III. UNE PROPOSITION DE LOI AUX MESURES TROP TIMORÉES POUR RÉELLEMENT RESTAURER UNE SYMÉTRIE DANS LES RELATIONS COMMERCIALES

Cette proposition de loi, composée de 15 articles, poursuit plusieurs objectifs :

• prolonger jusqu'au 15 avril 2026 l'expérimentation du SRP+ 10 et de l'encadrement des promotions sur les produits alimentaires (article 2) ;

• lutter contre le phénomène d'« évasion juridique » que peuvent représenter certaines centrales d'achat internationales, en précisant que les dispositions du code de commerce en matière de relations commerciales s'appliquent à toute convention entre un fournisseur et un acheteur lorsque les produits ou services concernés sont commercialisés sur le territoire français, et que seuls les tribunaux français sont compétents pour connaître des litiges en la matière (article 1 er ) ;

• mettre fin à la situation dans laquelle, pendant la durée d'un préavis de rupture, un fournisseur peut être tenu de livrer ses produits à un distributeur au tarif N-1, en prévoyant que si aucun accord n'est trouvé au 1 er mars, ou 1 er avril en cas de médiation, alors la relation commerciale est rompue sans que ne puisse être invoquée la rupture brutale (article 3) ;

• encadrer davantage les pénalités logistiques en fixant directement dans la loi un plafond de leur montant et un plafond du taux de service exigible (articles 3 bis et 3 ter ) ;

• renforcer le cadre de la sanctuarisation des matières premières agricoles dans la négociation commerciale (articles 4 et 4 bis ).

IV. LA COMMISSION A CHOISI DE RÉÉQUILIBRER LE RAPPORT DE FORCE, POUR PROTÉGER EMPLOIS, INVESTISSEMENTS ET CAPACITÉS D'INNOVATION

Si l'intention de cette proposition de loi, et plusieurs de ses dispositions, vont dans le bon sens, la commission a toutefois estimé que le rééquilibrage des relations commerciales entre fournisseur et distributeur nécessitait d'amplifier significativement sa portée. En outre, elle a souhaité corriger plusieurs effets de bord de la loi Egalim.

Les travaux de la rapporteure présentés à la commission ont donc poursuivi les objectifs suivants :

• tirer les conséquences du fait que le SRP+ 10, qui participe à l'inflation de milliers de produits achetés quotidiennement, n'a pas permis d'améliorer le revenu des agriculteurs ;

• trouver un dispositif équilibré permettant d'apaiser les relations entre fournisseurs et distributeurs en cas de désaccord lors des négociations commerciales, tout en préservant le principe de liberté contractuelle ;

• protéger l'emploi, l'investissement et l'innovation dans les secteurs non-alimentaires, aujourd'hui malmenés par les « promos choc » ;

• renforcer le cadre applicable aux pénalités logistiques afin de lutter contre les abus ;

• sécuriser juridiquement les dispositions « autres » de ce texte.

À l'article 2 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure suspendant le SRP+ 10 jusqu'au 1 er janvier 2025 . Face à un dispositif par nature inflationniste, et n'atteignant pourtant pas l'objectif qui lui était fixé, il ne semble pas cohérent de vouloir le prolonger, a fortiori lorsque l'inflation a encore atteint 14 % en janvier 2023 . Toute mesure permettant de rendre du pouvoir d'achat est bonne à prendre, surtout qu'elle concerne ici des achats du quotidien. En outre, les craintes que cette « pause » dans le SRP+ 10 relance la guerre des prix dans l'alimentaire ne semblent pas fondées, compte tenu de l'ensemble des dispositifs protecteurs de la matière première agricole créés par la loi Egalim 2.

La commission a créé, à l'initiative de la rapporteure, un article 2 ter B étendant à tous les produits de grande consommation l'encadrement des promotions, en valeur et en volume, qui existe aujourd'hui pour les seuls produits alimentaires. La situation actuelle fait en effet courir un risque important de destruction de valeur, au détriment de l'emploi, de l'investissement et de l'innovation dans le secteur non-alimentaire. La portée inflationniste de cette mesure est en outre minime : le non-alimentaire représente à peine 20 % de la valeur des produits de grande consommation, il ne fait pas l'objet d'achats quotidiens, et nombre de sous-catégories du non-alimentaire sont aujourd'hui « sous-promues » et pourront donc toujours, demain, faire l'objet de promotions croissantes.

La suspension du SRP+ 10 diminuera les prix bien plus fortement que l'encadrement des promotions non-alimentaires ne les augmentera

La commission a également adopté un amendement de M. Cadec créant un article 2 bis A visant à contraindre fournisseurs et distributeurs à justifier, ligne par ligne, les obligations réciproques auxquelles ils s'engagent dans la convention écrite et qui permettent de diminuer le tarif fournisseur.

À l'article 3 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui prévoit un mécanisme plus souple, de nature à apaiser les tensions, répondant aux craintes exprimées et préservant la liberté des parties au contrat. Cet amendement précise ainsi que le préavis de rupture (et donc le tarif applicable durant cette période) devra désormais tenir compte non seulement de la durée de la relation commerciale, mais également des conditions économiques du marché sur lequel opèrent le fournisseur et le distributeur mettant fin à leurs relations. Ces conditions peuvent, par exemple, être le taux d'inflation, celui du coût des intrants, ou encore, sans que cette liste ne soit exhaustive, la hausse moyenne de tarif acceptée par les distributeurs concurrents, qui ont conclu un accord avec le fournisseur. Pour les produits alimentaires, il est précisé en particulier que le tarif applicable durant le préavis devra respecter le principe de non-négociabilité de la matière première agricole . Cet amendement conserve par ailleurs la possibilité expérimentale pour les parties de saisir le médiateur pour négocier, sous son égide et avant le 1 er avril, les conditions d'un préavis de rupture, étant entendu qu'en cas d'échec, et si une partie saisit le juge, le médiateur peut formuler des recommandations à son intention.

Ce faisant, ce mécanisme évite à la fois les risques de rupture d'approvisionnement (la loi n'autorisant plus la rupture brutale à la fin de la médiation), les risques de livraison à perte (puisque le distributeur ne pourra plus exiger la simple application des conditions antérieures du contrat durant le préavis), et les risques de déréférencement soudain que craignaient les PME (puisqu'un préavis devra toujours être respecté).

Ce triple effet est de nature à apaiser les tensions existantes aujourd'hui, sans restreindre inutilement la liberté contractuelle des parties.

À l'article 3 bis , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui renforce et sécurise l'encadrement des pénalités logistiques . D'une part, il supprime la fixation du taux de service dans la loi, un pourcentage unique ne pouvant être adapté aux milliers de situations différentes rencontrées dans le commerce. D'autre part, il précise davantage l'assiette sur laquelle devra être calculé le montant maximal de 2 % des pénalités logistiques. Par ailleurs, il interdit les pénalités pour des manquements remontant à plus d'un an, et oblige le distributeur à apporter la preuve du manquement et du préjudice subi en même temps qu'il informe le fournisseur dudit manquement. Enfin, il permet au Gouvernement de suspendre l'application de ces pénalités lorsque la désorganisation des chaînes d'approvisionnement touche un ou plusieurs secteurs.

La commission a également adopté un amendement de la rapporteure créant un article 3 bis B , qui précise que la « convention logistique » négociée entre fournisseur et distributeur est un document distinct de la convention générale portant sur le tarif. Ce faisant, et si elles le souhaitent, les parties pourront négocier les aspects logistiques à un autre moment que fin février, dans l'urgence et sans que la discussion n'ait réellement lieu.

La commission a, du reste, adopté deux amendements de MM. Duplomb et Menonville créant un article 3 ter A visant à exclure les grossistes de l'application du régime des pénalités logistiques.

À l'article 4 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui précise que le tiers indépendant doit attester également la méthodologie employée par le fournisseur pour faire le lien entre les évolutions de coût qu'il met en avant et leur impact sur son tarif. L'amendement indique également, explicitement, que l'attestation doit être transmise par le fournisseur au distributeur .

À l'article 5 , la commission a adopté un amendement de la rapporteure et deux amendements de MM. Tissot et Menonville qui suppriment l'habilitation à légiférer par ordonnance pour regrouper les dispositions du code de commerce propres aux grossistes. Rien ne semble justifier, en effet, que ces modifications législatives ne soient pas faites directement par le Parlement.

Tirant les conséquences de ces évolutions, la commission a adopté un amendement de la rapporteure qui modifie l'intitulé de la proposition de loi, cette dernière « tendant à renforcer l'équilibre dans les relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs ».

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