II. LE BUDGET DES SPORTS EST DE NOUVEAU SUR UNE PENTE ASCENDANTE, MAIS IL PRÉSENTE ENCORE DES FRAGILITÉS STRUCTURELLES

Hors plan de relance, les crédits du programme 219 « Sport » enregistrent d'une progression notable , avec une augmentation de 26,7 % en crédits de paiement entre 2021 et 2022. Cette montée en charge est portée par l'action 01, « Promotion du sport pour le plus grand nombre », qui gagne plus de 114 % d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement, comme le détaille le tableau ci-après.

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution

2020-2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre »

88,9

190,5

+ 114,3 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

273,2

272,3

286,7

282,0

+ 4,9 %

+ 3,6 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

25,9

29,4

+ 13,5 %

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

45,1

45,8

+ 1,6 %

Total

433,1

432,3

552,3

547,6

+ 27,5 %

+ 26,7 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. UN PROGRAMME DONT LE DYNAMISME EST PORTÉ PAR LE PASS'SPORT, MAIS QUI PRÉSENTE ENCORE DES INCERTITUDES SUR SON FINANCEMENT

1. Une confirmation de la reprise du soutien au sport « hors Olympiades »

Depuis l'attribution des Olympiades de 2024 à la France, le Gouvernement privilégie une approche agrégée des crédits dédiés au sport , regroupant les programmes 219 et 350, ainsi que l'affectation de produits à l'Agence nationale du sport.

Il y a deux ans, pendant l'examen du projet de loi de finances pour 2020, le rapporteur spécial avait mis en avant que cette approche pouvait conduire à occulter la diminution de 11 % des crédits dédiés au sport hors Olympiades de 2024 observée depuis 2017 . Il s'agissait d'un point d'alerte majeur, en ce qu'il concrétisait les craintes d'un financement centré sur la compétition, au détriment du sport pour tous , à rebours de l'ambition initiale de la candidature française et des engagements du Président de la République lors de l'attribution des jeux olympiques en septembre 2017 4 ( * ) .

Cette tendance a été inversée en 2021 sous l'impulsion de deux facteurs : les crédits supplémentaires du plan de relance, et le relèvement du plafond de la fiscalité affectée à l ' Agence nationale du sport de 24,1 millions d'euros au titre de la « taxe Buffet » (cf. infra ). Ces facteurs restaient cependant fragiles, en raison des incertitudes qui pèsent sur le rendement de la « taxe Buffet » et du caractère en principe temporaire du plan de relance .

Ce changement d'orientation est confirmé dans le PLF pour 2022, qui appuie nettement le sport hors compétition . Le renforcement de l'action 01, « Promotion du sport pour le plus grand nombre », se poursuit avec un plus que doublement des crédits (+ 114,3%) par rapport au PLF 2021 . Cette augmentation s'explique quasi-intégralement par l'inclusion du Pass'Sport dans le programme, lancé à la rentrée 2021 et reconduit en 2022, et dont le budget est de 100 millions d'euros .

En dehors du Pass'Sport, il faut également noter la progression de 3,6 % en crédits de paiement de l'action 02, « Développement du sport de haut niveau », et celle de 13,5 % de l'action 03, « Prévention par le sport et protection des sportifs ». Pour cette dernière, l'augmentation s'explique par le renforcement de la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage ainsi que par le développement de la stratégie nationale sport santé .

2. Le Pass'Sport est un dispositif pertinent pour lutter contre les inégalités d'accès au sport, mais il doit faire l'objet d'évaluations pour en mesurer sa portée réelle

La mise en oeuvre du Pass'Sport est la principale réforme du programme 219. Doté d'un budget de 100 millions d'euros, il est à l'origine de 86,7 % de l'augmentation du programme « sport » entre 2021 et 2022 .

Le rapporteur spécial se félicite d'un dispositif qui peut contribuer à amener à la pratique sportive des personnes qui en sont éloignées , la crise de la Covid ayant fortement mis en avant les inégalités d'accès au sport. Il souligne en particulier que l'individualisation par enfant de l'aide est une qualité notable du Pass'Sport, car elle permet de réduire les inégalités de genre en favorisant l'accès au sport des filles . Par ailleurs, son caractère ciblé limite les effets d'aubaine.

Ce constat positif appelle toutefois deux observations :

- premièrement, si le montant accordé à chaque jeune, 50 euros, correspond bien au prix moyen d'une licence dans un club sportif pour un enfant, il ne prend pas en compte l'achat des équipements sportifs, qui dans certains cas sont supérieurs au prix de la licence .

- deuxièmement, des aides similaires existent déjà dans un certain nombre de collectivités territoriales . Par exemple, la ville de Saint-Denis a mis en place en 2019 une aide nommée « Atout sport », dont les caractéristiques sont proches de celles du Pass'Sport : elle vise à financer une première adhésion à un club de sport pour l'ensemble des jeunes âgés de 6 à 18 ans. À cet égard, le Pass'Sport apparaît comme redondant, et les investissements dans les installations sportives sont plus urgents. Il est donc nécessaire, pour que le dispositif puisse être pleinement efficace, de préciser son articulation avec les aides similaires présentes au niveau territorial .

3. Des incertitudes qui demeurent quant au financement du programme

Deux nuances doivent être apportées à cette inversion de la tendance à la baisse du soutien au sport.

La première concerne les crédits dédiés au sport dans le plan de relance, qui, de par leur nature exceptionnelle, n'apporteront qu' une réponse ponctuelle. Leur ampleur ne saurait être surestimée au regard des objectifs volontaristes affichés par le Gouvernement de faire passer l'économie du sport de 1,8 % à 2 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici aux Olympiades de 2024. Dès lors, la question de l'avenir de ces aides se pose, avec la perspective de la fin du plan de relance à partir de 2023.

La seconde nuance ressort de l'incertitude entourant la fiscalité affectée à l'Agence nationale du sport. Cette incertitude concerne principalement la Contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives (Taxe Buffet), qui finance l'Agence nationale du sport .

La taxe Buffet

La « Contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives », plus communément appelée taxe Buffet , est une taxe introduite en 2000, qui a vocation à financer le sport amateur grâce au sport professionnel, dans une logique de solidarité . La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion .

La taxe est inscrite à l'article 302 bis ZE du Code général des impôts. L'article dispose que le « taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements » et que la « contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ».

Depuis 2019, le produit de la taxe est affecté intégralement à l'Agence nationale du sport .

En 2021, pour renforcer les moyens de l'Agence, le Gouvernement a choisi le relèvement du plafond de fiscalité affectée à une majoration de sa dotation budgétaire. Contestable au regard de l'orthodoxie budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, cette orientation prend acte de la forte progression du rendement de la taxe Buffet entre 2019 et 2020 (+ 37 %) et d'une forte demande du mouvement sportif pour que « le sport finance le sport ». Toutefois, ce renforcement de la place de la taxe Buffet dans le financement de l'Agence nationale du sport comprend des risques importants, comme le montre l'abandon de Médiapro.

L'année dernière, le rapporteur spécial alertait sur le fait que les tensions au sujet de la diffusion de la ligue 1 pourraient conduire à ce que la progression des droits soit « fortement remise en cause » ce qui « fait peser un risque majeur pour l'ensemble du football professionnel français . » La défaillance de Mediapro en octobre 2020, qui a été suivie par l'accord de reprise des droits de la Ligue 1 par Canal+ du 4 février 2021, ont concrétisé ces craintes.

En effet, l'abandon de Mediapro a eu pour une conséquence une diminution des droits de la ligue 1 de football de 575 millions euros . Fin août 2021, le rendement de la taxe Buffet s'élevait ainsi à 41,75 millions d'euros, et il a été constaté un écart de plus de 25 millions d'euros entre le rendement initialement prévu de la taxe et son rendement effectif 5 ( * ) . Dans les réponses aux questionnaires budgétaires, la Direction des sports a mentionné que cette perte serait compensée par un complément de financement ajouté en loi de finances rectificative de fin de gestion .

Si une telle compensation est nécessaire, elle illustre également les faiblesses du financement de l'Agence nationale du sport . Certes, les pertes de recettes résultent en partie de la situation exceptionnelle de la crise sanitaire. Toutefois, dès les années qui ont précédé la crise, la forte appréciation des droits de la ligue 1 a été le résultat d'une bulle de marché. La progression du produit de la taxe Buffet provenait quasi exclusivement de l'appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024.

En outre, d'autres facteurs de risque, comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents, sont extérieurs à la crise, et relèvent du fonctionnement « normal » du marché. Le financement de l'Agence nationale du sport est donc à la merci de corrections de marché qui peuvent être brutales, même hors temps de crise .

Dès lors, le risque est que ces compensations ne soient plus exceptionnelles, mais récurrentes à chaque fois que les droits de la ligue 1 se déprécient . Non seulement cela irait à l'encontre de la logique du « financement du sport par le sport », qui est au fondement de l'affectation d'une part de la taxe Buffet à l'Agence nationale du sport, mais cela contribuerait à remettre en cause l'autorisation parlementaire tout en réduisant la lisibilité du financement du sport .

En optant pour un renforcement des ressources de l'Agence nationale du sport via l'affectation de recettes au lieu de crédits budgétaires, le Gouvernement transfère ainsi une partie du risque financier correspondant à l'ensemble du mouvement sportif.


* 4 Voir le discours d'Emmanuel Macron adressé le 16 septembre 2017 aux acteurs ayant permis que Paris soit choisie pour organiser les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, au cours duquel le président de la République a en particulier fait part de sa volonté : « ces Jeux doivent nous permettre de faire de la France une vraie nation sportive. [...] Et à ce titre, je veux que nos clubs sportifs, nos écoles irriguent l'ensemble de nos villes, nos quartiers, nos campagnes et que le sport puisse prendre une place essentielle dans notre projet de société. Ces jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ça n'est donc pas simplement une compétition sportive. C'est bien une occasion de porter cette mission au coeur même du projet de transformation de la société ».

* 5 D'après les documents budgétaires.

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