SECONDE PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 303 « IMMIGRATION ET ASILE » : DES DÉPENSES D'ASILE QUI CONTINUENT D'AUGMENTER ET UNE POLITIQUE D'ÉLOIGNEMENT DÉFICIENTE

A. LA POURSUITE DE LA HAUSSE DES CRÉDITS CONSACRÉS À L'ASILE

En 2023, les dépenses d'asile, regroupées au sein de l'action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile », continuent de concentrer l'essentiel des dépenses de la mission. Elles représentent 70,9 % des AE et 63,1 % des CP de la mission.

En 2023, les AE de cette action sont en hausse de 36,1 % (+ 502,9 millions d'euros), tandis que les CP baissent légèrement, de 3,2 % (- 42,1 millions d'euros). La hausse des AE est très largement destinée à l'hébergement des demandeurs d'asile, tandis que la baisse des CP est liée à la baisse prévue de la dotation consacrée à l'allocation pour demandeur d'asile, baisse que le rapporteur spécial n'estime d'ailleurs pas réaliste.

La plus grande part des dépenses d'asile de la mission concerne l'hébergement des demandeurs (77,5 % des AE et 66,3 % des CP de l'action en 2023). Les dépenses d'allocation pour demandeur d'asile (ADA) représentent quant à elles 16,6 % des AE et 24,8 % des CP de l'action.

1. La poursuite du développement du parc d'hébergement des demandeurs d'asile

En 2023, la dynamique de création de places d'hébergement pour les demandeurs d'asile se poursuit avec un total de 4 900 places créées (2 500 en CADA 18 ( * ) , 1 500 en CAES 19 ( * ) et en 900 HUDA 20 ( * ) ). En outre, différentes conventions pluriannuelles en matière d'hébergement sont renouvelées, avec un coût budgétaire important en AE. Au total, les crédits dédiés à l'hébergement des demandeurs d'asile augmentent de 77,7 % en AE (+ 643 millions d'euros) et de 13,2 % en CP (+ 98,0 millions d'euros) en 2023 par rapport à 2022, pour atteindre respectivement 1 470,3 millions d'euros et 840,6 millions d'euros.

Par ailleurs, les 2 194 places financées par le plan France Relance jusqu'au 31 décembre 2022 sont pérennisées et les crédits associés intégrés dans la mission « Immigration, asile et intégration ». 986 places relèvent des CAES qui hébergent des demandeurs d'asile et 1 208 places des CPH 21 ( * ) , qui hébergent des réfugiés (programme 104).

Au total, le parc d'hébergement pour demandeurs d'asile pourrait représenter 108 814 places en 2023.

Répartition des autorisations d'engagement par type d'hébergement
des demandeurs d'asile en 2023 (action 02 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » du programme 303 « Immigration et asile »)

a) Une forte hausse des crédits en faveur de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile

Le dispositif d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) désigne la totalité du parc d'hébergement d'urgence dédié, principalement, aux demandeurs d'asile en procédure accélérée et sous procédure Dublin.

Ce parc est composé de différents dispositifs, à savoir : les hébergements d'urgence pour demandeurs d'asile (HUDA) à gestion déconcentrée ; les hébergements du programme d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile (PRAHDA), les centres d'accueil et d'orientation (CAO), des places de « halte de nuit » créées à Paris en 2019 pour des familles en demande d'asile, ainsi que des nuitées hôtelières à titre transitoire.

Les crédits affectés à l'hébergement d'urgence étaient en diminution de 2019 à 2021. Pour 2022, les AE avaient augmenté de 95 % en raison de la reconduction du PRAHDA pour 5 ans.

En 2023, les crédits demandés augmentent de 105,3 % en AE (+ 456,5 millions d'euros, soit 67 % de la hausse des AE de la mission en 2023). Cette hausse est principalement liée cette année au renouvellement pour trois ans des conventions pluriannuelles de l'HUDA. Elle couvre, en outre, la création de 900 nouvelles places en outre-mer et la transformation de 110 places d'HUDA en CADA en Pays-de-la-Loire, ainsi que la revalorisation du coût cible journalier (entre 1,5 et 1,75 euros supplémentaires par jour et par place) afin de prendre en compte, selon le projet annuel de performance de la mission « la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois annoncée par le Premier ministre lors de la conférence des métiers de l'accompagnement social et médico-social du 18 février 2022, ainsi que les conséquences de l'inflation, en particulier pour les dépenses d'énergie et de fluides ».

Les crédits demandés au titre de l'HUDA s'élèvent à 890,0 millions d'euros en AE et à 395,0 millions d'euros en CP (en hausse pour leur part de 12,4 %) . Cette évolution fait craindre un niveau de demande d'asile à attendre en 2023 élevé ; ces crédits pourraient, en outre, se révéler insuffisants, comme en 2018 et 2019.

b) Une forte hausse également des crédits dédiés aux centres d'accueil et d'examen des situations

Les centres d'accueil et d'examen des situations (CAES) proposent un premier accueil aux personnes migrantes , d'où elles débutent leurs démarches administratives, avec une durée d'hébergement fixée à un mois.

Lancés en 2018, leur capacité d'accueil est en hausse constante. Fixée à 2 986 places en 2018, elle devrait atteindre 6 122 places à fin 2023, avec la création de 1 500 places supplémentaires l'année prochaine et la pérennisation des 986 places financées dans le cadre du plan de relance de 2021 à 2022, dont les crédits associés sont intégrés dans la mission « Immigration, asile et intégration ». Ces nouvelles places doivent permettre, selon le projet annuel de performance de la mission « d'accompagner le déploiement par paliers de l'orientation régionale, qui permettra à terme d'orienter 2 500 demandeurs d'asile par mois depuis l'Île-de-France vers les autres régions du territoire. »

Le présent projet de loi de finances prévoit le financement des CAES à hauteur de 202,1 millions d'euros en AE et de 67,3 millions d'euros en CP en 2023, en hausse respective de 321,3 % et de 49,0 % en CP. La hausse est liée d'une part à la création de places supplémentaires et, d'autre part, au rehaussement du coût cible journalier (26,5 euros contre 25 euros hors Ile-de-France et 33,5 euros au lieu de 32 euros en Ile-de-France) afin de prendre en compte la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois et les conséquences de l'inflation 22 ( * ) .

c) Une augmentation des crédits dédiés aux centres d'accueil pour demandeur d'asile

Les centres d'accueil pour demandeur d'asile (CADA) sont des structures spécifiques d'hébergement à destination des demandeurs d'asile . Ils constituent leur principale solution d'accueil, en leur proposant, outre l'hébergement, des prestations d'accompagnement social et administratif. Leur nombre est en augmentation constante : il s'élève à plus de 360 centres en 2022. Plus de 23 000 places ont été créées depuis 2013.

Dans un contexte de hausse constante de la demande d'asile, l'État a engagé un effort soutenu de développement de la capacité d'hébergement des CADA. Le présent projet de loi de finances prévoit l'ouverture de 378,3 millions d'euros en AE et en CP, soit une augmentation de 32,4 millions d'euros par rapport à 2022 (+ 9,4 %).

En 2023, cette dotation permettra le financement du parc, qui sera étendu à 49 242 places après la création de 2 500 places supplémentaires et la transformation de 110 places d'HUDA en CADA dans les Pays-de-la-Loire. Les places seront financées à un coût cible journalier rehaussé de 21 euros (au lieu de 19,50 euros) afin de prendre en compte la revalorisation salariale des travailleurs sociaux de 183 euros nets par mois et les conséquences de l'inflation 23 ( * ) .

2. Une dynamique de création de places d'hébergement qui ne suffit pas à optimiser la prise en charge des demandeurs d'asile, témoignant d'une dynamique insoutenable de l'asile en France

Les efforts budgétaires toujours plus importants consacrés à la création de places d'hébergement des demandeurs d'asile ont pour objectif d'optimiser leur prise en charge, tant du point de vue de leurs besoins essentiels (hébergement, alimentation, etc .) que concernant leur accompagnement social et pour la procédure de demande d'asile.

Or, en dépit de l'augmentation significative du nombre de places d'hébergement, la part des demandeurs d'asile hébergés à titre gratuit demeure faible. Elle est de 58 % en 2021 pour un objectif qui avait été fixé par le Gouvernement à 65 %. Ce résultat est d'autant plus décevant que le nombre de demandeurs d'asile s'était temporairement réduit en 2020.

Par ailleurs, la part des places occupées par des personnes qui ne devraient pas ou plus y séjourner 24 ( * ) se maintient à 16 % en 2021, contre un objectif de 12 %.

Ces éléments témoignent du fait que la dynamique d'asile apparaît insoutenable tant s'agissant des enjeux budgétaires que des conditions matérielles d'accueil des demandeurs d'asile.


* 18 Centres d'accueil pour demandeur d'asile, voir infra .

* 19 Centres d'accueil et d'examen des situations, voir infra .

* 20 Hébergement d'urgence des demandeurs d'asile, voir infra .

* 21 Centres provisoires d'hébergement, voir infra .

* 22 Voir supra .

* 23 Voir supra .

* 24 Sont autorisés à y séjourner les demandeurs d'asile, les bénéficiaires d'une protection dans un délai de six mois maximum après notification de la décision et les déboutés dans un délai d'un mois maximum après notification de la décision. Dans le cas où une solution d'hébergement ou de logement ne peut être trouvée durant cette période, les bénéficiaires de la protection internationale basculent en présence indue.

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