articulé avec la redevance pour copie privée, qui vise déjà certains appareils.

La question des ressources a été éludée par les collectifs budgétaires de 2020 (152 millions d'euros AE = CP) et le Plan de relance (210 millions d'euros pour la période 2021-2022, dont 10 millions dédiés au fonctionnement même du CNM ) qui ont permis de dégager des ressources plus que conséquentes pour l'ensemble du secteur. Ces solutions ne sont cependant que temporaires, alors même qu'une grande incertitude entoure le secteur, bouleversé par un changement des pratiques culturelles des Français après la crise. L'étude commandée par le ministère de la culture en septembre 2021 20 ( * ) dénote en effet une mutation des comportements : 30 % des personnes interrogées se rendront désormais moins qu'avant la pandémie à un concert, ce ratio montant à 36 % parmi les personnes qui avaient l'habitude, avant la crise, de se rendre à une représentation de spectacle vivant.

Cette incertitude quant à un retour dans les salles pèse sur un secteur extrêmement fragilisé en 2021 : la perte de chiffre d'affaires pour l'ensemble du secteur du spectacle musical devrait ainsi atteindre 1,8 milliard d'euros en 2021, soit une perte de près de 80 % par rapport à 2019. Le CNM pointe à ce titre un risque d'effet ciseau.

Dans ces conditions un risque pèse également sur la taxe sur les spectacles. Son produit s'est élevé à 36 millions d'euros à 2019, dernier exercice plein avant le déclenchement de la crise sanitaire. Le Gouvernement table sur un montant de 15 millions d'euros seulement en 2022 21 ( * ) .

c) Une mise en oeuvre effective du Plan de relance décalée en 2022

L'action 05 du programme 363 de la mission « Plan de relance » prévoit la mise en place d'un soutien financier au spectacle vivant privé, en particulier musical.

200 millions d'euros en AE et 170 millions d'euros en CP ont ainsi été transférés en 2021 au CNM en vue de la mise en oeuvre d'un dispositif en faveur de filière musicale. Le solde - 30 millions d'euros en CP - est prévu dans le cadre du présent projet de loi de finances.

L'exécution des crédits dédiés en 2021 a cependant été fragilisée par le prolongement des mesures de confinement jusqu'au 19 mai et une réouverture très progressive, conjuguant limitation des jauges et accès aux détenteurs du Pass sanitaire. Il y a bien, contrairement à d'autres secteurs d'activité, un effet décalé de la crise sur la filière musicale. L'absence de reprise massive de l'activité avant le deuxième semestre n'a pas permis, en tout état de cause, d'accompagner la relance espérée dès le début de l'année. 137,4 millions d'euros en CP devraient donc être encore disponibles en fin d'exercice et devraient donc être redéployés en 2022.

2. Une dépense fiscale fragilisée par la crise ?

Le CNM délivre son agrément pour deux crédits d'impôts :

- le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) ;

- le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV).

Le CIPP a été révisé en loi de finances pour 2021 afin d'intégrer les dépenses afférentes à la réalisation et à la production d'images permettant le développement de la carrière de l'artiste dans les dépenses de production 22 ( * ) . Les taux et les plafonds du crédit d'impôt ont également été bonifiés.

Ramené en loi de finances pour 2019 aux spectacles musicaux, qui doivent comprendre quatre représentations au minimum dans au moins trois lieux différents et limité par un seuil d'affluence à partir duquel les artistes ne sont plus éligibles à ce dispositif, le périmètre du CISV a été élargi en loi de finances rectificative pour 2020 afin de réintégrer les spectacles de variétés 23 ( * ) . La loi de finances pour 2021 a, de son côté, assoupli le nombre de représentations (deux) et de lieux de présentation (deux) éligibles au dispositif 24 ( * ) .

Le Gouvernement dans son évaluation de la dépense fiscale retient un montant stable en 2021 et 2022 pour les deux dispositifs. Ces montants seraient équivalents à ceux constatés en 2020 et même supérieurs à 2019. Le rapporteur spécial s'interroge sur une telle appréciation compte-tenu du contexte. La fermeture des salles de spectacle en 2020 et 2021 et leur réouverture sous conditions devrait avoir un impact sur le CISV. La Cour des comptes relève, de son côté, que l'estimation du CIPP ne tient pas compte du ralentissement des dépenses en production en raison de la crise sanitaire 25 ( * ) .

Montant de la dépense fiscale afférente au crédit d'impôt pour les dépenses
de production phonographique (CIPP) et au crédit d'impôt
sur le spectacle vivant (CISV)

(en millions d'euros)

2019

2020

2021 (p)

2022 (p)

CIPP

11

17

17

17

CISV

12

22

22

22

Source : commission des finances du Sénat d'après l'annexe au projet de loi de finances 2022, Évaluation des voies et moyens, tome II - Les dépenses fiscales.

3. Le défi des droits voisins

Dans un arrêt en date du 8 septembre 2020, la Cour de justice de l'Union européenne a indiqué que les organismes de gestion collective (OGC) des droits d'auteur de l'Union européenne devaient traiter les créateurs de musique de manière égale, quelle que soit leur nationalité 26 ( * ) , quand bien même les pays dont ils sont issus ont notifié des réserves aux conventions internationales dédiées à ce sujet, à l'instar des États-Unis. Les OGC devront donc rémunérer tous les détenteurs de droits. Les titres américains n'étaient jusqu'alors pas rémunérés. Les droits à rémunération équitable collectés sur ces enregistrements étaient considérés jusqu'à présent comme des « irrépartissables juridiques » et affectés au financement de l'aide aux auteurs.

L'application de l'arrêt de la Cour représente une charge annuelle comprise entre 25 et 30 millions d'euros pour les OGC françaises. Elle devrait ainsi les conduire à réduire le financement des aides aux auteurs. L'Adami estimait ainsi, fin 2020, la baisse de ses budgets d'aide à 35 % et évalue ses pertes à une somme comprise entre 12 et 15 millions d'euros par an. La Spedidam a, de son côté, annoncé une baisse de 30 % de ses budgets d'aide, les subventions accordées étant dans le même temps gelées. Le budget des aides des producteurs phonographiques (SCPP et SPPF) devrait également être divisé par deux.

Restait à déterminer si l'arrêt de la Cour avait un caractère rétroactif : un rattrapage était en effet estimé à 140 millions d'euros. L'article 35 de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière 27 ( * ) répond pour partie à cette question en validant le fléchage des sommes concernées vers l'aide à la création, dès lors que ces opérations sont intervenues avant le 8 septembre 2020 au titre de l'aide à la création.

S'agissant de l'avenir du financement de l'aide à la création, une sollicitation du CNM n'est pas à exclure, ce qui pourrait rendre insuffisantes les sommes d'ores et déjà prévues au sein du présent projet de loi de finances au titre des missions « Médias, livre et industries culturelles » et « Plan de relance ». La participation des OGC au financement du CNM pourrait également être remise en cause.

III. LE FINANCEMENT DU CINÉMA AU DÉFI DU REBOND

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture, le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est chargé d'une triple mission :

- économique, au travers du soutien à une industrie soumise à une très forte concurrence. L'industrie cinématographique représente 0,9 % du PIB et 1 % de l'emploi total en France ;

- culturelle, via la valorisation de la diversité et de l'originalité de la création française ;

- stratégique et réglementaire, par l'intermédiaire d'une participation directe à la définition de la politique de l'État pour ce secteur et à l'élaboration des textes de nature législative ou réglementaire visant ce secteur.

Le CNC ne bénéficie d'aucun crédit budgétaire, son budget annuel, 693,8 millions d'euros prévus en 2021, est, en effet, abondé par quatre taxes affectées :

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) ;

- la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA).

Recettes du CNC prévues pour 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC Perspectives 2022

A. 2022 DEVRAIT MARQUER UN RETOUR À LA NORMALE S'AGISSANT DU FINANCEMENT DU CNC

L'examen des prévisions de ressources du CNC en 2022 tend à mettre en avant une reprise attendue de la fréquentation en salle et une reprise du marché publicitaire. Le rapporteur spécial note que le CNC présente de fait un budget, optimiste, dépassant la simple sortie de crise en plaçant son niveau de financement à un étiage comparable à celui de 2019.

1. Une progression des recettes tirée par le retour attendu en salles et la stabilisation du marché publicitaire

Le produit des taxes perçues par le CNC en 2022 devrait atteindre 693,9 millions d'euros, soit une majoration de 88,2 millions d'euros par rapport à la prévision d'exécution 2021. Celle-ci s'inscrit en recul par rapport à la trajectoire retenue en début d'exercice (-1,7 %, soit 10,3 millions d'euros).

Évolution des recettes du CNC entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC Perspectives 2022

La progression des recettes attendue en 2022 tient, pour l'essentiel, à une reprise de l'activité des salles et à une augmentation, en conséquence, du produit de la taxe sur les entrées de cinéma (TSA). La parte de recette s'agissant de cette taxe est estimée à environ 210 millions d'euros sur la période 2020-2021 : 118,2 millions d'euros pour l'exercice 2020 et 90,9 millions d'euros pour l'exercice suivant. Il convient de rappeler à ce stade que la perte de recette observée en 2020 résulte pour partie (36,7 millions d'euros) de l'exonération de cette taxe de février à décembre 2020, votée en loi de finances pour 2021.

La majoration des recettes tient également à celle du produit de la taxe sur les éditeurs de service éditeurs. La TST-E est assise sur les recettes issues des messages publicitaires et de parrainage, celles issues des SMS et appels surtaxés ainsi que sur la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et toute autre ressource publique. L'exercice 2020 avait été marqué par une chute de son produit de 62 millions d'euros. La diminution des investissements publicitaires dans un contexte marqué par ailleurs par la déprogrammation d'événements sportifs (Jeux olympiques, Euro de football). La progression de recettes publicitaires enregistrées en 2021 (+ 33,3 % entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2020) s'avère in fine plus importante qu'escomptée. Le produit de la TST-E devrait ainsi être majoré de 24,4 millions d'euros par rapport à la cible retenue lors de l'élaboration du budget 2021. Cette progression devrait être confirmée en 2022.

2. Une stabilité des recettes d'ici 2025

Le CNC table sur un montant relativement stable des recettes entre 2022 et 2025 : + 2,7 millions d'euros sur la période, soit une majoration de 0,4 %.

Trajectoire prévisionnelle du produit des taxes affectées au CNC 2022-2025

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC 2019-2021

La progression des recettes sur la période devrait être modérée par la baisse du produit de la taxe sur les services de télévisions acquittée par les distributeurs (- 1 % entre 2022 et 2025, soit - 2 millions d'euros). La TST-D est assise sur le produit des abonnements à un ou plusieurs services de télévision ou à une offre comprenant un accès à un réseau de communications électroniques permettant de recevoir des services de télévision. Dans le premier cas, est appliqué un abattement de 10 %, dans le second cas, un abattement de 66 %. Un barème composé de quatre tranches est ensuite appliqué pour le calcul de la taxe, après un nouvel abattement de 10 millions d'euros. La TST-D a été diminuée en loi de finances pour 2020 pour les éditeurs de services de télévision qui s'auto-distribuent, à l'instar de Canal +, afin de prendre en compte les contraintes liées à la gestion d'un parc de clients abonnés à un service disponible sur l'ensemble des réseaux de diffusion.

La concurrence des plateformes de vidéos à la demande par abonnement justifie une telle évolution. Celles-ci intègrent désormais des contenus, à l'image des programmes sportifs - tels le championnat de France de football ou le tournoi de Roland-Garros - qui étaient jusqu'alors exclusivement proposés par des services de télévision payante.

B. UNE PROGRESSION ATTENDUE DES DÉPENSES DE SOUTIEN

Les prévisions de dépense du CNC tendent à attester de la reprise de la production, entamée dès l'exercice 2021.

1. Le fonds de soutien du CNC devrait renouer avec un niveau habituel d'intervention

Les dépenses du fonds de soutien du CNC devaient initialement atteindre 702,8 millions d'euros en 2022 soit un montant quasiment équivalent à celui enregistré en 2019 : 696,4 millions d'euros.

Il s'agit là encore d'un retour à la normale après deux exercices marqués par une diminution sensible des interventions de ce Fonds.

Évolution des dépenses du fonds de soutien entre 2019 et 2022

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC - Perspectives 2022

Dans le détail, tous les dispositifs retrouvent leur étiage d'avant-crise.

Évolution des dépenses du fonds de soutien
du Centre national du cinéma et de l'image animée de 2018 à 2022

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Exécution 2019

Exécution

2020

Prévision

2021

Prévision 2022

Action 1 - Production et création cinématographiques

135,4

126,5

80,6

128,3

135,6

Action 2 - Production et création audiovisuelles

290,8

270,7

266,2

255,5

268,8

Action 3 - Industries techniques et innovation (soutiens sélectifs)

24,2

22,2

23,8

28,5

23,6

Action 4 - Distribution, diffusion et promotion

228

230,1

158

179

223

Action 4 bis - Plan numérique

11,6

9

4,8

7

8,8

Action 5 - Autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

42

42,4

45,9

47,5

43

Total des dépenses du fonds de soutien

731,9

696,4

579,4

645,8

702,8

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC - Perspectives 2022

2. La dynamique retrouvée des crédits d'impôts

L'action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d'impôts au rendement dynamique. Ces dispositifs ont permis de réduire le phénomène de délocalisation des tournages - 15 % en 2019 contre 27 % en 2015 - et auraient permis, d'après le CNC, la création de 25 000 emplois. Le montant total de la dépense fiscale est estimé à 414 millions d'euros pour 2022, soit un niveau a peu près équivalent à celui constaté en 2020 (412 millions d'euros). La dépense fiscale renoue ainsi avec la dynamique observée depuis 2017, progressant de près de 28 % sur la période. Fin juin 2021, les dépenses éligibles aux crédits d'impôt atteignent un niveau record établi à 1 116 millions d'euros.

Le CNC assure la gestion de quatre d'entre eux : les crédits d'impôts « cinéma », « audiovisuel », « international » et « jeux vidéo ». Le CNC relève, pour l'ensemble de ces dispositifs, un effet marginal de la crise .

Le crédit d'impôt « cinéma » (CIC) 28 ( * ) , mis en place depuis le 1 er janvier 2004, prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d'euros par film. 138 films ont bénéficié du crédit d'impôt en 2020, la dépense fiscale afférente étant évaluée à 85 millions d'euros.

Le crédit d'impôt « audiovisuel » (CIA) 29 ( * ) , entré en vigueur le 1 er janvier 2005, prévoit un crédit d'impôt équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles pour les oeuvres de fiction et d'animation et à 20 % pour les oeuvres documentaires. La dépense fiscale est estimée à 140 millions d'euros en 2021.

Le crédit d'impôt « international » (C2I) 30 ( * ) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2022 après accord de la Commission européenne. La dépense fiscale est estimée à 77 millions d'euros en 2021.

Créé en 2009, le crédit d'impôt « jeux vidéo » 31 ( * ) , vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme. Le crédit d'impôt est égal à 30 % des dépenses éligibles, dans la limite de 6 millions d'euros par exercice et par entreprise. La dépense fiscale est estimée à 63 millions d'euros en 2021, 36 projets ayant obtenu un agrément en 2020.

Plus ancien, le dispositif des sociétés d'investissements qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) 32 ( * ) , mis en place en 1985, a permis de participer au financement de 123 films et 33 oeuvres audiovisuelles en 2018. 96,7 % de ces investissements visent des productions indépendantes. Trois taux de déduction fiscale (30 %, 36 % et 48 %) s'appliquent aux montants collectés par les SOFICA. La dépense fiscale est évaluée à 29 millions d'euros pour 2021, soit un niveau équivalent à celui enregistré en 2020.

La loi de finances pour 2021 a prolongé de trois ans, jusqu'au 31 décembre 2023, la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital de ces sociétés de financement et élargi le champ géographique de leurs investissements. Le périmètre d'intervention des SOFICA a également été ouvert aux entreprises de la distribution cinématographique, dans la limite de 15 % de leurs investissements annuels. L'impact de ces modifications est pris en compte dans la progression attendue de la dépense fiscale en 2022 (+ 6 millions d'euros, soit une majoration de 21 %).

Dépense fiscale en faveur du cinéma 2018-2022

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

Prévision 2022

SOFICA

30,3

30,2

29

29

35

Crédit d'impôt « cinéma »

142,5

121

113

85

85

Crédit d'impôt « audiovisuel »

131

139

148

140

140

Crédit d'impôt « international »

67

56

73

77

97

Crédit d'impôt « jeux vidéo »

24

42

49

63

57

Total

394,8

388,2

412

394

414

Source : commission des finances, d'après le document stratégique de performance du CNC - Perspectives 2022

Afin de tempérer les effets de la crise, l'article 49 de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 prévoit, en outre, la mise en place d'un crédit d'impôt destiné à soutenir les investissements des médias dans les programmes et la création audiovisuels, réalisés en 2020. L'agrément pour ce dispositif temporaire n'est pas accordé par le CNC.

Les entreprises exerçant l'activité d' éditeur de services de télévision, de services de radio ou de services de médias audiovisuels à la demande peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal à 15 % du montant des dépenses favorisant la création . Sont concernées les dépenses suivantes :

- l'achat de droit de diffusion des oeuvres ;

- l'investissement en part de producteur dans le financement des oeuvres ;

- le financement des travaux d'écriture et de développement des oeuvres ;

- l'adaptation des oeuvres aux personnes aveugles ou malvoyantes ;

- la formation des auteurs ;

- la promotion des oeuvres ;

- la rémunération versée aux auteurs d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ;

- les redevances versées aux organismes de gestion collective des droits d'auteur ou des droits voisins.

Pour bénéficier de ce dispositif, lesdites entreprises doivent justifier d'une diminution de chiffre d'affaires d'au moins 10 % pour la période allant du 1 er mars au 31 décembre 2020 par comparaison avec la période allant du 1 er mars au 31 décembre 2019. Les dépenses concernées doivent avoir été effectuées entre le 1 er mars et le 31 décembre 2020 , en France, dans un État membre de l'Union européenne ou dans un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen.

Ces dépenses ne peuvent entrer dans les bases de calcul d'un autre crédit d'impôt. Les subventions publiques non remboursables sont déduites des bases de calcul du crédit d'impôt. La somme totale de crédits d'impôt accordés à une entreprise ne peut excéder le montant de la diminution de son chiffre d'affaires entre le 1 er mars et le 31 décembre 2020 par rapport à l'année précédente.

Ce crédit d'impôt devait permettre de répondre à une situation de crise sans précédent dans le domaine des médias. Les pertes pour les chaînes privées étaient estimées par les principaux acteurs du secteur à un montant compris entre 300 à 400 millions d'euros, contre 100 millions d'euros lors de la crise de 2008. Ce chiffre ne prend pas en compte l'impact du reconfinement. Le groupe TF1 tablait ainsi sur une baisse de son chiffre d'affaires comprise entre 50 et 60 % sur le deuxième trimestre 2020. Les recettes publicitaires du groupe M6 ont enregistré une diminution sans précédent de 67 % au mois d'avril dernier. Cette situation n'est pas sans conséquence sur l'investissement en matière de production, le groupe M6 ayant ainsi annoncé la mise en place d'un plan d'économie de 100 millions d'euros.

Le dispositif devait contribuer à la relance de la création de programmes originaux, en dépit de son coût, estimé par le Gouvernement à 100 millions d'euros.

D'après la direction générale Médias et industries culturelles du ministère de la culture, interrogée par le rapporteur spécial, le recours à ce dispositif devrait être important puisqu'il apparaît que les éditeurs ont maintenu leurs dépenses dans la création à un niveau similaire à 2019, en dépit de la chute de leur chiffre d'affaires. L'annonce d'un crédit d'impôt semble avoir incité les éditeurs à satisfaire leurs obligations de financement pour l'année 2020 et à assurer le paiement de leurs redevances et contrats d'auteurs, nonobstant la baisse de leurs recettes et le contexte de grande incertitude économique et sanitaire.

L'entrée en vigueur du dispositif n'est cependant intervenue que le 17 juin dernier 33 ( * ) . Celui-ci ne pouvait en effet être effectif qu'après réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le mécanisme comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État. Ce document a été adressé le 17 mai dernier. Il est donc, dans ces conditions, difficile d'évaluer précisément le coût de la dépense fiscale afférente.

3. Une inconnue : la transposition de la directive SMA

La transposition de la directive dite « Services de médias audiovisuels - SMA » 34 ( * ) dans le droit français représente une nouvelle opportunité en matière de financement de la production audiovisuelle et cinématographique française.

Les dispositions du décret n° 2021-793 du 22 juin 2021 relatif aux services de médias audiovisuels à la demande sont entrées en vigueur le 1 er juillet 2021. Elles visent les éditeurs de service de média audiovisuel à la demande (« SMAD ») établis en France ou établis à l'étranger mais diffusant leurs programmes en France, dès lors qu'ils dépassent certains seuils de diffusion (10 oeuvres cinématographiques de longue durée ou 10 oeuvres audiovisuelles diffusées). Les plateformes de partage de vidéos créées par des utilisateurs ne constituent pas nécessairement des SMAD. Un compte de partage de vidéos sur ces services peut être considéré comme un SMAD s'il remplit les conditions de la définition, et son éditeur devra donc en respecter les règles.

Aux termes du décret, les éditeurs sont tenus de financer et promouvoir des « oeuvres européennes » à savoir des « oeuvres » réalisées dans un pays européen et particulièrement les oeuvres en français. Les éditeurs de services par abonnement (VADA) (à l'image de Netflix , Amazon Prime Video , Disney + , HBO ) devront ainsi consacrer entre 20 et 25 % au moins de leur chiffre d'affaires au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. Le taux établi à 20 % du chiffre d'affaires est porté à 25 % pour les services qui proposent des films de moins de douze mois. 85 % de ces sommes doivent être dédiées aux oeuvres en français (soit 17 % à 21,25 % du chiffre d'affaires).

La répartition entre oeuvres cinématographiques et oeuvres audiovisuelles doit être fixée par une convention devant être conclue avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, chacun des genres devant représenter au minimum 20 % de l'obligation totale. Les éditeurs établis en France dont le chiffre d'affaires annuel net est supérieur à 1 million d'euros sont tenus de conclure une telle convention, dont l'objet est de préciser leurs obligations en la matière, mais aussi concernant l'offre et la mise en valeur effective de ces oeuvres, ainsi que l'accès des ayants droit aux données d'exploitation relatives à leurs oeuvres. Les éditeurs qui ne relèvent pas de la compétence de la France ont simplement la faculté de conclure une telle convention.

75 % des investissements dans le cinéma et 66 % au sein des productions audiovisuelles devront se faire auprès de producteurs indépendants. Les SMAD ne pourront avoir aucun lien capitalistique direct ou indirect dans une société de production et la durée des droits ne peut excéder trente-six mois. Ils ne peuvent pas non plus disposer du droit à recette, de mandats de distribution et des droits secondaires. Des clauses de diversité sont, en outre, prévues pour éviter que la contribution ne soit fléchée que vers les grosses productions ou certains genres.

Les autres services, notamment les services de « vidéo à la demande à l'acte » (VOD ou VAD), devront consacrer 15 % au moins de leur chiffre d'affaires à des dépenses contribuant au développement de la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes. 12 % de ces sommes devront être spécifiquement dédiées aux oeuvres en français. Au final, 200 millions d'euros supplémentaires pourraient être injectés annuellement au sein de la production cinématographique et audiovisuelle française, dont 40 millions d'euros fléchés directement vers le cinéma. Les obligations de financement des autres acteurs de l'audiovisuel français sont aujourd'hui estimées à 1,3 milliard d'euros.

Les éditeurs de services de media audiovisuel à la demande établis en France, lorsqu'ils ont un chiffre d'affaires et une part de marché suffisamment importants en France dans leur catégorie, ainsi que les éditeurs de services de télévision de rattrapage, sont également tenus de mettre en valeur les oeuvres européennes et françaises sur leurs plateformes. 60 % de leur catalogue doit être consacré aux oeuvres européennes et 40 % aux oeuvres françaises.

Ce décret doit encore être complété d'une réforme des obligations de financement applicables aux services de télévision (le décret dit « TNT » en cours de derniers arbitrages avec les professionnels) et d'une modernisation de la chronologie des médias, de façon à assurer à ces plateformes, en contrepartie de leurs nouvelles obligations, des créneaux plus courts pour la diffusion des films après leur sortie en salle.

Reste également la question de la possibilité pour les plateformes d'accéder aux financements du CNC pour les productions qu'elle appuierait. Des négociations sont actuellement en cours pour détailler les modalités de cet accès. Le coût pour le CNC est estimé à 35 millions d'euros.

C. UN SOUTIEN EN PLUSIEURS TEMPS À L'ENSEMBLE DE LA FILIÈRE POUR FAIRE FACE À LA CRISE

La combinaison des aides d'urgence et du plan de relance - soit 436 millions d'euros (AE =CP) entre 2020 et 2021 - ont permis au Centre national du cinéma de jouer un rôle d'amortisseur de la crise pour la plupart des acteurs du secteur, tout en tentant d'accélérer la modernisation de la filière. Ce faisant le CNC entendait favoriser le rebond rapide du secteur tout en prenant en compte une logique concurrentielle, à l'heure où la production cinématographique est totalement à l'arrêt dans un certain nombre de grands pays de cinéma.

Cette ambition, qu'il convient de saluer, est venue en complément des dispositifs transversaux mis en place par l'État (activité partielle, prêts garantis par l'État, report et exonération de cotisations sociales, Fonds de solidarité) - 1,18 milliard d'euros ont ainsi été versés - et aux mécanismes financiers développés par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Le soutien de l'IFCIC s'est ainsi matérialisé par  131 aménagements de prêts garantis ou octroyés, dont l'encours atteint 71 millions d'euros.

Dispositifs transversaux en faveur de la filière cinéma : coût estimé
à fin mars 2021

(en milliers d'euros)

Dispositif

Montant

Fonds de solidarité

210 364

Activité partielle

183 715

Exonération de charges sociales

180 825

Prêts garantis

602 567

Total

1 177 471

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par le CNC

Le CNC avait également mobilisé de manière anticipée son compte de soutien afin de permettre aux entreprises du secteur de faire face aux problèmes de trésorerie.

Cette action a permis d'accompagner la reprise de l'activité, la fréquentation des salles de cinéma en 2021 devant, selon les projections du CNC, augmenter de plus de 50 % par rapport à 2020 pour atteindre 100 millions d'entrées contre plus de 200 millions avant la crise. La part de marché des films français devrait atteindre 37 %.

Reste désormais à déterminer si ces dispositifs seront suffisants pour répondre au bouleversement des habitudes culturelles des Français observé depuis le début de la crise. En effet si le CNC table sur une reprise de la fréquentation en fin d'année 2021, 32 % des personnes interrogées dans le cadre de l'étude commandée par le ministère de la culture sur les sorties culturelles post-crise pensent aller moins souvent au cinéma qu'avant la pandémie 35 ( * ) . Ce ratio atteint 36 % pour les personnes ayant auparavant l'habitude de se rendre en salle.

1. Une aide d'urgence étalée sur 2020 et 2021
a) Un effort financier sans précédent

271 millions d'euros (AE = CP) ont été accordés au Centre national du cinéma entre 2020 et 2021 afin de répondre directement aux incidences de la crise sanitaire sur la production (arrêt des tournages, reprise sous contraintes) et la diffusion des oeuvres cinématographiques. Le rapporteur spécial relève que cet arsenal de mesures a permis d'accompagner finement la fermeture puis la réouverture des salles comme l'arrêt puis la reprise des tournages.

Aides d'urgences mises en oeuvre par le CNC pour faire face à la crise sanitaire

Dispositif

Date

Montant

(en millions d'euros)

Fonds de garantie des tournages

Juin 2020

50

Fonds de compensation de perte de chiffre d'affaires des salles de cinéma

Octobre 2020

41

Mesures sectorielles destinées à faire face à la deuxième vague épidémique

Octobre-Décembre 2020

66

Mesures sectorielles de sauvegarde et de reprise pour accompagner la réouverture des salles

Mai 2021

80

Compensation de la baisse de la fréquentation des salles liée à l'introduction du Pass sanitaire

Septembre 2021

34

Total

-

271

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Directement confronté aux mesures de confinement, de réduction de jauges et à l'introduction du Pass sanitaire, le secteur de l'exploitation constitue le principal bénéficiaire de ces dispositifs.

Répartition des aides par secteur

(en millions d'euros)

Secteur

Montant

Exploitation

161,3

Production

74,6

Distribution

33

Agences artistiques

2

Total

271

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

b) Un soutien affirmé à l'exploitation sans mésestimer pour autant la distribution

Le secteur de l'exploitation (2 041 établissements et 6 127 écrans actifs en 2020, le nombre d'emplois permanents atteignant 16 298 en 2019) est le segment qui a le plus souffert des mesures de restrictions administratives, enregistrant ainsi les plus lourdes pertes du secteur. Les salles, fermées 162 jours en 2020 puis seulement rouvertes à partir du 19 mai 2021, ont enregistré une baisse de chiffre d'affaire de 70 % sur l'exercice 2020 et une diminution de la fréquentation de 81 % entre mars et décembre 2020 par rapport à la même période de 2019.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, qu'elles soient destinataires de près de 60 % des aides d'urgence, sommes auxquelles s'ajoutent 256,6 millions d'euros perçus au titre des dispositifs transversaux.

La Cour des comptes relève, dans un audit flash rendu public en septembre 2021, que cette aide massive contraste avec la part jugée restreinte du soutien à la distribution 36 ( * ) . 33 millions d'euros ont été versés au titre des aides d'urgence par le CNC à une centaine d'entreprises de distribution. Celles-ci ne reposent pas pour autant sur le même modèle économique que les exploitants de salle (moins de charges fixes). Leurs pertes ne sont pas, par ailleurs, du même ordre de grandeur : - 22 % en 2020.

Ce secteur reste très fragmenté et couvre des situations relativement différentes d'une entreprise à une autre. 113 distributeurs ont ainsi participé à la sortie des 365 nouveaux films en 2020. 41 d'entre eux n'avaient pas distribué de films en 2019. 44 n'ont par ailleurs distribué qu'un seul film dans l'année alors que cinq distributeurs distribuent plus de 20 films chacun et totalisent 18 % des films programmés pour la première fois en salle en 2020.

c) Le soutien au maintien de l'activité de production

La crise a affecté directement la production française, le nombre de films produits chutant de 21 % entre 2019 et 2020, passant de 301 à 239. Le nombre de jours de tournage a, de son côté, atteint son plus bas niveau depuis 20 ans (4 267 jours de tournage). Le chiffre d'affaires des productions de long métrage a diminué de 30 % en 2020, s'établissant à 784 millions d'euros, soit une perte de 333 millions d'euros.

Le principal dispositif en faveur de la production mis en place par le CNC a pris la forme d'un fonds d'indemnisation temporaire pour les tournages qui auraient repris à l'issue de la période de confinement mais seraient par la suite annulés ou reportés en raison de la circulation du virus sur le plateau. Ce fonds, créé le 1 er juin 2020 et abondé à hauteur de 50 millions d'euros par l'État via le CNC devait permettre de couvrir, à partir du mois de juin, jusqu'à 20 % du coût d'un film, dans la limite d'un plafond de 1,2 million d'euros. Les producteurs, les collectivités territoriales, les assureurs, les banques et les instruments de financement (SOFICA) sont invités à abonder dans un deuxième temps ce dispositif placé sous l'égide du Centre national du cinéma et de l'image animée.

Les assureur-mutualistes Aréas assurances, la Matmut et la Macif ont ainsi annoncé leur participation au fonds à hauteur de 50 millions d'euros. Dans ces conditions, le dispositif devrait être mis en oeuvre en deux temps. Il est, dans un premier temps, activé pour les interruptions liées à un cas de Covid-19 pour une durée maximale de cinq semaines. La prise en charge est alors effectuée par l'État. Au-delà, le relais sera assuré par les assureurs mutualistes qui prendront à leur charge les arrêts plus longs ou l'abandon des films. Cette faculté ne sera cependant proposée que dans le cas d'une offre groupée avec un contrat d'assurance classique à un taux de marché. Une franchise de 15 % reste à la charge du producteur.

Au 27 septembre 2021, 945 tournages avaient été couverts par le fonds et 92 sinistres ont été signalés. 41 dossiers ont déjà bénéficié d'une indemnisation, le montant total des aides accordé atteignant 3,7 millions d'euros. Le niveau de consommation du fonds ne devrait pas dépasser 25 millions d'euros d'ici à la fin de l'année 2021, date de son extinction.

2. Un plan de relance déjà consommé

L'action 05 du programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoyait en 2021 165 millions d'euros (AE = CP) pour la filière cinéma et audiovisuel.

Cette somme est venue compléter un dispositif dédié au rebond du secteur mis en place par le CNC en juin dernier et doté de 11,5 millions d'euros. Les provisions du CNC lui ont permis de mettre en oeuvre dès octobre 2020 une partie des mesures prévues par le plan de relance, à hauteur de 63 millions d'euros. La mise en oeuvre du plan a cependant été freinée par l'aggravation de la situation sanitaire à partir de l'automne 2020.

L'ensemble de ces crédits sont répartis entre plusieurs enveloppes. Une ne relevait pas spécifiquement de la relance puisqu'elle consistait en une dotation de 38,5 millions d'euros devant permettre de réarmer financièrement le Centre national du cinéma, affaibli par les pertes de recettes fiscales. Au final 116,5 millions d'euros étaient directement dédiés aux acteurs du secteur, aux travers de trois priorités : le soutien aux jeunes créateurs, l'aide aux exploitants et la préservation de la souveraineté de la création française 37 ( * ) .

Comme prévu, l'essentiel des crédits devrait avoir été consommé d'ici à la fin de l'exercice. Au 31 août 2021, 87,5 millions d'euros avaient été engagés, soit un taux d'exécution (hors dotation pour réarmement budgétaire) de 75 %. 71,7 millions d'euros avaient déjà été versés auprès de 3 944 bénéficiaires, soit un taux d'exécution (hors dotation pour réarmement budgétaire) de 62 %. Le CNC a indiqué au rapporteur spécial que dans l'hypothèse où certains dossiers ne lui parviendraient qu'après la clôture de gestion, certains crédits seraient alors reprogrammés en 2022. Le montant devrait être marginal et ne pas excéder quelques milliers d'euros.

Répartition des crédits de relance gérés par le CNC

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par le centre national du cinéma et de l'image animée

a) La préservation de la souveraineté de la création française et le renforcement à l'international

La préservation de la souveraineté de la création française et le renforcement à l'international font l'objet d'une enveloppe de 58,5 millions d'euros. Celle-ci doit permettre le financement de mesures de soutien à la production et à la distribution cinématographique et audiovisuelle, aux industries techniques et à l'export. La création d'un fonds sélectif de structuration du secteur est également envisagée.

12,2 millions d'euros sont dédiés au rattrapage du retard pris par la production française.

Crédits dédiés au rattrapage de la production cinématographique

(en millions d'euros)

Mesures

Montant

Majoration de 25 % des mobilisations de soutien automatique par les producteurs délégués pour des investissements en production (7 mois : octobre 2020 à avril 2021)

2,9

Majoration de 25 % des mobilisations de soutien automatique par les producteurs délégués pour des investissements au stade de la préparation (7 mois : octobre 2020 à avril 2021)

2,5

Renforcement des aides sélectives à la production (aide au développement et avance sur recettes)

3,5

Bonification du soutien automatique producteur généré du 22 juin au 1 er septembre 2020 afin d'encourager la sortie des oeuvres

1,0

Prolongation de la mesure de bonification du soutien automatique producteur généré du 2 septembre au 31 décembre 2020 (encouragement à la sortie des oeuvres en salles)

1,5

Décalage d'une année des péremptions de comptes automatiques producteurs cinéma

0,8

Total

12,2

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

Un dispositif équivalent, doté de 26,6 millions d'euros, a été mis en place pour la production audiovisuelle.

Crédits dédiés au rattrapage de la production audiovisuelle

(en millions d'euros)

Mesures

Montant

Renforcement des avances à la production audiovisuelle

8,0

Rehaussement de l'enveloppe des aides sélectives

6,0

Majoration de 10 % des mobilisations de soutien automatique (de janvier à juin 2021)

7,0

Prise en compte des "Prêts à diffuser" (PàD) dans le calcul du soutien automatique généré en 2021

5,2

Total

26,2

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

10 millions d'euros sont destinés à moderniser le tissu industriel et permettre aux studios de tournages d'absorber la montée en puissance des séries et de saisir pleinement l'opportunité des effets visuels. Cette somme doit permettre d'investir significativement en vue de renforcer les studios, de favoriser la production numérique (post-production, VFX, animation, création numérique) et d'intégrer de nouvelles problématiques à l'image du développement durable ou du travail à distance.

8,3 millions d'euros sont, en outre dédiés à la promotion du cinéma français à l'étranger. Le CNC entend ainsi favoriser l'internationalisation de la filière en faisant de la France un moteur de la relance mondiale du secteur, en s'appuyant sur ses capacités de production, ses partenaires étrangers et ses exportateurs.

Crédits dédiés à l'internationalisation de la filière

(en millions d'euros)

Mesures

Montant

Renforcement du soutien automatique à l'export cinéma & audiovisuel

2,5

Renforcement des associations qui agissent à l'export des oeuvres audiovisuelles et cinématographiques (TVFI et UniFrance)

3,0

Renforcement de l'Aide aux cinémas du monde (ACM)

2,0

Renforcement de l'attractivité internationale de la France

0,8

Total

8,3

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

Le patrimoine cinématographique a fait l'objet d'une dotation de 1,8 million d'euros destinée à favoriser sa valorisation, en modernisant les techniques d'exploitation.

Crédits dédiés à la valorisation du patrimoine

(en millions d'euros)

Mesures

Montant

Soutien à l'édition vidéo notamment de patrimoine

0,8

Soutien exceptionnel au patrimoine

1,0

Total

1,8

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

b) Un soutien spécifique au secteur de l'exploitation

Un dispositif de soutien doté de 52 millions d'euros a été mis en place pour le secteur de l'exploitation cinématographique. Ce dispositif est censé favoriser une relance de l'exploitation, via des investissements pour la modernisation des salles.

34,3 millions d'euros ont ainsi été orientés vers les salles de cinéma en vue d'assurer leur viabilité à court terme et à long terme, tout en allant chercher le public de demain sur tous les territoires.

Mesures en faveur des exploitants

(en millions d'euros)

Mesures

Total

Assurer la viabilité des salles de cinéma au service des publics

30,0

Renforcement de l'aide sélective aux établissements classés Art et essai

2,0

Annulation de remboursements au titre du dispositif Cinenum d'avances pour couvrir les frais de copie virtuelle (VPF).

0,8

Entrées gratuites dans les salles de cinéma pour les enseignants pour relancer l'éducation à l'image

1,0

Décalage d'une année des péremptions de comptes automatiques exploitation

0,5

Total

34,3

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

17,7 millions d'euros ont par ailleurs été dédiés à la relance de l'exploitation en salles, en incitant les distributeurs à exploiter leurs films pendant la période de reprise.

Crédits dédiés à la relance de l'exploitation

(en millions d'euros)

Mesures

Total

Majoration de 15 % des mobilisations de soutien automatique par les distributeurs pour des investissements fléchés (janvier-avril 2021)

1,8

Bonification du soutien automatique distributeur généré du 22 juin au 1er septembre 2020 afin d'encourager la sortie des oeuvres en salles

5,0

Prolongation de la mesure de bonification du soutien automatique distributeur généré du 2 septembre au 31 décembre 2020 (encouragement à la sortie des oeuvres en salles)

9,0

Décalage d'une année des péremptions de comptes automatiques distribution

0,4

Renforcement des aides sélectives à la distribution

1,5

Total

17,7

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

c) Un soutien aux jeunes créateurs

Le CNC souhaitait, en outre, faire des conditions exceptionnelles imposées par la crise un moment créatif, favorisant de nouvelles propositions artistiques. Le soutien aux jeunes diplômés et la promotion des oeuvres de jeunes talents bénéficie ainsi d'une enveloppe de 6 millions d'euros .

Crédits dédiés à la jeunesse et aux talents d'avenir

(en millions d'euros)

Mesures

Montant

Lancer et booster la nouvelle aide au programme d'auteur prévue dans le plan auteur

1,0

Lancement d'un appel à projet dédié à des équipes de jeunes diplômés (couple auteur / producteur).

0,5

Renforcement de la FEMIS conditionné à la signature de son projet d'avenir

1,3

Grand appel à initiative pour soutenir les projets de diffusion et de programmation culturelle innovante

2

Soutien renforcé aux formats courts et nouveaux formats

1,2

Total

6,0

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

3. Et après ?

Le président de la République a annoncé le 2 septembre dernier, à Marseille, la création de « grands studios de la Méditerranée », destinés à attirer les tournages internationaux de films et de série. L'arc méditerranéen - de Montpellier à Nice - accueillerait ainsi différents studios. Les Hauts-de-France, l'Île-de-France et l'Occitanie pourraient également accueillir de tels sites de production. Cette ambition implique :

- la mise à disposition de grands plateaux de tournage de 3 000 m2 et plus, auxquels seraient annexés de grands terrains dédiés à la construction et au stockage des décors ;

- la formation de jeunes talents : la Femis n'accueille pour l'heure qu'une trentaine d'étudiants par promotion.

Il s'agit d'aboutir, selon le président du CNC, à la constitution de plusieurs « grandes fabriques de l'image », à l'image de ce qui est mis en place au Royaume-Uni où les « one-stop-shop » regroupent sur un même site studios de tournage, production numérique (animation, effets spéciaux, jeu vidéo) et écoles de formation d'auteurs et de musiciens.

Aucun arbitrage n'a, à ce jour, été rendu pour évaluer tout à la fois le coût et le gestionnaire de ce programme. Le Centre national du cinéma pourrait avoir vocation à chapeauter un tel projet. L'investissement de l'État pourrait s'intégrer dans le cadre du projet France 2030 dont le huitième objectif consiste à placer la France en tête de la production des contenus culturels et créatifs. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi 600 millions d'euros en AE et 265 millions en CP dédiés à cette ambition. Il serait complété par une intervention des collectivités territoriales et du secteur privé. L'articulation avec les crédits du quatrième programme d'investissements d'avenir mobilisés en faveur des industries culturelles et créatives (400 millions d'euros sur 5 ans) devra également être précisée.

La mise en oeuvre de tels investissements invite cependant à une revue en profondeur de l'action de l'État dans le soutien à la filière cinématographique. Il s'agit d'éviter doublons et risques d'effet d'aubaine. Le CNC s'est engagé en janvier 2020 dans une revue générale de ses soutiens (RGS). Le rapporteur spécial appuie une telle démarche en vue de préciser et améliorer l'efficience des dispositifs qu'il gère. Elle doit permettre d'éviter une dépendance trop marquée de ce secteur aux financements publics.

DEUXIÈME PARTIE
LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC » :

LA POURSUITE D'UNE LOGIQUE DE RÉDUCTION DES COÛTS SANS RÉFLEXION SUR LE PÉRIMÈTRE DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » retrace l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public . Il comprend donc :

- en recettes , le produit de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et le montant des dégrèvements de CAP pris en charge sur le budget général de l'État. Les frais d'assiette et de recouvrement et le montant des intérêts sur les avances sont déduits ;

- en dépenses , le montant des avances accordées aux organismes de l'audiovisuel public.

Six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France, France Médias Monde, l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde), composent les dépenses du compte de concours financiers.

I. UNE RÉDUCTION DES CRÉDITS QUI SE POURSUIT

A. UNE BAISSE DE 0,5 % DE LA DOTATION ACCORDÉE AUX SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le projet de loi de finances pour 2022 constitue la dernière étape de la trajectoire quadriennale, élaborée en juillet 2018, de réduction de la dotation accordée aux sociétés de l'audiovisuel public. Celle-ci prévoit une diminution de leur financement par l'État d'environ 190 millions d'euros sur la période 2018-2022.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une baisse de 17,7 millions d'euros du concours financier à l'audiovisuel public par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, soit une dotation de 3 701,3 millions d'euros (-0,5 % par rapport à 2021).

Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 2018 à 2022

(en millions d'euros)

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2022/2021

en millions d'euros

en %

841 - France Télévisions

2 567,9

2 543,1

2481,9

2 421,1

2 406,8

-14,3

-0,6

842 - Arte

285,4

283,3

281,2

279

278,6

-0,4

-0,1

843 - Radio France

608,8

604,7

599,6

591,4

588,8

-2,6

-0,4

844 - France Médias Monde

263,2

261,5

260,5

260

259,6

-0,4

-0,2

845 - Institut national de l'audiovisuel

90,4

89,2

88,2

89,7

89,7

0

0

847 - TV5 Monde

78,9

77,8

77,8

77,7

77,8

+ 0,1

0

Total Avances à l'audiovisuel public

3894,6

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

-17,7

-0,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette trajectoire a visé l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public , même si TV5 Monde a pu voir ses crédits stabilisés en 2019 et 2020 voire majorés, comme le prévoit le présent projet de loi de finances. L'institut national de l'audiovisuel a également vu ses crédits réévalués à la hausse après une diminution sensible entre 2018 et 2020.

L'ambition affichée par cette réduction de la dotation budgétaire consistait en une accélération de la transformation de ces sociétés, en premier lieu France télévisions et Radio France, afin de réduire leurs coûts de gestion, en particulier celui de la masse salariale.

Montant annuel des économies demandées aux sociétés de l'audiovisuel public
entre 2019 et 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Il convient de rappeler qu'à cette diminution s'ajoute une obligation d'investissement dans le numérique formulée par le Gouvernement. 100 à 150 millions d'euros devaient être ainsi dégagés d'ici 2022, ce qui porte l'effort de réduction des coûts entre 260 et 310 millions d'euros.

La loi de finances pour 2019 a, par ailleurs, prévu la suppression de la part affectée à France télévisions de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE), soit une diminution de ses ressources de 85,5 millions d'euros par rapport à 2018.

La réforme des taxes affectées au CNC en loi de finances pour 2020 s'est, cependant, traduite par une diminution du montant acquitté par France Télévisions et Arte au titre du volet éditeur de la taxe sur les services de télévision (TST-E ). 20 millions d'euros de ressources supplémentaires ont ainsi pu être dégagées par France télévisions. L'économie pour Arte représente 2 millions d'euros.

Il convient de relever à ce stade que la trajectoire d'économie n'a pas eu d'incidence, à l'exception de France télévisions, sur l'emploi.

Nombre d'équivalents temps plein par société audiovisuelle publique

2020

2021

France télévisions

9 456

9 061

Arte

267.45

27.7

Radio France

4 471

4 529

France Médias Monde

1 723

1 750

Institut national de l'audiovisuel

996

NR

TV5 Monde

386,7

NR

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE TRAJECTOIRE POUR PARTIE CORRIGÉE PAR LE PLAN DE RELANCE

Le montant de ces économies doit cependant être réévalué à l'aune des crédits dégagés dans le cadre de la mission « Plan de relance » en 2021 et en 2022 en faveur de certaines sociétés de l'audiovisuel public .

Le programme  363 « Compétitivité de cette mission prévoit en effet une dotation de 73 millions d'euros (AE = CP), répartie sur les deux exercices. Cet apport vise à appuyer le rôle de soutien à la création en compensant à la fois le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d'un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire (aménagements des locaux, achats de masques et de gel etc.). L'enveloppe dédiée à France télévisions au sein de cette aide correspond ainsi au montant des pertes publicitaires enregistrées en 2020 (45 millions d'euros).

68 millions d'euros ont été versés dès 2021. Le solde de 5 millions d'euros devrait être affecté à Radio France en 2022 , après un premier versement de 15 millions d'euros en 2021. Cette aide complémentaire vise à répondre à l'impact durable de la crise sur ses formations musicales.

Crédits affectés aux sociétés audiovisuelles publiques par la mission
« Plan de relance » en 2021 et 2022

(en millions d'euros)

2021

2022

Total 2021-2022

France Télévisions

45

-

45

Arte

5

-

5

Radio France

15

5

20

France Médias Monde

0,5

-

0,5

Institut national de l'audiovisuel

2

-

2

TV5 Monde

0,5

-

0,5

Total

68

5

73

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

II. L'ABSENCE DE RÉFORME DE LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Afin de respecter la trajectoire de réduction des dotations accordées aux sociétés de l'audiovisuel public, le montant de la contribution à l'audiovisuel public devrait atteindre, en 2022, 3 701,3 millions d'euros.

Répartition de la CAP prévue par le projet de loi de finances pour 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UN NOUVEAU GEL DE LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Un maintien du niveau de la contribution à celui de 2020

Les montants de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) applicables à la France métropolitaine et aux départements d'outre-mer sont fixés au III de l'article 1605 du code général des impôts (CGI). Cet article prévoit, en outre, que les montants de CAP sont indexés chaque année sur l'indice des prix à la consommation hors tabac.

Les lois de finances pour 2019 et 2021 avaient déjà prévu de déroger à la règle d'indexation automatique sur l'inflation pour maintenir les montants de la CAP au niveau de 2018. La loi de finances pour 2020 avait, de son côté, abaissé la redevance d'un euro.

L'article 16 du présent projet de loi de finances propose de ne pas retenir le taux d'inflation dans le calcul de la contribution En l'absence de disposition législative nouvelle, les montants de CAP auraient dû progresser de 1 euro en métropole et en outre-mer après revalorisation de 0,8 % pour tenir compte de l'inflation. Une telle actualisation aurait conduit à majorer son produit de 23 millions d'euros, ce qui est supérieur au besoin de financement défini par ailleurs.

Le montant de la redevance devrait donc s'établir, comme en 2021, à 138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer . Le montant prévisionnel d'encaissements nets de CAP devrait ainsi atteindre 3 140,5 millions d'euros. Le plafond des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget de l'État devrait, quant à lui, être établi, à 560,8 millions d'euros en 2022. Ce plafond était établi à 487,9 millions d'euros en loi de finances pour 2021.

2. Un gel qui s'inscrit paradoxalement dans un contexte de diminution du nombre de foyers assujettis

Cette stabilisation du montant de la CAP et le relèvement du plafond de prise en charge s'inscrit dans le contexte d'une poursuite de la réduction du nombre de foyers payants constatée ces dernières années. 22,89 millions de foyers devraient être concernés par le paiement de la contribution en 2022, soit une baisse de 0,46 % par rapport à 2020 et de 0,23 % par rapport à la prévision retenue pour 2021.

Cette tendance baissière se retrouve mécaniquement dans la prévision d'encaissements nets de CAP. Ceux-ci ont déjà baissé d'environ 101 millions d'euros en 2021, ce qui constituait une première depuis 2016. Cette baisse est due :

- à l'effet assiette : le nombre de foyers payants a baissé de 0,8 % par rapport à 2019, entraînant une perte de 78 millions d'euros. Une perte de recette liée aux professionnels est également observable : - 18 millions d'euros par rapport aux encaissements de 2019 ;

- l'effet taux, la diminution de 1 euro décidée en loi de finances a conduit à une chute des recettes de 24 millions d'euros.

Les encaissements nets de CAP seraient, en 2021, au même niveau que ceux constatés en 2020, la baisse du nombre de foyers payants étant compensée par une hausse des encaissements de CAP des professionnels (+ 9 millions d'euros par rapport à 2020), lesquels ne retrouveraient cependant pas encore le niveau d'avant crise sanitaire.

Cette tendance devrait perdurer en 2022 , la baisse du nombre de foyers payants étant encore compensée par une progression des encaissements de CAP des professionnels qui cette fois atteindraient à nouveau le niveau d'avant crise sanitaire, en raison notamment de la reprise de l'activité dans l'hôtellerie.

Évolution de la contribution à l'audiovisuel public depuis 2019

2019

2020

2021 (p)

PLF 2022

CAP métropole (en euros)

139

138

138

138

CAP outre-mer

(en euros)

89

88

88

88

Nombre de foyers assujettis

(en millions)

27,77

27,60

27,61

27,61

Encaissements nets

(en millions d'euros)

3 236,3

3 135,5

3 138,3

3 140,5

Dégrèvements compensés par l'État

(en millions d'euros)

623,3

653,5

580,7

560,8

Dotation de la CAP aux organismes (TTC)

(en millions d'euros)

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

3. Une dotation de 3 701,3 millions d'euros pour les sociétés de l'audiovisuel public

Le montant des encaissements et des dégrèvements est versé sur le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » . La compensation des dégrèvements est transférée du programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

Les montants sont ensuite reversés aux sociétés d'audiovisuel public, une fois déduits les frais de recouvrement et les coûts de trésorerie et après application d'un taux de TVA de 2,1 %. Au regard de ces éléments, le montant de la CAP devrait s'établir à 3 701,3 millions d'euros en 2022, soit une diminution de 17,7 millions d'euros, par rapport au montant prévu en loi de finances pour 2021.

Ce montant est garanti. En effet, l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 met en place un dispositif de garantie des ressources issues de la CAP aux organismes de l'audiovisuel public, afin de leur maintenir un certain niveau de dotation. Il prévoit, en effet, un relèvement du plafond des dégrèvements pris en charge par le budget général dans le cas où les encaissements nets de redevance sont inférieurs à ceux prévus chaque année en loi de finances.

B. UN DÉBAT NÉCESSAIRE QUANT À SON FORMAT

Le Gouvernement tablait au début du quinquennat sur une réforme de la contribution à l'audiovisuel public à l'horizon 2021. Cette date pouvait apparaître cohérente, compte-tenu de la suppression annoncée de la taxe d'habitation sur laquelle est adossée la CAP. 2022 constitue d'ailleurs le dernier exercice où elle sera collectée en même temps que la taxe d'habitation. Aucune précision n'a cependant été apportée quant aux conséquences de cette modification s'agissant du coût de la collecte de la CAP. Les frais de gestion et de trésorerie ont atteint 28,9 millions d'euros en 2020. Ils sont évalués à 28,4 millions d'euros pour les exercices 2021 et 2022.

Le projet de réforme de gouvernance de l'audiovisuel public constituait également une occasion pour réfléchir au format et au montant de la contribution. Celui-ci a été reporté sine die . Le projet se résumait cependant à la mise en place d'une holding au-dessus du système actuel, celui-ci n'étant modifié qu'à la marge. Le modèle auquel le Gouvernement semblait faire référence est celui de la BBC. Un tel modèle a cependant un coût. Le rapporteur spécial rappelle que la redevance audiovisuelle atteint environ 170 euros en Grande-Bretagne, où elle consiste en un impôt universel, sans condition de possession d'un téléviseur.

Le débat s'est donc réduit ces dernières années dans le cadre du projet de loi de finances, à un vote sur le gel de son montant ou une baisse tout autant symbolique qu'invisible. Le Gouvernement s'était pourtant engagé lors de l'examen de la loi de finances pour 2019 à présenter, au Parlement, un rapport relatif à la réforme du dispositif avant le 1 er juin 2019 38 ( * ) . Or ce document n'a toujours pas été publié. Le ministère de la culture annonce désormais la présentation d'un projet en avril 2022, à l'issue d'une consultation menée par l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC).

Dans un contexte où le taux d'équipement en téléviseurs des foyers français ne cesse de diminuer, passant de 98 % en 2012 à 92 % en 2020 alors que la moyenne d'écrans (téléviseurs, smartphones , tablettes, ordinateurs) par foyer continue de progresser passant de 5,3 en 2007 à 6,5 en 2020 39 ( * ) , les pistes de travail sont pourtant déjà connues :

- un élargissement de l'assiette à tous les foyers ;

- le remplacement de la contribution par une taxe sur certains biens et services issus du secteur des médias et télécommunications à l'image de certains objets connectés ou d'abonnements à des services multimédias ;

- le passage du taux intermédiaire de TVA de 10 % applicable aux services de télévision au taux normal de 20 %.

Le choix d'une dotation budgétaire est également envisagé, même si le ministère de la culture n'y est, pour l'heure, pas favorable en estimant qu'une ressource affectée, à l'image de CAP, constitue une meilleure garantie d'indépendance.

Faute de réforme structurelle de la CAP, le Gouvernement n'a retenu que l'option d'une majoration des ressources propres des chaînes publiques, via l'ouverture de la publicité segmentée et géolocalisée en août 2020, pour accroître les ressources de Radio France et France Télévisions.

Le débat dépasse pourtant le simple enjeu financier tant cette absence de réforme de la contribution limite toute réflexion sur l'adéquation entre son mode de calcul et les priorités de financement du service public de l'audiovisuel.

III. UN COUP DE RABOT BUDGÉTAIRE À DÉFAUT D'UNE VRAIE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le gel du montant de la contribution à l'audiovisuel public résume finalement la seule ambition poursuivie par le Gouvernement s'agissant du service public de l'audiovisuel, celle d'une simple réduction des coûts.

La réforme attendue de l'audiovisuel public qui devait donner du sens à cette trajectoire financière a été abandonnée après un premier examen en commission à l'Assemblée nationale en février 2020. Or, le choix de la diminution de la dotation peut légitimement s'entendre s'il est corrélé à une véritable réflexion sur le périmètre du secteur public. Faute de réelle ambition, le nombre de chaînes dont il dispose a été pour l'essentiel maintenu, induisant dans le meilleur des cas des efforts de gestion mais, le plus souvent, une volonté de diversifier ses ressources, en particulier publicitaires, au risque d'un abaissement de la qualité des programmes.

L'apparition des plateformes et de nouveaux canaux de diffusion incite pourtant à une révision en profondeur de l'activité des sociétés de l'audiovisuel public en vue de garantir la spécificité de la mission de service public qui leur est assignée.

A. UN QUINQUENNAT MARQUÉ PAR L'ABANDON DE LA RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ET UNE CONTRACTUALISATION HIÉRATIQUE DES RELATIONS ENTRE L'ETAT ET LES CHAÎNES PUBLIQUES

1. Une occasion manquée : la réforme de l'audiovisuel public

Le rapporteur spécial regrette que le débat parlementaire n'ait pas pu aller à son terme s'agissant du projet de loi portant réforme de l'audiovisuel public. Même si le projet présenté apparaissait faussement ambitieux.

La réforme de l'audiovisuel public semblait, en effet, se résumer à la création de France Médias, holding censée chapeauter les sociétés publiques audiovisuelles. Arte France et TV5 Monde n'étaient pas, cependant, intégrées à cette nouvelle structure. Trois missions lui auraient été assignées :

- définir des coopérations éditoriales entre les différentes entités, les décisions éditoriales demeurant du ressort des entreprises éditrices de programme ;

- déployer une offre « trimédia » : télévision, radio et internet ;

- mutualiser les fonctions non éditoriales à l'image de la formation, de la régie publicitaire ou de la recherche et développement.

France Médias devait être lancée fin 2022. Elle aurait été dotée d'un conseil d'administration composé de douze membres, désignés par l'État, le Parlement et les représentants du personnel pour 5 ans. Ce conseil choisirait son président-directeur-général, qui sera ensuite nommé par décret présidentiel. Les présidents de chaînes seraient remplacés, à cet horizon, par des directeurs généraux, eux-mêmes désignés par les conseils d'administration de ces entités, sous l'impulsion du président de la holding.

Le rapporteur spécial rappelle que la création d'une holding ne constitue pas forcément un levier indispensable en vue de développer les synergies.

Les émissions communes mises en place par France 3 et France Bleu répondent ainsi d'ores et déjà à cette ambition. Suite à une première expérimentation associant les antennes locales des deux chaînes en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Occitanie menée en début d'année, Radio France et France Télévisions ont en effet annoncé en mai 2019 leur souhait de généraliser la diffusion des matinales locales des 44 antennes de France Bleu sur 44 zones de diffusion TV aménagées pour correspondre à l'auditoire de France Bleu. La fin de la mise en place de ce dispositif devrait intervenir à l'horizon 2022. Une dizaine de stations devraient être concernées chaque année. Des projets immobiliers communs concernant les deux entités sont également mis en oeuvre à Rennes, Lyon, Clermont-Ferrand, Strasbourg, Vesoul, Toulon ou Châteauroux. Il y a cependant lieu de s'interroger sur l'opportunité de compléter cet effort louable de rationalisation avec la création annoncée d'une nouvelle structure dédiée à devenir le grand média numérique de la vie locale 40 ( * ) . Cette création pose la question des moyens, notamment humains, qui seront affectés à la mise en oeuvre de cet outil. L'offre serait composée d'un site, de sites mobiles et d'une application. Les contenus produits le seraient de façon indépendante par France Bleu ou France 3, ce qui semble s'écarter de la trajectoire de rapprochement des rédactions que pouvait laisser entendre la production des matinales locales communes.

D'autres projets de mutualisation sont également en cours à l'image de l'offre d'information du service public France Info, qui associe Radio  France, France Télévisions, France Médias Monde et l'INA. Les six organismes de de l'audiovisuel public ont, par ailleurs, lancé, le 22 novembre 2018, Culture Prime, média social culturel visant à favoriser l'accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre. Les entreprises de l'audiovisuel public ont également mis en place un appel à projets dédié aux écritures numériques, à destination des créateurs audiovisuels et numériques, « l'Atelier de l'audiovisuel public ».

Au niveau financier, un « Club achats » a été créé fin 2017, rassemblant l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public. Il vise à :

- mettre en place des marchés mutualisés sur des besoins existants ou nouveaux ;

- échanger sur les bonnes pratiques du secteur et les stratégies achat, ainsi que sur la nomenclature achat (référentiel commun) afin d'harmoniser les procédures ;

- réaliser un gain de temps ;

- rendre plus aisées certaines synergies grâce à l'adoption de mêmes outils technologiques.

2. Les contrats d'objectifs et de moyens 2020-2022 reflets d'une stratégie hésitante

Présentés début 2021, les contrats d'objectifs et de moyens signés entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public ont été à juste titre dénoncés par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat 41 ( * ) . Celleci a notamment pointé l'absence de perspectives financières et stratégiques dans ces documents.

La commission a plus particulièrement ciblé la suppression de France 4 et la disparition du plafond de 42 millions d'euros de recettes publicitaires. L'avis défavorable qu'elle a exprimé a conduit le Gouvernement à réviser sa position sur ces deux points.

Ce recul, s'il doit être salué, témoigne aussi de l'absence de vision claire à terme quant au périmètre de France télévisions et aux moyens accordés à Radio France.

B. FAUTE DE RÉFORME D'ENSEMBLE, LE PILOTAGE A ÉTÉ LAISSÉ AUX SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC, AVEC DES RÉUSSITES DIVERSES

1. Arte : une réussite qui doit servir de référence

La dotation d'Arte prévue dans le cadre du présent projet de loi de finances devrait atteindre 278,6 millions d'euros en 2022, contre 279,1 millions d'euros en 2021.

Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) pour la période 2020-2022 signé tardivement avec l'État le 19 mai dernier repose sur trois axes :

- la poursuite de « l'excellence éditoriale » et du déploiement numérique ;

- le développement européen, tant s'agissant de la nature de ses programmes que de ses implantations ;

- une image d'entreprise « responsable » et « innovante ».

Ce COM s'inscrit dans le cadre du projet de groupe 2017-2021 du groupe franco-allemand Arte (financé à parts égales par les deux gouvernements) et du futur COM 2021-2024 du groupe , en cours de négociation. Reste que cette vision commune souffre d'une forme d'asymétrie, la visibilité allemande sur le financement de la chaîne contrastant avec l'inconnue entourant l'avenir de la CAP en 2023. Chaine franco-allemande, Arte permet, en effet, de comparer la différence d'accès au financement public. L'audiovisuel public allemand se finance très majoritairement par une redevance mensuelle et, dans une moindre mesure, par la publicité . La redevance prend la forme depuis 2013 d'un forfait par unité d'habitation (résidence principale comme résidence secondaire) couvrant à la fois les particuliers et les entreprises. Chaque foyer est redevable de cette contribution, qu'il détienne ou non des appareils permettant de recevoir les programmes de l'audiovisuel public. Cette réforme de la contribution a entraîné une hausse des recettes de 1,16 milliard d'euros pour la période 2013-2016. Son montant a augmenté en 2021, passant de 17,50 euros à 19,34 euros, soit 232,08 euros par an.

Le volet français du groupe a, en tout état de cause, rempli tous les objectifs annuels négociés avec l'État  entre 2017 et 2022 : 85 millions d'euros ont été dédiés à la création audiovisuelle et 85 % des programmes sont européens. Le choix d'une réduction drastique des coûts de gestion, qu'il s'agisse de la masse salariale (la masse salariale représente 7,4 % des dépenses soit en deçà du ratio prévu par le COM : 7,77 %) ou des moyens technologiques (bascule en HD) a permis de dégager d'importantes marges de manoeuvres financières. La réduction des frais généraux a ainsi atteint un ratio de 33 % sur la période 2011-2019, le budget affecté aux programmes progressant de 25 % sur la période, lui permettant de mieux répondre encore à sa mission de service public. Chaîne de stocks et non de flux - peu d'émissions en direct -, Arte affecte 70 centimes à la production indépendante sur chaque euro qui lui est versé.

La stratégie numérique d'Arte doit également être mise en avant, à l'heure où France télévisions, via la plateforme SALTO, tente de développer, à perte, un modèle particulier (cf infra ). La plateforme arte.tv comprend ainsi des programmes en télévision de rattrapage, ainsi que des programmes produits ou acquis pour le numérique, disponibles de 30 à 60 jours, avec possibilité de téléchargement et de visionnage hors connexion. 65 % des programmes disponibles sur la plateforme ne constituent pas des rediffusions. Les programmes sont également disponibles sur des environnements tiers :

- plateformes vidéo ( YouTub e et Twitch) à travers des chaînes dédiées. La chaîne Youtube d'Arte a ainsi atteint deux millions d'abonnés début juillet 2021 ;

- sur les réseaux sociaux ( Instagram , Snapchat , Twitter , Faceboo k, TikTok ...).

Sur ces multiples supports, Arte a cumulé, entre janvier et avril 2021, en moyenne chaque mois 185,2 millions de vidéos vues, soit une progression de 36 % en un an. La plateforme arte.tv a notamment enregistré 60,8 millions de vidéos vues par mois, soit une hausse de 52 % par rapport à 2020. La plateforme se situe ainsi, en termes d'audience, en quatrième position derrière les géants américains Netflix, Amazon Prime Video et Disney+ . La logique de plateformisation poursuivie par Arte sert aujourd'hui de modèle pour les chaînes allemandes ARD et ZDF. La plateforme devrait servir de véhicule à une plus grande européanisation du groupe, avec une volonté d'ouverture aux publics anglais, espagnol, italien et polonais dans un premier temps (400 heures sur 8 000 heures de programmes sont déjà traduites)

Le service payant de vidéo à la demande (VàD) destiné au grand public (Arte VOD) propose, de son côté, un catalogue composé de 5 000 oeuvres (46 % de documentaires, 23 % de cinéma, 19 % de fiction et 11 % de magazines). Le chiffre d'affaires total du service s'est s'établi à 1,8 million d'euros en 2020, soit une croissance de 84 % par rapport à 2019.

Arte France investit par ailleurs dans le numérique via le financement des développements informatiques nécessaires à ses outils métier (gestion des programmes et gestion de l'entreprise). Ces investissements informatiques représentent entre 1,5 et 3 millions d'euros par an. Elle contribue également au financement des programmes spécifiquement numériques (12,06 millions d'euros en 2020).

2. Radio France : une réforme inachevée ?
a) 2022 sera marquée par la fin de la mise en oeuvre du projet stratégique et la livraison du chantier de la Maison de la Radio

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit, pour Radio France, une dotation de 588,8 millions d'euros, soit une baisse de 0,4 % par rapport aux crédits inscrits en loi de finances pour 2021.

2022 marque, par ailleurs, la fin de la mise en oeuvre du projet stratégique élaboré en 2019. Celui-ci prévoyait :

- d'axer prioritairement les moyens de la société sur les trois missions de service public suivantes : l'information, la proximité, et la culture ;

- de s'appuyer sur les formations musicales de Radio France (Orchestre national de France, Orchestre philharmonique de Radio France, Choeur et maîtrise de Radio France) à travers le renforcement de leur présence dans tout le pays et le développement de la visibilité de leurs concerts au bénéfice de nouveaux publics (télévision, cinéma, numérique) ;

- de créer une plateforme numérique rassemblant tous les contenus produits par les chaînes du groupe. Cette démarche s'inscrit dans la continuité du rajeunissement observé des audiences et de l'orientation vers plus de pédagogie de ses antennes, à l'instar de France culture.

L'équilibre du projet stratégique de Radio France reposait sur trois axes stratégiques de transformation :

- l'élaboration d'un plan d'évolution des compétences de ses salariés et d'adaptation de son cadre social, destiné à réaliser 25 millions d'euros d'économies. Il visait notamment à assouplir les règles en matière de temps de travail et devait déboucher sur un plan de départs concernant entre 270 et 390 salariés ;

- la réalisation d'économies sur ses charges de diffusion sur la période 2019-2022 à hauteur de 5 millions d'euros et la poursuite de la politique d'optimisation des achats et de maîtrise des dépenses de fonctionnement courant, afin de redéployer des moyens vers la production et la distribution numérique (10 millions d'euros d'économies attendues) ;

- une hausse de 20 millions d'euros de ses revenus liée à la progression de ses recettes publicitaires, consécutive à la hausse de ses audiences et à la montée en puissance de ses podcasts , la valorisation de son savoir-faire dans le domaine du son, via la commercialisation de prestations et de formats audio auprès de tiers ou la location ponctuelle de studios à des productions externes dans le cadre du projet « Studio Radio France », la croissance de ses recettes de billetterie et un soutien financier d'acteurs publics ou privés auprès de ses deux orchestres.

Une large partie des objectifs semble aujourd'hui atteints, dans un contexte marqué par la crise sanitaire. 70 % des départs prévus sont effectifs et 57 projets de réorganisation des unités de production ont été élaborés (une trentaine étant d'ores et déjà mis en oeuvre). Les charges de personnels devraient ainsi attendre 394 millions d'euros en 2022 contre 404 en 2020.

Les ressources propres ont, de leur côté, progressé ; Radio France tablant sur un montant de 76 millions d'euros en 2022 contre 63 millions d'euros deux ans plus tôt.

S'agissant de son développement numérique, Radio France a quasiment doublé les écoutes à la demande de ses programmes en deux ans, passant de 124,2 millions à 225 millions d'écoutes mensuelles en 2021. La plateforme unique reste en cours d'élaboration, une version beta étant néanmoins accessible.

2022 devrait également coïncider avec la fin du chantier de la Maison de la radio. La crise sanitaire n'a eu qu'un impact mesuré sur le coût du chantier (1,6 million d'euros), la livraison des travaux n'étant repoussée que de quelques semaines. Celui-ci devrait finalement atteindre 495,2 millions d'euros, le montant initialement prévu devant atteindre 510 millions d'euros. La clé de répartition des coûts mise en place depuis le début des travaux prévoit, en effet, que la société autofinance 30 % des coûts, l'État finançant le solde. La fin des travaux est envisagée au troisième trimestre 2022.

b) Une réduction des coûts qui aurait pu être plus ambitieuse

Si l'atteinte de ces objectifs doit être saluée, le rapporteur spécial s'interroge sur un relatif manque d'ambition s'agissant de la réduction des coûts. Une redéfinition du périmètre de Radio France aurait pu être opérée. Il s'agit notamment de réévaluer l'apport de deux de ces antennes : FIP, dont le succès relève plus de l'estime que de l'audience compte-tenu de sa faible diffusion et Mouv', dédiée à un auditoire de moins de 25 ans. Les missions de ces deux radios pourraient être largement reprises par les autres antennes du groupe. Le rapporteur spécial note que la vocation de FIP, dédiée notamment, à la découverte de nouveaux talents, est largement reprise dans les objectifs de programmation musicale des chaînes du groupe. Mouv' (0,8 % d'audience cumulée), dont une partie des programmes prend la forme de capsules accessibles en ligne, pourrait par ailleurs se limiter à ce format.

La question du coût du maintien de deux orchestres de taille et de niveau comparable est également posée. Le COM signé entre l'État et Radio France en mai 2021 pour la période 2020-2022 fait de la musique un objectif pour Radio France, le groupe devant proposer une offre qui se distingue des offres commerciales, développe son soutien aux nouveaux talents sur tout le territoire et accentuer la mise en valeur de la création musicale sur le numérique. C'est dans ce contexte que symboliquement la Maison de la radio a été rebaptisée Maison de la radio et de la musique.

Les deux orchestres ont dans ce cadre une mission spécifique qui leur est assignée, Radio France ayant pour ambition de rendre la musique symphonique accessible à tous. L'un ainsi est dédié au patrimoine (Orchestre national de France) et l'autre à la création contemporaine (Orchestre philharmonique de Radio France). Radio France indique que le taux d'occupation de l'auditorium de Radio France atteste de la vitalité de ces deux formations (95 % de spectateurs payants).

Nonobstant ce succès public, le rapporteur spécial relève que les recettes perçues ne permettent pas d'équilibrer le coût de ces deux formations.

Coût de la direction de la musique de Radio France en 2021

(en millions d'euros)

Dépenses de fonctionnement

11,2

Orchestre national de France

2,3

Orchestre philharmonique de Radio France

2,3

Maitrise

0,2

Choeur et activités lyriques

0,5

Direction

2,1

Dépenses de personnel

31,2

Recettes

-0,9

Mécenat

-0,2

Total Charges Musique

37

Total Charges Radio France

704,7

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'accord Emploi 2022 signé le 1 er octobre 2020 entre la direction de Radio France et cinq des six organisations syndicales représentatives de son personnel prévoit déjà une révision à la baisse des effectifs permanents des formations musicales. Celle-ci vise principalement le choeur et la maîtrise de Radio France (- 30 ETP sur les 90 qu'il compte actuellement). Ce redimensionnement a été pensé de sorte qu'il soit toujours en capacité d'assurer la très grande majorité des répertoires Le choeur pourra en outre recourir à l'intermittence afin de compléter son effectif lorsque cela sera rendu nécessaire. L'accord prévoit, par ailleurs, des redimensionnements pour les deux orchestres, sans poser pour autant la question de l'inévitable suppression de l'un d'entre eux.

3. La stratégie de France télévisions en question
a) Un effort réel de maîtrise de certains coûts à périmètre constant

La non suppression de France 4 en raison de son succès durant la période de confinement conduit une nouvelle fois à s'interroger sur le périmètre et les missions du service public. Celui-ci a en effet été loué pour sa capacité à produire des émissions dédiées à la connaissance et non pour son aptitude à répondre à la concurrence, via un programme d'acquisition de films ou de jeux.

Les efforts financiers effectués en vue de la mise en avant d'une offre enrichie en théâtre, musique et spectacle vivant et en programmes jeunesse (augmentation des coûts liés au programme national de 21,2 millions d'euros) n'ont d'ailleurs pas remis en cause l'objectif affiché de maîtrise des coûts, en particulier celui de la grille. Celui-ci, établi à 2 103 millions d'euros en 2019 est ramené 2 035,5 millions à fin 2020, soit un niveau largement inférieur au coût affiché dans le projet de budget 2020 : 2 096 millions d'euros. Le coût de la grille fixé par le COM 2020-2022 pour l'année 2022 devrait d'ailleurs rester au même niveau que celui de 2020 (2 036,3 millions d'euros).

Il convient de relever que l'économie enregistrée en 2020 a été rendue en partie possible par la baisse d'activité enregistrée dans certains secteurs en raison de la crise sanitaire : information (- 15,2 millions d'euros), sport (- 23,4 millions d'euros) ou décrochages régionaux et ultra-marins (- 39,4 millions d'euros). La vigilance sera donc de mise en exécution 2021 et 2022 pour vérifier si cette trajectoire de réduction du coût de la grille peut être viable en année normale. Il est, en tout cas évident que l'enrichissement de l'offre ne peut se faire au détriment des missions historiques du groupe, qu'il s'agisse de l'information ou des déclinaisons régionales ou de l'accès à des événements sportifs considérés comme patrimoniaux. La priorité doit rester au financement de ces programmes et non dans l'acquisition de jeux et de films censés doper une audience.

La question du coût de la grille doit donc pousser le groupe à se recentrer sur ces émissions et celles dédiées à la promotion de la culture et à l'accès à la connaissance accessibles à toutes les générations. Le rapporteur spécial avait insisté sur ce point lors de sa mission de contrôle en 2018. Une réflexion sur le positionnement du groupe (rôle de France 2 notamment) et sa taille apparaît dans ce contexte plus que nécessaire.

Plus largement, le rapporteur spécial salue les efforts de réduction de la masse salariale. Les effectifs moyens annuels de France télévisions devraient ainsi passer de 9 618 ETP en 2018 à 9 021 ETP en 2021 (9 043 en 2020), soit une baisse de 6 %. La masse salariale (hors indemnités de départ en retraite et de licenciements et suppléments de cachets) passerait, dans le même temps, de 899,3 millions d'euros en 2018 à 876,2 millions d'euros en 2021, soit une baisse de 3 %.

Au total, les charges d'exploitation du diffuseur ont diminué de 56,1 millions d'euros entre 2018 et 2021, passant de 2 593,6 millions d'euros en 2018 à 2 537,5 millions d'euros en 2021, soit une baisse de 56,1 millions d'euros, diminution qui s'avère presque trois fois moins importante que la réduction du montant de la CAP attribué sur cette période (- 142 millions d'euros).

b) La participation incompréhensible à SALTO

L'année 2021 devrait se traduire, pour le groupe France Télévisions, par un déficit d'exploitation de 35,3 millions d'euros, qui succède à un résultat négatif en 2020 : - 10,6 millions d'euros.

Ces déficits d'exploitation intègrent les pertes prévisionnelles liées à la participation à la plateforme de programme à la demande SALTO, dont le groupe public possède un tiers du capital. Établies à 10,9 millions d'euros en 2020, elles atteindraient 31,1 millions d'euros en 2021. Le coût de cet investissement peut susciter une certaine réserve au regard des efforts de maîtrise observés par ailleurs.

Même si SALTO n'est en principe ni directement ni indirectement financée par la contribution à l'audiovisuel public mais par les recettes commerciales induites par son modèle économique, le rapporteur spécial s'interroge, une nouvelle fois, sur l'opportunité, pour le groupe public, de rejoindre SALTO, qui associe déjà les groupes TF1 et M6, sauf à vouloir se rapprocher d'eux, au risque de remettre en question un positionnement censé être plus exigeant.

Conçue comme un service de vidéo en direct et à la demande, payant par abonnement et sans engagement, la plateforme donne accès à une offre de contenus de plus de 10 000 heures de programmes et à des services enrichis (reprise du début d'un programme en cours de diffusion, recommandation personnalisée, accès sur tous les terminaux, reprise de lecture, etc.).

Le coût de l'abonnement de SALTO est proche de celui retenu par les fournisseurs américains, type Netflix et Amazon Prime Video , sans pour autant faire montre du même effet d'attraction faute d'un catalogue de contenus inédits suffisamment développé. Le nombre d'abonnés payants de la plateforme serait aujourd'hui compris entre 350 000 et 400 000. Le taux de pénétration était de son côté estimé à 2,4 % à fin septembre 2021, soit environ 700 000 personnes. Ce taux est à comparer à ceux enregistrés par Netflix (38 %), Amazon Prime Video (25 %) ou Disney + (16 %).

Une première lecture du catalogue fait apparaître des séries étrangères déjà accessibles sur d'autres plateformes ou des films ainsi que des séries françaises produites par et/ou pour France Télévisions. Le groupe public se trouvera donc en position de combler les pertes d'un service mettant en vente des séries produites pour le service public, en principe accessible à tous, et financées, à ce titre, par des ressources publiques .

S'agissant des modalités de participations de France Télévisions à SALTO, il a été indiqué au rapporteur spécial qu'au regard du caractère confidentiel des données financières de SALTO imposé par l'Autorité de la concurrence, et étant rappelé que France télévisions n'est pas l'éditeur des programmes de cette société, le Gouvernement ne disposait ni du détail des investissements de France télévisions dans les programmes et dans la plateforme technologique ni du détail de sa participation aux dépenses de fonctionnement de SALTO.

Au-delà de son nombre d'abonnés et de question de sa rentabilité de la plateforme, la perspective d'une fusion entre les deux groupes privés, annoncée en mai 2021, amoindrit considérablement les chances de survie à terme de SALTO. Le nouveau groupe une fois fusionné, entendrait accélérer le développement d'une plateforme nationale performante combinant une offre de rattrapage et de streaming (fondée sur MyTF1 et 6play) et une offre de vente par abonnement (SVOD). Cette fusion interroge également sur le degré d'autonomie de France télévisions au sein du conseil d'administration de la plateforme.

Au regard de ces éléments, une sortie de SALTO apparaît tout à la fois nécessaire et urgente, même si elle se traduit par une perte financière importante. A la lumière du succès Arte.tv, cette participation relève en tout état de cause d'une erreur de gestion manifeste qui témoigne d'une mauvaise appréhension des enjeux industriels et d'une confusion quant au rôle du service public.

4. L'absence d'ambition pour l'audiovisuel public extérieur

Le niveau de la dotation proposée pour France Médias Monde (FMM) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 conduit, une nouvelle fois, le rapporteur spécial à s'interroger sur les conditions d'exercice de cette indispensable mission de service public. La dotation s'établirait à 259,6 millions d'euros, soit 0,4 million d'euros de moins par rapport à 2021. Plus largement, la subvention accordée à France Médias Monde a diminué de 3,8 millions d'euros depuis 2018.

Une holding de trois chaines et une agence

La holding France Médias Monde, anciennement appelée Audiovisuel extérieur de la France (AEF) a été créée en avril 2008. Elle se compose aujourd'hui d'une chaîne de télévision et de deux radios :

- France 24, conçue comme une chaîne d'information en continu, qui émet en quatre langues (français, anglais, arabe et espagnol). Les quatre déclinaisons de France 24 produisent plus de 1 000 journaux télévisés et 74 magazines chaque semaine. 69,5% des programmes sont consacrés à l'information42 ( * ).

- Radio France International, qui émet en français et en treize autres langues ;

- Monte Carlo Doualiya (MCD), radio généraliste, émettant en langue arabe. L'antenne quotidienne de la chaîne est composée de 7h20 d'information, de 10h de magazines et de 6h40 de fil musical.

L'agence Canal France International (CFI), est, par ailleurs, devenue depuis le 27 juin 2017 une filiale de FMM. Créée en 1989, elle agit, dans le cadre de l'aide publique au développement, pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est. CFI soutient ainsi les efforts de modernisation des médias audiovisuels et numériques publics et privés des pays en sortie de crise et en développement, en valorisant l'expertise française. 85 % de son budget est couvert par le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement ». Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit ainsi une subvention annuelle de 7,6 millions d'euros.

Source : commission des finances du Sénat

Cette réduction relativise la pertinence de l'objectif assigné à FMM dans le projet annuel de performances : « développer la présence française et francophone dans le paysage audiovisuel mondial ». Cette ambition ne se traduit pas par des moyens adaptés, alors même que la concurrence internationale s'avère de plus en plus aigüe. Les coups de rabot apportés à tous les budgets des sociétés d'audiovisuel public sans distinction dénotent, dans le cas des opérateurs dédiés à l'audiovisuel extérieur, une absence de vision à long terme et une réelle contradiction avec le discours ambitieux porté au plus haut niveau de l'État.

Le président de la République avait, pourtant, en mars 2018, insisté sur la nécessité de « rehausser notre ambition » en matière de promotion de la langue et des contenus français en s'appuyant sur la « puissance de feu médiatique » de l'« institution puissante » que représente France Médias Monde 43 ( * ) .

a) La « guerre froide des médias »

Le discours présidentiel s'inscrivait dans un contexte de véritable « guerre froide des médias », pour reprendre les termes de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice-générale de FMM. Le concept résume bien les politiques d'influence développées par les grandes puissances (États-Unis, Russie ou Chine) mais aussi par nos partenaires européens (Allemagne, Grande-Bretagne).

Ainsi, aux États-Unis, l'agence gouvernementale United States Agency for Global Media (USAGM), anciennement Broadcasting board of governors , a vu ses missions confirmées au cours de la présidence Trump, en dépit des velléités isolationnistes de celle-ci. Le dispositif regroupe cinq réseaux de médias : les radios Voice of America , Radio Free Europe/Radio Liberty et Radio Free Asia , et les groupes audiovisuels Radio and TV Martí (Cuba) et Middle East Broadcasting Networks ( Alhurra TV et Radio Sawa ). La chaîne Current Affairs , en langue russe, a ainsi été lancée en 2017. La section africaine de Voice of Americ a a, dans le même temps, été redynamisée avec la mise en place d'une chaine en anglais et le déploiement de fréquences FM en français, l'objectif assumé étant de concurrencer France 24. Une plateforme comparable au site InfoMigrants mis en place par France Médias Monde a également été développée. L'USAGM revendique 345 millions de contacts hebdomadaires. Elle bénéficie d'une dotation annuelle de 719 millions d'euros.

Le lancement de Russia Today (RT) en français en 2017 a, de son côté, témoigné de la volonté russe de poursuivre l'approfondissement de sa présence en France mais aussi en Afrique francophone, concurrençant là encore France 24. RT développe également son réseau en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis. La chaîne, créée en 2005, émet désormais en allemand, en anglais, en arabe et en espagnol. L'agence de presse multimédia internationale Sputnik , lancée en 2014, contribue également largement à la présence russe audiovisuelle dans le monde . Elle regroupe plus de 30 sites et ses rédactions travaillent dans plus de 30 langues.

L'audiovisuel extérieur chinois a vu son développement accéléré ces dernières années, via un investissement massif évalué à près de 10 milliards d'euros sur la période 2010-2020. China Media Group / Voice of China , regroupe notamment le réseau China Global Television Network , soit 5 chaînes d'information en continu (anglais, français, arabe, russe, chinois) diffusées dans 140 pays et qui emploient plus de 10 000 personnes, et China Radio International , qui émet en 65 langues depuis plus de 70 stations à l'étranger. Le groupe audiovisuel est placé sous le contrôle direct du Département central de la propagande du Parti. Voice of China planifie des opérations de promotion des intérêts chinois, destinées notamment à concurrencer les médias occidentaux. CGTN Africa émet ainsi en anglais depuis Nairobi et des stations de radio en langues locales ont été constituées . Voice of China a également renforcé sa présence en Europe, (CGTN Europe), via l'implantation d'un centre de production à Londres. 90 journalistes locaux ont été recrutés.

Nos partenaires européens ne sont pas en reste. BBC World service , soutenue par le ministère des affaires étrangères, revendique 319 millions de contacts hebdomadaires, contre 235 millions pour FMM. En 2020, le budget de BBC World Service (radio, numérique et chaînes TV en arabe et persan) s'élevait à 398 millions d'euros dont 298 millions d'euros de redevance et 100 millions d'euros de subventions de l'État sous forme d'aide au développement pour la modernisation du service et le lancement de nouvelles langues (financement de 341 millions d'euros échelonné sur 4 ans de 2016 à 2020). Outre des subventions, la chaine BBC World News , qui n'est pas intégrée au périmètre de BBC World Service , perçoit, de son côté, 57 millions d'euros de recettes commerciales.

La Deutsche Welle (DW) allemande bénéficie quant à elle d'un budget de 391 millions d'euros en 2021, soit une progression de 114 millions d'euros par rapport à 2013. DW approfondit sa présence au sein du monde arabe et en Turquie, de la zone Iran-Pakistan-Afghanistan, en Afrique subsaharienne et dans le monde slave. DW bénéficie d'une aide de 30 millions d'euros par an au titre de l'aide publique au développement. Elle revendique 162 millions de contacts hebdomadaires.

L'émergence des groupes pan-arabes n'est pas non plus à mésestimer :

- le groupe quatari Al Jazeera, compte 80 bureaux à travers le monde et émet ses programmes à partir de quatre centres (Doha, Londres, Washington et Kuala Lumpur) et mène une politique d'expansion en Afrique ;

- le groupe saoudien MBC, détient les chaînes d'information Al-Arabiya et Al-Hadath, et développe sa présence au Maghreb ;

- Al Mayadeen, chaîne d'information financée par l'Iran et Sky News Arabia basée à Abu Dhabi et adossée financièrement à l'émirat du même nom développent également leur présence au Proche et au Moyen-Orient.

La stratégie d'influence de ces différents acteurs s'inscrit de surcroît dans un contexte marqué par l'émergence des géants du secteur du numérique et par leur importance croissante dans le paysage médiatique.

b) Les pistes envisageables pour un renforcement du poids de l'audiovisuel public extérieur

Le rapporteur spécial avait préconisé un certain nombre de pistes de travail en vue d'un renforcement des moyens de FMM à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2020. Elles n'ont pour l'heure trouvé aucune traduction concrète.

Un rapprochement de FMM avec l'Agence française de développement en faisait partie. Un fléchage des crédits de celle-ci doit permettre notamment de renforcer la présence de FMM en Afrique. Plus largement, le montant des actions menées par FMM et pouvant relever de l'aide au développement est estimé à une somme comprise entre 20 et 30 millions d'euros. Reste à adapter les critères d'éligibilité des projets en ce qui concerne l'audiovisuel. Les projets financés par l'AFD le sont dans le cadre d'une aide limitée à une durée de 4 ans, ce qui peut apparaître peu efficient s'agissant des investissements audiovisuels.

Le rapporteur spécial souhaitait également que soit sanctuarisé un pourcentage de la contribution à l'audiovisuel public, qui serait consacré à l'audiovisuel public. De la sorte, serait conforté le financement de missions permettant de renforcer la présence française dans le monde, face à une concurrence particulièrement agressive. Cette part réservée financerait uniquement des dépenses afférentes au renforcement de la présence française dans le monde et non des dépenses courantes de fonctionnement. Elle impliquerait un rapprochement des ministères chargés des affaires étrangères et de la culture en vue d'élaborer les priorités en la matière.

Cette refonte de la gouvernance et cet élargissement du financement impliquaient, dans le même temps, une amélioration des outils de suivi budgétaire, ciblant notamment l'utilisation, par zone géographique, des crédits affectés.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 16 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » .

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial de la mission « Médias, livres et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » . - Les crédits dédiés à la mission « Médias, livres et industries culturelles » devraient rester quasiment stables en 2022 à périmètre constant. Les crédits de paiement (CP) s'élèvent à 675,2 millions d'euros, soit une progression de plus de 11 % par rapport à 2021. Elle n'est en réalité que de 2 % à périmètre inchangé. À ces crédits s'ajoutent 140 millions d'euros au titre du Plan de relance.

Le budget 2022 répond donc plutôt aux attentes du secteur.

Les crédits relatifs à la presse et aux médias progressent fortement, à hauteur de 22 %. Cette majoration est due, pour l'essentiel, à une mesure de périmètre : le financement de l'aide au transport postal est en effet transféré au sein du programme. Ce transfert qui accompagne une refonte de l'aide à la distribution va dans le bon sens même si le Gouvernement ne se décide pas à remettre à plat la totalité du régime des aides à la presse. Le système, héritage de l'après-guerre et modifié à de nombreuses reprises depuis, ne fonctionne pas pleinement, car certains titres de la presse d'information politique et générale apparaissent favorisés. Or, ces avantages sont dépassés.

Il y a bien de timides avancées en faveur du développement du numérique, le Gouvernement consacrant quelques moyens à ce sujet. Ces sommes restent cependant plus faibles que celles consacrées au maintien de la presse imprimée, comme si l'avenir de la presse était dans le papier... Même si j'aime lire la presse papier, la plupart des journaux se développent en numérique. On est passé du lecteur au chercheur d'informations.

Je relève par ailleurs, que les organisations professionnelles du secteur limitent toute velléité de réforme ambitieuse. Dans ces conditions, toute tentative de lancement d'un nouveau média peut apparaître extrêmement difficile en raison de la défense des droits acquis. Il faudra vraiment remettre à plat les aides et revoir certains critères d'attribution. La direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture le reconnaît, mais elle retarde l'échéance d'une réforme à l'après-présidentielle.

La situation de l'Agence France-Presse (AFP), qui reçoit, de son côté, 40 % des aides à la presse, et qui connaissait de nombreuses difficultés depuis des années, s'est nettement améliorée. Je rappelle qu'elle était fortement endettée et que les correspondants locaux n'avaient pas de véritable statut, ce qu'ils contestaient devant les tribunaux. Depuis, l'AFP a bien évolué : elle est davantage présente numériquement, avec des vidéos, elle a conquis de nouveaux clients, et a réglé le problème des correspondants locaux.

Sur les crédits d'aide au livre et à la lecture, nous avons l'avantage et l'inconvénient de disposer d'un gros paquebot : la Bibliothèque nationale de France (BNF), reconnue par les chercheurs du monde entier, est un gouffre financier. Elle concentre 78 % des dépenses d'investissement des opérateurs du programme dédiés au livre et à la lecture. Les crédits sont donc insuffisants pour les autres établissements, qu'ils soient provinciaux ou franciliens. Je m'interroge d'ailleurs sur le maintien des crédits d'aide à la lecture au sein du programme 334, car ils ne s'élèvent qu'à 8 millions d'euros et que l'essentiel des actions en faveur de la lecture sont portées par d'autres programmes budgétaires.

Le Centre national de la musique (CNM) a bénéficié, de son côté, de nombreuses aides directes et indirectes grâce aux lois de finances rectificative adoptées en 2020 et au plan de relance. Les salles de spectacle, en difficulté, ont reçu des aides massives. Le Centre national de la musique espère désormais consommer les crédits de relance en 2022. Je les trouve un peu optimistes. La remontée épidémique rend ce rebond incertain. Il faudra sans doute plus de crédits pour faire face aux conséquences des réductions des jauges. Le plan de relance avait attribué  200 millions d'euros au CNM sur la période 2021-2022.

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) s'attend à percevoir, quant à lui, 694 millions d'euros de taxes - un montant considérable ! Il s'agit d'un retour à la normale après la crise. Il y a eu entretemps des aides massives pour les salles de cinéma et pour la production de films. La France est un grand pays de production. Le plan de relance a alloué 165 millions d'euros au secteur, mais il a servi en large partie à un maintien de l'activité et non à une relance ... Très peu de salles de cinéma ou de producteurs ont fermé. Les prévisions de recettes pour 2022 reposent sur une hypothèse de fréquentation relativement optimiste. Un rebond de l'épidémie sera-t-il amortissable sans injection de crédits publics ?

Si je vous proposerai donc, dans ces conditions, l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles », en revanche, la coupe est pleine pour l'audiovisuel public. Cela suffit, le Gouvernement se moque du monde. La contribution à l'audiovisuel public (CAP) reste fixée à 138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer, et devrait rapporter 3,7 milliards d'euros.

Depuis 2019, une trajectoire de réduction des ressources attribuées aux sociétés audiovisuelles publiques a été élaborée afin d'inciter celles-ci à diminuer leurs dépenses. Ainsi France télévisions se réorganise, avec une pseudo-baisse de ses effectifs, non totalement mise en oeuvre. Et si elle réalise des économies, on lui redonne des crédits via le plan de relance... Soyons clairs, le service audiovisuel public n'a quasiment pas perdu de moyens.

Dans le même temps, toutes nos demandes de réflexion sur le périmètre ou les missions de service public n'ont pas abouti. A-t-on besoin d'autant de chaînes de télévision et de radio ? La question de la viabilité de certaines d'entre elles se pose.

Quelle est la spécificité de France 2 par rapport aux chaînes privées, en termes d'émissions ou de films programmés ? On nous répond qu'il faut faire de l'audience, ce qui revient à avoir une vision concurrentielle des chaînes de service public. Or le contribuable paie pour avoir des émissions éducatives, culturelles - certes non soporifiques - sur le service public, et non pour regarder les mêmes films que sur TF1 ou M6. Or les dirigeants de France Télévisions sont heureux lorsqu'ils battent les chaînes privées... Ils raisonnent avec l'audimat et non uniquement selon leur mission de service public. Les plages de publicité avant 20 heures sont d'autant plus chères que la chaîne fait de l'audimat... A-t-on eu tort de supprimer la publicité après 20 heures ? Après tout, un réel service public ne devrait pas du tout dépendre de la publicité. Ce débat devra avoir lieu.

Contrairement à l'année dernière, j'émets donc un avis défavorable sur les crédits de ce compte de concours financiers. Durant les débats du PLF pour 2019, le Gouvernement s'était engagé à préciser avant juin 2019 les conditions de prélèvement de la redevance dans le contexte de suppression de la taxe d'habitation. Nous n'avons pas avancé d'un iota . La grande réforme de l'audiovisuel public n'a pas vu le jour. Résultat, il n'y a aucune priorité dans l'audiovisuel public ni de volonté de réorganisation avec une culture de service public.

Nous avions demandé comment faire pour que les stations locales de France 3 et France Bleu fusionnent. La solution du Gouvernement, c'est de laisser les deux réseaux et de créer de nouvelles chaînes localement... C'est fou !

En 2019, le Président de la République avait déclaré que la situation ne pouvait plus durer... Or il ne s'est rien passé depuis deux ans. On ne sait pas sur quoi la redevance sera adossée. Un rapport devait être remis au Parlement en septembre 2019. Nous l'attendons toujours. L'ancien ministre du budget, actuel ministre de l'intérieur, proposait de supprimer la CAP et de la budgétiser dans le budget de l'État. Ses successeurs ne sont pas sur la même ligne, mais ils ne sont sur aucune ligne... On ne sait pas comment sera financé l'audiovisuel.

L'année dernière, je vous avais présenté des amendements pour soutenir France Médias Monde, qui voit ses crédits rognés, alors qu'elle est une arme à l'international, C'est la société sur laquelle il faut concentrer des crédits. Le système français tourne sur lui-même, sans répondre à quoi que ce soit.

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis de la commission de la culture . - Le discours du rapporteur spécial est conforme au rapport pour avis que je présenterai demain. Le budget général de l'audiovisuel public est en léger retrait. La trajectoire de réduction du personnel de France Télévisions et Radio France a été respectée.

Mais le Gouvernement a échoué à réformer l'audiovisuel. Il n'y a eu qu'une petite loi croupion dont j'ai été le rapporteur. En novembre 2017, le Président de la République s'était pourtant plaint devant les députés de la majorité : l'audiovisuel public serait une honte pour nos concitoyens. Nous attendions donc une grande réforme. Il y a eu trois ministres de la culture. Seul Franck Riester a porté le projet de réforme devant le Parlement - elle a été examinée par la commission de la culture de l'Assemblée nationale. Mais elle n'a pas suivi son cours, soi-disant en raison du coronavirus, alors qu'il aurait été possible de trouver un créneau pour l'examiner.

La taxe d'habitation, sur laquelle est adossée la CAP, sera, de son côté, supprimée en 2023 : les dirigeants de l'audiovisuel public sont donc incapables de faire des prévisions, or ils ne peuvent vivre éternellement dans l'incertitude.

Alors que les plateformes numériques sont l'avenir, et prévues dans les contrats d'objectifs et de moyens, France télévisions a investi dans la plateforme Salto, aux côtés de TF1 et M6, pour près de 45 millions d'euros. Elle démarre timidement. Que se passera-t-il en cas de fusion de TF1 et M6 dans dix-huit mois ? Salto bénéficiera d'un enterrement de première catégorie aux frais du contribuable français...

Le président de la République avait indiqué son souhait que France Médias Monde rayonne. Cette ambition est d'actualité avec la présidence française de l'Union européenne. Il est cependant malheureux de voir qu'elle reste le parent pauvre de l'audiovisuel public, alors qu'il est un instrument de rayonnement de notre culture et de nos valeurs pour un prix relativement modique. Or son budget est encore rogné. Je proposerai également à la commission de la culture de ne pas adopter les crédits du compte de concours financiers.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Comme Salto est géré pour un tiers par France Télévisions, un tiers par TF1 et un tiers par M6, en cas de fusion entre TF1 et M6, Salto sera géré principalement par une chaîne privée, le degré d'autonomie de France Télévisions au conseil d'administration étant réduit à la portion congrue.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Les réformes annoncées sur l'audiovisuel public n'ont jamais été mises en oeuvre - à moins que le Président de la République fasse des annonces, à l'instar de la somme de 1,9 milliard d'euros annoncée pour l'hydrogène... Nous avons jusqu'à Noël pour recevoir des cadeaux !

M. Marc Laménie . - Je remercie le rapporteur pour son rapport défendu avec talent et passion. De nombreux jeunes ne savent pas lire. Quels sont les liens des opérateurs de la lecture publique avec l'éducation nationale, et leur implication au sein des territoires locaux ?

M. Rémi Féraud . - Sans partager l'opinion du rapporteur spécial sur ce qu'il faudrait faire sur l'audiovisuel public, je suis d'accord avec lui sur un point : le Gouvernement a fait ce qu'il ne fallait pas faire. À ne pas choisir, il rabote chaque année les crédits, sans choix stratégique. Le budget de France Médias Monde est aberrant par rapport aux déclarations du Président de la République. Je suis rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État. » À quoi sert de faire un réel effort sur l'enseignement français à l'étranger, si on ne soutient pas l'audiovisuel français à l'étranger ? Ce qui a été fait pendant cinq ans se poursuit dans ce PLF...

Le budget consacré au livre, aux médias et aux industries culturelles n'est pas catastrophique, car il a été abondé par le plan de relance, mais sans garantie pour l'avenir.

La production cinématographique a bénéficié de 165 millions d'euros en 2021 avec un engagement du Gouvernement de reconduire ce budget en 2022. Je n'en ai pas trouvé trace dans les documents budgétaires. Ces crédits sont-ils ailleurs, ou absents ? Manquent-ils, ou n'en a-t-on pas besoin ? Il faudrait vérifier qu'il n'y a pas de trou dans la raquette.

M. Arnaud Bazin . - Je ne voulais pas voter les crédits à l'audiovisuel public en raison de la situation à Radio France. Il est indispensable d'avoir une presse d'opinion - et nous le savons lorsque nous achetons Le Figaro , L'Humanité , Libération - à condition qu'elle soit financée par les acheteurs et les annonceurs. Les contribuables financent Radio France, dont les émissions sont souvent de qualité, mais avec un arrière-plan idéologique évident et permanent. Cela va bien au-delà des émissions politiques. La gouvernance de Radio France se défend en invoquant des choix éditoriaux, mais ce sont des choix politiques, presque de la propagande.

Quels fonds sont spécifiquement dédiés à Radio France ? L'établissement est habitué à cet état de fait. Daniel Cohn-Bendit, invité à la matinale de France Inter, a salué les journalistes d'un « Bonjour à Radio nostalgie socialisme » !

M. Didier Rambaud . - Sur l'audiovisuel public, je partage le constat de MM. Karoutchi et Hugonet, mais sans la tonalité politique. On peut regretter l'absence de grande loi sur l'audiovisuel, mais sur quelles bases l'écrire ? Ces dix dernières années, je n'ai jamais entendu - ni à droite ni à gauche - de propositions concrètes sur l'audiovisuel public de demain. Actuellement, les jeunes regardent Netflix, Amazon ou Disney +. Comment réguler ces plateformes ? Le téléviseur a été remplacé par les smartphones et les tablettes. Faut-il élargir l'assiette de la CAP à ces supports ? Bon courage...

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Monsieur Laménie, ce n'est pas le rôle de la BNF d'apprendre à lire aux enfants. Elle mène une politique en faveur des éditeurs, des collectionneurs et des chercheurs. Il faudrait aller voir dans le budget de l'éducation nationale, car les liens sont ténus avec les bibliothèques et l'édition. Il n'y a pas de classes qui se rendent à la BNF.

Monsieur Féraud, le CNC avait effectivement demandé au Gouvernement de mettre le paquet en 2021 et en 2022, mais en versant la totalité des crédits en 2021 - ils ont tous été consommés... D'où le problème pour 2022. Si le secteur n'a pas de difficultés majeures, il pourra tenir. Sinon, les éventuels moyens supplémentaires ne sont pas budgétés...

Monsieur Bazin, je n'ai rien à rajouter sur l'idéologie de Radio  France. Le budget prévu en 2022 atteint 588,8 millions d'euros. La neutralité du service public est un élément dont on parle beaucoup, mais qui est peu pratiqué. Lorsque vous regardez Arte ou France 5, il y a des reportages intéressants avec un certain soubassement...

Monsieur Rambaud, il y a eu un projet de loi de réforme de l'audiovisuel, pour réorganiser le service public. Un débat parlementaire sur le périmètre et la définition des missions de service public était aussi prévu. On aurait pu faire avancer les choses, mais ce débat n'a jamais eu lieu.

En revanche, que fait-on pour la CAP ? Des propositions ont été faites soit pour maintenir l'assiette aux téléviseurs, soit pour l'élargir aux tablettes et portables. C'est au Gouvernement soit de faire des propositions, soit de débattre devant le Parlement.

Les acteurs de l'audiovisuel ont des idées, mais elles ne sont jamais débattues, donc jamais tranchées. On y va à l'aveugle...

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis . - Le Sénat publie d'excellents rapports, notamment celui de MM. Jean-Pierre Leleux et André Gattolin de 2015 sur le modèle de financement de l'audiovisuel public, qui donne les grands axes de la réforme - le ministre Franck Riester s'en était inspiré pour son projet de loi.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Elle a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission, et de ne pas adopter les crédits du compte de concours financiers.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC)

- M. Jean-Baptiste GOURDIN, directeur général ;

- M. Loïc MASSON, chef du bureau des affaires budgétaires et financières.

Centre national de la musique

- M. Jean-Philippe THIELLAY, président ;

- M. Pierre-Louis LE GUILLOU, secrétaire des instances.

Centre national du cinéma et de l'image animée

- M. Olivier HENRARD, directeur général ;

- M. Maxime BOUTRON, directeur financier et juridique et adjoint au directeur général délégué.

Agence France Presse

- M. Fabrice FRIES, président-directeur général.

Radio France

- Mme Sybile VEIL, présidente-directrice générale ;

- Mme Elsa COMBY, secrétaire générale adjointe.

Arte -GEIE

- M. Bruno PATINO, président ;

- M. Frédéric BEREYZIAT, directeur général en charge des ressources .

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 L'audiovisuel public fait l'objet d'un compte de concours financiers (cf infra).

* 2 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 3 Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

* 4 Loi n° 90-568 du 2 juillet 1990.

* 5 Articles D.18 à D.28.

* 6 Ce montant équivaut à la différence entre le chiffre d'affaires qui résulterait de l'application des tarifs du service universel et celui qu'elle réalise en appliquant les tarifs de service public.

* 7 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information de M. Roger Karoutchi , fait au nom de la commission des finances n° 692 (2020-2021) - 16 juin 2021.

* 8 Vitamine ou morphine : quel avenir pour les aides à la presse écrite ? Rapport d'information n° 692 (2020-2021) de M. Roger Karoutchi, fait au nom de la commission des finances - 16 juin 2021.

* 9 Articles 199 terdecies-0 et 220 undecies du code général des impôts.

* 10 Article 114 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 11 Article 147 de la loi n° 2020-1721 de finances pour 2021.

* 12 Article 2 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 13 Décision n°SA59065.

* 14 Décret n°2021-560 du 7 mai 2021 fixant la date d'entrée en vigueur du crédit d''impôt sur le revenu pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale instauré par l'article 2 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 15 Décret n°2006-1067 du 25 août 2006 pris en application de l'article 80 de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, relative à la liberté de communication.

* 16 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 17 Rassembler la musique pour un centre national, mission confiée à M. Roch-Olivier Maistre, octobre 2017.

* 18 M. Pascal Bois, député de l'Oise et Mme Émilie Cariou, députée de la Meuse ont été chargés de cette mission.

* 19 Loi n°2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 20 Les Français et les sorties culturelles post-crise, Étude Harris interactive pour le ministère de la culture, Septembre 2021.

* 21 Annexe au projet de loi de finances 2022, Évaluation des voies et moyens, tome II - Les dépenses fiscales.

* 22 Article 21 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 23 Article 38 de la loi n°2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 24 Article 23 de la loi n°2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 25 Cour des comptes, Entités et politiques publiques - Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant pendant la crise de la Covid-19, Audit flash, septembre 2021.

* 26 Arrêt CJUE 8 septembre 2020 affaire C-265/19Recorded Artists Actors Performers Ltd/Phonographic Performance (Ireland) Ltd e.a.

* 27 Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière économique et financière.

* 28 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 29 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 30 Articles 220 X et 220 quaterdecies du code général des impôts.

* 31 Article 220 Z bis et terdecies du code général des impôts.

* 32 Article 199 unvicies du code général des impôts.

* 33 Décret n° 2021-764 du 15 juin 2021 fixant la date d'entrée en vigueur des dispositions du I de l'article 49 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 relatives au crédit d'impôt pour dépenses de création audiovisuelle et cinématographique, redevances versées aux organismes de gestion collective et rémunérations versées directement aux auteurs.

* 34 Directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA).

* 35 Les Français et les sorties culturelles post-crise, Étude Harris interactive pour le ministère de la culture, Septembre 2021.

* 36 Les mesures spécifiques de soutien au secteur du cinéma pendant la crise sanitaire. Septembre 2021.

* 37 Le plan de relance a également prévu le renforcement dès 2021 des capacités de garantie de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) de l'ordre de 14 millions d'euros (AE=CP). Cette enveloppe devrait permettre de garantir respectivement 531 millions d'euros d'encours de crédits pour les entreprises du cinéma et de l'image animée (ainsi que 24,6 millions d'euros d'encours de crédits pour les industries culturelles et créatives).

* 38 Article 279 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 39 Syndicat national de la publicité télévisée, Précis de la télévision, 17 ème édition, 2021.

* 40 Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, sur le projet de loi de finances pour 2022 par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, 9 novembre 2021.

* 41 Rapport d'information sur les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public 2020-2022 (n° 309 - 2020-2021) de M. Jean-Raymond Hugonet, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

* 42 FMM a racheté, le 12 février 2009, l'intégralité des actions détenues par TF1 et France Télévisions. Les deux groupes disposaient chacun de 50 % du capital.

* 43 Discours du Président de la République à l'Institut de France pour la stratégie sur la langue française, 20 mars 2018.

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