II. DES MESURES DE PROTECTION DU REVENU AGRICOLE À PROLONGER, MAIS AUX EFFETS DE BORD AVÉRÉS

A. LE RELÈVEMENT DE 10 % DU SEUIL DE REVENTE À PERTE : UN ÉCHEC PATENT POUR LA RÉMUNÉRATION DES AGRICULTEURS, MAIS UNE INFLATION AVÉRÉE, BIEN QUE MODÉRÉE

La loi Egalim de 2018 a prévu, à compter de 2019 et jusqu'en 2021 puis jusqu'au 15 avril 2023, le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte pour les produits alimentaires (« SRP+ 10 »). L'objectif alors était de « forcer » les distributeurs à réaliser un minimum de marge sur les produits qu'ils vendaient à prix coûtant (ils en faisaient des produits d'appel) afin qu'ils négocient moins durement les tarifs d'achat des produits agricoles pour que, in fine , le revenu des agriculteurs augmente. Bien que dubitatif quant à ce pari misant sur la bonne volonté des acteurs, le Sénat avait validé la mesure, toute initiative en la matière étant bonne à prendre.

Quatre ans après, le constat ne fait aucun doute, et ses craintes se sont concrétisées : le SRP+ 10 s'est révélé être un chèque en blanc de 600 M€ par an offert à la grande distribution, et un chèque en bois aux agriculteurs. Absolument aucun acteur entendu par la rapporteure, pas même le ministère de l'agriculture, n'a pu affirmer (et encore moins prouver) que cette ponction d'un demi-milliard d'euros dans les poches des consommateurs avait permis d'augmenter le revenu agricole.

En revanche, les effets de bord du SRP+ 10 sont bien réels et documentés : mesure inflationniste (chiffrée à 500 M€ par an environ, et à 1,6 Md€ pour les deux premières années par l'UFC Que Choisir), déclin des PME françaises dans les rayons (les marques nationales étant devenues plus lucratives, les distributeurs leur accordent plus de place), hausse des produits vendus sous marque de distributeur (l'écart de prix avec les marques nationales s'étant accru), pression accentuée sur certaines filières agricoles (les fruits et légumes, le distributeur voulant conserver un « prix psychologique » faible malgré l'obligation de réaliser une marge dessus).

B. L'ENCADREMENT DES PROMOTIONS SUR L'ALIMENTAIRE : UNE MESURE UTILE MAIS DESTRUCTRICE DE VALEUR DANS LE NON-ALIMENTAIRE

La deuxième mesure expérimentale de la loi Egalim, dont le terme est fixé au 15 avril 2023, fixe un plafond, en valeur (34 %) et en volume (25 %), aux promotions pouvant être réalisées sur les produits alimentaires. Son objectif était d'adoucir l'apprêté des négociations sur ces produits, qui se répercutait ensuite en amont sur les agriculteurs, et de mettre fin à la déconnexion entre la valeur du produit consommé et le prix effectivement payé par le consommateur.

Dans l'ensemble, cette mesure a porté ses fruits, et le taux de promotion sur l'alimentaire a effectivement diminué.

Pour autant, elle présente un effet de bord préjudiciable à l'emploi, à l'investissement et à l'innovation dans les territoires : les promotions ont en effet été reportées vers les rayons de la droguerie, de la parfumerie et de l'hygiène (DPH)). Les distributeurs ont ainsi fait de certains de ces produits de nouveaux produits d'appel (« 90 % de remise immédiate sur la carte de fidélité », « un produit acheté, un produit offert », etc.). En moyenne, le taux de remise atteint désormais environ 45 %.

Or ces opérations promotionnelles sont quasi-intégralement financées par les fabricants, c'est-à-dire qu'il leur est demandé de livrer certains produits à un tarif extrêmement faible, les conduisant parfois à produire à perte. Dès lors, en fragilisant ainsi leur trésorerie, l'absence d'encadrement des promotions sur le non-alimentaire fait courir un risque sérieux sur l'emploi, l'investissement et l'innovation dans ces secteurs.

En effet, une grande partie des produits DPH est fabriquée en France, que le propriétaire de la marque soit français ou étranger. En détruisant de la valeur sur le marché français, les promotions « choc » ne peuvent que conduire à des arbitrages financiers préjudiciables à la santé économique du pays.

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