B. LES CRÉDITS DU FONDS VERT SONT EN MAJORITÉ ISSUS DU PLAN DE RELANCE

À l'exception du fonds friches, les crédits du « fonds vert » sont présentés comme des crédits nouveaux . Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires déclarait ainsi, devant les députés lors de son audition à la commission des lois du 14 septembre 2022 : « vous ne trouverez pas plus de 350 millions d'euros dans le budget 2022 qui correspondent aux objets qui sont finançables dans ce fonds . »

En réalité, de nombreuses politiques menées dans le cadre du programme 380 sont des continuations des dispositifs du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », même si les dénominations varient . Le tableau suivant récapitule les différentes politiques qui prolongent de manière manifeste des mesures du plan de relance.

Recoupement des politiques menées au sein
du programme 380 et du programme 362

Programme 380

Programme 362

Rénovation thermique des bâtiments publics

Sous-action consacrée à la rénovation des bâtiments publics des collectivités au sein de l'action 01 « Rénovation énergétique » ainsi que l'action 09 « Dotation régionale d'investissement »

Reconquête des friches

« fonds friche » dans la sous-action « Densification et renouvellement urbain » au sein de l'action 02

Appui à la Stratégie nationale biodiversité 2030

Politiques en faveur de la biodiversité dans la sous-action « Biodiversité, prévention des risques et résilience » au sein de l'action 02

Restructuration des locaux d'activité

Fonds de restructuration des locaux d'activité au sein de l'action 02

Recul du trait de côte et renforcement de la protection des bâtiments des collectivités d'outre-mer contre les vents cycloniques

Lutte contre l'érosion du littoral, gestion du trait de côte, et renforcement des bâtiments publics au risque cyclonique au sein de l'action 02

Soutien au tri à la source et valorisation des bio-déchets

Sous-action consacrée au développement du tri et à la valorisation des déchets au sein de l'action 04 « Économie circulaire et circuits courts »

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial ne conteste pas l'utilité de pérenniser un certain nombre de politiques de transition écologique menées dans le cadre du plan de relance. Toutefois, présenter ces crédits comme nouveaux sur le seul fondement qu'ils devaient disparaître avec le plan de relance est trompeur. L'ensemble des politiques citées ne représentent pas davantage des crédits nouveaux que le fonds friches .

1. Le fonds friches

Le programme 380 reprend le fonds friches , qui relevait de l'action 02 « Biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362. Le Président de la République avait annoncé la pérennisation du fonds le 7 septembre 2021 .

Le fonds friches a vocation à financer des opérations de recyclage de friches ou de fonciers déjà artificialisés. Le recyclage des friches engendre en effet des surcoûts par rapport aux constructions sur terrain non bâti, notamment en raison des travaux de restructuration lourde et de dépollution nécessaires. Le fonds friches doit permettre de construire de nouveaux logements et locaux d'activité, sans faire progresser l'artificialisation nette .

Ce fonds avait été initialement doté de 300 millions d'euros en AE dans la mission « Plan de relance » de la loi de finances initiale pour 2021. Dans le budget pour 2022, le fonds friches a été reconduit avec
350 millions d'euros supplémentaires, et il a bénéficié d'une rallonge de 100 millions d'euros au début de l'année 2022.

Au total, 750 millions d'euros ont été engagés dans le cadre du plan de relance, qui ont vocation à financer 1 382 projets lauréats . Ces sommes doivent permettre de recycler 3 375 hectares de friches pour la fin de l'année 2024.

Bilan du fonds friches en 2021 et 2022

Nombres de lauréats

Subventions attribuées (en millions d'euros)

Surface de friches recyclées (en hectares)

2021

AAP régionaux

132

579

2 500

AAP ADEME

999

45,5

1 016

Total

1 118

624,5

2 666

2022

AAP régionaux

245

100

613

AAP ADEME

21

21,5

93

Total

264

121,5

675

Note : le total des surfaces de friches recyclées est retraité des dossiers communs à l'ADEME et aux AAP régionaux.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Pour éviter les effets d'aubaine, le fonds friches s'adresse aux projets d'aménagements de friches dont les bilans économiques restent déficitaires après prise en compte de toutes les autres subventions publiques, et malgré la recherche de l'optimisation de tous les autres leviers d'équilibre. En outre, il concerne des projets suffisamment matures pour entrer en phase opérationnelle dans les deux à venir.

Les financements accordés au fonds friches dans le cadre du fonds vert, 350 millions d'euros sur quatre ans (soit 87,5 millions d'euros par an), sont nettement inférieurs à ceux du plan de relance . Cette moindre ambition se traduit dans les objectifs de performance : la cible de surface de friches recyclées grâce au fonds est de 1 000 hectares en 2023 et les années suivantes, alors que l'objectif était de 3 000 hectares par an dans le plan de relance .

Les financements du fonds friches sont répartis par des appels à projet menés par l'ADEME ou par les préfets de régions . Les appels à projets de l'ADEME concernent la reconversion des friches polluées issues d'anciens sites industriels ICPE ou sites miniers. Les projets menés par les préfets de région visent à favoriser la production de logement, la relance de la construction au sein des projets d'aménagement urbain.

Il apparaît à ce stade que la gestion du fonds friches sera identique à ce qu'elle était durant le plan de relance.

2. La rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales

La politique de rénovation énergétique des collectivités territoriales s'inscrit dans le prolongement de l'action 01 et de l'action 09 du programme 362 du plan de relance .

Une dotation de 600 millions d'euros a été accordée aux régions dans le cadre de l'accord de méthode signé entre les régions et l'État en juillet 2020, qui devrait majoritairement servir à la rénovation énergétique de leurs bâtiments. Dans la loi de finances initiale pour 2021, 324 millions d'euros ont été ouverts. Sur cette somme, 148 millions d'euros ont été consommés en 2021, ce qui représente un taux d'exécution inférieur à 50 % .

Les départements et les communes ont bénéficié en 2021 d'une enveloppe de 950 millions d'euros en AE et de 416 millions en CP pour la rénovation thermique de leurs bâtiments. Si la quasi-totalité des AE a été engagée, en revanche les crédits ont été très faiblement consommés
(92 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution de 22 %), ce qui s'explique par les retards de mise en oeuvre des appels à projet
.

Des données précises sur l'efficacité énergétique des opérations de rénovation thermique des bâtiments des collectivités territoriales, engagées durant le plan de relance, ne sont pas encore disponibles .

Les projets de rénovation des départements et des communes ont été soumis à un processus de sélection organisé par l'État, contrairement à ceux des régions. La circulaire n° 6220/SG du 23 octobre 2020 sur la territorialisation du plan de relance indique en effet que les conditions d'éligibilité des dossiers et les priorités de financement pour les bâtiments départementaux et communaux sont fixées au niveau national . Les préfets de régions définissent ensuite des règles particulières applicables aux territoires .

3. Des mesures qui s'inscrivent dans la continuité des politiques menées au cours du plan de relance

La politique de restructuration des locaux d'activité prend la suite du « fonds de restructuration des locaux d'activité », mis en place dans le cadre du plan « France Relance », afin de soutenir le tissu économique des territoires . Le fonds a vocation à prendre une charge une partie des déficits d'opérations de restructuration immobilière, afin de permettre l'installation de nouvelles activités.

Le dispositif de « soutien au tri à la source et valorisation des bio-déchets » se trouve dans le prolongement des mesures de l'action 04 du programme 362, qui comprenait notamment le développement du tri, la valorisation des déchets et la production d'énergie à partir de combustibles solides de récupération. Durant le plan de relance, le dispositif était mené par l'ADEME, qui continuera à l'opérer dans le cadre du fonds vert .

Les crédits inscrits pour la mise en oeuvre de la SNB 2030 prennent la suite d'une partie des crédits de l'action 02 « biodiversité et lutte contre l'artificialisation » du programme 362 :

- 135 millions d'euros avaient été engagés pour la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique ainsi que d'actions en faveur de la continuité écologique . Par exemple, en 2021, l'Office français de la biodiversité avait lancé les « Atlas de la biodiversité communale » et « MobBiodiv Restauration » visant à soutenir des actions en faveur de la restauration d'écosystèmes terrestres et continentaux ;

- 65 millions d'euros ont également été engagés dans le cadre du plan de relance pour la réalisation d'opérations de restauration de mise en place d'infrastructures dans les aires protégées . Le plan de relance, autant que le fonds vert, participent à la nouvelle stratégie pour les aires protégées à horizon 2030.

Concernant l'action 02 « Adaptation des territoires au changement climatique » 40 millions d'euros étaient déjà consacrés à la protection du littoral, la lutte contre son érosion et la gestion du trait de côte, et 50 millions d'euros au renforcement de la résilience des bâtiments publics au risque sismique dans les Antilles ainsi qu'au risque cyclonique .

4. Quelques mesures nouvelles, mais qui ne justifient pas à elles seules la création d'un nouveau programme

Certaines des mesures présentes dans le fonds n'ont pas d'équivalent dans le plan de relance, ou dans des mesures déjà conduites par les programmes existants de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le fonds de renaturation des villes a été annoncé en juin 2022, pour un montant de 500 millions d'euros sur cinq ans . Le fonds vise à financer des programmes de végétalisation des villes, afin notamment de lutter contre le phénomène d'îlots de chaleur urbains. Il doit également financer des dispositifs de restauration de la biodiversité et de lutte contre les inondations.

Le programme sera géré avec l'appui du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA), l'ADEME, et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). La gestion du fonds de renaturation des villes n'est pas encore précisément détaillée. Il est prévu que le fonds de renaturation des villes fasse l'objet d'annonces lors du prochain Congrès des maires, du 22 au 24 novembre 2022.

Le programme 380 doit également permettre de financer des mesures de rénovation de l'éclairage public , qui visent à la fois à lutter contre la pollution lumineuse et à gagner en efficience énergétique.

Enfin, le fonds d'accélération de la transition énergétique a vocation à financer des mesures de prévention des risques émergents en montagne . Ce sont des risques liés au changement climatique : la fonte des glaciers conduit à une augmentation du nombre d'avalanches, de coulée de boue ainsi que des chutes de blocs.

Le rapporteur spécial partage les objectifs de ces politiques. Les risques en montagne vont fortement s'accentuer avec le réchauffement climatique, et la pollution lumineuse contribue à la perte de biodiversité. Toutefois, elles ne justifient pas à elles seules la création d'un nouveau programme, présenté comme un fonds d'investissement à la main des collectivités territoriales .

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