III. AVEC SON MODÈLE DE QUASI-RÉGIE CONJOINTE, LE CEREMA ENTRE DANS UNE NOUVELLE ÈRE

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État. L'action 11 « Études et expertises en matière de développement durable » du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.

1. 2023 marque une vraie inflexion dans la trajectoire budgétaire historiquement déflationniste du Cerema

Depuis sa création, le Cerema s'est vu imposer une réduction régulière et très sensible de sa subvention pour charges de service public et de ses effectifs.

Évolution en lois de finances initiales de la subvention pour charges de service public et du plafond d'emplois du Cérema depuis sa création

Subvention
pour charges
de service public
(en millions d'euros)

Variation annuelle

Plafond d'emplois
(en ETPT)

Variation annuelle

2014

228,8

-

3 155

-

2015

226,3

- 1,1 %

3 152

- 0,1 %

2016

217,6

- 3,8 %

3 024

- 4,1 %

2017

210,8

- 3,1 %

2 899

- 4,1 %

2018

206,0

- 2,3 %

2 796

- 3,6 %

2019

201,3

- 2,2 %

2 695

- 3,6 %

2020

196,7

- 2,3 %

2 594

- 3,7 %

2021

191,1

- 2,8 %

2 507

- 3,3 %

2022

189,0

- 1,1 %

2 495

- 0,5 %

2023

194,1

+ 2,7 %

2 495

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

De 2017 à 2022 l'opérateur a appliqué un plan budgétaire très rigoureux qui devait se traduire :

- par une baisse annuelle de son plafond d'emplois de 100 ETPT (soit un objectif de réduction de 17 %) dans la perspective d'atteindre 2 400 ETPT en 2022 :

Évolution du plafond d'emplois prévu et exécuté (2015-2023)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

- ainsi que par une contraction de sa SCSP d'environ 5 millions d'euros par an :

Évolution de la subvention pour charges de service public
effectivement versée au Cérema depuis sa création

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2023 marque une nette inflexion dans la tendance rigoureuse des trajectoires budgétaires de l'établissement. La SCSP du Cerema doit progresser de plus de 5 millions d'euros pour s'établir à 194,1 millions d'euros avant application de la réserve de précaution. Il faut néanmoins noter que le coût pour l'établissement du relèvement du point d'indice représente 5 millions d'euros . Aussi, en retraitant cet effet, la SCSP du Cerema n'est que stabilisée en 2023 .

Le plafond d'emplois du Cerema doit lui aussi se stabiliser à 2 495 ETPT et son schéma d'emplois , après des années de diminutions drastiques, est nul . Cette stabilisation des effectifs était devenue une nécessité pour préserver les capacités de l'établissement à répondre aux nouvelles sollicitations dont il fait l'objet. Le cas échéant, si le nouveau modèle de l'établissement rencontrait le succès escompté et que les demandes émanant des collectivités augmentaient dans des proportions importantes, pour éviter une trop forte tension sur les effectifs de l'opérateur et pour ne pas rester durablement dans une situation de « goulot d'étranglement », une augmentation des effectifs sous-plafond pourrait s'avérer nécessaire. Le financement de ces nouveaux recrutements pourrait alors être couvert par les nouvelles ressources propres générées par l'établissement. La réussite du nouveau modèle du Cerema pourrait se traduire par un tel cercle vertueux. Dans cette hypothèse, l'État serait alors mal avisé de brider un tel développement en maintenant une contrainte trop forte sur le schéma d'emploi de l'opérateur.

Schémas d'emplois 2017-2023

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Parallèlement, les effectifs hors plafond de l'établissement progressent de façon sensible depuis plusieurs années et devraient encore augmenter en 2023 puisque la prévision a été rehaussée à 120 ETPT. Ces effectifs sont financés sur les ressources propres de l'opérateur.

Évolution des effectifs hors-plafond depuis 2017

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses de personnel de l'établissement devraient s'établir à au moins 204 millions d'euros en 2022 , en augmentation de plus de 4 % par rapport à leur niveau de 2021. 2,5 millions d'euros de cette augmentation concernent l'effet du relèvement du point d'indice. En 2023 , les charges de personnel, également portées par les conséquences du relèvement du point d'indice (5 millions d'euros en année pleine), sont estimées à plus de 210 millions d'euros , soit une nouvelle progression de 3 %.

Évolution des dépenses de personnel depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses d'investissement de l'établissement sont historiquement très insuffisantes. Depuis 2017 elles oscillent entre 5 et 8 millions d'euros. Lors de son précédent rapport sur le projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur spécial avait tiré le signal d'alarme quant à cette situation intenable qui tendait à obérer gravement les capacités de production et les perspectives du Cerema. Il avait souligné le risque que l'obsolescence des outils techniques de l'établissement conduise à dégrader sa capacité d'expertise .

En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 13 ( * ) a dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cérema, estimant que la trajectoire financière et budgétaire actuelle de l'établissement « engage son pronostic vital » . Le rapport avait notamment pointé ce déficit chronique d'investissement le jugeant « très préoccupant » et loin des 14 millions d'euros annuels qu'il estimait alors nécessaires pour préserver la capacité de production du Cérema et prévenir son déclassement technique.

Le dernier budget rectificatif de l'établissement pour 2022 prévoit des dépenses d'investissement à hauteur de 13,1 millions d'euros . Néanmoins, cette augmentation n'est qu' une hausse en « trompe l'oeil » puisqu'elle résulte d' une mesure exceptionnelle de 6 millions d'euros visant les laboratoires de l'opérateur financée au moyen de l'excédent dégagé sur l'exercice budgétaire 2021. Le niveau d'investissement ordinaire reste quant-à-lui à un niveau très insuffisant de 7 millions d'euros .

Évolution des dépenses d'investissements depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

2. Après avoir engagé une profonde réforme et repensé ses orientations stratégiques, le Cerema a adopté un nouveau modèle économique fondé sur une quasi-régie conjointe entre l'État et les collectivités locales

Depuis 2019 l'établissement s'est doté d'un projet stratégique baptisé « Cerem'Avenir » . Pour accompagner la mise en oeuvre de ce plan stratégique et les profondes restructurations conduites par le Cerema, celui-ci a bénéficié d'un financement de 12,3 millions d'euros sur 4 ans du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). Pour mener à bien ses restructurations internes, l'établissement peut aussi s'appuyer sur une subvention du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH).

Par ailleurs le conseil d'administration du Cerema avait adopté un projet stratégique pour la période 2021-2023 le 15 avril 2021 , puis un contrat d'objectifs et de performance (COP) le 7 octobre de la même année.

L'article 159 de loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit loi « 3DS » , a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi prévoit de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe » .

Ce modèle permet aux collectivités qui font le choix d'adhérer d'attribuer au Cerema des marchés publics par simple voie conventionnelle, sans application des obligations de publicité et de mise en concurrence exigées par le code de la commande publique. Les collectivités adhérentes s'engagent sur une durée de quatre ans et s'acquittent d'une cotisation selon leur démographie ou en fonction de leur type selon un barème délibéré en conseil d'administration. Le premier barème , dont le détail est présenté dans le tableau ci-après, vient d'être voté par le conseil d'administration du 6 octobre 2022 .

Barème de cotisations des collectivités adhérentes à la quasie-régie conjointe (conseil d'administration du Cerema du 6 octobre 2022)

Catégories de collectivités

Montant de la contribution en année pleine

Montant de la contribution au titre de l'année 2023

Communes et groupements de 10.000 habitants et moins

500 €

Abattement de 50 % sur le montant issu du barème applicable en année pleine

Communes et groupements de 10001 à 39999 habitants

0,05€ par habitant

Communes et groupements de plus de 40.000 habitants

2000 €

Départements

2 500 €

1 250 €

Régions

5 000 €

2 500 €

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le Cerema affiche des ambitions très optimistes (présentées dans le tableau ci-après) quant au déploiement de son nouveau modèle. Dès 2023, il estime que plus de 600 collectivités devraient adhérer à la quasi-régie et, à terme, en 2027, il en attend 2 000.

Objectifs affichés par le Cerema en termes de collectivités adhérentes
et de cotisations

Catégories de collectivités

Nombre total

Cible 2023

Cotisations 2023 demi-tarif

(en euros)

Cible 2027

Cotisations 2027

(en euros)

Communes et groupements < 10 000

34 780

50

25 000

400

200 000

Communes et groupements Commune entre 10 000 et 20 000

863

200

100 000

500

500 000

Communes et groupements Commune entre 20 000 et 50 000

803

200

150 000

500

750 000

Communes et groupements >50 000

410

100

100 000

300

600 000

Départements

101

101

125 000

101

252 500

Régions

18

15

37 500

18

90 000

Total

36 975

665

525 000

2 000

2 392 500

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La progression des ressources propres perçues par l'établissement était déjà engagée avant l'instauration du régime de quasi-régie conjointe. Elle constitue un signe encourageant . Ces ressources devraient atteindre 46 millions d'euros en 2022 . Les objectifs ambitieux du Cerema en lien avec le déploiement de son nouveau modèle économique le conduisent à anticiper de nouvelles hausses sensibles de ces recettes jusqu'à ce qu'elles approchent la barre des 60 millions d'euros en 2027 .

Évolution des ressources propres constatées et prévisionnelles

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En 2021 , le Cerema a réalisé des prestations rémunérées auprès de 419 collectivités pour des recettes de 12,1 millions d'euros , soit 30 % de son chiffre d'affaires . Les ressources propres de l'opérateur provenant des collectivités sont en progression depuis 2018 : + 14,5 % en 2019, + 5,4 % en 2020 et + 7 % en 2021.

Fort de son nouveau régime de quasi-régie, l'établissement public affiche un objectif ambitieux de multiplication par 2,6 des recettes en provenance des collectivités qui passeraient de 12 millions d'euros en 2021 à 31 millions d'euros en 2027. Ces projections optimistes conduiraient ces recettes à représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires du Cerema.

Évolution prévisionnelle des ressources propres dont les recettes
provenant des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial se félicite du renforcement des relations, y compris financières, entre le Cerema et les collectivités. Il a le sentiment que la quasi-régie conjointe semble pouvoir constituer une opportunité pour l'opérateur et qu'elle méritait d'être expérimentée. Néanmoins, il considère aussi que son efficacité, dépendante notamment du degré d'appétence des collectivités pour ce régime, restera à confirmer .

3. Le Cerema participe activement à plusieurs programmes du plan de relance
a) Le programme « ponts »

Le Cerema pilote « le programme national ponts » qui propose un appui en ingénierie aux communes . Dans le cadre de ce programme, les communes bénéficiaires disposent localement d'une visite de recensement de leurs ponts par un bureau d'études privé missionné par le Cerema et reçoivent un carnet de santé de chacun de leurs ouvrages. Une évaluation plus précise d'un panel d'ouvrages parmi les plus sensibles est également conduite. Grâce à ce programme, le Cerema pourra mettre à disposition une vision nationale du patrimoine d'ouvrages d'art des petites collectivités. Le Cerema accompagne également l'innovation par l'organisation de l'appel à projets « ponts connectés », également financé par le plan de relance. Le programme national ponts est financé à hauteur de 40 millions d'euros par le plan de relance.

Le programme a été lancé en 2021 , année au cours de laquelle le Cerema a engagé 15,4 millions d'euros et dépensé 4,6 millions d'euros pour sa mise en oeuvre. D'après les prévisions, à la fin de l'année 2022 , le Cerema doit avoir engagé 24 millions d'euros supplémentaires et dépensé 21 millions d'euros.

Au 6 septembre 2022, près de 9 000 communes ont bénéficié d'une visite de recensement, plus de 35 000 ouvrages ont été repérés et 10 000 carnets de santé adressés aux maires. Les recensements en métropole doivent être finalisés d'ici la fin de l'année. Un panel d'ouvrages parmi les plus sensibles va bénéficier d'une deuxième phase, avec des visites préalables et des inspections détaillées. Cette phase a été initiée en avril 2022. Le recensement des ouvrages dans les collectivités outre-mer a par ailleurs démarré à l'été 2022.

b) « France vue sur mer »

Le Cerema porte également le programme « France vue sur mer - sentier du littoral » financé à hauteur de 5 millions d'euros par le plan de relance. Il vise, pour le sentier du littoral à finaliser l'ouverture de tronçons manquants, à en restaurer certains, et à faciliter l'accès libre et gratuit aux littoraux en métropole et en Outre-mer.

À ce titre, le Cerema instruit les projets déposés par les collectivités territoriales maîtres d'ouvrage et verse les subventions décidées en comité de pilotage interministériel.

Compte tenu du succès rencontré, cette opération fait l'objet d'un abondement de 1 million d'euros en 2022 dans le cadre d'une convention avec la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA).

Concernant ce programme, 2,8 millions d'euros ont été engagés et 0,7 million d'euros versés en 2021. En 2022, 2,8 millions d'euros doivent à nouveau être engagés pour des versements effectifs de 2,5 millions d'euros . À l'été 2022, 65 dossiers ont reçu un avis favorable.


* 13 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.

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