C. LA GESTION DES ALÉAS ET DES CRISES : UN SYSTÈME À REVOIR EN PROFONDEUR

1. Un provisionnement pour « dépenses imprévisibles » dont le calibrage paraît débordé
a) Une dotation qui a servi à couvrir des impasses de financement prévisibles et plus marginalement à financer les impacts des crises climatiques et environnementales

La budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » est un point sensible des projets de budget de la mission AAFAR depuis que cette provision a été inscrite dans les projets de loi de finances initiaux. Imprudemment réduite en 2020, sa budgétisation a été rehaussée en 2021 (de 174,8 millions d'euros à 190 millions d'euros), pour être portée au niveau des consommations prévues en 2020 . Le niveau de la provision est maintenu en 2022 à 190 millions d'euros.

La dotation avait été présentée comme devant couvrir des dépenses imprévisibles . Or, d'emblée la destination qui lui a été réservée a consisté à en prévoir l'emploi pour couvrir des charges hétérogènes, dont certaines parfaitement prévisibles, comme celles occasionnées par les apurements communautaires 14 ( * ) .

Force est de constater que, pour l'heure, la consommation de la dotation aura été, depuis 2018, largement affectée à des dépenses nécessitées par des refus d'apurement certains en leur principe. Une fois ces derniers pris en compte, il n'est resté que peu de moyens pour financer les aides que les crises agricoles peuvent nécessiter. En 2019, 125 millions d'euros sur 200 millions d'euros avaient été mobilisés au titre des refus d'apurement (soit 63 %), et 65 millions d'euros sur 175 en 2020 (37 %).

Les rapporteurs spéciaux réitèrent une fois de plus leur souhait que la dotation soit scindée afin de mieux appréhender les motifs sous-jacents à la programmation budgétaire. Il est justifié de suivre isolément les prolongements envisagés au titre des corrections financières et les réserves disponibles en cas de concrétisation des aléas de production.

Exécution 2019 et 2020, prévision pour 2021, de la provision pour aléas (PPA)

En 2019, la provision pour aléas était dotée de 200 millions d'euros. Sur ce total :

- 6 millions d'euros ont été gelés en début d'année puis on fait l'objet d'une annulation en loi de finances rectificative ;

- environ 125 millions d'euros ont été mobilisés au titre des refus d'apurement ;

- le delta (soit environ 69 millions d'euros) a été mobilisé pour abonder le FNGRA, compte-tenu des tensions identifiées sur le fonds du fait des derniers épisodes de sécheresse.

En 2020, la PPA était dotée de 174,8 millions d'euros dont 6,9 millions d'euros de gel. Sur ce total :

- 101,58 millions d'euros en AE et 125,78 millions d'euros en CP ont été mobilisés pour le financement des aléas climatiques (FNGRA) ;

- 64,99 millions d'euros en AE et 40,79 millions d'euros en CP ont été mobilisés sur les refus d'apurements communautaires ;

- 1,27 millions d'euros en AE=CP a été mobilisé sur le système d'information « Synergie » de l'ASP.

- Les 6,9 millions d'euros initialement gelés ont été dégelés et mobilisés dans le cadre du financement des dispositifs mis en oeuvre pour soutenir les filières touchées par la crise de la COVID-19.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Au total, sur les 375 millions d'euros ouverts au titre de la dotation pour dépenses imprévisibles en 2019 et 2020, 166 millions d'euros en CP (soit 45 %) auront été consacrés à financer des dépenses globalement prévisibles, ne répondant donc pas à l'objet de la dotation.

b) Une dotation dont le calibrage est débordé par la crise sanitaire et le gel de 2021 et dont la stabilité pour 2022 pose question

Les rapporteurs spéciaux avaient indiqué l'année dernière que la hausse de la provision en 2021 semblait d'emblée insuffisante pour financer d'éventuels sinistres climatiques, qui se sont produits. Ils indiquaient en outre que les risques d'apurement européens pendants pourraient absorber la totalité de la dotation. Ils en absorberaient les deux tiers.

La loi de finances initiale pour 2021 avait fixé un montant de dotation pour la provision pour aléas (PPA) de 190 millions d'euros, dont 7,6 millions ont été gelés. Or, compte tenu du gel tardif intervenu au printemps dernier, la PPA a dû être mobilisée. Ainsi, au 15 août 2021, elle a déjà été mobilisée à hauteur de 90 millions d'euros dont :

- 20 millions d'euros mobilisés pour la mise en oeuvre du fonds d'urgence départemental pour lutter contre le gel ;

- 30 millions d'euros mobilisés pour la mise en oeuvre de l'avance remboursable pour les producteurs de fruits à noyaux ;

- 40 millions d'euros mobilisés au profit du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

L'administration indique que le reste de la PPA sera mobilisé pour financer les différents dispositifs de crise ou les indemnisations des aléas climatiques dans le cadre du FNGRA, au fur et à mesure de leur mise en oeuvre. Or, d'après les réponses transmises aux rapporteurs spéciaux, les corrections financières liées aux refus d'apurement supportés par le budget national en 2021 devraient s'établir à 120,65 millions d'euros. La provision s'avèrera donc insuffisante compte tenu des montants déjà engagés .

Or, les impasses non couvertes par la provision font l'objet d'un financement par le dégel de la mise en réserve, par le biais de redéploiements en gestion depuis d'autres lignes du programme, ou de prélèvement de trésorerie non fléchée au sein d'opérateurs dont le ministère de l'agriculture assure la tutelle, ou encore d'ouverture de crédits en LFR.

Les corrections qui donnent lieu à un acte d'exécution de la Commission européenne entre septembre 2021 et août 2022 s'imputeront sur le budget national 2022 : d'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, en ce qui concerne l'exercice à venir, les procédures finalisées donneront lieu à u ne correction au minimum d'un montant de 41 millions d'euros, « qui impactera de manière quasi certaine le budget pour 2022 ». Les rapporteurs spéciaux observent donc qu'un montant plancher de près de 40 millions d'euros devrait être imputé sur la dotation de 190 millions d'euros ouverte au titre des dépenses imprévues 15 ( * ) .

Dans ces conditions, le reliquat disponible sur la provision pour aléas serait tout au plus de 150 millions d'euros, un niveau nettement en-deçà des crédits nécessaires pour alimenter les ressources du fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), d'autant que l'administration indique que « la poursuite du paiement des indemnités liées au gel exceptionnel d'avril 2021 sera un enjeu important de 2022 ».

Un telle programmation ouvre d'emblée la perspective d'arbitrages budgétaires en gestion, pouvant affecter la capacité du budget pour 2022 à assumer ses charges en bon temps, ou de nouvelles ouvertures en lois de finances rectificative pour 2022, à l'image des ouvertures demandées dans les projets de lois de finances rectificatives pour 2021.

c) L'épuisement des réserves du fonds national de gestion des risques en agriculture, les difficultés de pénétration de l'assurance récolte : une refonte indispensable des mécanismes de gestion des risques
(1) Le FNGRA

En métropole, la gestion des risques de production d'ampleur importante repose sur trois dispositifs :

- s'agissant des risques sanitaires et environnementaux , le Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE) , seul fonds agréé, a pour objet d'indemniser les pertes subies par les agriculteurs grâce à un co-financement professionnel à hauteur de 35 % et un co-financement public de 65 %. Depuis 2015, l'origine de ce soutien peut être européen (Feader via le PNGRAT) ou national (FNGRA via un régime d'aide notifié). La contribution européenne ne peut être mobilisée que si la perte de production est supérieure à 30 % de la production annuelle. La contribution de l'État peut être mobilisée si ces pertes sont inférieures à ce seuil ;

- s'agissant des risques climatiques, deux dispositifs d'indemnisation exclusifs l'un de l'autre sont mobilisés : d'une part, les exploitants victimes d'un risque considéré comme non assurable, jugé d'importance exceptionnelle et dû à des variations anormales d'intensité d'un agent naturel climatique, peuvent être indemnisés par le régime des calamités agricoles qui constitue un premier niveau de filet de sécurité ; d'autre part, les exploitants ayant souscrit un contrat multirisques climatiques auprès de compagnies d'assurance privées reçoivent de celles-ci des indemnisations contractuelles en cas de sinistre.

Ces trois dispositifs pouvaient bénéficier d'un financement par le Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA). Toutefois depuis la campagne 2015, l'aide à l'assurance récolte est financée à 100 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) et ne mobilise plus le FNGRA.

Les ressources du FNGRA sont le produit des contributions additionnelles aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d'assurance couvrant les dommages aux bâtiments et au cheptel affectés aux exploitations agricoles et les risques de responsabilité civile et de dommages relatifs aux véhicules affectés aux exploitations agricoles ainsi qu'une contribution additionnelle applicable aux exploitations conchylicoles et une subvention du budget de l'État.

Le taux de la taxe additionnelle est passé de 11 % à 5,5 %, et la contribution additionnelle est plafonnée à 60 millions d'euros depuis le 1 er janvier 2016 . Dans ces conditions, en cas de crise majeure, telle la sécheresse ou des excès de pluies, l'abondement du fonds par des crédits d'État devient nécessaire.

Depuis l'instauration de la « provision pour dépenses imprévisibles », cette dernière constitue un réservoir de crédits supposés permettre de financer les besoins apparus en cours d'année, sans recourir à des décrets d'avances ou à des lois de finances rectificatives, mais force est de constater qu'elle ne suffit pas dans un contexte d'aléas climatiques récurrents.

Évolution des ressources et des charges du FNGRA depuis 2014

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les dépenses du FNGRA ont atteint 154,7 millions d'euros en 2019 face à des recettes ordinaires de 60 millions d'euros, soit une impasse de financement de 94,7 millions d'euros.

La trésorerie du fonds (22 millions d'euros à l'ouverture de l'exercice), pourtant fortement sollicitée, s'est trouvée hors d'état de la financer, obligeant l'État à un versement de 87,5 millions d'euros.

Compte tenu des dépenses réalisées, au total, les ressources de trésorerie disponibles à la fin de l'exercice pour les interventions du FNGRA en 2020 s'élevaient à 20,8 millions d'euros. En 2020, des tensions sur les ressources, dans un contexte de sécheresse, ont de nouveau nécessité l'abondement en crédits de l'État, pour un montant de 150 millions d'euros, dont 126 millions via la provision pour aléas. Le FNGRA a dépensé un montant de 185 millions d'euros au titre du dispositif calamités agricoles, soit un montant inédit depuis 2014, apurant notamment des dettes d'indemnisation antérieures.

En ce qui concerne l'année 2021 et compte tenu de l'impact de la sécheresse 2020 et surtout du gel tardif qui a eu lieu au printemps 2021, il existe des tensions importantes sur la trésorerie du fonds qui ont et vont conduire à des abondements en crédits de l'État.

D'après les informations communiquées aux rapporteurs spéciaux, les reconnaissances de calamités agricoles en 2021 devraient atteindre un total de l'ordre de 160 millions d'euros, principalement du fait de la sécheresse mais aussi des épisodes de gel et autres événements climatiques qui ont eu lieu en 2021. 40 millions d'euros ont été mobilisés via la PPA, mais celle-ci ne sera pas suffisante (cf. supra ) une fois défalquées les dépenses nécessaires au règlement des refus d'apurement européens. L'abondement nécessaire de l'État en 2021 est estimé à 100 millions d'euros, mais ne tient pas compte de l'indemnisation de l'épisode exceptionnel de gel d'avril 2021. Cette impasse de financement serait couverte comme les années précédentes, par des redéploiements en gestion depuis d'autres lignes du programme, et par une ouverture de crédits au sein du second projet de loi de finances rectificative pour 2021.

En l'état de la budgétisation de la provision pour aléas pour 2022 (190 millions d'euros), compte tenu des charges envisagées du fait des refus d'apurement et des charges d'indemnisation de calamités reportées sur 2022, le projet de loi de finances pour l'année à venir paraît à nouveau devoir réserver des difficultés de bouclage de l'équilibre financier du FNGRA.

(2) Une assurance récolte qui, même peu diffusée, épuise les dotations provisionnées pour en favoriser la pénétration

En ce qui concerne l'assurance récolte , force est de constater qu'elle souffre d'un taux de pénétration encore assez modeste, malgré une certaine progression ces dernières années.

Taux de diffusion de l'assurance récolte
entre 2010 et 2020 par groupe de culture

Taux de diffusion (N/N)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Grandes cultures

27,6%

30,3%

30,8%

31,7%

30,9%

26,5%

26,4%

30,1%

31,0%

32,1%

33,3%

Viticulture*

15,8%

17,1%

18,8%

19,2%

23,6%

23,3%

25,0%

26,2%

31,5%

32,4%

34%

Arboriculture

2,4%

2,7%

2,7%

2,4%

2,5%

2,2%

2,6%

2,7%

2,8%

2,8%

3,1%

Légumes

12,2%

13,9%

15,5%

15,6%

16,6%

15,0%

14,4%

24,6%

25,2%

27,7%

28%

TOTAL sans prairie

26,5%

29,0%

29,6%

30,4%

29,9%

26,3%

25,8%

29,4%

30,5%

31,6%

32,8%

TOTAL avec prairie

14,8%

16,8%

17,2%

17,9%

18,2%

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

La couverture assurantielle des surfaces agricoles est désormais de près de 33 %, soit un gain de près de 7 points par rapport à 2016 ; traditionnellement particulièrement basse dans le domaine des légumes, l'assurance y a nettement progressé depuis 2017, l'arboriculture restant très peu concernée.

Le nombre de contrats d'assurance multi-risques climatiques (MRC) commercialisés a diminué jusqu'en 2016 puis est reparti à la hausse d'après les données des assureurs.

Nombre de contrats d'assurance récolte entre 2015 et 2020

Source : commission des finances d'après la réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Depuis la campagne 2016, l'architecture du contrat subventionné est articulée selon deux niveaux de garantie avec des taux de soutien différenciés :

- un premier niveau de garantie, dit niveau socle, avec un taux de subvention de 65 %. Il constitue un socle minimum de protection permettant de relancer le cycle de production en cas de sinistre. Son coût est limité, ce qui doit faciliter l'accès à l'assurance récolte ;

- un second niveau avec des garanties complémentaires et un taux de subvention de 45 % 16 ( * ) .

Pour les contrats de base, l'État soutient le développement de ce type d'assurance grâce à une subvention prenant partiellement en charge le coût de la prime ou cotisation d'assurance.

Les problèmes régulièrement constatés de financement du dispositif font obstacle à une anticipation claire des taux de subventionnement. Malgré des ajustements successifs, l'environnement de l'assurance récolte reste marqué par la persistance de cette difficulté. D'après les réponses au questionnaire des rapporteurs, les taux précités sont maintenus pendant la période de transition avant l'entrée en vigueur du nouveau cadre réglementaire européen.

Enveloppe consacrée au financement de la subvention à l'assurance récolte

Depuis 2015, ces aides sont versées dans le cadre du deuxième pilier de la PAC, au titre du Programme national de gestion des risques et d'assistance technique (PNGRAT), et sont entièrement financées par des fonds européens (FEADER). Le FNGRA n'est plus mobilisé.

L'enveloppe de 600,75 millions d'euros, issue d'un premier transfert du premier vers le deuxième pilier de la PAC allouée au financement de l'aide à l'assurance récolte et au soutien aux fonds de mutualisation en cas d'aléas sanitaires et environnementaux pour la période 2015-2020 n'était pas suffisante pour garantir les taux de subvention actuels jusqu'à la fin de la programmation.

Un complément de 74,5 millions d'euros, qui a porté l'enveloppe totale à 675,25 millions d'euros, a été alloué aux mesures de gestion des risques suite à un transfert complémentaire du premier vers le second pilier notifié à la Commission européenne à l'été 2017.

Une période de transition de deux années entre l'actuelle programmation (2014-2020) et la suivante a été actée. La mise en oeuvre du PNGRAT s'étend donc jusqu'à la fin 2022 (incluant notamment les paiements des campagnes 2021 et 2022 d'assurance récolte). Afin de financer ces interventions pour la période de transition, un premier abondement d'un montant de 192,4 millions d'euros est intervenu en 2021. Un second abondement est intervenu en 2021 à hauteur de 193,6 millions d'euros également issu d'un transfert du premier vers le second pilier .

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Les rapporteurs spéciaux relèvent que les fonds du premier pilier de la PAC ont été ponctionnés pour assurer l'effectivité du soutien aux assurés. Cet arbitrage oblige à réduire les aides directes du premier pilier pour financer les impasses de financement constatées sur plusieurs interventions relevant du second pilier de la PAC.

S'agissant des opportunités offertes par le règlement européen dit « Omnibus » pour baisser le seuil de déclenchement du niveau des pertes de rendement de 30 % à 20 %, le choix a été fait pour l'actuelle programmation de ne pas les utiliser au motif que, si un tel abaissement permettrait de proposer un contrat subventionné plus protecteur, il serait également plus coûteux pour l'exploitant agricole et aurait un impact budgétaire très important, non soutenable par les crédits FEADER 2014-2020. Il impliquerait un prélèvement supplémentaire sur le premier pilier de la PAC.

Enfin, un consensus conduit à reconnaître que la gestion des aléas de faible ampleur fait partie intrinsèque de l'activité agricole, et que les outils de mutualisation des risques apparaissent par contre nécessaires dès que l'on atteint 20 à 30 % de pertes de récolte minimum .

(3) Une réforme à venir

En tout état de cause, la multiplication des aléas climatiques oblige à repenser collectivement d'une part les dispositifs de soutien publics aux mesures de protection et d'indemnisation, d'autre part et plus largement les pratiques agricoles elles-mêmes, dans une logique de prévention et d'adaptation.

Dans ce cadre, une consultation élargie de l'ensemble des parties prenantes a été lancée à l'été 2019 sur les voies d'amélioration des outils de gestion des risques en agriculture. Les résultats de l'évaluation à mi-parcours du PNGRAT menée en 2019, assortie de recommandations, ont contribué à cette réflexion et à proposer les évolutions à apporter au dispositif dans le cadre de la prochaine PAC. D'après le ministère, ces recommandations, ainsi que les contributions reçues des parties prenantes, ont permis d'alimenter plusieurs groupes de travail qui se sont réunis entre novembre 2019 et juin 2020, afin de définir une « feuille de route » pour la généralisation de la couverture des agriculteurs face au risque climatique.

Le « Varenne agricole de l'eau et du changement climatique » lancé par le Gouvernement le 28 mai dernier a permis de poursuivre ces travaux au sein du groupe de travail relatif à la gestion des risques et l'assurance récolte présidé par le député Frédéric Descrozaille. Dans le prolongement de ces importants travaux, le Gouvernement devrait présenter la réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture d'ici le début du mois de décembre.

Les rapporteurs spéciaux en prennent acte et suivront attentivement les annonces du Gouvernement tout en regrettant l'absence de mesures proposées dans le cadre du présent projet de loi de finances.

2. La gestion de crise : un effort budgétaire nécessaire

L'action 22 « Gestion des crises et des aléas de production » fournit un appui financier à des exploitations en difficultés structurelles ou conjoncturelles. Cette action voit ses crédits augmenter, tant en AE qu'en CP, de 3,7 millions d'euros, pour atteindre 8,8 millions d'euros en 2022.

Cette augmentation de crédits découle du doublement des crédits alloués au dispositif Agridiff (agriculteurs en difficulté), qui passent de 3,5 à 7 millions d'euros. Il permet de soutenir le redressement d'exploitations agricoles soit via un audit global de l'exploitation, soit via une aide à la relance (AREA). D'après le projet annuel de performances de la présente mission, ce dispositif « devrait être fortement utilisé en 2022 quand les effets de la crise se feront davantage ressentir à mesure de la diminution progressive des dispositifs généraux d'aide ». Les 3,5 millions d'euros supplémentaires alloués en 2022 paraissent dérisoires face aux difficultés rencontrées par de nombreux exploitants.

En outre, le fonds d'allégement des charges (FAC) bénéficie de 1,7 million d'euros, un montant identique à 2021. Il permet à FranceAgriMer d'aider les exploitations les plus fragilisées par des crises conjoncturelles en prenant en charge par exemple une partie des intérêts supportés par les exploitants agricoles.

3. Une diminution des crédits de l'action n° 25 « Protection sociale » en raison de la non-reconduction en 2022 de l'exonération de cotisations patronales mise en place pour les employeurs de la filière viticole

Les crédits prévus pour 2022 pour l'action n° 25 « Protection sociale » s'élèvent à 130,4 millions d'euros, soit une baisse de 77 millions d'euros par rapport à 2021, où ils atteignaient 207,4 millions d'euros . La baisse des crédits de l'action découle de la non-reconduction en 2022 de la mesure exceptionnelle en faveur des viticulteurs, qui génère une économie de 80 millions d'euros sur cette action.

L'article 17 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021, codifié à l'article L. 241-14 du code de la sécurité sociale (CSS) précisé par le décret n°2021-827 du 28 juin 2021 17 ( * ) a institué pour l'année 2021, une exonération de cotisations patronales spécifique au profit des employeurs de la filière viticole, fortement impactés par les sanctions américaines sur les exportations de vins français depuis 2019 et par les conséquences de la pandémie de covid-19. Pour ceux d'entre eux ne pouvant pas bénéficier de cette exonération, la loi prévoit la possibilité de demander une remise de cotisations.

L'employeur doit justifier d'une baisse de son chiffre d'affaires annuel de l'année 2020 par rapport au chiffre d'affaires annuel de l'année 2019. La remise de cotisations ne peut être accordée uniquement dans le cas où l'employeur peut justifier d'une baisse de son chiffre d'affaires annuel comprise entre 10 % et 20 %.

La mesure spécifique pour les employeurs de la filière viticole était compensée par 80 millions d'euros de crédits en LFI pour 2021.

Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux

Cette diminution est légèrement atténuée par l'augmentation de la compensation opérée par le ministère au titre de l'exonération de cotisations sociales patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels et de demandeurs d'emploi sous conditions (dispositif TO-DE) prévue à l'article L. 741-16 du code rural et de la pêche maritime. Cette compensation augmente de 3 millions d'euros « en se basant uniquement sur un effet prix constitué par une évolution prévisionnelle du SMIC ». Le coût de ce dispositif reste par ailleurs relativement stable 18 ( * ) .

Pour mémoire, le Gouvernement prévoyait la suppression du TO-DE pour 2019 19 ( * ) . Les débats parlementaires avaient conduit au maintien du TO-DE mais le dispositif n'en a pas moins été amplement redéfini dans le cadre de la loi de financement pour la sécurité sociale pour l'année 2019. Il s'est agi de réserver l'exonération totale jusqu'à 1,20 SMIC (au lieu de 1,25 SMIC) puis de suivre au-delà un barème dégressif linéaire d'exonération (fixé par le décret n° 2018-1357 du 28 décembre 2018), cette dernière devenant nulle à partir de 1,6 SMIC (au lieu de 1,5 SMIC). La loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prolongé ce dispositif pour 2021 et 2022.

Force est de regretter que l'aménagement du TO-DE, même purgé d'une partie de ses effets, demeure tout à fait préoccupant.

La réduction du seuil d'exonération complète et le bornage du dispositif jusqu'en 2022 ne sont pas acceptables s'agissant d'un dispositif sans lequel le handicap de compétitivité de l'agriculture française du fait du coût du travail auquel elle est exposée serait encore alourdi.

La prolongation de ce dispositif sera étudiée prochainement à l'initiative du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.


* 14 Le projet annuel de performances indique d'ailleurs : « cette dotation vise à gérer les dépenses imprévisibles du programme 149, en particulier les aides de crises et les refus d'apurement communautaire qui seront susceptibles d'être notifiés par la Commission européenne en 2022 ».

* 15 Dépenses donc parfaitement prévues.

* 16 Les agriculteurs peuvent en outre souscrire des extensions de garantie (réduire le taux de franchise ou bien encore le seuil de déclenchement) pour disposer d'une meilleure couverture mais elles ne bénéficient pas de subventions.

* 17 Décret n° 2021-827 du 28 juin 2021 relatif à l'application des mesures en faveur des employeurs relevant du secteur « culture de la vigne » instituées par l'article 17 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021

* 18 Ce montant de 130 millions d'euros correspond à une compensation partielle de l'exonération, soit une compensation à la MSA du surplus d'exonération lié au maintien d'un plateau d'exonération totale à 1,2 SMIC par rapport aux allègements généraux. La part des exonérations correspondante aux allègements généraux sera compensée par l'affectation d'une fraction de TVA à la MSA et à l'UNEDIC.

* 19 Dans le cadre du basculement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) vers un allègement des cotisations sociales, et d'un renforcement des allégements généraux, le Gouvernement avait proposé de supprimer le régime TO-DE particulier au secteur agricole

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